Article

Cour de justice, 29/10/2009, R.D.C.-T.B.H., 2010/5, p. 400-402

Cour de justice 29 octobre 2009

ENERGIE
Electricité - Régulateurs - Marché intérieur de l'électricité - Directive 2003/54/CE - Transposition - Manquement d'état - Compétences de l'autorité de régulation - Refus d'accès au réseau - Fixation ou approbation des méthodologies utilisées pour calculer ou établir les tarifs de transport et de distribution de l'électricité - Eléments déterminants
En ne prévoyant pas que les refus d'accès au réseau de distribution ou de transport d'électricité peuvent être soumis à l'autorité de régulation qui doit alors statuer par voie de décision contraignante dans un délai de deux mois, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 23, paragraphe 5, de la directive.
En attribuant à une autorité autre que l'autorité de régulation la compétence pour définir des éléments déterminants pour le calcul des tarifs en ce qui concerne certaines installations de transport de l'électricité, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 23, paragraphe 2, sous a), de la directive.
ENERGIE
Elektriciteit - Regulatoren - Interne markt voor elektriciteit - Richtlijn 2003/54/EG - Omzetting - Niet-nakoming - Bevoegdheden van de regelgevende instantie - Weigering van de toegang tot het net - Bepaling of goedkeuring van de tariefmethodologie - Determinerende elementen
Door niet te bepalen dat gevallen van weigering van toegang tot het elektriciteitsdistributie- of transportnet kunnen worden voorgelegd aan de regelgevende instantie, die vervolgens binnen twee maanden bij wege van bindende beslissing uitspraak moet doen, is het Koninkrijk België de krachtens artikel 23, lid 5, van de richtlijn op hem rustende verplichtingen niet nagekomen.
Door aan een andere instantie dan de regelgevende instantie de bevoegdheid te verlenen om voor de berekening van de tarieven determinerende elementen te bepalen met betrekking tot bepaalde elektriciteitstransportinstallaties, is het Koninkrijk België de krachtens artikel 23, lid 2, sub a), van de richtlijn op hem rustende verplichtingen niet nagekomen.

Commission européenne / Royaume de Belgique

Siég: J.-C. Bonichot (président), C. Toader (rapporteur) et L. Bay Larsen (juges)
MP: Mengozzi (avocat général)
Pl.: Mes M. Patakia et B. Schima (pour la Commission), C. Pochet, en qualité d'agent et J. Scalais et O. Vanhulst (pour le Royaume de Belgique)
C-474/08

1. Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que:

- en ne prévoyant pas que des cas de refus d'accès au réseau de distribution ou de transport peuvent être soumis à l'autorité de régulation qui statuera par voie de décision contraignante dans un délai de deux mois, conformément à l'article 23, paragraphe 5, de la directive 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2003, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et abrogeant la directive 96/92/CE (JO L 176, p. 37, et rectificatif JO 2004, L 16, p. 74, ci-après la “directive”); et

- en soustrayant certains éléments déterminants pour le calcul des tarifs aux compétences de l'autorité de régulation prévues à l'article 23, paragraphe 2, de la directive,

le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de celle-ci.

Le cadre juridique

(…)

La procédure précontentieuse

(…)

Sur le recours
Sur le premier grief, tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 23, paragraphe 5, de la directive

(…)

Appréciation de la Cour

15. Il y a lieu de relever que l'article 23, paragraphe 5, de la directive prévoit expressément que toute partie ayant un grief à faire valoir contre un gestionnaire du réseau de l'électricité peut introduire une plainte, notamment sur les conditions et les tarifs de connexion, devant l'autorité de régulation, qui, agissant en tant qu'autorité de règlement du litige, doit prendre une décision dans un délai de deux mois.

16. Aux fins de la transposition de cette disposition, les réglementations nationales doivent prévoir un tel droit de recours contre les gestionnaires du réseau ainsi que l'encadrement de la compétence de ladite autorité en matière de règlement de ces différends.

17. En l'occurrence, les dispositions nationales invoquées par le Royaume de Belgique se limitent à attribuer à la CREG, qui a été désignée en tant qu'autorité de régulation, un pouvoir de contrôle et de surveillance sur l'application de la réglementation en matière, notamment, d'accès au réseau et de méthodes d'allocation de la capacité d'interconnexion, sans reconnaître expressément le droit de présenter des plaintes contre les gestionnaires du réseau devant ladite autorité.

18. Cette mission générale de contrôle n'implique cependant pas nécessairement que la CREG soit dotée de la compétence pour prendre des décisions à caractère obligatoire dans les litiges nés des plaintes à l'encontre des décisions des gestionnaires de réseau.

19. En outre, ainsi qu'il a été relevé par la Commission, selon une jurisprudence constante de la Cour, si la transposition d'une directive n'exige pas nécessairement une reprise formelle et textuelle des dispositions de celle-ci dans une disposition légale expresse et spécifique et peut se satisfaire d'un contexte juridique général, il est cependant nécessaire que ce contexte juridique soit suffisamment clair et précis pour que les bénéficiaires soient mis en mesure de connaître la plénitude de leurs droits et, le cas échéant, de s'en prévaloir devant les juridictions nationales (voir, notamment, arrêts du 15 novembre 2001, C-49/00, Commission / Italie, Rec. p. I-8575, point 21 et du 16 juillet 2009, C-554/07, Commission / Irlande, non encore publié au Recueil, point 60).

20. Dès lors que la directive prévoit l'attribution d'un droit de recours aux parties ayant un grief à faire valoir, une telle attribution doit ressortir de manière claire et non équivoque de la législation nationale.

21. En outre, la disposition nationale, invoquée par le Royaume de Belgique et portant sur le contrôle judiciaire des décisions de la CREG, est sans pertinence à cet égard. En effet, le caractère contraignant des actes de la CREG ainsi que le fait que ces actes puissent faire l'objet d'un recours juridictionnel ne démontrent pas que cette autorité exerce le rôle de règlement des différends prévu à l'article 23, paragraphe 5, de la directive.

22. De même, la circonstance que la chambre des représentants ait approuvé un projet de loi qui modifie la loi sur l'électricité en prévoyant la constitution, au sein de la CREG, d'une chambre des litiges ne peut être prise en considération par la Cour, dès lors que, selon une jurisprudence constante, l'existence d'un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l'État membre telle qu'elle se présentait au terme du délai fixé dans l'avis motivé (voir, notamment, arrêts du 27 octobre 2005, C-23/05, Commission / Luxembourg, Rec. p. I-9535, point 9 et du 27 septembre 2007, C-115/07, Commission / République tchèque, point 9).

23. Il convient en conséquence de constater que, en ne prévoyant pas que les refus d'accès au réseau de distribution ou de transport d'électricité peuvent être soumis à l'autorité de régulation qui doit alors statuer par voie de décision contraignante dans un délai de deux mois, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 23, paragraphe 5, de la directive.

Sur le second grief, tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 23, paragraphe 2, de la directive

(…)

Appréciation de la Cour

27. Il y a lieu de rappeler que la directive prévoit, à son article 23, paragraphe 2, sous a), qu'il revient aux autorités de régulation de fixer ou d'approuver au moins les méthodologies utilisées pour calculer ou établir les tarifs de transport et de distribution de l'électricité.

28. La loi sur l'électricité prévoit, à son article 12novies, ainsi que cela a été exposé précédemment, que le Roi peut définir des règles particulières relatives à la détermination des amortissements et de la marge bénéficiaire en ce qui concerne les installations de transport de l'électricité reconnues comme étant d'intérêt national ou d'intérêt européen.

29. Il convient de constater que, dans un tel contexte, l'intervention du Roi dans la détermination d'éléments importants pour la fixation des tarifs, tels que la marge bénéficiaire, soustrait à la CREG les compétences de réglementation qui, en vertu de l'article 23, paragraphe 2, sous a), de la directive, devraient lui revenir.

30. La circonstance, soulignée par le Royaume de Belgique, qu'il incombe toujours à la CREG, même à l'égard de ces installations de transport, d'approuver les tarifs proposés par les gestionnaires de réseau est sans pertinence en l'espèce. En effet, l'attribution desdits pouvoirs au Roi réduit l'étendue des compétences conférées à l'autorité de régulation par la directive, dès lors que, dans l'approbation des tarifs, la CREG est liée par les règles particulières sur la détermination des amortissements et de la marge bénéficiaire établies par le Roi.

31. Il convient en conséquence de constater que, en attribuant à une autorité autre que l'autorité de régulation la compétence pour définir des éléments déterminants pour le calcul des tarifs en ce qui concerne certaines installations de transport de l'électricité, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 23, paragraphe 2, sous a), de la directive.

(…)

Par ces motifs, la Cour (6ème chambre) déclare et arrête:

1) Le Royaume de Belgique,

- en ne prévoyant pas que des cas de refus d'accès au réseau de distribution ou de transport d'électricité peuvent être soumis à l'autorité de régulation qui doit alors statuer par voie de décision contraignante dans un délai de deux mois, conformément aux dispositions de l'article 23, paragraphe 5, de la directive 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et abrogeant la directive 96/92/CE; et

- en attribuant à une autorité autre que l'autorité de régulation la compétence pour définir des éléments déterminants pour le calcul des tarifs, en ce qui concerne certaines installations de transport de l'électricité, contrairement aux dispositions de l'article 23, paragraphe 2, sous a), de la directive 2003/54/CE,

a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.

2) Le Royaume de Belgique est condamné aux dépens.

(…)