Article

Cour d'appel Bruxelles, 19/06/2008, R.D.C.-T.B.H., 2010/2, p. 117-120

Cour d'appel de Bruxelles 19 juin 2008 [2]

BANQUE ET CREDIT
Opérations bancaires - Carte bancaire - Carte de crédit - Internet - Contrat à distance - Usage frauduleux
La loi du 17 juillet 2002 relative aux opérations effectuées au moyen d'instruments de transfert électronique de fonds n'est d'application qu'entre un titulaire de carte et un émetteur de carte.
Tout commerçant connaît ou doit connaître les risques concernant les transactions par Internet, dès lors qu'il utilise un système de paiement par carte de crédit.
Le code d'autorisation donné par l'acquéreur n'est pas une reconnaissance absolue de la validité de la transaction ni une garantie certaine de paiement dès lors que l'acquéreur n'est pas en mesure de vérifier que la carte a effectivement été utilisée par son titulaire légitime.
Il est normal que ce soit le commerçant qui, lorsqu'il décide d'accepter un paiement par carte sans la présence physique du titulaire de la carte et, partant, en se privant de la possibilité de faire les vérifications requises et d'obtenir la signature de l'intéressé sur la facturette, supporte le risque d'une malveillance de son client contre lequel il lui appartient, le cas échéant de se retourner.
BANK EN KREDIETWEZEN
Bankverrichtingen - Bankkaart - Kredietkaart - Internet - Contracten op afstand - Frauduleus gebruik
De wet van 17 juli 2002 betreffende de elektronische overmaking van geldmiddelen is enkel toepasselijk tussen de kaarthouder en de uitgever van de kaart.
Elke koopman kent of moet de risico's kennen die verbonden zijn aan verrichtingen via het Internet, wanneer hij het systeem van betaling via een kredietkaart gebruikt.
De toegangscode die de verkrijger verschaft vormt geen absolute erkenning van de geldigheid van de verrichting en is ook geen waarborg van betaling aangezien de verkrijger niet kan nagaan of de kaart effectief door de rechtmatige houder is gebruikt.
Wanneer een handelaar een betaling per kaart aanvaardt zonder de fysieke aanwezigheid van de titularis ervan, en zich bijgevolg de mogelijkheid ontneemt om het vereiste nazicht door te voeren en de handtekening van de titularis op het ontvangststrookje te verkrijgen, is het normaal dat deze koopman het risico draagt voor de kwaadwilligheid van zijn klant-opdrachtgever, tot wie hij zich desgevallend zal moeten richten.

The Good Bike SA / Atos Worldline SA

Siég.: Y. Demanche (conseiller)
Pl.: Mes Fr. Dechamps et F. Vandervoorde loco B. Paklons

(…)

I. La décision attaquée

L'appel est dirigé contre le jugement prononcé le 26 avril 2005 par le tribunal de commerce de Bruxelles.

Les parties ne produisent pas d'acte de signification de ce jugement.

II. La procédure devant la cour

L'appel est formé par requête, déposée par la SA The Good Bike au greffe de la cour le 27 octobre 2005.

La cause a été fixée sur pied de l'article 747 § 2 du Code judiciaire par ordonnance du 24 novembre 2005.

Il est fait application de l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire.

III. Le faits et antécédents de la procédure

1. Le 7 mars 2001, la SA The Good Bike (ci-après Good Bike) qui vend des motos et accessoires, s'affilie auprès de la SA Bank Card Company (ci-après BCC) et souscrit, par addendum, son affiliation au système 'mail order' et au système 'telephone order' (Mo/To).

Good Bike fait état d'une affiliation au 2 août 2000 comme génératrice des relations contractuelles entre parties.

Cette circonstance est sans incidence puisque le contrat signé le 7 mars 2001 prévoit que celui-ci annule et remplace toute convention ou conditions antérieures existantes.

2. Dans le courant du mois d'octobre 2003, une société de droit anglais Watermann Partnership Ltd., contacte par téléphone Good Bike et lui commande du matériel d'accessoires de motos pour un montant s'élevant à près de 52.000 EUR.

Le paiement des différentes commandes est effectué au moyen de plusieurs cartes de crédit et pour chacune d'elles, Good Bike demande une autorisation de BCC, utilisant le système de la SA Absyss Consulting, en envoyant les données de la carte, ce qui permet de vérifier que celle-ci, identifiée uniquement par son numéro et sa date d'expiration, n'a pas été volée ou perdue ou que la transaction ne dépasse pas la limite de crédit liée à celle-ci.

Pour chaque transaction, Good Bike a reçu un code d'autorisation ou, selon BCC, une 'non-opposition'.

3. Good Bike va apprendre d'un véritable titulaire d'une carte Visa l'utilisation frauduleuse de celle-ci par la société Watermann Partnership Ltd. Divers autres titulaires de carte vont aussi se manifester pour les mêmes raisons.

4. Good Bike expose qu'elle dépose plainte le 20 novembre 2003, avec constitution de partie civile à l'encontre de la société de droit anglais Watermann Partnership Ltd. du chef de faux, usage de faux et fraude informatique. Good Bike précise que cette plainte ne donnera aucun résultat.

5. Good Bike ne pouvant apporter la preuve des autorisations données par les véritables titulaires de carte en ce qui concerne les transactions litigieuses, BCC a remboursé ceux-ci et débité le compte de Good Bike en ses livres.

Celui-ci présente un solde négatif de 47.810,51 EUR et BCC cite devant le tribunal de commerce de Bruxelles, le 16 juin 2004, à l'effet d'obtenir condamnation de Good Bike à lui payer cette somme, à augmenter des intérêts conventionnels au taux de 12% par mois à dater du 15 janvier 2004, des intérêts judiciaires et d'une clause pénale de 125 EUR.

6. Par jugement prononcé le 26 avril 2004, le tribunal de commerce de Bruxelles a fait droit à la demande.

7. Devant la cour, Good Bike demande la réformation du jugement entrepris et formant appel incident, sollicite la condamnation de BCC au remboursement du montant de 47.810,51 EUR à majorer des intérêts judiciaires à dater de l'arrêt et ce jusqu'à complet paiement. Good Bike précise que BCC a procédé à l'exécution provisoire autorisée du jugement.

IV. Discussion

8. Good Bike soutient que:

- les conditions générales d'affiliation et les avenants ne sont pas pertinents en l'espèce;

- elle a fait preuve de prudence à l'égard de la société Watermann dans le cadre du traitement des transactions électroniques;

- BCC n'a pas exécuté de bonne foi la convention du 7 mars 2001.

1. Quant aux conditions générales d'affiliation

9. Good Bike invoque qu'ayant parfaitement respecté ses obligations contractuelles dans la transmission des données en cas de paiement électronique, aucun grief ne peut lui être fait étant donné que les conditions générales d'affiliation auxquelles se réfère BCC ne seraient pas pertinentes puisque visant le système de présentation physique de la carte et non le paiement à distance.

BCC ne soutient pas que Good Bike aurait commis une faute dans le cadre de l'application du système 'Mo/To'. BCC invoque au contraire l'article 2.D de l'addendum 'Mo' qui prévoit qu'elle dispose du droit de débiter le compte interne de son cocontractant en cas de contestation de l'opération par le titulaire de la carte.

Cette condition a été acceptée par Good Bike lors de son affiliation au système et constitue dès lors la loi des parties.

Good Bike ne conteste par ailleurs pas que les titulaires de carte ont contesté lesdites opérations, ce qui résulte au surplus des pièces du dossier de BCC.

Le grief n'est donc pas pertinent.

2. Good Bike a fait preuve de prudence à l'égard de la société Watermann

10. Ce point est irrelevant puisque BCC, lorsque des transactions frauduleuses sont menées, peut débiter le compte interne du commerçant.

3. Quant l'exécution de bonne foi de la convention

11. Good Bike reproche à BCC d'avoir fait preuve de négligence dans l'exécution de la convention en restant totalement passive lorsqu'elle a été prévenue des plaintes des titulaires des cartes.

Good Bike reproche aussi à BCC de n'avoir jamais pris contact avec le juge d'instruction et de n'avoir pas effectué des démarches auprès des autorités britanniques.

12. Ces reproches sont non fondés puisque, d'une part, en annexe à la plainte avec constitution de partie civile déposée par Good Bike, figure une télécopie de BCC du 14 novembre 2003 à la Metropolitan Police London. Ceci permet à BCC d'affirmer, sans être contredite, qu'elle a immédiatement pris contact avec la police judiciaire de Londres.

D'autre part, en ce qui concerne la procédure initiée en Belgique, Good Bike admet elle-même son inefficience dès lors que la société Watermann avait manifestement été créée dans le but d'opérer des transactions frauduleuses (p. 3 de ses conclusions de synthèse).

Les reproches qu'elle adresse à cet égard à BCC s'avèrent donc sans pertinence.

Au surplus, ils ne sont pas en lien causal avec l'utilisation frauduleuse des cartes et sont donc en outre non fondés.

13. Good Bike invoque également avoir été induite en erreur au moment de la formation du contrat quant à l'étendue des risques pris et à ses obligations. Good Bike insiste tout particulièrement sur le fait que son attention n'a pas été attirée sur les contraintes et les limites du système.

14. En ce qui concerne les transactions par Internet, tout commerçant en connaît ou doit en connaître les risques, dès lors qu'il utilise un système de paiement par carte de crédit.

Si le commerçant ne veut pas courir un tel risque, il lui suffit de ne pas accepter une commande à distance effectuée au moyen des cartes Visa et Eurocard-MasterCard. Il doit être conscient du risque lié à ce type d'instruments (Bruxelles (18ème ch.) 19 décembre 2006, RG 2004/AR/1715).

Il est normal que ce soit le commerçant qui, lorsqu'il décide d'accepter un paiement par carte sans la présence physique du titulaire de la carte et, partant, en se privant de la possibilité de faire les vérifications requises et d'obtenir la signature de l'intéressé sur la facturette, supporte le risque d'une malveillance de la part de son client, donneur d'ordre, contre lequel il lui appartient, le cas échéant, de se retourner (Bruxelles (4ème ch.) 4 décembre 2007, RG 2005/AR/1411).

15. En délivrant un code d'autorisation, BCC ne validait en définitive pas la transaction.

Le code d'autorisation signifie uniquement que BCC n'avait aucune objection à s'opposer à la transaction dès lors que, suite aux informations qui lui avaient été transmises par Good Bike, BCC a pu s'assurer que cette carte n'était pas signalée volée ou perdue et que la ligne de crédit liée à cette carte n'était pas dépassée. Il ne s'agit pas d'une reconnaissance absolue de la validité de la transaction ni d'une garantie certaine de paiement dès lors que BCC était dans l'impossibilité de vérifier d'autres données, notamment si cette carte fut effectivement utilisée par son titulaire légitime (Bruxelles 27 juin 2006,précité).

16. Good Bike se réfère aussi à l'article 4 de la loi du 17 juillet 2002 relative aux opérations effectuées au moyen d'instruments de transfert électronique de fonds qui impose diverses obligations d'information. Elle soutient que tel n'a pas été le cas en l'espèce.

17. Cette loi n'est d'application qu'entre un titulaire de carte et un émetteur de carte c'est-à-dire une personne qui, dans le cadre de son activité commerciale, met un instrument de transfert électronique de fonds à la disposition d'une autre personne conformément à un contrat conclu avec celle-ci (art. 2, 3° de la loi); ce qui ne correspond pas aux relations de l'espèce, BCC n'étant pas un émetteur de carte.

18. Good Bike invoque également le devoir de conseil en matière informatique.

C'est à juste titre que BCC fait observer d'une part que les parties n'ont pas conclu un contrat informatique mais bien un contrat de fourniture de services portant sur le traitement de transactions.

19. Good Bike conteste aussi une transaction spécifique effectuée avec la carte d'un sieur Smith qui a protesté les transactions effectuées au mois d'octobre 2003 avec la carte de son fils, apparemment détruite en novembre 2002. Good Bike considère que BCC aurait commis une faute en autorisant une transaction sur base d'une carte invalide ou perdue ou détruite.

C'est à juste titre que BCC invoque qu'elle n'avait aucun motif de refuser de donner un code d'autorisation pour la transaction puisque la carte n'avait pas été bloquée par le titulaire.

20. Il résulte de ce qui précède qu'aucun grief ne peut être retenu à l'encontre de BCC quant à un manque de loyauté de sa part dans l'exécution de la convention liant les parties.

21. Il se déduit de l'ensemble des considérations ci-avant que l'appel est non fondé et de même l'appel incident.

4. Quant aux intérêts

22. L'article 1153 du Code civil dispose que le juge peut, d'office ou à la demande du débiteur, réduire l'intérêt stipulé à titre de dommages-intérêts pour retard dans l'exécution si cet intérêt excède manifestement le dommage subi à la suite de ce retard. En cas de révision, le juge ne peut condamner le débiteur à payer un intérêt inférieur à l'intérêt légal.

23. En l'espèce, et manifestement par suite d'une erreur de plume, BCC a postulé la débition d'intérêts conventionnels au taux de 12% par mois alors que ses conditions générales d'affiliation (art. 4F) prévoient un intérêt débiteur de 1% par mois.

Le jugement entrepris a fait droit à cette demande et il convient de réduire les intérêts moratoires conventionnels au taux de 12% l'an.

5. Quant à l'indemnité de procédure

24. En vertu de l'article 1022 nouveau du Code judiciaire, c'est la partie qui obtient gain de cause qui peut bénéficier d'une indemnité forfaitaire à titre d'intervention dans ses frais de conseil.

En l'espèce, cette indemnité revient à BCC.

La modification ci-avant (nos 22 et 23) n'entraîne pas de changement quant à la débition de l'indemnité de procédure réservé à la partie qui obtient gain de cause, soit BCC.

Compte tenu de la valeur de la demande, le montant de base est de 2.500 EUR.

Pour ces motifs, la cour,

Reçoit l'appel.

Le dit non fondé sauf en ce qui concerne le taux d'intérêt conventionnel qui est de 12% l'an.

Délaisse à The Good Bike SA ses frais de requête d'appel et la condamne à payer à la SA Atos Worldline l'indemnité de procédure de 2.500 EUR.

(…)

[1] Cette décision est également publiée au DAOR 2009, p. 167 avec les observations de A. Vandoolaeghe,Het aanvaarden van kredietkaarten: een gevaarlijke onderneming voor handelaar?”.