Tribunal de commerce de Charleroi 2 janvier 2008
FAILLITE
Effets - Droits des créanciers - Paiement effectué après la faillite - Gage sur les créances du failli - Opposabilité à la masse - Clause de compensation
L'établissement de crédit qui bénéficie, en vertu de conditions générales qui ont été rendues opposables à son client en temps utile, d'une clause de compensation, est fondé à l'invoquer, en cas de faillite dudit client, pour solliciter la compensation de sa créance résultant d'une ouverture de crédit consentie au failli avec la créance dont celui-ci dispose vis-à-vis d'un tiers et qui, née avant la déclaration de faillite, a été payée postérieurement à celle-ci: il est en effet satisfait, concernant cette dernière créance, à la condition d'antériorité posée par l'article 14 de la loi relative aux sûretés financières, qui régit l'opposabilité aux tiers de ce genre de clause.
SURETES
Sûreté rélle - Gage commercial - Gage sur créances - Paiement effectué par un tiers sur le compte du failli, postérieurement à la faillite - 1° Gage sur les créances du failli - Opposabilité à la masse (oui) - 2° Clause de compensation - Opposabilité à la masse - Condition d'antériorité de la créance (oui)
Lorsque, dans ses conditions générales de crédit, l'établissement de crédit se fait consentir un gage général sur toutes les créances du crédité à l'égard de tiers, ledit droit de gage s'applique aux créances qui existent au jour de la faillite du crédité et que le débiteur n'a payées que postérieurement à celle-ci.
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FAILLISSEMENT
Gevolgen - Rechten van de schuldeisers - Betalingen gedaan na faillissement - Pand op schuldvorderingen van de gefailleerde - Tegenwerpelijkheid aan de boedel - Beding van schuldvergelijking
De kredietinstelling in wiens voordeel een schuldvergelijkingsclausule werd bedongen in algemene voorwaarden die aan haar klant ten gepaste tijde tegenwerpelijk werden gemaakt, is ertoe gerechtigd deze clausule in te roepen in geval van faillissement van de klant, om de schuldvergelijking te eisen van haar schuldvordering tegenover de gefailleerde, voortkomend uit een kredietopening, met de schuldvordering waarover laatstgenoemde beschikt tegen een derde en die ontstaan is voor de faillietverklaring, doch pas na deze laatste werd betaald: deze laatste schuldvordering voldoet immers aan de anterioriteitsvoorwaarde opgelegd door artikel 14 van de wet betreffende de financiële zekerheden, dat de tegenwerpelijkheid aan derden van dergelijke clausules regelt.
ZEKERHEDEN
Zakelijke zekerheid - Handelspand - Pand op schuldvorderingen - Betaling verricht door een derde op de rekening van de gefailleerde, na het faillissement - 1° Pand op de schuldvorderingen van de gefailleerde - Tegenwerpelijkheid aan de boedel (ja) - 2° Schuldvergelijkingsclausule - Tegenwerpelijkheid aan de massa - Voorwaarde van het voorafbestaan van de schuldvordering (ja)
Wanneer de kredietinstelling zich in haar algemene kredietvoorwaarden een pand laat toekennen op al de schuldvorderingen van de kredietnemer ten opzichte van derden, wordt het pandrecht gevestigd op de schuldvorderingen die op de dag van het faillissement van de kredietnemer bestaan en die de schuldenaar pas na het faillissement heeft betaald.
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SA Fortis Banque / X.-E. Born q.q. faillite SPRL Construction Générale Bâtiments
Siég.: E. Felten (juge), W. Vilain et D. Harnisfeger (juges consulaires) |
Pl.: Mes J.-P. Buyle, B. Dessart et G. Bourguignon |
Le tribunal, après avoir délibéré de la cause, rend ce jour le jugement suivant:
I. | Procédure |
Vu, produites, en forme régulière, les pièces de procédure légalement requises et notamment:
Vu la déclaration de créance de la SA Fortis Banque à la faillite de la Construction Générale Bâtiments et parvenue, au greffe du tribunal de commerce de céans, le 13 novembre 2006;
Vu les conclusions prises au nom de la SA Fortis Banque et déposées, au greffe du tribunal de commerce de céans, le 31 juillet 2007 ainsi que les conclusions additionnelles et de synthèse déposées, au greffe du tribunal de commerce de céans, le 12 octobre 2007;
Vu les conclusions prises par maître Xavier-Eric Born, en sa qualité de curateur à la faillite de la SPRL Construction Générale Bâtiments, et déposées, au greffe du tribunal de commerce de céans, le 8 mai 2007 ainsi que les conclusions additionnelles déposées, au greffe du tribunal de commerce de céans, le 24 août 2007;
Vu les dossiers déposés respectivement au nom de la SA Fortis Banque et au nom de maître Xavier-Eric Born, en sa qualité de curateur à la faillite de la SPRL Construction Générale Bâtiments, à l'audience publique du 29 novembre 2007;
Ouï les conseils de la SA Fortis Banque ainsi que maître Gaëtan Bourguignon pour son confrère maître Xavier-Eric Born, en sa qualité de curateur à la faillite de la SPRL Construction Générale Bâtiments, à l'audience publique du 29 novembre 2007;
Attendu que les débats ont été clos et la cause prise en délibéré à l'audience publique du 29 novembre 2007;
Vu les dispositions de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire, l'usage de la langue française ayant été fait.
III. | Objet des demandes |
Par une déclaration de créance de la SA Fortis Banque à la faillite de la SPRL Construction Générale Bâtiments et parvenue, au greffe du tribunal de commerce de céans, le 13 novembre 2006, celle-ci sollicite son admission au passif de la faillite à concurrence de la somme de 37.568,53 EUR.
Par voie de conclusions déposées au greffe du tribunal de commerce de céans, le 31 juillet 2007, la SA Fortis Banque modifie, complète et précise sa demande d'admission de créance en ce qu'elle tend actuellement à entendre admettre la créance de la SA Fortis Banque, inscrite sous le numéro 13, au passif de la SPRL Construction Générale Bâtiments en faillite pour un montant de 32.387,70 EUR, somme résultant de la déduction du montant de 5.180,83 EUR ainsi que d'entendre lui accorder le bénéfice de son droit de gage portant sur toutes créances actuelles et futures de la SPRL Construction Générale Bâtiments en faillite. La SA Fortis Banque sollicite encore d'entendre condamner maître Xavier-Eric Born, en sa qualité de curateur à la faillite de la SPRL Construction Générale Bâtiments, aux entiers dépens de l'instance, en ce compris l'indemnité de procédure.
Par voie de conclusions déposées au greffe du tribunal de commerce de céans, le 8 mai 2007, maître Xavier-Eric Born, en sa qualité de curateur à la faillite de la SPRL Construction Générale Bâtiments, sollicite, quant à la demande d'admission au passif de la faillite, d'entendre admettre la créance de la SA Fortis Banque, inscrite sous le numéro 13, au passif chirographaire de la faillite pour le montant déclaré de 37.568,53 EUR.
Egalement par voie de conclusions déposées au greffe du tribunal de commerce de céans, le 8 mai 2007, maître Xavier-Eric Born, en sa qualité de curateur à la faillite de la SPRL Construction Générale Bâtiments, forme une demande reconventionnelle qui tend à entendre condamner la SA Fortis Banque, à payer à la curatelle la somme en principal de 5.180,83 EUR, à augmenter des intérêts moratoires au taux légal depuis la mise en demeure, soit depuis le 14 novembre 2006, en suite des intérêts judiciaires à dater du dépôt des présentes conclusions.
Maître Xavier-Eric Born, en sa qualité de curateur à la faillite de la SPRL Construction Générale Bâtiments, sollicite également d'entendre octroyer le bénéfice de l'exécution provisoire.
Par voie de conclusions déposées au greffe du tribunal de commerce de céans, le 31 juillet 2007, la SA Fortis Banque sollicite d'entendre déclarer non fondée la demande reconventionnelle et ce dans tous ses chefs.
III. | Faits et rétroactes |
Selon les termes d'un courrier daté du 8 juillet 2005, la SA Fortis Banque octroie un crédit de caisse à la SPRL Construction Générale Bâtiments pour un montant de 25.000 EUR, utilisable en compte n° 001-4324897-34.
Afin de garantir les obligations de la SPRL Construction Générale Bâtiments, la SA Fortis Banque se fait consentir:
- un cautionnement solidaire et indivisible du sieur Michel De Block et de la damne Martine Befay, à concurrence de 37.500 EUR, à majorer des intérêts et accessoires
- un cautionnement solidaire et indivisible du sieur Francesco Faranna, à concurrence de 37.500 EUR à majorer des intérêts et accessoires.
Selon les termes d'un jugement prononcé par la première chambre du tribunal de commerce de céans (autrement composé), le 23 octobre 2006, la faillite de la SPRL Construction Générale Bâtiments a été déclarée ouverte sur citation. Entre autres dispositions, le tribunal de commerce de céans a désigné comme juge-commissaire, monsieur le juge Marcel Balsat et comme curateur maître Xavier Born.
Selon les termes d'un courrier daté du 7 novembre 2006 et reçu en date du 3 novembre 2006 au greffe du tribunal de commerce de céans, la SA Fortis Banque adresse, par pli recommandé, sa déclaration de créance à la faillite de la SPRL Construction Générale Bâtiments et fait état, d'une part, d'une créance d'un montant de 37.568,53 EUR et, d'autre part, des deux sûretés personnelles dont elle bénéfice.
La Fortis Banque adresse, également par un courrier daté du 7 novembre et expédié par recommandé, copie de cette déclaration aux trois personnes précitées qui se sont portées cautions des engagements de la SPRL Construction Générale Bâtiments et la SA Fortis Banque les met en demeure de rembourser un montant de 37.500 EUR, à majorer de 14,49 EUR par jour à dater du 8 novembre 2006. La SA Fortis Banque donne à savoir que l'ensemble de ces courriers ne seront pas réclamés par leurs destinataires et lui seront renvoyés.
Par un courrier daté du 9 novembre 2006, la SA Fortis Banque écrit à maître Xavier Born, en sa qualité de curateur à la faillite de la SPRL Construction Générale Bâtiments, en ces termes:
Veuillez trouver en annexe copie de la déclaration de créance à la faillite susmentionnée que nous adressons ce jour au greffe du tribunal de commerce de Charleroi.
Pouvez-vous nous informer sur nos possibilités éventuelles d'obtenir un dividende?
En date du 25 octobre 2006, nous avons enregistré sur le compte n° 001-4324897-34 un versement de 5.180,83 EUR de la part de BCI, communication Saldo Factures 0884/05 et 0893/05.
Ce montant est venu en déduction de notre créance.
Pourriez-vous nous préciser s'il existe une inscription sur le fonds de commerce de la société faillie?
Par ailleurs, il existe une garantie locative de 1.350,00 EUR déposée sur le compte n° 035- 5203301-68.
En annexe, une convention du 3 novembre 2005 qui nous est parvenue et qui prévoit le remboursement des 1.350,00 EUR au profit du bailleur. Êtes-vous d'accord?
Dans l'attente de vous lire, nous vous prions de croire, maître, à nos considérations distinguées.”
Le 14 novembre 2006, maître Xavier Born, en sa qualité de curateur à la faillite de la SPRL Construction Générale Bâtiments, fait parvenir la réponse suivante à la SA Fortis Banque:
“J'ai bien reçu votre lettre de ce 9 novembre.
J'ignore si une autre institution bancaire a pris inscription sur le fonds de commerce; je n'ai pas encore toutes les déclarations de créance.
Je ne peux évidemment pas accepter que vous conserviez le montant de 5.180,83 EUR, dont le compte a été crédité après faillite.
Je vous prie de bien vouloir reverser ce montant à mon compte n° 630- avec la même communication BCI.
Cette demande constitue une mise en demeure pour autant que de besoin.
Quant au montant de la garantie locative de 1.350 EUR, je m'oppose à son déblocage pour l'instant.
Je dois évidemment prendre connaissance du dossier locatif.
Je constate d'ailleurs que la convention que vous annexez est signée le 3 novembre 2006, soit après faillite, et n'est donc pas opposable à la curatelle.
Je vous prie de croire, Messieurs, en l'assurance de ma considération distinguée.”
Par un courrier daté du 22 novembre 2006, la SA Fortis Banque expose à maître Xavier Born, en sa qualité de curateur à la faillite de la SPRL Construction Générale Bâtiments, les raisons qui justifient, selon elle, que le montant porté au crédit du compte de la société faillie Construction Générale Bâtiments soit venu en déduction de sa créance. Elle écrit notamment:
“Comme nous vous l'avions communiqué dans notre précédente correspondance, en date du 25 octobre 2006, nous avons enregistré sur le compte n° 001-4324897-34 un versement de 5.180,83 EUR de la part de BCI, communication Saldo Factures 0884/05 et 0893/05.
Par conséquent, ce montant est venu en déduction de notre créance en vertu des articles 14 et 15 de la loi du 15 décembre 2004 relative aux sûretés financières et de l'article 5 des conditions générales des ouvertures de crédits aux entreprises de Fortis Banque.”
Faisant suite à une demande de maître Xavier Born, en sa qualité de curateur à la faillite de la SPRL Construction Générale Bâtiments, la SA Fortis Banque lui communique, par courrier daté du 4 décembre 2006, une copie de l'article 5 des conditions générales des ouvertures de crédits aux entreprises.
Par une lettre datée du 7 décembre 2006, maître Xavier Born, en sa qualité de curateur à la faillite de la SPRL Construction Générale Bâtiments, confirme son refus de ce que la SA Fortis Banque conserve le montant versé au crédit du compte n° 001-4324897-34 de la société faillite. Maître Xavier Born, en sa qualité de curateur à la faillite de la SPRL Construction Générale Bâtiments, écrit notamment:
“Je vous confirme mon désaccord total pour que vous conserviez la somme de 5.180,83 EUR versée sur le compte après déclaration de faillite par un client.
Je vous somme de verser cette somme au compte de la faillite n° 630-4010990-02.
Vous ne disposez d'aucun gage sur fonds de commerce qui justifierait cette retenue.
Il va de soi qu'à défaut d'accord de votre part, je contesterai votre créance, introduirai une demande reconventionnelle et ferai trancher par le tribunal ce litige”.
Cette lettre, apparemment envoyée avant la réception du courrier de la Fortis Banque du 4 décembre 2006 et de son annexe, sera suivie d'une autre datée du 8 décembre 2006 ou maître Xavier Born, en sa qualité de curateur à la faillite de la SPRL Construction Générale Bâtiments sollicite diverses informations.
Par un courrier daté du 28 décembre 2006, la SA Fortis Banque conteste la position adoptée par maître Xavier Born, en sa qualité de curateur à la faillite de la SPRL Construction Générale Bâtiments. La SA Fortis Banque fait valoir en ce courrier que:
“Nous maintenons notre position quant au montant de 5.180,83 EUR que nous avons enregistré après faillite en vertu de l'article 5 des conditions générales des ouvertures de crédits aux entreprises et des articles 14 et 15 de la loi sur les sûretés financières du 15 décembre 2004.
Les articles 14 et 15 précités précisent que la compensation est possible nonobstant une situation de concours si la créance et la dette à compenser existent à l'ouverture de cette situation de concours. En l'espèce, les créances existaient bel et bien à la faillite: les 5.180,83 EUR consistent en un solde de factures.”
Par un courrier daté du 17 avril 2007, maître Xavier Born, en sa qualité de curateur à la faillite de la SPRL Construction Générale Bâtiments, informe la SA Fortis Banque qu'il a contesté sa déclaration de créance et qu'il introduira une demande reconventionnelle visant à obtenir sa condamnation à lui restituer la somme de 5.180,83 EUR.
Par un courrier recommandé daté du 25 avril 2007, la SA Fortis Banque entend compléter sa déclaration de créance afin de faire état d'un droit de gage portant sur toutes les créances actuelles et futures que la société faillie la SPRL Construction Générale Bâtiments possède ou possèderait vis-à-vis de la banque ou de tierces personnes et ce, conformément l'article 8 de ses conditions générales. La SA Fortis Banque adresse une copie de cette déclaration de créance complémentaire à maître Xavier Born, en sa qualité de curateur à la faillite de la SPRL Construction Générale Bâtiments.
Aucun accord n'étant intervenu entre parties, le litige précité est soumis au tribunal de commerce de céans.
IV. | Discussion |
Comme le relève de manière pertinente la SA Fortis Banque, en préambule de son argumentation, il échet de relever qu'aucune des parties au présent litige ne conteste le montant déclaré au passif de la faillite de la SPRL Construction Générale Bâtiments.
Cependant, conséquemment à la déduction opérée par la SA Fortis Banque de la somme versée sur le compte de la société Construction Générale Bâtiments, la SA Fortis Banque expose que sa créance se trouve, par ce fait, réduite en capital et intérêts de clôture, à la somme de 32.387,70 EUR.
Maître Xavier Born, en sa qualité de curateur à la faillite de la SPRL Construction Générale Bâtiments, conteste l'application des conditions générales des ouvertures de crédit de la SA Fortis Banque.
Maître Xavier Born, en sa qualité de curateur à la faillite de la SPRL Construction Générale Bâtiments, fait valoir que la société faillie n'en aurait pas pris connaissance et que ce fait ressortirait notamment de la circonstance que les feuillets reprenant lesdites conditions n'ont pas été signés ou paraphés par le gérant.
Manifestement, cette argumentation ne peut être suivie.
Comme le fait valoir à bon droit la SA Fortis Banque, la lettre d'ouverture de crédit datée du 8 juillet 2005 mentionne en son deuxième paragraphe que:
“Cette ouverture de crédit est soumise aux conditions générales des ouvertures de crédit aux entreprises, enregistrées à Bruxelles, au sixième bureau d'enregistrement, le 20 décembre 2001, volume 275, folio 3, case 17, ci-après dénommées les 'conditions générales', dont vous reconnaissez avoir reçu un exemplaire.”
Ce document a été signé pour accord par le gérant de la société faillie, à savoir le sieur Michel De Block.
Maître Xavier Born, en sa qualité de curateur à la faillite de la SPRL Construction Générale Bâtiments, ne peut dès lors sérieusement soutenir que la société faillie ignorait que l'ouverture de crédit serait régie par lesdites conditions générales, la mention précitée figurant, de manière parfaitement limpide, en texte de la lettre d'ouverture de crédit.
En apposant sa signature sur le document, le gérant a marqué son accord sur ce fait tout en reconnaissant également avoir pris connaissance desdites conditions générales.
Si ce dernier a omis de le faire, maître Xavier Born, en sa qualité de curateur à la faillite de la SPRL Construction Générale Bâtiments, ne peut se prévaloir de cette éventuelle négligence ou incurie pour soutenir l'inopposabilité desdites conditions générales. Admettre l'inverse aurait pour conséquence qu'à chaque fois un contractant pourrait remettre en cause les mentions qu'il a signées pour accord en contestant ultérieurement celles-ci et en créant dès lors une insécurité juridique.
Aucune disposition n'implique que soit, en outre, signée ou paraphée lesdites conditions générales et ce dès lors que la SPRL Construction Générale Bâtiments en faillite a, par son organe, admis que l'ouverture de crédit consentie était régie par lesdites conditions générales et qu'elle en avait pris connaissance. La seule signature pour accord de la lettre d'ouverture de crédit datée du 8 juillet 2005 étant ainsi suffisante, et ce sans qu'aucune autre condition ne puisse être invoquée pour soutenir l'inopposabilité de celles-ci.
Il doit dès lors être tenu pour acquis que les conditions générales des ouvertures de crédit de la SA Fortis Banque sont valablement entrées dans le champ contractuel conformément à l'article 1134 du Code civil et qu'elles régissent les relations entre la SPRL Construction Générale Bâtiments en faillite et la SA Fortis Banque.
Maître Xavier Born, en sa qualité de curateur à la faillite de la SPRL Construction Générale Bâtiments, soutient encore que dès le moment où le contrat d'ouverture de crédit a pris fin le 23 octobre 2006, date de la déclaration de faillite, ces clauses, conditions générales et autres cessent de produire leurs effets.
Cette argumentation ne peut être pareillement suivie.
Il ne peut en effet être sérieusement contesté qu'un contrat continue à produire des effets nonobstant sa terminaison.
Il est erroné de prétendre qu'un contrat ne produit plus aucun effet dès lors qu'il s'est terminé. Comme le relève à bon droit la SA Fortis Banque, arguer du contraire aboutirait aux conclusions suivantes:
- un cocontractant - une fois le lien contractuel dissout, par exemple, en vertu d'une clause résolutoire expresse - ne pourrait plus demander l'allocation de la clause pénale conventionnellement fixée au simple motif que le contrat n'existe plus;
- un cocontractant ne pourrait plus prétendre aux bénéfices des garanties conventionnellement déterminées pour le simple motif que le contrat s'est terminé;
- des clauses de confidentialité, de non-concurrence, de garantie, d'élection de for, de droit applicable,... ne pourraient plus produire aucun effet une fois le lien contractuel dissout alors que leur utilité première réside bien dans le fait de s'appliquer en telle occurrence;
Tant la doctrine (voy. l'étude de M. Fontaine, “Les obligations 'survivant au contrat'” in La fin du contrat, CUP, vol. 51, décembre 2001, pp. 161 et s.) que la jurisprudence (voy. notamment Liège 15 janvier 2001, JT 2001, 311 ) ont admis que le contrat, nonobstant sa terminaison, pouvait continuer à produire des effets.
Au demeurant comme le relève à bon escient la SA Fortis Banque, cette 'perpétuation' des effets de certaines clauses contractuelles a été acceptée par la SPRL Construction Générale Bâtiments en faillite. Ainsi, l'article 5 § 1er, alinéa 3 des conditions générales des ouvertures de crédit de la SA Fortis Banque dispose que:
“… la banque peut en tout temps, même après faillite ou toute autre cause de concours, compenser entre eux les soldes débiteurs et créditeurs des différents comptes et ce, de la manière et dans la mesure qu'elle choisira”.
A suivre la thèse développée par maître Xavier Born, en sa qualité de curateur à la faillite de la SPRL Construction Générale Bâtiments, cette clause ne pourrait recevoir aucun effet dès lors que la faillite met, en règle vu le caractère 'personnel' des relations bancaires, fin au contrat liant un établissement de crédit à son client alors que, précisément, son objectif est de sortir ses effets en cas de situation de concours dont la faillite est le cas typique.
Comme le relève la SA Fortis Banque, il semble qu'au travers de sa thèse, maître Xavier Born, en sa qualité de curateur à la faillite de la SPRL Construction Générale Bâtiments, soutient une argumentation consistant à arguer que le contrat unissant la SPRL Construction Générale Bâtiments en faillite et la SA Fortis Banque a pris fin avec la mise en faillite de la première le 23 octobre 2006. Or, le versement litigieux a été effectué le 25 octobre 2006 de telle sorte que la SA Fortis Banque ne peut justifier vouloir appliquer à ce versement les clauses d'un contrat qui a pris fin deux jours avant.
Toutefois, il appert, comme le fait observer la SA Fortis Banque, que la créance dont elle postule l'approbation par voie de compensation, de confusion ou d'imputation existait avant la survenance de la faillite et l'article 8 des conditions générales des ouvertures de crédit de la SA Fortis Banque octroie à celle-ci un droit de gage sur toutes les créances de la SPRL Construction Générale Bâtiments, actuellement en faillite, “… existant au jour de la signature de l'acte d'ouverture de crédit et celles qui viendront à naître pendant toute la durée de l'exécution du contrat de crédit”.
Afin de savoir si la créance litigieuse portée au crédit du compte de la SPRL Construction Générale Bâtiments en faillite tombe sous le couvert de cette garantie réelle conférée à la Fortis Banque, il échet d'examiner si le paiement en cause est afférent à une créance antérieure à la survenance de la faillite.
Dans l'affirmative, et même si cette créance est née dans le patrimoine de la SPRL Construction Générale Bâtiments en faillite après l'ouverture de crédit, il s'agit d'une créance garantissant les engagements de celle-ci à l'égard de la SA Fortis Banque selon les termes précités des conditions générales des ouvertures de crédit.
Comme le fait observer la SA Fortis Banque, maître Xavier Born, en sa qualité de curateur à la faillite de la SPRL Construction Générale Bâtiments, admet en ses conclusions additionnelles que “le paiement de 5.180,83 EUR se rapporte à des factures de 2005, qui, semble-t-il, sont postérieures à la date de l'accord d'ouverture de crédit au 8 juillet 2005”.
En conséquence, ce droit au paiement (la créance) est bien visé par l'article 8 des conditions générales de la Fortis Banque.
Ledit article 8 des conditions générales des ouvertures de crédit de la Fortis Banque dispose que:
“Pour sûreté du remboursement de toutes sommes dues, le crédité donne en gage à la banque:
- toutes les créances actuelles et futures sur la banque, portant sur le compte à vue, le compte de dépôt, le compte-titres ou tout autre compte ouvert en les livres de la banque, ainsi que tous les avoirs actuels et futurs inscrits en les livres de la banque sur ces mêmes comptes. En qualité de débitrice des créances, la banque reconnaît expressément prendre connaissance du gage;
- toutes les créances actuelles et futures sur des tiers, de quelque chef que ce soit, telles que notamment les créances commerciales et autres créances sur clients, les rémunérations pour prestations et services, les créances découlant du produit de biens meubles ou immeubles, les créances sur des institutions de crédit ou autres institutions financières, les créances relatives à des dommages et intérêts, des pensions, des prestations d'assurance, des allocations de sécurité sociale ou des créances sur les pouvoirs publics dans le cadre de la réglementation fiscale.”
Cette clause organise donc un droit de gage général sur les créances actuelles et futures au profit de la SA Fortis Banque.
Il n'existe aucun obstacle juridique à ce qu'une créance, initialement déclarée comme chirographaire, soit, par la suite, rectifiée en vue de conférer au créancier déclarant le bénéfice d'une sûreté réelle (voy. Liège 11 janvier 2007 et Anvers 16 mars 2006, JLMB 2007, 973, avec les obs. de J. Caeymaex, pièce A; voy. également A. Zenner, Dépistage, faillites et concordats, Larcier, 1998, 602, n° 829 et 612, n° 846).
Cette sûreté a, en l'espèce, fait l'objet d'une déclaration de créance complémentaire adressée par la SA Fortis Banque le 27 avril 2007 au greffe du tribunal de commerce de céans. La seule circonstance que la SA Fortis Banque mentionne erronément qu'elle bénéficiait d'une 'sûreté personnelle' résultant de l'engagement des créances actuelles et futures de la SPRL Construction Générale Bâtiments en faillite alors que la terminologie adéquate est celle de 'sûreté réelle' ne peut suffire à l'exclure du bénéfice de la sûreté. En effet, compte tenu des circonstances de la cause, maître Xavier Born, en sa qualité de curateur à la faillite de la SPRL Construction Générale Bâtiments, n'a pu sérieusement se méprendre sur la nature de la sûreté invoquée par la SA Fortis Banque à l'appui de sa créance.
La SA Fortis Banque invoque à son profit l'article 14 de la loi du 15 décembre 2004 relative aux sûretés financières et portant des dispositions fiscales diverses en matière de conventions constitutives de sûreté réelle et de prêts portant sur des instruments financiers.
Ladite loi constitue la transposition de la directive 2002/47/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juin 2002 concernant les contrats de garantie financière.
L'article 14 précité stipule que:
“Les conventions de netting, ainsi que les clauses et conditions résolutoires ou de déchéance du terme stipulées pour permettre la novation ou la compensation, peuvent, sans mise en demeure ni décision judiciaire préalable, nonobstant toute cession des droits sur lesquelles elles portent, en cas de procédure d'insolvabilité, de saisie ou de toute situation de concours, être opposées aux créanciers si la créance et la dette à nover ou à compenser existent lors de l'ouverture de la procédure d'insolvabilité ou de la survenance de la saisie ou d'une situation de concours, quels que soient la date de leur exigibilité, leur objet ou la monnaie dans laquelle elles sont libellées.”
Comme l'expose à bon droit la doctrine, “... ce qu'implique en réalité l'article 14, c'est que l'intervention effective d'une compensation ou d'une novation est opposable aux tiers créanciers pour autant que soient réunies les conditions suivantes:
(i) la compensation doit intervenir sur la base d'une convention de netting conclue avant la saisie, l'ouverture de la procédure d'insolvabilité ou toute autre forme de concours, voire d'une convention conclue postérieurement si celui qui invoque la compensation peut établir qu'au moment de la conclusion de la convention il ignorait légitimement la situation;
(ii) la créance et la dette à compenser doivent exister au moment de l'ouverture de la saisie, de la procédure d'insolvabilité ou du concours. Pour les dettes nées après la situation de concours, précise l'exposé des motifs, 'les règles traditionnelles en matière de compensation' après faillite '... demeurent applicables, une telle compensation nécessitant toujours le degré de connexité suffisant entre les dettes à compenser'.” (A. Zenner et I. Peeters, “Faillite et compensation: une révolution copernicienne”, JT 2005, 335 ; dans le même sens, I. Peeters en K. Christiaens, “De Wet Financiële Zekerheden - Een stap te ver of de aanloop naar een totaal vernieuwd zekerhedenrecht?”, RDC 2006, 179 , n° 35).
Il résulte donc de l'article 14 de la loi du 15 décembre 2004 relative aux sûretés financières et portant des dispositions fiscales diverses en matière de conventions constitutives de sûreté réelle et de prêts portant sur des instruments financiers, un principe d'opposabilité et d'efficacité quasiment absolu des conventions de compensation pour autant que les conditions ci-dessus rappelées soient rencontrées (R. Houben, “Contractuele compensatie na samenloop - De nieuwe regeling nader beschouwd”, RW 2005-06, 1165, n° 8).
Il échet de constater, comme le fait valoir la SA Fortis Banque, que dans la présente cause les deux conditions précitées sont réunies.
En effet, l'article 5 § 1er, alinéa 3 précité des conditions générales des ouvertures de crédit de la SA Fortis Banque, qui n'est autre qu'une clause de compensation, répond aux exigences de la loi du 15 décembre 2004. En effet, ladite loi vise “toute convention, ou stipulation de compensation ou de novation, y compris les clauses figurant dans des conventions d'ouverture de crédit, des règlements d'opérations de banque ou de conditions générales d'achat ou de vente d'entreprises industrielles ou commerciales” (A. Zenner et I. Peeters, “Faillite et compensation: une révolution copernicienne”, JT 2005, 335 ).
La seconde condition, celle afférente à l'existence des créances, est également remplie. La seule exigence prévue par la loi du 15 décembre 2004 relative aux sûretés financières et portant des dispositions fiscales diverses en matière de conventions constitutives de sûreté réelle et de prêts portant sur des instruments financiers consiste en ce que les créances et dettes en cause existent au moment de la faillite.
Or, d'une part, la créance de la SA Fortis Banque, provenant d'une ouverture de crédit, existait au jour de la faillite et, d'autre part, la créance de la SPRL Construction Générale Bâtiments en faillite était également antérieure à la survenance de la faillite.
Il s'ensuit que le paiement litigieux intervenu le 28 octobre 2006 n'était donc que l'extinction finale d'une créance préexistante, la communication indiquée par BCI - auteur du versement - lève toute incertitude. En effet, il était indiqué en communication “Saldo Factures 0884/05 et 0893/05”, ce qui démontre clairement l'existence d'une créance antérieure à la survenance de la faillite.
La seconde condition exigée par l'article 14 de la loi du 15 décembre 2004 relative aux sûretés financières et portant des dispositions fiscales diverses en matière de conventions constitutives de sûreté réelle et de prêts portant sur des instruments financiers est dès lors également rencontrée.
De l'ensemble des considérations qui précède, il appert que la SA Fortis Banque démontre à suffisance que les deux conditions nécessaires et suffisantes à la compensation élargie découlant de la loi du 15 décembre 2004 relative aux sûretés financières et portant des dispositions fiscales diverses en matière de conventions constitutives de sûreté réelle et de prêts portant sur des instruments financiers sont bel et bien réalisées en l'espèce, en manière telle que la compensation que la SA Fortis Banque soutient pouvoir opérer constitue une application correcte de ladite disposition légale.
En conclusions, il appert que la demande de la SA Fortis Banque, telle que modifiée, complétée et précisée par voie de conclusions déposées au greffe du tribunal de commerce de céans, le 31 juillet 2007, est recevable et fondée et que dès lors, nécessairement, la demande reconventionnelle introduite par maître Xavier Born, en sa qualité de curateur à la faillite de la SPRL Construction Générale Bâtiments, est recevable mais non fondée.
Par ces motifs,
Le tribunal de commerce,
Statuant contradictoirement,
I. | Quant à la demande d'admission |
Déclare la demande en admission de créance recevable et fondée.
En conséquence:
Admet la créance de la SA Fortis Banque, inscrite sous le numéro 13, au passif privilégié de la SPRL Construction Générale Bâtiments en faillite pour un montant de 32.387,70 EUR;
Dit pour droit que la SA Fortis Banque dispose d'un droit de gage sur les créances de la SPRL Construction Générale Bâtiments en faillite selon les modalités de la loi du 15 décembre 2004 relative aux sûretés financières et portant des dispositions fiscales diverses en matière de conventions constitutives de sûreté réelle et de prêts portant sur des instruments financiers.
II. | Quant à la demande reconventionnelle |
Déclare la demande reconventionnelle recevable mais non fondée.
En conséquence:
En déboute par maître Xavier Born, en sa qualité de curateur à la faillite de la SPRL Construction Générale Bâtiments.
Condamne maître Xavier Born, en sa qualité de curateur à la faillite de la SPRL Construction Générale Bâtiments, aux frais et dépens de l'instance, actuellement liquidés pour la SA Fortis Banque à la somme de trois cent septante et un euros quatre-vingt cinq centimes (371,85 EUR étant l'indemnité de procédure telle que liquidée aux conclusions additionnelles et de synthèse) et non liquidés pour lui-même à défaut de la production d'un état liquidatif des frais et dépens.
(…)