Article

Cour d'appel Mons, 20/05/2008, R.D.C.-T.B.H., 2010/2, p. 131-135

Cour d'appel de Mons 20 mai 2008

BANQUE ET CREDIT
Droit bancaire - Responsabilité du banquier - Dispensateur de crédit - Banquier normalement prudent et diligent - Devoir d'information et devoir de conseil - Client averti - Devoir d'information du client
Le devoir d'information est relatif. Chaque partie doit déterminer l'information qui lui est nécessaire pour contracter en connaissance de cause; le rôle du juge en la matière se limite à une appréciation marginale à l'aune du critère du banquier normalement diligent et prudent placé dans les mêmes circonstances.
Cette obligation de recueillir l'information et de la transmettre ne peut pas être confondue avec un devoir de conseil dans le chef de la banque, qu'elle n'emporte pas, sauf convention spéciale.
Il est essentiel que le client renseigne clairement et complètement la banque quant à sa situation financière, faute de quoi il ne pourra lui reprocher d'avoir octroyé un crédit disproportionné avec ses capacités de remboursement.

BANK EN KREDIETWEZEN
Bankrecht - Aansprakelijkheid bankier - Aansprakelijkheid van de kredietverlener - Normale en voorzichtige bankier - Plicht tot informatieverstrekking en adviesplicht - De geïnformeerde klant - Verplichting zich te informeren in hoofde van de cliënt
De plicht tot informatieverstrekking is relatief. Iedere partij dient te bepalen welke informatie voor hem noodzakelijk is om met kennis van zaken te contracteren: de rol van de rechter beperkt er zich ter zake toe een marginale toetsing te doen, aan de hand van het criterium van de normale en voorzichtige bankier geplaatst in dezelfde omstandigheden.
Deze verplichting informatie in te winnen en te verstrekken mag niet worden verward met een adviesplicht in hoofde van de bank die zij, behoudens bijzondere overeenkomst, niet meebrengt.
Het is essentieel dat de cliënt de bank op heldere en volledige wijze inlicht over zijn financiële situatie, bij gebrek waaraan hij de bank niet zal kunnen verwijten hem een krediet te hebben verschaft, dat niet overeenstemt met zijn afbetalings­mogelijkheden.

J.-P. Pawlyk et J. Vercruysse / SA KBC Bank

Siég.: M. Castin (président)
Pl.: Mes Ph. Cosich et G. Schiffino loco Y. Brulard

(…)

Antécédents
Les faits

La SA Kredietbank a ouvert le 7 septembre 1989 aux appelants Pawlyk-Vercruysse un crédit de 20.000.000 FB sous forme d'avances en compte courant, lesquelles devaient servir à l'acquisition d'actions en bourse;

La banque intervenait comme intermédiaire financier pour la passation des ordres passés par lesdits appelants, elle conteste avoir assumé un rôle de conseil en placement, et aucune convention expresse de ce type ne fut conclue par écrit entre les parties;

En garantie de ce crédit de caisse, la convention des parties prévoyait la “mise en gage du portefeuille-titre” par les appelants lesquels disposaient au 7 septembre 1989 d'actions valorisées à cette date à concurrence de 12.572.513 FB;

Il était prévu que les avances étaient consenties à concurrence de 70% de la valeur du gage; le crédit fut confirmé le 16 octobre 1990 et le taux d'avance fut porté de 70 à 80%;

Entre 1989 et 1993, les époux Pawlyk-Vercruysse se sont livrés à des achats et ventes massifs d'actions, opérations qui se sont soldées par d'énormes moins-values; ainsi le 13 janvier 1993 la valeur du portefeuille avait chuté à 10.640.000 BF alors que le compte présentait un débit de 17.200.000 FB;

Le crédit fut dénoncé le 21 janvier 1993;

Après la réalisation du portefeuille mis en gage et l'imputation d'un dépôt de devises effectués par Mme Mastylo, mère de Jean-Pierre Pawlyk - lequel conteste l'existence de ce gage - le capital restant dû se chiffrait au 23 mars 1995 à 9.270.370 FB et au 30 juin 1998, suivant la réclamation de la banque, il restait dû en incluant les intérêts conventionnels un montant de 14.415.135 FB ou 357.341,86 EUR outre les intérêts courant à partir du 1er juillet 1998.

La procédure

Par citation du 8 juin 1993, la SA Kredietbank a assigné Jean-Pierre Pawlyk et Jeannine Vercruysse en paiement de 14.865.295 FB en principal, outre les accessoires, représentant le solde du crédit dénoncé le 21 janvier 1993; cette instance a été reprise par la SA KBC Bank, venant aux droits de la SA Kredietbank;

Par conclusions déposées le 18 juin 2003, les défendeurs ont conclu au non-fondement de la demande principale et ont formé une demande reconventionnelle tendant:

- au paiement de:

* 150.936 EUR en principal, outre les accessoires, en remboursement des intérêts, frais et commissions débités par la banque;

* 311.663 EUR à titre de solde des moins-values générées par le défaut de conseil reproché à la banque, en principal, outre les accessoires;

- à entendre ordonner à la banque la cessation des prélèvements sur les revenus de Jean-Pierre Pawlyk;

- à la restitution des prélèvements effectués sur ses revenus, soit 69.384 EUR en principal, outre les accessoires;

- au paiement de 72.932 EUR en principal, outre les accessoires, en sa qualité d'ayant droit de madame Mastylo;

Par conclusions additionnelles déposées le 17 février 2004, la SA KBC Bank a étendu sa demande à la restitution des trois cartes de crédit détenues par les défendeurs originaires sous peine d'une astreinte de 247,89 EUR par jour de retard;

Le jugement dont appel, prononcé le 14 février 2005, a:

- condamné solidairement les défendeurs au paiement de 178.670,93 EUR en principal, outre les intérêts au taux légal depuis le 1er juillet 1998 jusqu'à parfait paiement;

- condamné la défenderesse sur reconvention au paiement de 84.252 EUR, outre les intérêts au taux légal depuis le 1er janvier 2002;

- condamné les défendeurs à la restitution des cartes de crédit;

- débouté les parties du surplus de leurs prétentions;

- ordonné la compensation des condamnations réciproques en principal et intérêts;

- condamné la demanderesse, d'une part et les défendeurs solidairement, d'autre part, à la moitié des dépens chacun.

Les appels
Objet et recevabilité

Par requête déposée le 24 février 2006, Jean-Pierre Pawlyk et Jeannine Vercruysse ont relevé appel des dispositions du jugement déféré aux fins d'entendre constater la responsabilité exclusive de l'intimée dans l'opération litigieuse de crédit, d'en conséquence faire droit à l'intégralité de leur demande reconventionnelle originaire et de débouter la demanderesse originaire de son action;

Par conclusions déposées le 30 novembre 2006, l'intimée a formé un appel incident, tendant à entendre constater la responsabilité exclusive des intimés sur incident dans l'opération litigieuse et d'en conséquence faire droit à l'intégralité de la demande principale originaire et de déclarer non fondée la demande reconventionnelle;

Les appels, principal et incident, sont recevables.

Fondement

Le tribunal a considéré, en substance:

- que la constitution par Mme Mastylo, mère de Jean-Pierre Pawlyk, à titre de gage d'un dépôt en devises étrangères résultait à suffisance de la lettre de confirmation du crédit du 16 novembre 1990 adressée aux défendeurs originaires ainsi que du “certificat de dépôt mis en gage” auquel cette lettre se référait, le gage étant un contrat réel formé par la remise de la chose entre les mains du créancier sans être soumis à aucune forme en sorte que l'absence d'écrit signé par Mme Mastylo importait peu et qu'à bon droit la banque avait imputé la somme reçue en gage sur ce qui lui était dû par les défendeurs originaires au moment de la résiliation du crédit;

- que les prélèvements opérés par la banque entre les mains de l'employeur du défendeur originaire constituaient une voie de fait ce qui obligeait la banque à restituer les sommes prélevées indûment soit 84.252 EUR outre les intérêts au taux légal depuis le 1er janvier 2002;

- que les défendeurs avaient qualité pour rechercher la responsabilité de la demanderesse en tant que banquier dispensateur de crédit;

- qu'en l'espèce la demanderesse ne s'était pas comportée comme un banquier normalement prudent et diligent:

* le montant du crédit était manifestement disproportionné tant par rapport aux facultés de remboursement des défendeurs que par rapport aux garanties constituées eu égard à l'utilisation des fonds;

* la banque s'est abstenue d'examiner avec le soin requis la situation fiscale de son client ce qui s'imposait d'autant plus vu le statut professionnel de ce dernier;

- qu'il appartenait toutefois au défendeur originaire d'informer la banque du caractère particulier et anormal de sa situation fiscale et qu'en retenant cette information, dont il ne pouvait ignorer le caractère essentiel, il a commis une réticence coupable;

- que les moins-values réalisées, les commissions, frais et intérêts portés en compte ont pour cause exclusive les opérations boursières auxquelles le défendeur s'est livré; ils n'ont pour cause ni l'octroi du crédit ni un manquement de conseil ou de service de la banque laquelle n'assumait pas le rôle d'un conseiller en placements;

- que seul subsiste à titre de dommage le débit du compte des défendeurs à la clôture de celui-ci, dommage résultant des fautes concurrentes de la demanderesse et des défendeurs en sorte qu'en fonction de la gravité des fautes respectives du dispensateur de crédit et des crédités, il est équitable de partager les responsabilités par moitié et de priver la banque de la moitié du solde dû par les défendeurs;

- que si la restitution des cartes de crédit peut être ordonnée, il ne se justifie pas de l'assortir d'une astreinte, les défendeurs prétendant avoir détruit ces cartes et ne les ayant en toute hypothèse plus utilisées depuis une dizaine d'années;

La saisine de la cour est limitée, aucun recours n'ayant été entrepris contre les dispositions du jugement déféré statuant sur la restitution des cartes de crédit détenues par les actuels appelants;

Les appelants font grief à l'intimée d'avoir manqué à ses obligations professionnelles dans, d'une part, l'octroi d'un crédit qu'ils considèrent comme manifestement disproportionné par rapport à leur capacité économique et aux garanties constituées et, d'autre part, dans sa participation à des opérations spéculatives très risquées;

Une obligation d'information pèse sur le banquier en tant que professionnel de la finance à l'égard de son client: la nature, le contenu et les limites de l'information à donner “varient en fonction de la nature, de la simplicité ou de la complexité du produit bancaire visé, de la structure mise en place par le professionnel, de l'expérience et de la compétence du client et des circonstances particulières de l'espèce visée” (J.-P. Buyle, Les obligations d'information, de renseignement, de mise en garde et de conseil des professionnels de la finance, CUP, 2006, vol. 86, pp. 163 et s.);

Le devoir d'information est relatif et chaque partie doit déterminer l'information qui lui est nécessaire pour contracter en connaissance de cause; le rôle du juge en la matière se limite à une appréciation marginale à l'aune du critère du banquier normalement prudent et diligent, placé dans les mêmes circonstances;

Cette obligation de renseignement et d'information ne se confond et n'emporte pas - sauf convention expresse - dans le chef de la banque un devoir de conseil qui suppose une certaine ingérence dans les affaires de son client en lui donnant un avis afin d'orienter dans un sens déterminé un choix ou une action;

La responsabilité du banquier peut être engagée à l'égard de son client lorsqu'il ne respecte pas son devoir d'information au moment de l'octroi du crédit, devoir portant sur ses caractéristiques et sur les choix à opérer entre les diverses formes de crédit possibles sans toutefois qu'il puisse pour autant être exigé que le banquier substitue sa propre appréciation à celle de son client ou interfère dans ses choix une fois ce dernier correctement informé;

Il est d'autre part essentiel que le client renseigne clairement et complètement la banque quant à sa situation financière, faute de quoi il ne pourra lui reprocher de lui avoir octroyé un crédit disproportionné avec ses capacités de remboursement;

A cet égard, force est de constater qu'il n'apparaît pas des éléments soumis à l'appréciation de la cour que l'appelant aurait donné à connaître à l'intimée, dans la phase précontractuelle, les particularités de sa situation personnelle sur le plan fiscal ni que cette information aurait pu et dû être connue de l'intimée au-delà des informations concrètes recueillies en l'espèce;

A l'époque de l'octroi du crédit, l'appelant ne payait pas d'impôt depuis de nombreuses années: exerçant son activité professionnelle en France où il prétendait ne pas résider il n'était pas taxé par l'administration fiscale française tandis qu'il contestait les impositions importantes établies par l'administration fiscale belge et a d'ailleurs obtenu par la suite divers dégrèvements soit par jugement du 30 novembre 1994 un dégrèvement pour les exercices fiscaux de 1994 à 2000, par arrêts du 17 juin 2005 de cette cour pour les années 1986 à 1989 ainsi que 1992 et 1993; toutefois, comme l'a souligné le tribunal, indépendamment de l'interprétation qui serait faite de la convention franco-belge de prévention de la double imposition par les autorités appelées à statuer ultérieurement sur le litige fiscal, un impôt était certainement dû, fût-ce de façon virtuelle, au moment de l'octroi du crédit;

La disproportion vantée par les appelants repose en l'espèce et pour partie sur la méconnaissance par la banque d'un élément d'information, à savoir une importante dette fiscale potentielle dont les appelants ne pouvaient ignorer qu'elle possédait d'évidence une incidence sur leurs facultés de remboursement du crédit litigieux en sorte qu'en s'abstenant de porter cet élément à la connaissance de la banque, ils ont fait preuve d'une réticence fautive comme l'a décidé à bon droit le jugement déféré;

Il apparaît d'autre part des pièces versées aux débats que les parties étaient en relation d'affaires depuis plusieurs années et que les appelants présentaient une apparence de solvabilité et de sérieux: ils disposaient d'un niveau d'épargne significatif, d'autres comptes créditeurs en Belgique et en France, d'un portefeuille-titres de l'ordre de 300.000 EUR et d'un immeuble avec garage en Belgique;

Il convient cependant de constater que:

- les appelants n'étaient pas totalement profanes en matière d'ordres boursiers, se trouvant au moment de l'octroi du crédit titulaires d'un portefeuille-titres non négligeable dont ils avaient la pleine maîtrise;

- il n'apparaît pas avec la certitude requise que le crédit litigieux aurait été conclu à l'initiative de l'intimée comme le soutiennent les appelants: les documents internes de la banque vantés à cet égard (au verbo “renseignements généraux - moralité”) ne permettent pas de déduire - vu son emplacement - que la case cochée sur le formulaire préimprimé corresponde à une demande à l'initiative de la banque plutôt que du client lui-même; il ne peut en conséquence être tiré de conséquence significative de cette mention quant à l'existence d'une obligation de conseil dans le chef de l'intimée;

- aux termes du contrat du 7 septembre 1989, le crédit litigieux était consenti sous forme d'avances en compte courant “à raison de 70% de la valeur boursière du portefeuille-titre mis en gage” et en septembre 1990, ce taux fut porté à 80% or:

* l'intimée a reconnu dans un document interne versé aux débats que “le crédit a dès le départ, été décidé ou confirmé de façon erronée: sur des actions, on peut tout au plus accorder des avances de 50 à 60% de la valeur et non 80%”,

* l'assiette de calcul du montant de l'avance ne pouvait être que le montant du portefeuille-titres détenu par l'appelant au moment de la signature de la convention de crédit en 1989, portefeuille valorisé à cette date à concurrence de 12.572.513 FB, et non - comme le soutient l'intimée - ce portefeuille outre les actions à acquérir avec le crédit litigieux; en effet si l'acte de mise en gage commercial (pièce 3 du dossier de l'intimée) est incomplet en ce sens qu'il ne détaille pas les titres gagés, il demeure qu'il ne pouvait - à défaut de convention contraire - porter que sur les titres existants au jour de cette mise en gage soit le 7 septembre 1989;

* en application de ses propres règles internes, qui constituent à tout le moins un critère de référence du comportement d'un banquier normalement prudent et diligent, l'intimée n'aurait dû accorder à l'appelant qu'une avance en compte courant d'un maximum de 60% de ce portefeuille soit de 7.453.509 FB, lequel portefeuille constituait aux termes de la convention du 7 septembre 1989 la seule sûreté consentie pour le crédit litigieux;

* ce crédit, dépassant de près de 150% le plafond de l'avance qu'il aurait été raisonnable d'accorder en vertu de la politique interne même de l'intimée en la matière, s'avère en conséquence disproportionné et cela même si l'on prend en considération la mise en gage - contestée - des actions détenues par la mère de l'appelant;

L'intimée ne pouvait ignorer le caractère risqué des opérations spéculatives auxquelles étaient destinées les avances en caisse consenties le 7 septembre 1989 et par la suite, cela, d'une part, en raison de sa qualité de professionnelle de la finance et, d'autre part, vu l'absence - qu'elle revendique - de tout rôle de conseil dans les choix d'achats et de souscription d'actions par ses clients;

En octroyant dans ces conditions un crédit du montant visé au contrat du 7 septembre 1989 sous forme d'avances en caisse destinées à des opérations spéculatives, l'intimée s'est significativement écartée du comportement qu'aurait adopté un banquier normalement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances;

La question se pose de déterminer si et dans quelle mesure la faute ainsi établie dans le chef de l'intimée a causé un dommage aux appelants;

Ceux-ci soutiennent à cet égard que l'intimée aurait manqué à son devoir de conseil;

Comme dit supra, pareil devoir de conseil ne constitue pas une obligation nécessairement liée à la qualité de professionnel de la finance du banquier et en l'espèce il ne ressort pas des éléments soumis à l'appréciation de la cour qu'il se serait noué entre les parties une convention, expresse ou tacite, en vertu de laquelle l'intimée aurait accepté d'assumer le rôle d'un conseiller en placements;

Le banquier n'a pas “le devoir d'éclairer son client sur l'évolution des valeurs achetées et ne garantit pas le succès de telles opérations spéculatives” (J.-P. Buyle, Publicité foncière…, p. 199);

Le devoir d'information de l'intimée en matière de placements s'apprécie en fonction du profil d'investisseur des appelants et à cet égard force est de constater qu'ils n'étaient pas novices en la matière et que les nombreux ordres successifs qu'ils ont donnés après l'octroi du crédit en 1989 l'ont été sans qu'il soit démontré que ces ordres auraient été suggérés par l'intimée ni que les appelants auraient préalablement requis son conseil ni a fortiori qu'ils l'aient suivi;

L'intimée ne peut en conséquence être tenue des conséquences, qualifiées de désastreuses par les appelants, des investissements dont ils doivent assumer seuls la responsabilité financière; à cet égard, les intentions prêtées par les appelants à l'intimée comme représentant son objectif réel lors de l'octroi du crédit ne sont pas prouvées à suffisance de droit et demeurent de l'ordre de l'hypothèse;

En effet, la cause du préjudice dont se plaignent les appelants réside uniquement dans les choix des placements boursiers qu'ils ont librement et délibérément opérés;

Les appelants ne pouvaient ignorer que l'objectif du crédit litigieux ne résidait pas dans le soutien ou la création d'une activité économique ni l'acquisition d'un bien durable mais dans la réalisation de placements dont ils leur incombaient d'apprécier les risques dès lors qu'il est constant qu'en l'espèce leur banquier n'assumait pas un rôle de conseiller en la matière;

Le caractère aléatoire du résultat financier de pareilles opérations ne pouvait échapper aux appelants et ne serait de nature à engager la responsabilité de l'intimée que s'il était démontré qu'elle aurait manqué à son devoir d'information quant aux produits financiers choisis par les appelants; or tel n'est pas le cas en l'espèce, où aucune pièce soumise à la cour ne permet de vérifier que les appelants auraient sollicité pareille information avant d'utiliser les avances litigieuses;

Des considérations qui précèdent, il résulte que l'intimée n'encourt aucune responsabilité dans le préjudice vanté par les appelants et que sa demande originaire doit être déclarée fondée en ce qu'elle tend au paiement du solde du crédit litigieux, soit 357.341,86 EUR en principal, outre les intérêts judiciaires depuis le 1er juillet 1998 jusqu'à parfait paiement tandis que la demande reconventionnelle originaire des appelants n'est pas fondée en ce qu'elle tend au paiement des intérêts, frais et commissions débités par la banque et du solde des moins-values;

Par d'exacts motifs que la cour adopte, le tribunal a considéré à bon droit que l'intimée avait procédé sans titre ni droit à des prélèvements sur les rémunérations de l'appelant entre les mains de son employeur à concurrence de 84.252 EUR et en a ordonné la restitution;

De même, le tribunal a considéré à juste titre par des motifs tenus ici pour reproduits que la mise en gage des titres appartenant à la mère de l'appelant était démontrée à suffisance par les pièces du dossier; le courrier adressé par cette derrière à l'intimée le 23 mars 1993 ne constituant pas une réelle contestation de l'existence de ce gage et, en toute hypothèse, l'appelant Pawlyk ne démontrant pas sa qualité d'ayant droit de madame Mastylo;

L'appel principal s'avère en conséquence non fondé et l'appel incident pour partie fondé; il se justifie dès lors de condamner les appelants aux dépens de l'instance d'appel.

Par ces motifs,

La cour,

Statuant contradictoirement,

(…)

Reçoit les appels, principal et incident,

Dans les limites de sa saisine,

Dit l'appel principal non fondé et l'appel incident fondé dans la mesure ci-après;

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné l'intimée à payer aux appelants 84.252 EUR en principal, outre les intérêts judiciaires au taux légal depuis le 1er janvier 2002 jusqu'à parfait paiement et en ce qu'il a statué sur les dépens;

Le met à néant pour le surplus et réformant;

Condamne les appelants à payer à l'intimée 357.341,86 EUR (trois cent cinquante-sept mille trois cent quarante-et-un euros quatre-vingt six cents) en principal, outre les intérêts judiciaires au taux légal depuis le 1er juillet 1998 jusqu'à parfait paiement;

Ordonne la compensation entre les condamnations réciproques des parties portées, d'une part, aux dispositions confirmées du jugement déféré et, d'autre part, au présent arrêt;

Dit les demandes originaires, principale et reconventionnelle, non fondées pour le surplus;

(…)