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Observations, R.D.C.-T.B.H., 2010/2, p. 127-130

BANK EN KREDIETWEZEN
Bankverrichtingen - Debetrente op zichtrekening - Algemene bankvoorwaarden - Debetinterest (20,4%)
Algemene bankvoorwaarden verbinden een cliënt indien hij enerzijds voor of uiterlijk op het ogenblik van de contractsluiting kennis genomen heeft of redelijkerwijze kennis heeft kunnen nemen van de algemene bankvoorwaarden en hij anderzijds deze voorwaarden uitdrukkelijk of stilzwijgend heeft aanvaard.
In principe is de door banken gehanteerde interest op basis van de debetinterest op een zichtrekening bij overschrijding of afsluiting van een krediet, zelfs aan 20,4%, geen woeker­interest en is er geen aanleiding tot toepassing van artikel 1153, 5de lid BW.
BANQUE ET CREDIT
Opérations bancaires - Intérêts débiteurs sur le compte à vue - Conditions générales bancaires - Taux d'intérêt (20,4%)
Les conditions générales bancaires lient le client lorsque ce dernier d'une part, en a pris connaissance ou a pu raisonnablement en prendre connaissance avant ou lors de la conclusion du contrat et d'autre part, les a acceptées expressément ou tacitement.
En principe, le taux d'intérêt, calculé sur la base des intérêts débiteurs en compte à vue, appliqué par la banque au dépassement ou à la clôture d'un crédit, fut-il de 20,4%, n'est pas un intérêt usuraire et l'article 1153, 5ème alinéa du Code civil ne s'applique pas.

1.Les faits ayant donné lieu au jugement du tribunal de de commerce de Hasselt du 23 avril 2008 sont relativement simples. La banque consent à un client, le 20 avril 2001, une ouverture de crédit de 545.365,75 EUR utilisable sous la forme d'avances de trésorerie d'un mois minimum et d'un an maximum, et ce pour lui permettre d'acquérir les parts d'une SPRL et de procéder à l'augmentation de capital d'une autre société. Le crédit devait être remboursé le 31 mai 2002 au plus tard, grâce au produit de la vente d'actions détenues par l'emprunteur dans une troisième société.

Ce crédit est soumis au règlement des crédits à la clientèle privée, qui prévoit notamment que la banque peut modifier le taux d'intérêt, le tarif, les règles d'imputation, la périodicité et les autres modalités des intérêts, les frais et les commissions et que, à compter de la fin du crédit jusqu'au jour du complet paiement, la banque appliquera au solde débiteur, un intérêt calculé au taux applicable aux dépassements non autorisés sur les comptes à vue.

Le crédit a été par la suite prolongé et réduit à plusieurs reprises. L'avance de trésorerie à court terme a finalement pris fin le 28 février 2007, date à laquelle les sommes dues en vertu du crédit ont été débitées du compte centralisateur du client dans lequel fonctionnait un straight-loan. Ceci a entraîné un dépassement non autorisé dans ce compte que le client n'a pas apuré malgré les différents rappels qui lui ont été adressés par la banque. En conséquence, cette dernière a dénoncé, le 11 décembre 2007, le crédit lié au compte centralisateur et a demandé le remboursement des sommes qui lui étaient alors dues.

A défaut de paiement de la part du client, la banque a saisi le tribunal de commerce de Hasselt, par une citation signifiée le 5 février 2008.

2.Dans son jugement, le tribunal a d'abord déterminé si le règlement des crédits à la clientèle privée alléguée par la banque, était applicable aux relations contractuelles unissant la banque et son client commerçant.

Pour qu'elles puissent gouverner les relations entre ces parties, le règlement des crédits doit avoir été accepté par elles.

Dans le chef de la banque, ceci ne pose en soi pas de difficultés dans la mesure où elle en est la rédactrice.

Dans le chef du client, il convient de démontrer que celui-ci a pris ou a pu prendre connaissance de ce règlement et l'a accepté expressément ou tacitement.

La preuve de cette connaissance et de cette acceptation est apportée par la signature par le client d'un document dans lequel il reconnaît avoir reçu ledit règlement [1] et qu'il l'accepte [2]. Ce document peut être tout simplement l'offre de crédit adressée par la banque au client.

Elle peut également l'être si la banque a pris soin de faire signer ou, comme en l'espèce, parapher par le client le règlement destiné à régir les relations contractuelles de crédit.

3.La banque et son client commerçant sont libres de déterminer si le crédit portera ou non des intérêts, étant entendu qu'il existe, en matière commerciale, un usage suivant lequel les intérêts sont présumés [3]. La même liberté existe quant à la fixation du taux, sous réserve de la prohibition de l'usure.

La plupart des conventions de crédit prévoient, le plus souvent dans les conditions générales applicables au crédit, que le banquier peut modifier le taux applicable, étant entendu qu'il lui appartient de porter à la connaissance du client cette modification avant son entrée en vigueur et que le client a alors la possibilité, durant le délai s'écoulant entre la notification du nouveau taux et son entrée en vigueur, de mettre fin au contrat.

Il est admis que de telles clauses sont licites et s'imposent au client dès lors qu'il y a consenti [4], [5]. Encore faut-il que la convention organise la variabilité du taux par référence à des éléments extérieurs à la volonté du prêteur [6] et que le taux ainsi fixé ne soit pas frappé par la prohibition des intérêts usuraires.

4.Il est également permis aux parties de convenir le taux qui sera applicable lors de la clôture de l'ouverture de crédit [7]. En règle, il s'agit du taux applicable durant l'exécution du contrat de crédit, majoré d'un certain pourcentage complémentaire.

En l'absence de stipulation contractuelle sur ce point, il n'est pas contesté qu'un intérêt est dû par le client débiteur des sommes. Son taux est néanmoins sujet à discussion.

Pour certains, ce ne peut être que le taux légal. La clôture du crédit a entraîné l'exigibilité des sommes. Ces dernières portent alors - et ne peuvent alors porter qu' - un intérêt moratoire calculé conformément à la loi [8].

Cette solution n'apparaît pas satisfaisante.

Le taux conventionnel demeure d'application [9] dès lors que “le service rendu du fait de l'avance bancaire résultant du solde se poursuit après l'arrêt du compte et que la substitution du taux légal au taux d'intérêt conventionnel aurait pour effet de procurer au débiteur défaillant un avantage injustifié par rapport à celui qui remplit normalement ses obligations” [10]. Le recours au taux conventionnel, même après la dénonciation du crédit, peut également être justifié par un usage [11].

5.Il est admis que les parties puissent convenir qu'en cas de dénonciation du crédit, le taux conventionnel serait toujours d'application mais, le cas échéant, augmenté d'un pourcentage complémentaire.

Ce n'est que si cet intérêt excède manifestement le dommage subi à la suite du retard, que le juge peut réduire le taux conventionnel au taux légal [12], et ce en application de l'article 1153 du Code civil [13].

Lors de la mise en oeuvre du pouvoir modérateur qui lui est donné par l'article 1153 du Code civil, le critère d'appréciation à retenir est sujet à discussion. En effet, la loi ne fait pas référence, comme à l'article 1231 du Code civil, au 'dommage prévisible' mais bien au 'dommage subi'.

Ce libellé différent, qui n'est pas sans incidence [14], interpelle [15].

D'une part, le critère d'appréciation différerait donc selon que la clause pénale porte sur une somme ou sur des intérêts. D'autre part, il est permis de se demander si cette différence a bien été voulue par le législateur [16]. Il s'ensuit qu'il apparaît opportun de préférer l'esprit à la lettre.

Par ailleurs, seul l'excès manifeste peut être sanctionné.

Il n'apparaît dès lors pas possible de justifier le dépassement manifeste exigé par l'article 1153 du Code civil, par la seule référence à la valeur 'faciale' du taux. En effet, si un taux supérieur à 20% peut apparaître prima facie excessif dès lors qu'il équivaut pratiquement à 4 fois le taux légal en vigueur en 2009, il faut toutefois savoir que des taux très largement supérieurs au taux légal sont souvent d'application dans le cadre de lois pourtant protectrices des consommateurs, à savoir la loi sur le crédit à la consommation [17] ou la loi réglant les intérêts débiteurs dus sur les comptes à vue [18].

Suivant l'avis publié au Moniteur belge du 21 octobre 2009, les taux de référence (1er taux) et les taux maximas (2ème taux) applicables dans le cadre de la loi sur les crédits à la consommation sont les suivants


Montant du crédit. Prêt à tempérament, vente à tempérament et tous les contrats de crédit, sauf le crédit-bail, pour lesquels les termes de paiement et les montants de terme restent généralement identiques pendant la durée du contrat. Crédit-bail. Ouverture de crédit et tous les autres contrats de crédit à l'exception de ceux visés aux colonnes précédentes du présent tableau.
Avec support carte Sans support carte
En vigueur à partir du 1er juin 2009 En vigueur à partir du 1er décembre 2009
Jusqu'à 1.250 EUR 19,3% /19,5% 13,3% /13,5% 15,92% - 0,87 = 15,05 /15% 11,92% - 0,87 = 11,05 /11%
Plus de 1.250 EUR à 5.000 EUR 14,86% /15% 10,86% /11% 13,92% - 0,87 = 13,05 /13% 10,92% - 0,87 = 10,05 /10%
Plus de 5.000 EUR 12,34% /12,5% 10,34% /10,5% 12,92% - 0,87 = 12,05 / 12% 10,92% - 0,87 = 10,05 10%

Plusieurs décisions récentes, dont celle commentée, ont d'ailleurs validé des taux supérieurs ou voisins à 20% [19].

6.Après avoir valider le taux d'intérêts de retard conventionnel, le tribunal de commerce de Hasselt a estimé que la banque commettait un abus de droit en réclamant le paiement des intérêts à ce taux pour une période au cours de laquelle son débiteur rencontrait des difficultés - connues de la banque - avec l'acheteur de l'immeuble faisant l'objet de l'hypothèque donnée à la banque, et ce au motif que le risque de non-paiement était limité du fait de la garantie.

Ce raisonnement ne paraît pas pouvoir être suivi.

L'admission par le tribunal du taux d'intérêts de retard conventionnel emporte la reconnaissance par lui de ce que le créancier éprouve un dommage du fait du retard mis par le débiteur à acquitter sa dette. Le seul fait qu'il dispose d'une sûreté ou qu'il ait connaissance des tribulations du dossier avec l'acheteur [20], ne rend pas ce dommage inexistant. Il ne permet pas davantage de conclure que la banque aurait ainsi exercer “son droit d'une manière qui dépasse manifestement les limites de l'exercice normal de celui-ci par une personne normalement prudente et diligente” [21].

André-Pierre André-Dumont

Maître de conférences invité à l'Université Catholique de Louvain

Avocat au barreau de Bruxelles

[1] Dès lors que la banque peut démontrer avoir remis au moment de l'offre ou avant celle-ci, les conditions - contenues dans le règlement des crédits ou dans le règlement général des opérations - auxquelles cette offre est soumise, l'acceptation de ces conditions par le client peut découler de son silence s'il est circonstancié (M. Berlingin, “Les conditions générales bancaires - règlement général des opérations” in Les conditions générales, Louvain-la-Neuve, Anthemis, 2009, p. 57, n° 35). Selon Madame Linsmeau, “lorsque les conditions générales (…) ont été communiquées en même temps que l'offre ou avant celle-ci, leur acceptation résulte de l'acceptation de l'offre, de l'exécution de la convention ou encore du fait que l'opération se situe dans une suite d'opérations semblables dont il est stipulé qu'elles sont soumises aux conditions générales (…)” (J. Linsmeau, “Points délicats des règlements généraux des opérations de banque” in Droit bancaire, cambiaire et financier, CUP, 1998, p. 109, n° 5).
[2] De telles clauses contractuelles sont licites et ont pour effet que le client ne peut plus contester ne pas avoir reçu ces documents et ne pas en avoir accepté les dispositions (Liège 29 octobre 2002, JT 2003, p. 342 ; Comm. Liège 18 décembre 1996, RDC 1997, p. 755; Comm. Bruxelles 6 décembre 1996, RDC 1997, p. 61; Civ. Bruxelles 15 mai 1997, JT 1997, p. 618 ; L. Cornelis et I. Claeys, “De tegenstelbaarheid van algemene bankvoorwaarden en hun eenzijdige wijziging” in Les conditions générales bancaires, Bruxelles, Bruylant, 2005, p. 86, n° 13; Q. Van Enis, “L'opposabilité des conditions générales off-line et on-line: de la suite dans les idées” in Les conditions générales, Louvain-la-Neuve, Anthemis, 2009, p. 16; Civ. Bruxelles 29 janvier 2007, RDC 2009, p. 13 ; M. Berlingin, “Les conditions générales bancaires - règlement général des opérations” in Les conditions générales, Louvain-la-Neuve, Anthemis, 2009, p. 54, n° 29 et p. 58, n° 36). Certains estiment qu'il s'agit bien souvent d'une clause de style (R. Smits, S. S­tijns et K. Vanderschot, “Algemene bankvoorwaarden” in Bankcontracten, Bruges, die Keure, 2004, p. 12, n° 24). Néanmoins, faute pour le client de fournir un quelconque élément - autre que ses propres allégations - permettant de considérer que cette clause ne serait que de style, il convient, à peine de méconnaître la foi due à l'acte, de lui donner ses pleins et entiers effets (Comm. Bruxelles 5 septembre 2007, inédit).

Dans un jugement du 2 janvier 2008 ( JT 2008, p. 195 ), le tribunal de commerce de Charleroi a estimé que par la signature de la lettre d'ouverture de crédit dans laquelle il était indiqué que “cette ouverture de crédit est soumise aux conditions générales des ouvertures de crédit aux entreprises (…) dont vous reconnaissez avoir reçu un exemplaire”, le crédité “a marqué son accord sur ce fait tout en reconnaissant également avoir pris connaissance desdites conditions générales”.
[3] Ch. Biquet-Mathieu, Le sort des intérêts dans le droit du crédit, Liège, Éd. Collection scientifique de la Faculté de droit de Liège, 1998, p. 55, n° 25 et les références citées; J.-P. Buyle, “Les fluctuations du loyer de l'argent” in Droit bancaire et financier au Grand-Duché de Luxembourg, Bruxelles, Larcier, 1994, p. 822, n° 1.
[4] Sous réserve de la protection du 'consommateur' organisée notamment par la loi sur le crédit hypothécaire, la loi sur le crédit à la consommation et la loi sur les pratiques du commerce, la protection et l'information du consommateur.
[5] Sur le consentement du client aux conditions des ouvertures de crédit et la preuve de celui-ci, voy. supra n° 2. Sur l'acceptation des modifications apportées unilatéralement aux conditions générales et leur acceptation par le client, voy. R. Smits, S. Stijns et K. Vanderschot, “Algemene bankvoorwaarden”, Bankcontracten, die Keure, 2004, p. 24, nos 49 et s.; J. Linsmeau, “Points délicats des règlements généraux” in Droit bancaire, cambiaire et financier, CUP, 1998, p. 113, n° 13; J.-P. Buyle, “Les fluctuations du loyer de l'argent” in Droit bancaire et financier au Grand-Duché de Luxembourg, Bruxelles, Larcier, 1994, pp. 832-836, nos 7-8.
[6] Cass. fr. 2 mai 1990, Banque 1990, p. 1907; Cass. comm. 9 juin 1992, Banque 1992, p. 736; J.-P. Buyle, “Les fluctuations du loyer de l'argent” in Droit bancaire et financier au Grand-Duché de Luxembourg, Bruxelles, Larcier, 1994, p. 826, n° 4.
[7] P. Kileste et M. Caluwaert, “Les intérêts bancaires. Questions particulières” in Les intérêts bancaires, JJP 1995, p. 123.
[8] Voy. notamment Civ. Nivelles 19 avril 1994, RDC 1994, p. 1070; Cass. comm. fr. 23 octobre 1990, Sem.Jur.J. 21710, note J. Stoufflet; TGI Lyon 20 mars 1989, Rev.Jurisp.Comm. 1990, p. 182, note Gallet; Versailles 19 septembre 1983, DS 1984, IR, p. 264; Th. Bonneau, “Chronique de droit bancaire”, Banque & Droit 2009, n° 126, p. 17.
[9] Voy. notamment Th. Bonneau, Droit bancaire, Paris, Domat, 2007, p. 278, n° 380 (qui indique néanmoins que cette solution n'est pas celle retenue par la Cour de cassation de France); J.-P. Buyle, “Les fluctuations du loyer de l'argent” in Droit bancaire et financier au Grand-Duché de Luxembourg, Bruxelles, Larcier, 1994, p. 845, n° 15; J.-L. Rives-Lange et M. Contamine-Raynaud, Droit bancaire, Paris, Dalloz, 1990, p. 270, n° 204.
[10] Paris 29 avril 1981, cité par Th. Bonneau, Droit bancaire, Paris, Domat, 2007, p. 278, n° 380.
[11] J.-P. Buyle, “Les fluctuations du loyer de l'argent” in Droit bancaire et financier au Grand-Duché de Luxembourg, Bruxelles, Larcier, 1994, p. 847, n° 15. Cet usage ne peut justifier que le recours au taux conventionnel pratiqué avant la dénonciation du crédit. En revanche, il est sans doute difficile de trouver un usage quant au montant précis de ce taux conventionnel, celui-ci étant propre à chaque établissement de crédit.
[12] Sur le choix du 'taux légal' et la combinaison de l'art. 1153 du Code civil et les dispositions de la loi du 2 août 2002 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, voy. V. Sagaert et I. Samoy, “De wet van 2 augustus 2002 betreffende de bestrijding van de betalingsachterstand bij handelstransacties. Een verwittigd wanbetaler is er twee waard…”, RW 2002-03, p. 332, n° 36. Ces auteurs estiment que la réduction du taux d'intérêt conventionnel ne peut conduire à appliquer un taux inférieur à celui fixé par la loi du 2 août 2002.
[13] L'alinéa 5 de cet article prévoit que “Sous réserve de l'application de l'article 1907, le juge peut d'office ou à la demande du débiteur, réduire l'intérêt stipulé à titre de dommages-intérêts pour retard dans l'exécution si cet intérêt excède manifestement le dommage subi à la suite de ce retard. En cas de révision, le juge ne peut condamner le débiteur à payer un intérêt inférieur à l'intérêt légal. Toute clause contraire aux dispositions du présent alinéa est réputée non écrite.” Cette disposition n'écarte donc pas l'art. 1907 du Code civil qui prévoit notamment que, pour les prêts à intérêt, “en aucun cas la majoration du taux de l'intérêt pour retard de paiement, ne peut dépasser un demi pour cent l'an sur le capital restant dû”. Il convient de rappeler que le contrat d'ouverture de crédit n'est pas un contrat de prêt. Ce dernier est un contrat réel (comp. B. Du Laing, (Geld)lening en krediet(opening), Bruges, die Keure, 2005, p. 71) tandis qu'une ouverture de crédit est un contrat consensuel, à titre onéreux et synallagmatique par lequel “une personne (le créditeur) s'oblige à mettre temporairement à la disposition d'une autre (le crédité) ses fonds ou son crédit personnel à concurrence d'un montant déterminé; en contrepartie, le crédité s'engage à payer une commission et en outre, si le crédit est réalisable en argent, à rembourser les avances reçues augmentées d'un intérêt” (J. Van Ryn et J. Heenen, Principes de droit commercial, T. IV, Bruxelles, Bruylant, 1988, p. 403, n° 526). Il s'ensuit que le contrat d'ouverture de crédit n'est pas soumis aux dispositions des art. 1907 et s. du Code civil (voy. notamment C. Biquet-Mathieu, Le sort des intérêts dans le droit du crédit. Actualité ou désuétude du Code civil, Liège, Éd. Collection scientifique de la Faculté de droit de Liège, p. 473, n° 269 et p. 596, n° 333; Anvers 2 octobre 2003, RDC 2005, p. 176 , note J.-P. Buyle et M. Delierneux; Anvers 1er avril 2004, inédit; J. Cattaruzza, “Le crédit bancaire”, Guide juridique de l'entreprise, T. IV, livre 45, n° 230; Bruxelles 6 septembre 1999, RDC 2000, p. 703; Civ. Charleroi 8 juin 2000, RDC 2001, p. 786; Comm. Mons 15 octobre 2002, DAOR 2003, p. 75; O. Poelmans et D. Blommaert, “Chronique de jurisprudence en droit bancaire”, DAOR 2003, p. 90, n° 58; Bruxelles 15 septembre 2009, juridat).

Il n'est toutefois pas certain que cette disposition s'applique à la majoration des intérêts après la rupture du contrat de prêt. Ainsi, monsieur De Page estime que l'art. 1907 ne peut s'appliquer qu'à la majoration des intérêts en cas de retard de paiements des échéances et non du capital (H. De Page, Traité élémentaire de droit civil belge, Bruxelles, Bruylant, T. III, 1967, p. 157, n° 121ter, 2°. Voy. aussi en ce sens G. Jakhian, “Ristourne et réduction d'intérêts dans le crédit hypothécaire: l'état provisoire de la question - l'offre conjointe et le crédit hypothécaire” (obs. sous CE 3 juin 1996), RDC 1998, p. 235). Madame Biquet-Mathieu estime qu'une telle limitation ne trouve appui ni dans la loi ni dans les travaux préparatoires (C. Biquet-Mathieu, Le sort des intérêts dans le droit du crédit. Actualité ou désuétude du Code civil, Liège, Éd. Collection scientifique de la Faculté de droit de Liège, p. 603, n° 336).
[14] Si le critère est le dommage prévisible, un décompte précis du dommage n'est pas nécessaire. Il suffit de déterminer si la réparation prévue excède le dommage tel qu'il pouvait être envisagé lors de la conclusion de la clause. En revanche, si le critère est le dommage subi, il faut effectuer un décompte relativement précis de celui-ci pour déterminer si la réparation convenue excède ou non, de manière manifeste, ce dommage.
[15] Pour une analyse de la loi, voy. notamment Ch. Biquet-Mathieu, “Aspect de la réparation du dommage en matière contractuelle” in Les obligations contractuelles, Bruxelles, Éd. du Jeune Barreau, 2000, p. 499, n° 20; I. Moreau-Margrève, “Variation sur un thème récurrent: la clause pénale” in Mélanges offerts à Pierre Van Ommeslaghe, Bruxelles, Bruylant, 2000, p. 202; C. Delforge, “Entre prudence et audace… Réflexions sur la récente modification des dispositions du Code civil relatives à la clause pénale et aux intérêts moratoires”, Rev.not.b. 1999, p. 613; P. Wéry, “La loi du 23 novembre 1998 modifiant le Code civil en ce qui concerne la clause pénale et les intérêts moratoires: fin de la crise de la clause pénale ou début de nouvelles incertitudes?”, RGDC 2004, p. 233; B. Wylleman, “Nieuwe wetgeving inzake strafbeding en moratoire intrest”, AJT 1998-99, p. 701. Monsieur Wylleman souligne que les clauses prévoyant des clauses d'intérêts conventionnels supérieurs au taux légal sont des clauses pénales.
[16] Madame Delforge semble regretter cette référence au dommage subi mais constate, sur la base des travaux préparatoires, que cette référence serait consciente (C. Delforge, “Entre prudence et audace… Réflexions sur la récente modification des dispositions du Code civil relatives à la clause pénale et aux intérêts moratoires”, Rev.not.b. 1999, p. 613). En revanche, monsieur Wéry estime que la référence au dommage subi provient d'une erreur d'inattention du législateur et qui propose en conséquence de retenir une interprétation 'audacieuse' permettant, selon lui, de retrouver l'exacte volonté du législateur: le 'dommage subi' doit s'interpréter comme étant le dommage susceptible d'être subi, c'est-à-dire le dommage prévisible (P. Wéry, “La loi du 23 novembre 1998 modifiant le Code civil en ce qui concerne la clause pénale et les intérêts moratoires: fin de la crise de la clause pénale ou début de nouvelles incertitudes?”, RGDC 2004, p. 233). Il en est de même de monsieur Wylleman qui ne comprend pas davantage la référence au dommage subi plutôt qu'au dommage prévisible, qui est le critère ordinaire à la lumière duquel une clause pénale est appréciée (B. Wylleman, “Nieuwe wetgeving inzake strafbeding en moratoire intrest”, AJT 1998-99, p. 701).
[17] Dans le cadre de la décision commentée, ces taux étaient supérieurs à l'époque de la dénonciation intervenue par une lettre du 20 avril 2007(voy. l'avis du 19 octobre 2006 publié au Moniteur belge du 31 octobre 2006).
[18] L'art. 3 de cette loi prévoit que “Le taux d'intérêt débiteur annuel des comptes à vue visé par la présente loi ne peut excéder le taux annuel effectif global maximum fixé en application de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation pour les ouvertures de crédit à durée indéterminée jusque 1.250 EUR, pour lesquelles les coûts de la carte de paiement ou de légitimation ne doivent pas être repris dans le coût total du crédit.”
[19] Bruxelles 26 janvier 2009, RDC 2008, p. 20 (qui évoque un taux conventionnel de 24% l'an sans se prononcer toutefois sur sa conformité à l'art. 1153 du Code civil); Bruxelles 9 février 2007, RDC 2009, p. 5 (la cour retient un taux conventionnel de 18%); Liège (7ème ch.) 20 novembre 2003, SA CBC Banque / SA Botitout, inédit (qui estime qu'un taux d'intérêt de 18% est raisonnable); Liège 26 mars 2002, RDC 2004, p. 163 . Inversement, la cour d'appel de Gand a décidé, sans motiver sa décision sur ce point, qu'un taux de 13,8% était manifestement excessif (Gand 16 juin 2008, Dr.banc.fin. 2009, p. 100).
[20] La décision ne permet pas de connaître la nature exacte de ce que le tribunal qualifie de tribulations avec l'acheteur. Si par la faute de ce dernier, le dossier de vente a pris du retard et a eu pour conséquence d'obliger le client de la banque à payer des intérêts plus importants, c'est à cet acheteur qu'il incombait de réparer ce dommage.
[21] Cass. 10 septembre 1971, Pas. 1972, I, p. 28. Sur l'abus de droit et ses critères, voy. S. Stijns, D. Van Gerven et P. Wéry, “Chronique de jurisprudence. Les obligations: les sources (1985-1995)”, JT 1996, p. 707, n° 45.