Cour d'appel de Liège 6 décembre 2007
FAILLITE
Effets - Obligations - Compensation - Compensation après faillite entre la demande de libération du capital et le compte courant de l'associé
Aucune disposition légale n'interdit à un actionnaire, tenu de payer le solde de sa souscription au capital, de se libérér de cette dette par compensation avec une créance dont il est titulaire à l'égard de la société.
Lorsque survient une situation de concours, telle que la faillite, cette compensation ne peut plus produire effet, sauf lorsqu'il existe entre les créances réciproques une étroite connexité.
Tel est le cas lorsque le compte courant créditeur provient d'avances faites par l'associé en vue de mettre à disposition de la société des fonds nécessaires à la poursuite de son activité commerciale, ce qui correspond à la même finalité que la libération du capital, encore que le degré d'immobilisation des sommes soit différent. En revanche, ne participe pas d'une opération économique globale, d'une part, la libération du capital et, d'autre part, l'inscription en compte courant de la rémunération de l'associé pour ses prestations au sein de la société, de la contrepartie de fournitures quelconques ou encore d'une créance de loyers.
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FAILLISSEMENT
Gevolgen - Verbintenissen - Schuldvergelijking - Schuldvergelijking na faillissement tussen vordering tot volstorting van het kapitaal en rekening-courant van de vennoot
Geen wettelijke bepaling verbiedt een aandeelhouder, die ertoe gehouden is het saldo van het maatschappelijk kapitaal waarop hij inschreef vol te storten, zich te bevrijden door schuldvergelijking met een vordering die hij heeft op de vennootschap.
Na het ontstaan van een samenloop, zoals in geval van faillissement, is schuldvergelijking slechts mogelijk indien tussen de wederzijdse schulden een nauwe band bestaat.
Dit is het geval indien de ingeroepen vordering bestaat uit voorschotten van de vennoot aan de vennootschap met het oog op het terbeschikkingstellen van gelden noodzakelijk om haar activiteit verder te zetten, wat dezelfde finaliteit heeft als de volstorting, ofschoon de graad van beschikbaarheid van de gelden verschilt. Er bestaat echter geen economische verknochtheid tussen de volstorting van het kapitaal en de inschrijving op rekening-courant van aan de vennoot toekomende bezoldigingen of bedragen die hem toekomen voor door hem gedane leveringen of aan hem verschuldigde huurgelden.
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A.R. / V. Dury, en qualité de curateur à la faillite de la SPRL Arnoud et Wilkin
Siég.: R. de Francquen (président), X. Ghuysen et M.-C. Ernotte (conseillers) |
Pl.: Mes M.-E. Bouillon loco J.-Ch. Mottet et V. Dury q.q. |
(…)
Par requête du 11 décembre 2006, A.R. interjette appel du jugement du tribunal de commerce de Neufchâteau du 21 novembre 2006.
Les faits de la cause ont été présentés par les premiers juges. Bien qu'aucune pièce ne soit produite, il n'est pas contesté que A.R. était le gérant et l'associé à concurrence de 50% de la SPRL Arnould & Wilkin, laquelle est déclarée en faillite par jugement du tribunal de commerce de Neufchâteau du 7 février 2006.
Le capital social d'un montant de 18.550 EUR n'a été libéré qu'à concurrence de 7.450 EUR de sorte que la curatelle réclame à A.R. la moitié du solde du capital à libérer, soit 5.550 EUR, somme qui lui est allouée par les premiers juges.
Discussion |
L'appelant s'oppose à la demande de la curatelle en invoquant la compensation au motif qu'il serait créancier de la société faillie pour 26.853,39 EUR (requête d'appel, p. 3).
Il considère tout d'abord inexactement que les conditions de la compensation - qu'il qualifie alors erronément de judiciaire - étaient réunies avant la survenance de la faillite “les deux dettes réciproques (non libération de capital à concurrence de 5.550 EUR et compte courant créditeur à concurrence de 26.853,39 EUR) sont certaines, liquides et exigibles antérieurement à la faillite” (requête d'appel, p. 3). L'appelant n'établit en effet pas que la créance de libération de capital était exigible avant la survenance de la faillite: à défaut de stipulation particulière des statuts, non invoquée en l'espèce, c'est l'organe de gestion qui décide de l'appel de fonds (Liège 3 février 2003, JLMB 2003, p. 1283 ; P. Henfling, “Capital non libéré” in Droit de la faillite: actualités 2005, p. 83). Si aucun formalisme particulier n'est imposé au gérant, encore faut-il que la décision soit certaine “(...) pour les SPRL et les SC, c'est le gérant qui décide de l'appel des fonds. Faut-il être formaliste au point d'exiger la production d'une décision du gérant ou d'une lettre qu'il s'adresserait à lui-même? Nous ne le pensons pas, pour autant qu'il soit possible de déterminer a posteriori que la décision de libérer le capital est bien intervenue in tempore non suspecto” (P. Henfling, o.c., p. 83). En l'espèce, l'appelant n'invoque, ni a fortiori n'établit, l'existence d'un appel de fonds antérieur à la faillite.
Même si “aucune disposition légale n'interdit à un actionnaire, tenu de payer le solde de sa souscription au capital, de se libérer de cette dette par compensation avec une créance dont il est titulaire à l'égard de la société” (Cass. 25 septembre 2006, C050487F), il reste que cette compensation ne peut plus, en vertu de l'article 1298 du Code civil, produire effet lorsque survient une situation de concours, telle que la faillite, sauf lorsqu'il existe entre les créances réciproques une étroite connexité, l'appréciation de celle-ci relevant du pouvoir souverain du juge (Cass. 2 septembre 1982, Pas. 1983, I, p. 3).
Si l'appelant affirme l'existence d'un lien de connexité entre la dette de libération de capital et sa créance en compte courant “déjà pour un simple motif d'équité” (requête d'appel, p. 3), seule la consistance du compte courant, telle qu'elle doit apparaître de son historique, permet au juge d'apprécier in concreto si les opérations litigieuses présentent un rapport étroit en ce qu'elles participent d'une même finalité et peuvent être qualifiées de connexes. Un tel lien existe assurément lorsque le compte courant créditeur provient d'avances faites par l'associé en vue de mettre à disposition de la société des fonds nécessaires à la poursuite de son activité commerciale, ce qui correspond à la même finalité que la libération du capital, encore que le degré d'immobilisation des sommes soit différent. En revanche, ne participe pas d'une opération économique globale, d'une part, la libération du capital et, d'autre part, l'inscription en compte courant de la rémunération de l'associé pour ses prestations au sein de la société, de la contrepartie de fournitures quelconques ou encore d'une créance de loyers.
Alors que l'appelant a été invité à déposer l'historique de son compte courant, celui-ci se borne à déposer deux documents intitulés “détail postes comptables” pour les années 2003 et 2004, lesquels font apparaître, pour l'année 2004, un solde de compte courant de 23.583,19 EUR, montant repris au titre du compte courant dans la balance générale imprimée le 24 janvier 2006, mais ne comportant aucune date quant à la période couverte, et déposée à l'appui de l'aveu de faillite. Il doit en être déduit, soit que le compte courant n'a subi aucun mouvement au cours de l'année 2005, soit que la comptabilité n'a plus été tenue pour l'année 2005.
La réponse à cette question est importante puisque, en l'absence éventuelle de comptabilité pour l'année 2005, la cour ignore si des mouvements, en crédit ou en débit, ont affecté ledit compte courant. Il y a dès lors lieu d'inviter l'appelant à prendre position à cet égard en fournissant tout document probant. A cette occasion, l'appelant justifiera la différence entre le montant du compte courant de 23.583,19 EUR et la créance revendiquée de 26.853,39 EUR.
Dans cette même perspective, la curatelle est invitée à faire savoir si elle a contesté la déclaration de créance faite par l'appelant le 9 août 2006 pour 21.303,39 EUR, ce montant correspondant au montant de la créance revendiquée de 26.853,39 EUR réduite de 5.550 EUR au titre de libération.
Par ces motifs:
La cour, statuant contradictoirement,
Reçoit l'appel,
Avant dire droit plus avant, ordonne la réouverture des débats aux fins mentionnées aux motifs du présent arrêt,
Fixe jour et heure, quant à ce, à l'audience du 24 janvier 2008 à 9 heures 30' date à laquelle les parties seront invitées à débattre de la mise en état de la cause ou à plaider si la cause est en état.
Réserve à statuer quant au surplus et aux dépens.
(…)