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Pratiques du commerce – Généralités, R.D.C.-T.B.H., 2010/3, p. 283-284

PRATIQUES DU COMMERCE

Généralités

Projet de loi relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur

Le 28 décembre 2009, le Gouvernement a déposé à la Chambre un projet de loi “relatif aux pratiques du marché et à la protection du consommateur”, qui vise à réformer de manière globale la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et l'information et la protection du consommateur [1]. De l'aveu de ses auteurs, ce projet poursuit un objectif double: d'une part, garantir la loyauté entre entreprises et assurer la protection des entreprises les plus faibles et d'autre part, garantir les intérêts du consommateur en veillant à ce qu'il reçoive une information suffisante, appropriée et correcte.

Tout en déclarant se conformer à la directive 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs, les auteurs du projet n'entendent pas limiter le champ de la réforme aux seules pratiques commerciales. Le projet vise à appréhender l'ensemble des pratiques qui se déroulent sur le marché, raison pour laquelle l'intitulé du projet ne vise pas les pratiques du commerce mais les 'pratiques du marché'.

S'inspirant de la loi sur la protection de la concurrence économique, le projet de loi remplace la notion centrale de 'vendeur' contenue dans la loi sur les pratiques du commerce par celle d''entreprise', entendue comme “toute personne physique ou personne morale poursuivant de manière durable un but économique, y compris ses associations”. La concordance avec la loi sur la protection de la concurrence économique n'est toutefois pas parfaite, étant donné que les auteurs du projet de loi ont procédé à l'ajout des termes “y compris ses associations”, ce qu'avait relevé le Conseil de la consommation dans son avis du 6 novembre 2008.

Reconnaissant par ailleurs que de nombreuses règles contenues dans la loi sur les pratiques du commerce n'étaient plus adaptées aux pratiques du marché actuelles, le projet entend modifier la réglementation de plusieurs pratiques de vente. Selon ses auteurs, le projet vise à éliminer les entraves inutiles aux échanges commerciaux ainsi afin de rendre la réglementation plus conforme au marché.

Parmi les pratiques de vente modifiées en profondeur figurent les offres conjointes. A la suite de l'arrêt VTB-VAB du 23 avril 2009 de la Cour de justice, l'interdiction de principe des offres conjointes est levée. L'article 81 précise expressément que celles-ci sont désormais autorisées, pour autant qu'elles ne constituent pas une pratique commerciale déloyale. L'offre conjointe de services financiers, par contre, reste interdite (art. 82).

Malgré le champ d'application particulièrement large de la notion de pratique commerciale au sens de la directive 2005/29/CE [2], les auteurs du projet soulignent que selon eux, il n'est pas 'absolument' établi que la réglementation des annonces de réduction de prix, des périodes d'attente, des ventes en liquidation, soldes ou encore ventes publiques - réglementations adoptées à la fois dans un souci de protection du consommateur et des concurrents - seraient contraire à la directive. Ces pratiques continuent à être réglementées dans le projet de loi, mais des modifications sont apportées sur plusieurs plans. Ainsi, par exemple, la durée de la période d'attente pour les soldes est réduite et les règles relatives aux annonces de réductions de prix et aux bons de valeur sont simplifiées. Le lecteur comparera à cet égard le point de vue des auteurs du projet de loi avec d'une part, l'arrêt Plus rendu ce 14 janvier 2010 par la Cour de justice de l'Union Européenne et d'autre part, les lignes directrices de la Commission européenne sur la transposition de la directive 2005/29/CE, adoptées le 3 décembre 2009 [3]. Dans l'arrêt Plus, commenté dans la présente rubrique, la Cour décide ainsi que ne sont exclues du champ d'application de la directive “que les législations nationales relatives aux pratiques commerciales déloyales qui portent atteinte 'uniquement' aux intérêts économiques de concurrents ou qui concernent une transaction entre professionnels” [4]. Dans ses lignes directrices, la Commission européenne vise par ailleurs expressément le cas de réglementations qui entendent à la fois à protéger le consommateur et la concurrence, en estimant que de telles réglementations, malgré leur objectif hybride, relèvent par contre bel et bien du champ d'application de la directive [5].

La réglementation de la vente à perte est également maintenue, moyennant quelques aménagements tels que la suppression des ventes à pertes dites 'assimilées'. S'agissant de cette réglementation, les auteurs du projet sont là d'avis qu'elle ne peut “absolument pas être considérée comme une pratique commerciale déloyale visée par la directive 2005/29/CE”. Là encore, ce point de vue pourra être utilement mis en parallèle avec les lignes directrices de la Commission, pour qui une telle réglementation ne relève pas du champ d'application de la directive, dès lors que sa seule ratio legis est d'assurer une concurrence loyale sur le marché et non une meilleure protection du consommateur.

Malgré la complexité de la matière et les discussions approfondies que le projet nécessite, le Gouvernement a sollicité de la Chambre des représentants le bénéfice de l'urgence en application de l'article 80 de la Constitution, et les délais d'évocation et d'examen du projet ont été raccourcis. On peut donc s'attendre à ce que le projet soit adopté et que la loi entre en vigueur dans les tout prochains mois.

[1] Nous avions déjà relevé l'adoption de l'avant-projet de loi en juillet 2009.
[2] Nous renvoyons à cet égard le lecteur à l'arrêt Plus du 14 janvier 2010 rendu par la Cour de justice de l'Union européenne, qui est commenté dans la présente rubrique.
[3] Guidance on the implementation / application of directive 2005/29/EC on unfair commercial practices, 3 décembre 2009.
[4] Point 39 de l'arrêt.
[5] La Commission cite à cet égard comme exemples des mesures réglementant la manière de présenter des réductions de prix au consommateur pendant les périodes de soldes, ainsi que des mesures visant à assurer la transparence de l'information en période de soldes.