Cour d'appel de Bruxelles 19 janvier 2010
DROIT FINANCIER
Offre d'acquisition - Offre publique d'acquisition - Recours en droits subjectifs - Recours objectif contre une décision de la CBFA - Jonction des causes - Recours en droits subjectifs devenu sans objet en raison du rejet du recours en droit objectif
Une première requête en droits subjectifs, tendant à entendre condamner deux sociétés au lancement d'une OPA, a été introduite sur pied de l'article 41 de la loi du 1er avril 2007 (contentieux en droits subjectifs). La CBFA a ensuite prononcé une injonction à l'encontre de ces deux sociétés en vue du lancement d'une OPA (décision administrative). Deux requêtes en suspension et en annulation de cette injonction ont été introduites par ces deux sociétés, sur pied de l'article 121 de la loi du 2 août 2002 (contentieux objectif). Les demandes dans ces trois causes présentent un lien suffisamment étroit pour qu'elles soient traitées ensemble.
Par la jonction des trois procédures initiées séparément, toutes les parties à ces causes sont présentes dans une même procédure et par rapport à tous les chefs de demandes.
En raison de la décision de la cour d'appel de déclarer non fondés les recours contre la décision de la CBFA, le recours individuel en droits subjectifs est devenu sans objet, sauf en ce qui concerne son extension à la contestation des modalités de la décision de la CBFA.
DROIT FINANCIER
Offre d'acquisition - Offre publique d'acquisition - Recours contre une décision de dérogation de la CBFA - Recevabilité - Délai de quinze jours - Inopérant dans le cadre d'un recours en droits subjectifs introduit valablement avant l'octroi de la dérogation
Lorsqu'un recours en droits subjectifs et un recours contre une décision postérieure de la CBFA ont été joints, la discussion relative à la recevabilité des chefs de demandes formulées par l'auteur du recours en droits subjectifs à l'encontre de la décision de la CBFA est dépourvue d'intérêts. Les chefs de demandes relatifs aux modalités de l'offre forment une extension de sa demande faite dans le respect de l'article 807 du Code judiciaire et sont dès lors recevables.
PROCEDURE JUDICIAIRE
Instruction de la cause - Jugement de la cause - Réouverture des débats - Fait nouveau provoqué par la partie demanderesse - Pas de 'découverte' au sens de l'article 772 du Code judiciaire
La notion de 'découverte' employée par l'article 772 du Code judiciaire implique que la partie demanderesse d'une réouverture des débats ait trouvé ce qui était caché, inconnu ou ignoré. Dès lors, un fait ou un acte provoqué par la demanderesse durant le délibéré, fût-il même de nature à rendre le litige sans objet, empêche qu'il y ait découverte au sens de l'article 772 du Code judiciaire.
CBFA
Compétences - Recours contre une décision de la CBFA (art. 121 loi du 2 août 2002) - Dossier de la procédure de la CBFA - Composition - Secret professionnel de la CBFA (art. 74 loi du 2 août 2002) - Exception - Communication dans le cadre d'un recours administratif ou juridictionnel - Non obligatoire pour la CBFA sauf preuve d'un rapport manifestement déraisonnable entre protection de la confidentialité et droits de la défense - Charge de la preuve - Conditions d'accès aux informations confidentielles
L'article 121, § 4, de la loi du 2 août 2002 impose à la CBFA de transmettre au greffe de la cour le dossier de la procédure. Ledit dossier doit comprendre tous les documents nécessaires en vue de l'exercice par la cour d'appel de sa pleine juridiction.
L'article 74 de la loi du 2 août 2002, qui énonce le principe du secret professionnel de la CBFA, permet la communication d'informations confidentielles dans le cadre de recours administratifs ou juridictionnels contre des décisions de la CBFA mais n'oblige pas la CBFA à communiquer de pareilles informations.
La CBFA, en vue de sa mission spécifique et des principes de bonne administration (le principe de légitime confiance), ne peut être contrainte à dévoiler des informations obtenues de tiers sous le bénéfice de la confidence. Seul le rapport manifestement déraisonnable entre la protection du caractère confidentiel d'une information et son effet restrictif sur les droits de la défense au détriment de ceux-ci, pourrait justifier d'enjoindre la CBFA de dévoiler une pièce confidentielle, dans la mesure où celle-ci sert de fondement à la décision attaquée et pour autant que des conditions d'accès puissent être organisées de telle sorte que le contenu confidentiel ne soit pas divulgué dans le public. Il revient au demandeur de démontrer qu'un tel rapport déraisonnable est présent.
CBFA
Compétences - Caractère lié du pouvoir de la CBFA - Loi du 1er avril 2007, article 5
La compétence de la CBFA en application de l'article 5 de la loi du 1er avril 2007 relative aux offres publiques d'acquisition et de l'article 50 de son arrêté d'exécution du 27 avril 2007 est entièrement liée. La CBFA ne dispose pas d'un pouvoir d'appréciation discrétionnaire en ce qui concerne les conditions d'application de ces dispositions. Le fait pour la CBFA de pouvoir accorder des dérogations dans certains cas ne dément pas en soi le caractère lié de la compétence de la CBFA.
DROIT FINANCIER
Offre d'acquisition - Offre publique d'acquisition - Loi du 1er avril 2007, article 5 et article 35, § 1er - Octroi d'une dérogation par la CBFA après la naissance de droits subjectifs - Validité - Contrôle juridictionnel
L'introduction d'un recours en droits subjectifs dans le cadre duquel un investisseur sollicite le lancement d'une OPA obligatoire n'a pas fait naître dans son chef un droit acquis à une telle OPA, même si ce recours est antérieur à la dérogation accordée par la CBFA.
La CBFA ne viole pas la règle de la non-rétroactivité des actes administratifs en accordant une dérogation dans le cadre de l'exercice de son contrôle ex post. En l'espèce, la cour juge que la CBFA justifie légalement sa décision de dérogation, à la lumière du traitement équivalent visé à l'article 9, 1° de la loi du 1er avril 2007.
DROIT FINANCIER
Offre d'acquisition - Offre publique d'acquisition - Loi du 1er avril 2007, article 5 - Franchissement du seuil de 30% - Parts bénéficiaires
L'obligation de lancer une OPA naît seulement du franchissement du seuil de 30% par la voie de l'acquisition de titres avec droits de vote. La notion d'acquisition comprend toute opération entraînant un transfert de titres avec droits de vote. L'acquisition d'une option sur titres n'équivaut pas à une acquisition de titres. Les parts bénéficiaires sont à prendre en considération pour autant que les statuts leur confèrent le droit de vote aux assemblées générales ordinaires.
SOCIETES
Principes généraux - Contrôle et groupes de sociétés - Contrôle de sociétés - Notion - Contrôle de fait
Un contrôle de fait, au contraire d'un contrôle de droit, est par essence précaire. Il suffit qu'il soit organisé de manière consciente et durable et ne soit pas seulement accidentel ou essentiellement provisoire. Un contrôle de fait suppose une certaine continuité mais n'implique pas une stabilité à l'abri de toute menace.
DROIT FINANCIER
Offre d'acquisition - Offre publique d'acquisition - OPA - Action de concert - Accord - Nature - Objectif prépondérant
Le 'concert' exige l'existence d'une 'coopération' sur la base d'un 'accord'. En adoptant la notion spécifique d'accord, le législateur s'est éloigné de la notion classique de contrat. Les transactions ou pratiques satellites qui entourent un accord formel peuvent être l'expression d'un accord tacite dépassant et complétant l'objectif exprimé ou implicite de l'accord écrit de base. Il y a lieu de prendre en considération le complexe consensuel dans son ensemble.
En l'espèce, l'économie réelle de cet ensemble a permis à la cour de constater que les parties ont été animées par une volonté de coopérer avec comme objectif prépondérant, implicite mais certain, le maintien de l'influence décisive d'un actionnaire au sein de la société visée par le biais de la prolongation d'une option d'achat en sa faveur.
DROIT FINANCIER
Offre d'acquisition - Offre publique d'acquisition - OPA - Action de concert visant à maintenir le contrôle - Présomption - Option d'achat
Pour des tiers, la preuve d'une action de concert visant à maintenir le contrôle peut être apportée par toutes voies de droit et peut résulter notamment de présomptions (art. 1353 C.civ.).
La poursuite d'intérêts spécifiques et légitimes n'exclut pas l'intention de coopérer au maintien du contrôle sur la société visée. A défaut de démontrer qu'il s'agit d'une transaction normale qui pourrait susciter l'intérêt de tiers indépendants pour un motif d'investissement, s'il est établi que celui qui a apporté son concours avait tout intérêt à coopérer au maintien du contrôle au sein de la société visée, cette transaction pourra être constitutive d'une action de concert.
La présomption de l'existence d'une action de concert est renforcée notamment par les indices suivants: la relation personnelle de confiance et de loyauté existant par ailleurs entre les parties, la rapidité exceptionnelle avec laquelle les transactions litigieuses assez complexes ont été conclues, la communauté d'intérêts entre les parties et le financement accordé par le détenteur du contrôle à celui qui a accepté de conclure avec lui les transactions litigieuses.
Bien qu'en soi l'existence ou l'obtention d'une option d'achat sur des titres ne déclenche pas l'obligation de lancer une OPA, le fait de se voir accorder une telle option peut viser, dans certaines circonstances, le maintien d'un contrôle de fait par la possibilité que cette option implique de transformer un contrôle de fait précaire en un contrôle de fait renforcé ou en un contrôle de droit.
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FINANCIEEL RECHT
Overnamebod - Openbaar overnamebod - Rechtsmiddel ter bewaring van subjectieve rechten - Rechtsmiddel ter bewaring van objectieve rechten tegen een beslissing van de CBFA - Samenvoeging van zaken - Rechtsmiddel ter bewaring van subjectieve rechten zonder voorwerp ingevolge verwerping van rechtsmiddel ter bewaring van objectieve rechten
Een eerste verzoek ter bewaring van subjectieve rechten, ten einde twee vennootschappen te horen veroordelen tot het uitbrengen van een OBA, werd ingediend op basis van artikel 41 van de wet van 1 april 2007 (subjectief contentieux). De CBFA heeft vervolgens een gerechtelijk bevel uitgevaardigd tegen die twee vennootschappen om een OBA uit te brengen (administratieve beslissing). Beide vennootschappen hebben een verzoek tot schorsing en een verzoek tot vernietiging van dat gerechtelijk bevel ingediend op grond van artikel 121 van de wet van 2 augustus 2002 (objectief contentieux). De vorderingen in deze drie zaken vertonen voldoende samenhang om samen te worden behandeld.
Door de samenvoeging van de drie afzonderlijk ingeleide procedures zijn alle partijen bij die zaken vertegenwoordigd in eenzelfde procedure en met betrekking tot alle vorderingen.
Vanwege de beslissing van het hof van beroep om de beroepen tegen de beslissing van de CBFA ongegrond te verklaren, is het individueel subjectief beroep zonder voorwerp geworden, behalve wat betreft diens uitbreiding tot de bezwaren tegen de modaliteiten van de beslissing van de CBFA.
FINANCIEEL RECHT
Overnamebod - Openbaar overnamebod - Beroep tegen een beslissing tot afwijking van de CBFA - Ontvankelijkheid - Termijn van vijftien dagen - Zonder uitwerking in het kader van een rechtsmiddel ter bewaring van subjectieve rechten geldig ingediend vóór de toekenning van de afwijking
Wanneer een rechtsmiddel ter bewaring van een subjectief recht en een rechtsmiddel tegen een latere beslissing van de CBFA zijn samengevoegd, is de discussie over de ontvankelijkheid van de vorderingen ingesteld door de eiser van het rechtsmiddel ter bewaring van een subjectief recht tegen de beslissing van het CBFA zonder belang. De vorderingen met betrekking tot de modaliteiten van het bod vormen een uitbreiding van de vordering overeenkomstig artikel 807 van het Gerechtelijk Wetboek en zijn derhalve ontvankelijk.
RECHTSPLEGING
Behandeling van de zaak - Berechting - Heropening van het debat - Verzoek tot heropening der debatten - Nieuw feit door toedoen van de verzoeker - Geen 'ontdekking' in de zin van artikel 772 van het Gerechtelijk Wetboek
Het begrip 'ontdekking', zoals gebruikt in artikel 772 van het Gerechtelijk Wetboek veronderstelt dat degene die de heropening der debatten vraagt, een verborgen, onbekend of miskend feit heeft ontdekt. Bijgevolg zal een feit of een handeling dat tijdens de debatten is uitgelokt door de verzoeker, zelfs indien van dien aard dat hierdoor het geschil zonder voorwerp zou worden, beletten dat er sprake zou zijn van ontdekking in de zin van artikel 772 van het Gerechtelijk Wetboek.
CBFA
Bevoegdheden - Beroep tegen een beslissing van de CBFA (art. 121 van de wet van 2 augustus 2002) - Dossier met de stukken van de CBFA - Samenstelling - Beroepsgeheim van de CBFA (art. 74 van de wet van 2 augustus 2002) - Uitzondering - Mededeling in het kader van een administratief of jurisdictioneel beroep - Geen verplichting voor de CBFA in afwezigheid van bewijs van een manifest onredelijke verhouding tussen de bescherming van de vertrouwelijkheid en de rechten van verdediging - Bewijslast - Voorwaarden voor de toegang tot vertrouwelijke informatie
Artikel 121, § 4, van de wet van 2 augustus 2002 verplicht de CBFA om het dossier met de stukken over te zenden aan de griffie van het hof. Dit dossier moet alle documenten bevatten die noodzakelijk zijn voor de uitoefening door het hof van zijn volle rechtsmacht.
Artikel 74 van de wet van 2 augustus 2002, dat het beginsel van beroepsgeheim van de CBFA poneert, laat de mededeling van vertrouwelijke informatie in het kader van administratieve of jurisdictionele beroepen tegen beslissingen van de CBFA toe, maar legt aan de CBFA niet de verplichting op dergelijke informatie mee te delen.
Gelet op haar specifieke missie en de beginselen van behoorlijk bestuur (het gewettigd vertrouwensbeginsel), mag de CBFA niet verplicht worden informatie die zij van derden in vertrouwelijkheid heeft verkregen te onthullen. Enkel de manifest onredelijke verhouding tussen de bescherming van het vertrouwelijk karakter van informatie en het beperkend effect hiervan ten nadele van de rechten van verdediging, zou de verplichting van de CBFA om een vertrouwelijk stuk te onthullen, kunnen rechtvaardigen in de mate dat dit stuk aan de grondslag ligt van de betwiste beslissing en voor zover de toegang tot die informatie zo kan worden georganiseerd dat de vertrouwelijke inhoud niet wordt onthuld aan het publiek. Het komt toe aan de verzoeker om aan te tonen dat dergelijke onredelijke verhouding aanwezig is.
CBFA
Bevoegdheid - Gebonden karakter van de bevoegdheid van de CBFA - Wet van 1 april 2007, artikel 5
De bevoegdheid van de CBFA bij de toepassing van artikel 5 van de wet van 1 april 2007 betreffende de openbare overnamebiedingen en bij toepassing van artikel 50 van het uitvoeringsbesluit van 27 april 2007 is volledig gebonden. De CBFA beschikt niet over een discretionaire beoordelingsbevoegdheid wat betreft de toepassingsvoorwaarden van die bepalingen. Het feit dat de CBFA in bepaalde gevallen afwijkingen kan toestaan doet op zich geen afbreuk aan het gebonden karakter van de bevoegdheid van de CBFA.
FINANCIEEL RECHT
Overnamebod - Openbaar overnamebod - Wet van 1 april 2007, artikel 5 en artikel 35, § 1 - Toekenning van een afwijking door de CBFA na het ontstaan van subjectieve rechten - Geldigheid - Rechterlijke controle
De instelling van een rechtsmiddel ter bewaring van subjectieve rechten in het kader waarvan een investeerder verzoekt om het uitbrengen van een verplicht OBA doet in diens hoofde geen verworven recht op die OBA ontstaan, zelfs indien het beroep is ingesteld voordat de afwijking is toegekend door de CBFA.
Door het toekennen van een afwijking in het kader van de uitoefening van haar controle ex post schendt de CBFA het beginsel van niet-retroactiviteit van administratieve handelingen niet. In casu oordeelt de rechter dat de CBFA haar beslissing tot toekenning van een afwijking wettig rechtvaardigt in het licht van de gelijkwaardige behandeling beoogd in artikel 9, 1° van de wet van 1 april 2007.
FINANCIEEL RECHT
Overnamebod - Openbaar overnamebod - Wet van 1 april 2007, artikel 5 - Overschrijding van de drempel van 30% - Winstbewijzen
De verplichting om een OBA uit te brengen vloeit uitsluitend voort uit de overschrijding van de drempel van 30% door de verwerving van effecten met stemrecht. 'Verwerving' omvat elke transactie die een overdracht van effecten met stemrecht met zich brengt. De verwerving van een optie op effecten is niet gelijkwaardig aan een verwerving van effecten. Winstbewijzen komen in aanmerking voor zover de statuten er stemrecht op de gewone algemene vergaderingen aan verbinden.
VENNOOTSCHAPPEN
Algemene beginselen - Controle en vennootschapsgroepen - Controle over een vennootschap - Begrip - Controle in feite
Een controle in feite is in tegenstelling tot een controle in rechte per definitie precair. Het volstaat dat de controle bewust en op duurzame wijze is georganiseerd en niet louter toevallig of wezenlijk voorlopig. Een controle in feite veronderstelt een zekere continuïteit, maar hoeft niet bestand te zijn tegen elk mogelijk risico.
FINANCIEEL RECHT
Overnamebod - Openbaar overnamebod - OBA - Onderling afgestemde gedraging - Akkoord - Aard - Overwegend doel
Het 'onderling afstemmen' vereist het bestaan van een 'samenwerking' op basis van een 'akkoord'. Door het gebruik van het specifiek begrip 'akkoord' wijkt de wetgever af van het klassiek begrip 'contract'. De omringende transacties en praktijken die een formeel akkoord omsluiten kunnen een stilzwijgend akkoord uitdrukken die het uitgedrukt of impliciet doel van het geschreven akkoord overstijgen of vervolledigen. Het consensueel geheel dient in zijn totaliteit te worden beschouwd.
FINANCIEEL RECHT
Overnamebod - Openbaar overnamebod - OBA - Onderling afgestemde gedraging dat ertoe strekt de controle te behouden - Vermoeden - Aankoopoptie
Derden kunnen onderling afgestemde gedragingen die ertoe strekken de controle te behouden, bewijzen met alle middelen van recht met inbegrip van vermoedens (art. 1353 BW).
Het nastreven van specifieke en legitieme belangen sluit de intentie om samen te werken teneinde de controle van de geviseerde vennootschap te bewaren, niet uit. Wanneer niet kan worden aangetoond dat het gaat om een normale transactie die in hoofde van onafhankelijke derden een interesse om te investeren zou kunnen opwekken en wanneer vaststaat dat degene die zijn medewerking heeft verleend alle belang had om samen te werken teneinde de controle van de geviseerde vennootschap te behouden, kan deze transactie beschouwd worden als onderling afgestemd gedrag.
Het vermoeden dat er sprake is van onderling afgestemd gedrag wordt versterkt door de volgende aanwijzingen: de persoonlijke vertrouwens- en loyaliteitsrelatie die bovendien bestaat tussen de partijen, de uitzonderlijke snelheid waarmee de betwiste complexe transacties werden afgesloten, de overeenstemmende belangen van de partijen en de financiering die is toegekend door de controlehouder aan de persoon die heeft aanvaard om met hem de betwiste transacties te sluiten.
Hoewel het bestaan of de verwerving van een aankoopoptie op effecten op zich geen aanleiding geeft tot de verplichting om een OBA uit te brengen, kan het feit dat men zich dergelijke optie ziet toekennen, in bepaalde gevallen, het behoud van de controle in feite beogen vanwege de mogelijkheid dat die optie tot gevolg heeft dat een precaire controle in feite wordt omgezet in een versterkte controle in feite of een controle in rechte.
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Creafund II, société en commandite par actions / Eckert & Ziegler Strahlen- und Medizintechnik AG, société de droit allemand, SMI Steglitz MedInvest UG, société de droit allemand, SA International Brachytherapy
SMI Steglitz MedInvest UG, société de droit allemand / Commission bancaire, financière et des assurances
Eckert & Ziegler Strahlen- und Medizintechnik AG, société de droit allemand / Commission bancaire, financière et des assurances
Siég.: P. Blondeel (président), S. Gadeyne et E. Bodson (conseillers) |
Pl.: Mes M. Fyon, J. Peeters, Ph. Stroobant, Fr. Lefevre, Th. L'Homme, X. Taton, P. De Ryck, H. Keulers, B. Feron et A. Foriers |
(…)
I. | La procédure devant la cour |
1. Le 13 février 2009 Creafund a déposé au greffe une requête tendant à entendre condamner EZAG et SMI à annoncer une OPA sur les titres d'IBT, sur pied de l'article 41 de la loi du 1er avril 2007. Ce recours, introduit à l'audience du 16 mars 2009 a été inscrit sous le numéro de rôle 2009/SF/1.
2. SMI et EZAG ont déposé des requêtes, le 29 mai 2009, respectivement le 3 juin 2009, en suspension et en annulation des décisions litigieuses. Ces recours, inscrits au rôle sous les numéros 2009/SF/2 (recours de SMI) et 2009/SF/3 (recours d'EZAG) sont fondés sur pied de l'article 121 de la loi du 2 août 2002.
3. Les trois causes ont été plaidées aux audiences des 10 et 12 novembre 2009. Les parties ont abordé le fond des demandes, si bien que les chefs de demandes relatifs à la suspension des décisions litigieuses sont devenues sans objet.
4. Par deux requêtes du 22 juin 2009, Creafund est intervenue volontairement dans les causes 2009/SF/2 et 2009/SF/3, en vue d'entendre la cour rejeter les demandes de suspension et d'annulation d'EZAG et de réserver le prétendu droit de Creafund à obtenir au choix en contrepartie de l'OPA soit des espèces, soit des actions EZAG ou d'autres titres liquides et cotés.
5. Par deux requêtes du 31 juillet 2009, IBT est intervenue volontairement aux causes 2009/SF/2 et 2009/SF/3, pour entendre dire qu'elle ne souhaite pas prendre position concernant les positions défendues pas les autres parties.
6. Les demandes dans les trois causes présentent un lien suffisamment étroit pour qu'elles soient traitées ensemble. En effet, les trois recours concernent des litiges relatifs à l'obligation de lancer une OPA sur les actions de la société IBT.
Dès lors, il est de l'intérêt d'une bonne justice de joindre les trois affaires pour connexité.
II. | Les requêtes en réouverture des débats |
7. Les parties EZAG et SMI ont chacune déposé une requête en réouverture des débats dans les trois affaires, la première le 29 décembre 2009 et la deuxième le 30 décembre 2009.
Ces requêtes ont été notifiées aux autres parties par plis judicaires du 30 décembre 2009.
8. En application de l'article 773 du Code judiciaire les parties disposaient d'un délai de huit jours pour formuler leurs observations.
Les parties concernées ont communiqué leurs observations dans le délai légal, sauf la CBFA qui a déposé un écrit contenant des remarques au greffe le 13 janvier 2010, donc hors délai, et IBT qui n'a pas réagi.
Creafund s'oppose à la réouverture des débats.
9. Les parties EZAG et SMI indiquent qu'elles ont décidé d'exécuter volontairement l'injonction de la CBFA en lançant une offre publique d'acquisition en espèces sur la totalité des titres d'IBT avec droit de vote ou donnant accès au droit de vote qui sont détenus par le public. Le prix qui sera payé sera de 3,64 EUR par action, ce qui correspond au prix de 3,47 EUR comme déterminé dans le cadre des injonctions de la CBFA, augmenté sur la base de l'intérêt légal de 5,5%.
Il s'agit selon eux d'un fait nouveau au sens de l'article 772 du Code judiciaire, étant donné que l'offre a été décidée et annoncée après la prise en délibéré des recours, et en outre d'un fait capital car, lorsque la CBFA aura approuvé le prospectus d'offre publique d'acquisition, les recours, la demande de Creafund et les interventions deviendront dépourvus de tout objet et de tout intérêt.
9. L'opposition par Creafund à la demande est fondée tant sur le fait que les requêtes laissent ouvertes d'importantes questions qui nécessitent des réponses, que sur la considération que les conditions de l'article 772 du Code judiciaire ne sont pas remplies.
Elle estime en effet que l'annonce de l'offre ne constitue pas un fait nouveau 'découvert' par les parties offrantes, dès lors qu'il s'agit d'un fait dépendant de la volonté des parties offrantes elles-mêmes et qu'elles ont elles-mêmes causé.
10. Aux termes de l'article 772 du Code judiciaire la partie comparante qui durant le délibéré découvre une pièce ou un fait nouveau et capital peut, tant que le jugement n'a pas été prononcé, demander la réouverture des débats.
La notion 'découverte' implique que la partie demanderesse d'une réouverture ait trouvé ce qui était caché, inconnu ou ignoré. Dès lors un fait ou un acte provoqué par la demanderesse durant le délibéré, fût-il même de nature à rendre le litige sans objet, empêche qu'il y ait découverte au sens de l'article 772 du Code judiciaire.
11. Par ailleurs, s'agissant des faits propres au litige, la cour ne saurait ordonner d'office une réouverture des débats sur la base d'une appréciation de faits autres que ceux qui sont portés à sa connaissance avant la clôture des débats. Un fait nouveau relatif à l'état d'une des parties ou ayant trait à un acte commis par une d'elles, devenu de notoriété publique durant le délibéré ne pourrait constituer une base légale pour justifier de recourir d'office à la réouverture des débats.
12. En l'occurrence les parties EZAG et SMI ont pris une décision qui est certes de nature à pouvoir influencer l'issue du litige qui les oppose aux autres parties. Mais s'agissant d'un fait qu'elles ont elles-mêmes provoqué, les demandes en réouverture des débats doivent être rejetées.
III. | Les faits et antécédents |
13. IBT SA, IBT TP et les fondateurs.
Le 15 février 1996 quatre scientifiques américains, John Garden, Roy Coniglione, John Russel et Ruth Feicht (ci-après 'les fondateurs') constituent la société International Brachytherapy (IBT). IBT est une société anonyme de droit belge qui a pour objet social la conception, la fabrication et la commercialisation d'implants radioactifs pour le traitement de différents cancers ainsi que d'autres maladies. Elle est cotée en bourse de Bruxelles depuis 1997 (NYSE Euronext Brussels).
Les fondateurs se sont regroupés au sein de la société IBT Technology Partner LLP (ci-après 'IBT TP') qui dispose de 5.000.000 de parts bénéficiaires de catégorie A d'IBT avec droits de vote (ci-après les 'parts bénéficiaires').
Creafund est actionnaire d'IBT depuis 2002.
14. Au 31 décembre 2007, la situation au niveau de l'actionnariat et des droits de vote d'IBT est la suivante:
- Détenteurs | - Actions IBT | - Droits de vote |
- SRIW SA | - 879.899 | - 5,56% |
- Fondateurs | - 718.073 | - 4,54% |
- Creafund II NV | - 569.097 | - 3,60% |
- Sopartec SA | - 100.000 | - 0,63% |
- IMBC SA | - 33.646 | - 0,21% |
- Public | - 8.503.639 | - 53,72% |
- TOTAL | - 10.804.354 | - 68,26% |
- | - Parts Bénéficiaires | - Droits de vote |
- IBT TP | - 5.000.000 A | - 31,60% |
- Sopartec SA | - 25.000 B | - 0,16% |
- TOTAL | - 15.829.354 | - 100% |
15. EZAG, BEBIG, EWK et le Dr. Eckert.
EZAG est une société de droit allemand constituée en 1997 dont le siège social est établi à Berlin. Tout comme IBT elle est active dans le domaine des isotopes. Depuis 1999 EZAG est cotée à la Deutsche Börse. EZAG a été constituée, en tant que société holding, pour détenir les parts de la société Eckert & Ziegler BEBIG GmbH. La société Eckert & Ziegler BEBIG GmbH (ci-après 'BEBIG') est une filiale d'EZAG. BEBIG est une société de droit allemand dont le siège social est situé à Berlin. BEBIG est spécialisée dans la fabrication d'implants et d'équipements médicaux pour la brachythérapie.
EZAG détient aujourd'hui également des participations dans d'autres sociétés, actives dans les domaines de la thérapie, l'imagerie et l'industrie nucléaire et la radiopharmaceutique.
16. La société Eckert Wagniskapital und Frühphasenfinancierung GmbH (ci-après 'EWK') détient 39,8% du capital et est l'actionnaire le plus important d'EZAG. Le seul actionnaire d'EWK est le Dr. Eckert, qui est également le dirigeant d'EZAG.
(…)
18. BBO et M. Perschmann.
Un fournisseur informatique important de BEBIG est la société BBO Datentechnik GmbH (ci-après 'BBO'). M. Frank Perschmann est un des deux actionnaires et il en est également le gérant. BBO fournit à BEBIG le logiciel principal par lequel celle-ci organise sa production, ses expéditions, ses livraisons, son approvisionnement ainsi que ses programmes comptables.
19. L'alliance entre EZAG - BEBIG et IBT et les transactions litigieuses.
Fin 2007, la situation financière d'IBT est devenue précaire. Selon les comptes annuels relatifs à l'exercice clôturé le 31 décembre 2007, les pertes d'EZAG s'élevaient à 32.203.807 EUR. Selon le rapport du commissaire d'IBT, “la société n'était plus en mesure de poursuivre ses activités”. L'entrée d'EZAG dans le capital d'IBT doit être compris dans ce contexte.
20. Le 18 février 2008, les dirigeants d'EZAG et IBT se rencontrent pour discuter du regroupement de leurs activités et signent un document concernant leur 'alliance'. Le 26 février 2008 les parties s'accordent sur les modalités de l'apport par EZAG de BEBIG dans IBT. Elles sont fixées dans le 'Share Contribution Agreement' conclu entre EZAG et IBT.
La réalisation de l'apport en nature et de l'augmentation du capital d'IBT ont lieu par acte notarié du 26 février 2008. A cet effet 6.750.000 nouvelles actions sont émises à un prix de souscription de 3,47 EUR par action en faveur d'EZAG, en rémunération de l'apport de l'action unique qu'elle détient dans BEBIG. Suite à l'opération EZAG détient 38,45% des actions d'IBT. Etant donné l'existence des parts bénéficiaires avec droit de vote, cette participation représente 29,89% des titres conférant le droit de vote au sein d'IBT.
21. Les parts bénéficiaires et l'option d'achat initiale.
Parallèlement au Share Contribution Agreement, IBT TP et EZAG concluent le 'Beneficiary Share Option Agreement' par lequel IBT TP consent en faveur d'EZAG une option d'achat portant sur ses parts bénéficiaires dans IBT (ci-après 'option achat initiale'). L'option d'achat pouvait être exercée par EZAG jusqu'au 31 décembre 2008.
22. Le gouvernement d'entreprise au sein d'IBT.
Suite à l'entrée d'EZAG dans le capital d'IBT et conformément aux dispositions du Share Contribution Agreement, la composition du conseil d'administration d'IBT est modifiée pour refléter la nouvelle structure de l'actionnariat. EZAG obtient cinq sièges sur dix. La composition du conseil se présente comme suit:
Administrateurs, membres du comité exécutif:
- François Blondel, CEO;
- Edgar Löffler (nommé sur proposition d'EZAG);
- Gunnar Mann (nommé sur proposition d'EZAG).
Administrateurs non exécutifs:
- Andreas Eckert (nommé sur proposition d'EZAG);
- EZAG représentée par André Hess (nommé sur proposition d'EZAG);
- H&H Capital Management représentée par Herman Wielfaert;
- John Lewis Carden (fondateur et ancien président).
Administrateurs indépendants:
- Jean-Pierre Delwart;
- Claude Onkelinx;
- Martin Hölscher (nommé sur proposition d'EZAG).
23. Le Dr. Eckert, un des administrateurs nommés sur proposition d'EZAG, est élu président du conseil d'administration. En outre, deux des trois administrateurs exécutifs viennent de BEBIG et sont nommés sur proposition d'EZAG: M. Gunnar Mann (Chief Operations Officer) qui dirige la production, le développement technologique et les services d'infrastructure et M. Edgar Löffler (Chief Marketing Officer) qui dirige les ventes et le développement des affaires.
24. Depuis l'entrée d'EZAG dans le capital d'IBT en février 2008, les comptes d'IBT sont consolidés dans les comptes d'EZAG. Cette consolidation est notamment justifiée, dans le rapport annuel 2008 d'EZAG, en raison de la norme IAS 27.14 et du fait que si l'on tient compte des options sur les parts bénéficiaires, EZAG détient plus de la moitié des droits de vote dans IBT.
25. La réorganisation d'IBT.
En juin 2008, le nouveau groupe IBT - BEBIG est réorganisé: la production des implants à l'iode-125 en Belgique est arrêtée, le siège social est transféré à Seneffe, le centre opérationnel d'IBT est déplacé vers l'Allemagne.
26. SMI et le transfert de l'option d'achat sur les parts bénéficiaires.
En novembre 2008, EZAG n'a pas encore de partenaire pour reprendre et exercer l'option d'achat initiale avant son expiration le 31 décembre 2008.
C'est vers cette période qu'EZAG fait une proposition à M. Perschmann. Il est l'actionnaire principal de BBO, le fournisseur informatique de BEBIG (l'ancienne filiale d'EZAG) et détient également une participation minoritaire dans EZAG (1.394 actions sur un total de 3.250.000 actions). M. Perschmann a en outre été membre du conseil de surveillance d'EZAG entre mai 2003 et juin 2008 et entretient de bonnes relations avec le Dr. Eckert.
27. Aux fins de la reprise et l'exercice de l'option d'achat initiale, M. Perschmann constitue le 9 décembre 2008 la société unipersonnelle à responsabilité limitée de droit allemand SMI. Cette société est constituée avec un capital de 1 EUR et M. Perschmann en est l'actionnaire unique ainsi que le gérant.
28. Par convention du 19 décembre 2008, EWK octroie à SMI un prêt d'un montant de 500.000 EUR et lui prête 66.667 actions d'EZAG (jusqu'au 31 décembre 2011) pour qu'elle puisse exercer l'option d'achat initiale.
29. Le 22 décembre 2008, EZAG conclut avec SMI le 'Call and Put Option Agreement' par lequel l'option d'achat initiale est transférée à titre gratuit à SMI. Parallèlement à la cession de l'option d'achat initiale, le Call and Put Option Agreement prévoit des options croisées. Il s'agit de l'option d'achat de remplacement et d'une option de vente en faveur de SMI (ci-après 'l'option de vente') portant sur les parts bénéficiaires. L'option d'achat de remplacement peut être exercée par EZAG jusqu'au 31 décembre 2014 au prix de 750.000 EUR et 66.667 actions EZAG. L'option de vente de SMI peut être exercée au même prix entre le 30 septembre 2011 et le 31 décembre 2014.
30. Fin décembre 2008, la situation au niveau de l'actionnariat d'IBT se présente comme suit:
(…)
Fondateurs et UCL/Sopartec: 2,43%
SRIW et IMBC: 5,2%
Creafund: 3,22%
EZAG: 38,45%
H&H Capital Management: 0,1%
Public: 50,6%
31. Le 29 décembre 2008, SMI exerce l'option d'achat initiale par lettre recommandée adressée à IBT TP (lettre datée du 18 décembre 2008). L'acquisition effective par SMI des parts bénéficiaires résultant de l'exercice de l'option d'achat initiale n'a pas lieu avant le 26 janvier 2009. C'est à cette date que le transfert est inscrit dans le registre des parts bénéficiaires de IBT. Suite à cette acquisition, SMI détient 22,14% des titres conférant le droit de vote au sein d'IBT. EZAG détient 38,45% des actions représentatives du capital d'IBT, ce qui représente 29,89% des titres conférant le droit de vote. EZAG et SMI détiennent ensemble 52, 03% des titres avec droit de vote d'IBT.
(…)
V. | Les décisions attaquées de la CBFA |
51. Les décisions du comité de direction de la CBFA qui font l'objet des recours en annulation de SMI respectivement EZAG (RG/2009/SF/2 et RG/2009/SF/3) sont notifiées respectivement le 28 avril 2009 (en néerlandais) et le 27 mai 2009 (en français). La décision du 27 mai remplace, à la demande de SMI et EZAG fondée sur les lois sur l'emploi des langues en matière administrative, la première avec effet à la date du 28 avril 2009 (ci-après 'la décision d'injonction'). Elle enjoint SMI et EZAG de lancer une OPA dans les termes suivants:
Vu les constatations précitées, le comité de direction a décidé d'enjoindre à [SMI et à EZAG], au titre de personnes agissant de concert, sur base de l'article 36, § 1er, alinéa 2, 1° et 14°, de la loi du 1er avril 2007 relative aux offres publiques d'acquisition, de procéder, conformément à l'article 5 de la loi précitée et aux articles 49 et suivants de l'arrêté royal du 27 avril 2007 relatif aux offres publiques d'acquisition (arrêté OPA), à une offre publique d'acquisition sur la totalité des titres d'IBT avec droit de vote ou donnant accès au droit de vote qui sont encore en circulation dans le public. Vous trouverez en annexe le projet de communiqué de presse qui sera diffusé aujourd'hui encore par la CBFA.
Conformément à l'article 53 de l'arrêté OPA, l'offre sur les actions doit être lancée au prix de 3,47 EUR, c'est-à-dire le prix d'émission des actions IBT auxquelles a souscrit EZAG le 26 février 2008.
Outre les actions, l'offre doit porter également sur les parts bénéficiaires du type B, qui - sur la base des statuts d'IBT - octroient les mêmes droits que les actions à une participation aux bénéfices ou au solde de liquidation, et confèrent le même droit de vote, ainsi que sur les warrants émis par IBT. En ce qui concerne les parts bénéficiaires du type B et les warrants, le prix offert ne peut comporter d'autres différences que celles qui découlent de leurs caractéristiques respectives par rapport aux actions (art. 3, 5°, de l'arrêté OPA).
La CBFA accepte que la période d'acceptation de l'offre débute au plus tard 40 jours ouvrables après que l'injonction a été portée à votre connaissance, ou - si la cour d'appel de Bruxelles devrait être saisie d'une demande de suspension de l'injonction - au plus tard 40 jours ouvrables après que, le cas échéant, la cour aura rejeté la demande.
La CBFA autorise - par dérogation à l'article 54, § 2, de l'arrêté OPA - qu'au lieu d'être constitué d'espèces, le prix de l'offre puisse également consister en des actions d'EZAG ou en d'autres valeurs mobilières liquides admises à la négociation sur un marché réglementé. Cette dérogation se justifie à la lumière du traitement équivalent visé à l'article 9, 1°, de la loi du 1er avril 2007, étant donné que n'a été payée en espèces que l'acquisition des parts bénéficiaires du type A, alors que l'offre ne porte pas sur les parts bénéficiaires de ce type-là.
Si le prix de l'offre devait ne pas être constitué d'actions d'EZAG, EZAG devrait toutefois préciser à la CBFA quelles valeurs mobilières il offrirait. Si la CBFA devait estimer que le prix de l'offre ne consiste pas en des valeurs mobilières liquides admises à la négociation sur un marché réglementé, un prix en espèces devrait également être offert comme alternative, conformément, à l'article 54, § 2, de l'arrêté OPA.
Enfin, la CBFA demande à EZAG et à SMI de publier, en concertation avec ses services, et en application de l'article 8, § 1, de l'arrêté OPA, une communication dès qu'ils auront décidé quelles suites ils entendent donner à l'injonction de la CBFA.
52. De la sorte la CBFA a enjoint EZAG et SMI en application de l'article 36, § 1er, alinéa 2, 1° et 14°, de la loi OPA, de lancer une offre publique d'acquisition obligatoire sur l'ensemble des actions, parts bénéficiaires du type B et warrants, encore répandus dans le public, d'IBT. L'offre publique d'acquisition obligatoire porte sur la totalité des titres avec droit de vote ou donnant accès au droit de vote d'IBT, non encore détenus par EZAG et SMI. Elle s'effectuera au prix de 3,47 EUR par action et, en ce qui concerne les parts bénéficiaires du type B et les warrants, à un prix qui ne peut comporter d'autres différences par rapport au prix des actions que celles découlant des caractéristiques propres à ces titres.
53. La décision du comité de direction de la CBFA datant du 26 mai 2009 (lettre du 27 mai 2009) rejette la demande de retrait de la décision du 28 avril 2009 de la part d'EZAG et de SMI introduite sur base de l'article 121, § 2, alinéa 4, de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers (ci-après 'la décision sur demande de retrait') dans les termes suivants:
Après analyse des éléments anciens et nouveaux du dossier, tels que mentionnés au début de la présente lettre, le comité de direction de la CBFA a décidé de ne pas réserver de suite favorable à la demande d'EZAG [et SMI] de retrait de la décision qui lui a été communiquée par la lettre de la CBFA du 28 avril 2009 entre-temps remplacée sous l'angle linguistique par la lettre du 27 mai 2009 [ref.] et, par conséquent, de maintenir telle quelle la décision en question.
(…)
VII. | Quant à la procédure |
A. | Recevabilité des interventions volontaires |
54. La contestation relative à l'intervention volontaire par Creafund dans les procédures initiées par EZAG et SMI n'a plus d'objet. En effet, de par la jonction des trois procédures initiées séparément, toutes les parties à ces causes sont présentes dans une même procédure et par rapport à tous les chefs de demandes.
56. Par ailleurs, en ce qui concerne l'intervention de IBT, il ne peut être raisonnablement contesté qu'en tant que société cible elle a un intérêt à suivre en tant que partie à la cause le sort qui serait réservé à une demande tendant à obtenir l'annulation d'une décision qui impose le lancement d'une OPA sur ses actions.
Elle peut soutenir une des positions défendues, mais n'y est pas tenue. Elle peut se borner à observer le cours de la procédure.
Son intervention est recevable.
B. | Production forcée de pièces |
57. EZAG demande à la cour d'ordonner à la CBFA de produire certaines pièces omises du dossier administratif (deux passages figurant aux pages 5 et 6 de la pièce 2 ainsi que la pièce 2.8.). Elle fait état de la violation de ses droits de la défense et de l'incompatibilité de l'article 74 de la loi du 2 août 2002 avec la législation européenne. Elle propose de formuler une question préjudicielle à la CJUE.
La CBFA estime que ces pièces et passages omis ne sont pas pertinents pour résoudre le litige et sont couverts par son secret professionnel car reçus sous le sceau de la confidence de la part de tiers. La CBFA précise encore que les décisions litigieuses sont fondées sur leur propre motivation et non pas sur les pièces et passages en question qui ne constituent pas un élément à décharge.
Décision de la cour |
58. L'article 74 de la loi du 2 août 2002 permet la communication d'informations confidentielles dans le cadre de recours administratifs ou juridictionnels contre des actes ou décisions de la CBFA mais n'oblige pas la CBFA à communiquer de pareilles informations.
L'article 121, § 4, de la loi du 2 août 2002 dispose que la transmission du dossier de la procédure par la CBFA est effectuée dans les cinq jours de la demande faite par le greffe de la cour.
La loi n'énumère pas les composantes du dossier de la procédure. Dès lors il y a lieu de considérer que ledit dossier doit comprendre tous les documents nécessaires en vue de l'exercice par la cour de sa pleine juridiction.
Ceci signifie que le dossier de la procédure comprend toutes les pièces qui doivent permettre à la cour de vérifier si la décision a été prise conformément à la loi et si les faits ont été correctement constatés. Les écrits préparatoires internes, qui n'ont pas été pris en considération dans le processus décisionnel et ne peuvent dès lors servir de fondement à la décision, ne font pas partie dudit dossier.
59. Par ailleurs, la CBFA estime à raison qu'en vue de sa mission spécifique et des principes de bonne administration (le principe de légitime confiance), elle ne peut être contrainte à dévoiler des informations obtenues de tiers sous le bénéfice de la confidence.
Seul le rapport manifestement déraisonnable entre la protection du caractère confidentiel d'une information et son effet restrictif sur les droits de la défense au détriment de ceux-ci, pourrait justifier d'enjoindre la CBFA de dévoiler une pièce confidentielle, dans la mesure où celle-ci sert de fondement à la décision attaquée et pour autant que des conditions d'accès puissent être organisées de telle sorte que le contenu confidentiel ne soit pas divulgué dans le public. En l'occurrence, la demanderesse EZAG ne démontre pas qu'un tel rapport déraisonnable est présent.
Par conséquent, la demande d'EZAG d'ordonner à la CBFA de communiquer les passages et pièces omis du dossier de la procédure est rejetée. Il n'y a pas lieu de poser une question préjudicielle à la CJUE à cet égard.
C. | Portée du contrôle de la cour et substitution des motifs |
60. Selon EZAG, la CBFA invoque deux nouveaux moyens pour la première fois en conclusions. EZAG s'oppose à ce que la cour puisse rejeter un recours d'annulation en substituant d'autres motifs à ceux repris dans les décisions attaquées. EZAG fonde ce moyen sur la séparation des pouvoirs, le caractère discrétionnaire de décisions attaquées, l'interdiction de la cour de substituer sa propre appréciation à celle de la CBFA et l'absence de pouvoir de réformation de la part de la cour.
Décision de la cour |
61. C'est à juste titre que la CBFA observe que sa compétence en application de l'article 5 de la loi OPA et de l'article 50 de l'AR OPA est entièrement liée et qu'elle ne dispose pas d'un pouvoir d'appréciation discrétionnaire en ce qui concerne les conditions d'application de ces dispositions. Dans le cadre de l'exercice de sa pleine juridiction, la cour peut rejeter un recours en annulation dirigé contre une décision de la CBFA ordonnant de lancer une OPA sur la base de l'article 5 de la loi OPA, si elle estime que les faits de la cause justifient une telle injonction pour d'autres motifs que ceux invoqués dans cette décision. Le fait pour la CBFA de pouvoir accorder des dérogations dans certains cas ne dément pas en soi le caractère lié de la compétence de la CBFA.
Il apparaîtra d'ailleurs lors de l'analyse ci-après de ces soi-disant moyens nouveaux que la CBFA les a en fait déjà évoqués dans les décisions litigieuses (voir ci-après au n° 108 concernant l'influence sur la désignation de la majorité des administrateurs et n° 127 à propos de l'influence sur l'orientation de gestion et caractère immédiat du contrôle et pp. 78 et 81, conclusions EZAG).
VIII. Quant au fond |
§ 1. | Sur l'obligation de lancer une OPA |
A. L'exposé des principes |
62. La loi et l'AR OPA, transposant l'article 5.1. de la directive OPA, imposent à toute personne qui, seule ou de concert, obtient plus de 30% de titres avec droit de vote d'une société visée d'offrir aux autres détenteurs de titres la possibilité de céder leurs titres avec droit de vote, aux termes d'une offre obligatoire.
L'obligation de lancer une OPA naît seulement à la suite du franchissement du seuil de 30% par la voie de l'acquisition des titres avec droit de vote. La notion d'acquisition comporte toute opération entraînant un transfert de titres avec droit de vote.
En dehors des actions ordinaires, les parts bénéficiaires sont à prendre en compte pour autant que les statuts leur confèrent le droit de vote aux assemblées générales ordinaires (J.-M. Nelissen Grade, “Les offres publiques d'acquisition obligatoires” in La nouvelle loi OPA, Bruylant, 2008, p. 226). Par contre, l'on ne tient pas compte des titres donnant seulement accès au droit de vote, par exemple une option sur actions émises par l'émetteur des titres avec droit de vote (art. 3, § 1, 9°).
63. L'article 50, § 1, de l'AR OPA vise notamment le cas du franchissement direct du seuil de 30% par des personnes agissant de concert. Lorsque des personnes agissant de concert franchissent le seuil de 30%, elles sont solidairement tenues de lancer une OPA sur tous les titres avec droit de vote ou donnant accès au droit de vote émis par la société visée (art. 50, § 4, al. 1, AR OPA).
64. La loi OPA et l'AR OPA distinguent deux catégories d'actions de concert.
D'une part, il y a l'action de concert visant le contrôle de la société dans le sens des articles 5 et 7 du Code des sociétés (art. 3, § 1, 5°, a), de la loi OPA).
D'autre part, la loi OPA vise les conventions ou pactes d'actionnaires visant l'exercice concerté des droits de vote en vue de mener une politique commune durable vis-à-vis de la gestion de la société concernée (art. 3, § 1, 5°, b), de la loi OPA).
La première catégorie vise les personnes qui ont conclu un accord entre elles afin de:
(i) acquérir le contrôle de la société visée; ou
(ii) maintenir le contrôle de la société visée; ou
(iii) faire échouer une offre.
65. La première catégorie concerne les personnes qui coopèrent avec l'offrant, avec la société cible ou avec d'autres personnes sur la base d'un accord formel ou tacite, écrit ou oral.
C'est en s'inspirant de la Rule 9.1. du London City Code on Takeovers and Mergers et dans un souci de sécurité juridique que le législateur a tenu à étendre la définition de l'accord de concert figurant dans la directive OPA aux personnes qui coopèrent entre elles en vue de maintenir le contrôle (Projet de loi, Doc.parl. Ch. repr. session ord. 2006-07, n° Doc. 51-2834/001, p. 13):
Ainsi, dans un souci de sécurité juridique et à l'instar notamment du City Code britannique, le projet de loi cite le maintien du contrôle de la société comme objectif possible d'un accord d'action de concert, tel que visé à l'article 3, § 1er, 5°, a), afin d'éviter toute discussion sur la question de savoir si le maintien du contrôle de la société correspond toujours à l'objectif de faire échouer une offre.
B. Les griefs à l'encontre des décisions litigieuses ordonnant une OPA |
66. Le recours en suspension d'EZAG et de SMI étant devenu sans objet, seuls les moyens développés dans le cadre du recours en annulation doivent être traités.
En substance, EZAG et SMI formulent trois griefs principaux à l'encontre des décisions litigieuses qui justifieraient leur annulation:
(i) la preuve qu'EZAG contrôle IBT et que les transactions litigieuses lui permettent de maintenir ce prétendu contrôle n'est pas fournie; le but de ces transactions pour EZAG était d'une part d'économiser le coût de l'extension du délai d'option et d'autre part d'éviter que les parts bénéficiaires demeurent entre les mains des fondateurs qui auraient pu s'opposer à certains partenaires ou acheteurs potentiels; le but de SMI et M. Perschmann était de réaliser une bonne affaire financière et de consolider les liens d'affaires avec BEBIG;
(ii) la CBFA a trompé la légitime confiance d'EZAG et de SMI en ne réagissant pas plus tôt sur la base des informations obtenues lors des différentes déclarations de transparence faites dans le cadre des transactions litigieuses;
(iii) la preuve n'est pas fournie que SMI agit pour le compte d'EZAG dans le cadre d'un portage.
C. L'analyse des transactions litigieuses |
(…)
2. Nature juridique et valeur des parts bénéficiaires et des options d'achat |
(…)
78. Les parts bénéficiaires initialement attribuées à IBT TP, sont d'une nature assez particulière. Elles n'octroient aucun droit patrimonial (sans droit au dividende ou boni de liquidation; voir les art. 36 et 39 des statuts IBT) mais se limitent à un simple droit de vote à l'assemblée générale des actionnaires. L'article 32 des statuts d'IBT confère un droit de vote aux parts bénéficiaires dans les limites prévues par l'article 542 du Code des sociétés.
Ces parts bénéficiaires représentent 22,14% des droits de vote émis par IBT mais ne sont pas cotées en bourse. Initialement les parts bénéficiaires n'étaient même pas cessibles. Suite à l'entrée d'EZAG dans le capital d'IBT, les statuts d'IBT ont été modifiés sur ce point.
79. A cause de leurs caractéristiques propres, les parts bénéficiaires se réduisent à un pur instrument de contrôle mis au point initialement par les fondateurs pour se protéger contre des OPA inamicales (lettre du 27 février 2009 du Dr. Eckert à la CBFA - pièce 1, A, 1, CBFA).
La valeur économique de droits de vote purs (dénués de droits patrimoniaux) se limite au pouvoir de vote qu'ils procurent à son détenteur au sein des organes de la société (qui est limité par le Code des sociétés) et à la valeur éventuelle de contrôle que ces droits de vote peuvent représenter pour son détenteur ou pour un acquéreur potentiel qui serait disposé à payer un prix pour obtenir le contrôle.
SMI ne détient pas d'actions ordinaires d'IBT de sorte qu'elle ne peut utiliser ses droits de vote pour optimaliser les droits patrimoniaux attachés à des actions ordinaires (dividendes, boni de liquidation). En conséquence, l'exercice de ses droits de vote sera orienté par d'autres considérations.
Les parts bénéficiaires en tant que telles ne représentent pas une valeur de contrôle pour SMI, car ces parts ne lui donnent pas la perspective d'acquérir le contrôle de la société.
En principe, la réalisation d'une plus-value purement financière lors d'une cession ultérieure pourrait également motiver l'acquisition des parts bénéficiaires. Outre qu'un tel investissement dans des droits de vote relève de la spéculation, eu égard au fait que SMI ne peut librement céder ces droits de vote à un tiers sans l'autorisation d'EZAG, puisque EZAG bénéficie d'une option d'achat sur ces parts bénéficiaires, la valeur de marché de ces droits de vote se réduit pratiquement à zéro.
Dans ces circonstances (l'absence d'intérêt patrimonial direct et de liquidité), les parts bénéficiaires n'ont pas de valeur intrinsèque pour SMI et SMI ne pouvait dès lors avoir un intérêt direct propre de les acquérir en tant qu'investissement comme elle le prétend. La possibilité particulière pour SMI de poursuivre un avantage économique indirect par exemple dans le cadre du développement de ses relations avec IBT/BEBIG par l'exercice des droits de vote au sein des organes d'IBT sera examinée ci-après.
80. Dans les circonstances d'espèce, la seule détention des parts bénéficiaires n'a pas de valeur de portefeuille pour SMI et ne peut servir aucun intérêt direct propre de SMI en tant qu'investissement. Le véritable motif pour SMI d'acquérir des titres comme les parts bénéficiaires doit donc être recherché dans un intérêt indirect ou dérivé. Un tel intérêt indirect pourrait être la volonté de prêter, contre une rémunération adéquate et sans courir un risque disproportionnel, son concours à un tiers, comme EZAG, intéressé de les acquérir pour leur valeur de contrôle ou de les utiliser pour promouvoir ses intérêts dans la société.
(…)
82. Par contre, les parts bénéficiaires ont une valeur de contrôle évidente pour EZAG. Cette valeur explique tout l'intérêt d'EZAG pour les options d'achat permettant d'acquérir les parts bénéficiaires à un prix déterminé. Le Dr. Eckert le confirme dans sa lettre du 27 février adressée à la CBFA, p. 2 de l'annexe 1 (pièce 19, dossier Creafund) où il explique pourquoi EZAG voulait maintenir l'option d'achat. Il déclare que l'intérêt majeur d'EZAG était de pouvoir céder l'option à un tiers acheteur de ses actions ordinaires IBT pour pouvoir obtenir un prix beaucoup plus élevé (suggérant une prime de contrôle) en offrant également l'option permettant de contrôler IBT. Le Dr. Eckert admet ainsi lui-même la thèse qu'ensemble avec ses actions, les options d'achat représentent une valeur de contrôle indéniable pour leur détenteur.
3. Les motifs déclarés dans le chef d'EZAG et de SMI |
83. EZAG a déclaré avoir poursuivi avec les transactions litigieuses les objectifs suivants:
(i) prolonger l'option d'achat initiale en évitant de devoir payer les frais de prolongement prévus par l'article 4 de la Beneficiary Share Option Agreement;
(ii) éviter de devoir lancer immédiatement une OPA sur les titres d'IBT suite à l'acquisition directe par elle des parts bénéficiaires;
(iii) diminuer la probabilité de devoir exercer son option d'achat (et de devoir lancer une OPA) uniquement pour éviter un comportement trop indépendant de la part de leurs détenteurs en plaçant les parts bénéficiaires dans les mains d'une personne plus 'neutre' ayant des intérêts moins opposés que les fondateurs. EZAG concède en effet qu'une raison supplémentaire, mais de moindre importance selon elle, était liée aux fondateurs et leur conflit avec Theragenics (conclusion EZAG, 2009/SF/1 n° 103). En effet, EZAG a considéré que ce conflit limitait sensiblement les possibilités tant pour un tiers d'entrer dans le capital d'IBT que pour elle de vendre éventuellement ses actions au moment opportun à un acheteur potentiel. EZAG affirme avoir voulu neutraliser ce risque.
84. SMI ne conteste pas avoir rendu par les transactions litigieuses un service à EZAG dans le but de l'aider à poursuivre les objectifs susmentionnés. Elle insiste néanmoins sur le fait d'avoir agi dans son propre intérêt et non dans celui d'EZAG et notamment qu'elle n'était pas motivée par la volonté d'aider EZAG à maintenir sa position au sein d'IBT.
Selon SMI, son intérêt propre en tant qu'investisseur dans les parts bénéficiaires correspondrait aux trois avantages ou motifs suivants:
(i) exercer les droits de vote attachés à ses titres;
(ii) réaliser un profit lors de la revente des parts bénéficiaires à EZAG suite à l'exercice des options croisées;
(iii) maintenir et développer ses relations d'affaires avec BEBIG en tant que fournisseur de software via la société BBO (dont M. Perschmann est gérant).
4. L'analyse des motifs et des intérêts concernés |
85. En premier lieu, la cour observe que la poursuite d'intérêts spécifiques pour contracter telle que préconisée par SMI n'exclut pas l'intention d'aider EZAG à réaliser ses objectifs.
SMI n'est d'ailleurs pas crédible lorsqu'elle prétend n'avoir été motivée que par le souhait de réaliser une 'bonne affaire', pour les raisons qui suivent.
86. Pour les raisons exposées ci-après, la cour estime que (i) la réalisation des avantages avancés par SMI ne peut se dissocier de la réalisation des objectifs sous-jacents d'EZAG dans le cadre des transactions litigieuses et (ii) SMI ne peut raisonnablement prétendre ne pas avoir connu ces objectifs.
(a) La réalisation d'un profit dans le cadre d'un investissement dans un actif financier |
(…)
Comme SMI n'a pas investi de ses propres fonds, le seul véritable risque pour elle était la perte d'une chance d'obtenir un bénéfice spéculatif.
Comme tout investisseur prudent et raisonnable, SMI devait donc bien être consciente qu'il s'agissait, comme la CBFA le soutient, d'une opération financière très particulière ayant une finalité spécifique pour EZAG et pour lequel il serait difficile d'attirer de véritables investisseurs sur le marché.
Les transactions litigieuses ne reflètent pas les pratiques d'investissement courantes ce qui est d'ailleurs confirmé par le fait qu'en définitive aucune autre institution a voulu entrer dans les transactions litigieuses aux conditions proposées, même si le financement était assuré par une société liée à EZAG. Ni SMI, ni EZAG ne démontrent d'ailleurs qu'il s'agit d'une transaction normale qui pourrait susciter l'intérêt des tiers indépendants pour un motif d'investissement. Il n'y a aucun élément précis dans le dossier attestant un intérêt réel dans l'offre d'investissement faite par EZAG de la part des institutions contactées sauf à un prix prohibitif (conclusions EZAG, 2009/SF/1, n° 14).
(b) Le maintien et le développement des relations commerciales avec IBT |
91. Le troisième motif (maintien des relations commerciales) avancé par SMI pour justifier son investissement paraît invraisemblable car difficilement conciliable avec la nature des droits attachés aux parts bénéficiaires. SMI suggère que l'exercice des droits de vote (à concurrence de 22,14%) lui permette d'influencer la gestion d'IBT en vue de maintenir et de développer ses relations d'affaires avec IBT/BEBIG. On voit mal comment SMI pourrait en pratique utiliser son pouvoir de vote (de toute façon limité par le Code des sociétés) dans son intérêt indirect propre en tant que fournisseur d'IBT. Sans l'appui d'autres actionnaires, il paraît illusoire que SMI puisse promouvoir ses affaires avec IBT/BEBIG à l'aide de 22,14% des droits de vote sans représentation au niveau du conseil d'administration et sans susciter, en cas de représentation au conseil, des conflits d'intérêt qui feraient échec à cette stratégie.
(c) L'exercice des droits de vote attachés aux parts bénéficiaires |
92. Comme ni la société, ni les autres actionnaires n'ont apparemment un intérêt particulier à soutenir cette démarche de SMI, celle-ci devrait nécessairement se fier à EZAG et au Dr. Eckert pour réaliser l'objectif de développer les affaires avec IBT. Une telle dépendance à l'égard d'EZAG exclut d'emblée l'exercice indépendant par SMI de ses droits de vote et rend le premier objectif de pouvoir utiliser ses droits de vote de façon indépendante également invraisemblable.
(d) SMI avait tout intérêt à aider EZAG à maintenir son pouvoir au sein d'IBT |
93. La rémunération sur laquelle SMI comptait en échange de son engagement d'acquérir les parts bénéficiaires et de les vendre à EZAG, dépend en réalité pour une grande partie de l'existence et du maintien du pouvoir d'EZAG au sein d'IBT.
(…)
Comme SMI ne pouvait espérer développer ses relations d'affaires entre BBO et IBT sans le soutien actif d'EZAG, elle avait tout intérêt à soutenir EZAG dans sa position au sein d'IBT.
(…)
Il s'ensuit que les avantages recherchés par SMI en contrepartie de son engagement d'acquérir les parts bénéficiaires dans l'intérêt d'EZAG et de les céder ultérieurement à EZAG (ou à un tiers à qui EZAG voudrait céder sa participation), suppose non seulement l'existence d'un pouvoir d'EZAG au sein d'IBT mais également qu'EZAG puisse maintenir ce pouvoir. SMI avait tout intérêt à collaborer au maintien du pouvoir d'EZAG au sein d'IBT.
(e) SMI devait connaître les objectifs sous-jacents d'EZAG |
94. Enfin, SMI n'est pas crédible lorsqu'elle soutient avoir ignoré la nature particulière des transactions litigieuses, la position forte d'EZAG au sein d'IBT et le fait que par les transactions litigieuses EZAG visait le maintien de cette position au sein d'IBT.
Vu les relations de confiance entre M. Perschmann (actionnaire et membre du conseil de surveillance d'EZAG jusqu'en juin 2008) et le Dr. Eckert ainsi que les relations d'affaires de BBO en tant que fournisseur informatique avec BEBIG, ancienne filiale d'EZAG, M. Perschmann et SMI ne pouvaient raisonnablement se tromper sur la position d'EZAG en tant qu'actionnaire principal d'IBT, sur la nature exacte des parts bénéficiaires, sur leur valeur de contrôle et l'importance de l'option d'achat de remplacement pour EZAG dans le cadre des transactions proposées.
(…)
96. En acceptant la proposition d''investir' dans les parts bénéficiaires aux conditions et dans les circonstances susmentionnées, SMI a donc manifestement en pleine connaissance de cause consenti à coopérer avec EZAG à réaliser l'objectif sous-jacent d'EZAG - celui-ci pouvant seul expliquer de façon cohérente l'ensemble des éléments contenus dans la proposition toute particulière faite par EZAG à SMI - le désir de maintenir sa position au sein d'IBT sans devoir lancer une OPA.
97. L'objectif subsidiaire avancé par EZAG d'éviter le risque que représentaient les parts bénéficiaires dans les mains des fondateurs n'explique pas non plus la nécessité de l'option d'achat de remplacement. En effet, le risque que les fondateurs représentaient pouvait être évité dès l'instant où SMI avait acquis les parts bénéficiaires et ne nécessitait pas l'octroi de l'option d'achat de remplacement par SMI à EZAG. En octroyant cette option d'achat de remplacement, SMI a permis à EZAG de sécuriser sa position au sein d'IBT. Le Dr. Eckert a d'ailleurs admis la valeur de contrôle des options d'achat en combinaison avec sa participation de 29,89%, dans sa lettre du 27 février adressée à la CBFA (voir n° 82).
98. Selon la cour, l'objectif primordial dans le chef d'EZAG qui permet d'expliquer de façon cohérente les transactions litigieuses et les choix opérés par EZAG entre les différentes alternatives était le souhait de pouvoir continuer à disposer de la valeur de contrôle attachée à l'option d'achat sur les parts bénéficiaires sans devoir lancer immédiatement une OPA sur les titres IBT.
Comme SMI était d'ailleurs par la connaissance qu'elle avait du Beneficiary Share Option Agreement et en particulier de son article 8.8. bien au courant des arrangements existants et du fait que l'exercice immédiat de l'option entraînerait pour EZAG l'obligation de lancer une OPA obligatoire, rien ne permet de croire que SMI aurait été ignorant en ce qui concerne les objectifs sous-jacents poursuivis par EZAG. Il n'y a d'ailleurs aucune raison de supposer qu'EZAG aurait volontairement caché ses véritables objectifs à SMI, son partenaire de confiance.
5. L'économie réelle des transactions litigieuses |
99. La particularité des transactions litigieuses exposées dans les considérations qui précèdent ainsi qu'une série d'autres indices sérieux, précis et concordants, révélés par la CBFA dans les décisions litigieuses, mènent la cour à la conclusion qu'en participant aux transactions litigieuses, SMI (avec M. Perschmann qui en est l'actionnaire unique et le gérant) a consenti en connaissance de cause de coopérer avec et de prêter son concours à EZAG (et au Dr. Eckert) dans le but précis de maintenir la position d'EZAG en tant qu'actionnaire principal au sein d'IBT.
En réalité, le concours de SMI consiste à détenir les parts bénéficiaires pour permettre à EZAG de disposer pendant une période additionnelle d'une option d'achat sur les parts bénéficiaires sans devoir payer une indemnité de prolongement ou lancer une OPA et sans devoir se soucier de l'exercice de ces droits de vote par SMI dans un sens contraire aux intérêts d'EZAG en tant qu'actionnaire principal.
100. Cette analyse est confirmée par les indices suivants:
(i) la rapidité exceptionnelle avec laquelle les transactions litigieuses assez complexes ont été conclues et les délais très courts dans lesquels l'opération a été accomplie ne s'expliquent pas aisément entre parties qui agissent de façon indépendante en fonction d'intérêts divergents; EZAG a cédé l'option à SMI quelques jours avant l'expiration de l'option et SMI l'a exercée aussitôt. La cour estime que l'urgence invoquée par EZAG et SMI ne suffit pas pour expliquer la rapidité avec laquelle l'opération a été mise au point et exécutée. De toute évidence, les liens professionnels et personnels entre M. Perschmann et le Dr. Eckert ont facilité la confiance et la coopération nécessaires pour mettre au point rapidement ces transactions particulières; pour un tiers indépendant, la conclusion de tels accords aurait nécessité un examen préalable et détaillé et on peut douter sérieusement qu'un tiers l'aurait acceptée. Comme le soutient SMI, les relations personnelles et professionnelles entre le Dr. Eckert et M. Perschmann (conclusions SMI, p. 18) ne constituent pas l'élément clé qui prouve à suffisance l'existence d'une communauté d'intérêts entre SMI et EZAG, mais cet élément subjectif est de nature à renforcer d'autres éléments objectifs. En ce qui concerne le mandat exercé par M. Perschmann dans le conseil de surveillance ('Aufsichtsrat') d'EZAG de mai 2003 jusqu'en juin 2008, on ne peut en déduire, comme le fait Creafund, qu'il serait un personnage clé dans le groupe EZAG ayant un pouvoir de décision. Il s'agit néanmoins d'un indice pertinent supplémentaire de l'existence d'une relation de confiance entre les deux personnages et d'une connaissance intime par M. Perschmann de la situation d'EZAG, qui soutient la conclusion de l'existence d'une communauté d'intérêts entre EZAG et SMI. Il en va de même du financement accordé par EWK (actionnaire principal d'EZAG) que SMI ne pouvait, selon ses propres dires, obtenir sur le marché ainsi que de la mise en gage des titres. Même si cette opération de financement répondait pour partie à des conditions normales du marché, le financement par une société liée à EZAG renforce néanmoins davantage la constatation d'une communauté d'intérêts et la qualité spécifique des relations entre EZAG et SMI. Le fait que SMI est financièrement totalement dépendant d'EWK (qui fait partie du groupe EZAG), que les frais de financement sont entièrement couverts par le prix de l'exercice de l'option d'achat de remplacement ou de l'option de vente et que les parts bénéficiaires sont données en garantie à EWK témoignent encore de cette dépendance de SMI par rapport à EZAG;
(ii) apparemment la société SMI a été constituée dans le seul but de pouvoir acquérir les parts bénéficiaires; l'intention déclarée de vouloir acquérir d'autres participations n'a pas été réalisée ultérieurement et SMI n'a pas démontré l'existence d'un businessplan à cet égard;
(iii) la société SMI ne dispose pas d'un capital propre et a financé l'acquisition entièrement à l'aide d'un financement accordé par EWK, liée à EZAG;
(iv) les parts bénéficiaires ont été données en garantie à EWK mais ces parts ne constituent pas une sûreté solide pour des tiers;
(v) SMI ne paie pas de prix pour la cession de l'option; un tiers indépendant aurait sans doute exigé qu'une partie des frais de prolongement qu'EZAG aurait évitée grâce à son intervention, lui serait accordée.
101. Un autre indice est le caractère intuitu personae des transactions dans le chef de SMI. EZAG confirme avoir eu le souci d'un comportement trop indépendant ou irrationnel de la part des fondateurs par rapport à ses intérêts en tant qu'actionnaire principal et de vouloir remplacer les fondateurs par un participant plus 'neutre'. EZAG se réfère à cet égard au problème que les fondateurs pourraient utiliser leurs parts bénéficiaires pour s'opposer à une reprise éventuelle d'IBT par un tiers avec lesquels ils étaient en conflit (voir n° 83). Avec SMI comme alliée, EZAG ne courait apparemment plus ce risque.
102. La CBFA a d'ailleurs révélé des indices qui démontrent que SMI n'utiliserait pas son droit de vote contre les intérêts d'EZAG, même si elle ne s'obligeait pas expressément et par écrit à s'aligner sur le vote d'EZAG. SMI maintient qu'elle était disposée à exercer ses droits de vote en toute indépendance.
La cour estime en effet que l'exercice indépendant par SMI de ses droits de vote aurait été contraire aux intérêts déclarés de SMI. En s'opposant à la position du Dr. Eckert et d'EZAG en tant qu'actionnaire principal, SMI aurait sans doute perdu le goodwill ou la relation de confiance nécessaire pour pouvoir maintenir ou développer ses relations commerciales avec IBT/BEBIG. EZAG était son seul allié véritable. De toute façon n'aurait-elle pas pris le risque d'affirmer son indépendance en votant dans un sens contraire à celui voulu par EZAG étant donné que celle-ci disposait de l'arme de l'option d'achat pour acquérir ses parts bénéficiaires. En affirmant son indépendance elle aurait non seulement risqué de perdre ses relations d'affaires avec IBT/BEBIG mais également de perdre une partie du bénéfice spéculatif sur les actions EZAG qu'elle espérait réaliser en gardant les parts bénéficiaires pendant une période plus longue. Elle ne pouvait pas non plus espérer de vendre ses parts bénéficiaires à un tiers si elle adoptait un comportement indépendant par rapport à EZAG, en raison de l'option d'achat d'EZAG.
En d'autres termes, SMI avait tout intérêt de se comporter comme allié d'EZAG et d'aligner l'exercice de ses droits de vote à la position d'EZAG dans l'assemblée générale d'IBT dans le but d'apporter son concours à la réalisation des objectifs d'EZAG.
De toute évidence, EZAG n'aurait pas proposé la transaction litigieuse à SMI si elle n'avait l'assurance d'une réelle concordance d'intérêts et de la loyauté de la part de SMI à son égard.
103. Enfin SMI conteste en vain l'existence d'une concordance objective et réelle entre les intérêts d'EZAG et de SMI en avançant qu'elle n'a pas déposé ses titres à l'assemblée générale du 2 juin 2009. Comme le souligne la CBFA, EZAG n'a pas non plus déposé ses actions. Cette attitude concordante s'explique davantage par la nécessité pour les parties de ne pas contredire leurs positions dans le litige en cours.
104. De l'ensemble de ces indices, la cour déduit que dans la conclusion et l'exécution des transactions litigieuses, les parties ont été animées essentiellement par une concordance d'intérêts bien comprise et une volonté de coopérer ayant comme objectif prépondérant, implicite mais certain, le maintien de la position d'EZAG en tant qu'actionnaire principal au sein d'IBT par le biais de la prolongation de l'option d'achat sur parts bénéficiaires en sa faveur.
D. Premier grief à l'égard des décisions litigieuses: violation par la CBFA des règles concernant les offres publiques d'achat |
1. Le pouvoir de fait d'EZAG d'exercer une influence déterminante sur l'orientation de la gestion d'IBT |
(…)
Décision de la cour |
108. Il est exact que sur la base du Share Contribution Agreement, EZAG n'a pas le pouvoir de désigner la majorité des membres du conseil d'IBT (première hypothèse de la notion contrôle de fait de l'art. 5, § 1) et que depuis le 15 mai 2009 le Dr. Eckert ne dispose plus d'une voix prépondérante au sein du conseil (prévue par l'art. 18 des statuts).
Il n'est donc pas établi qu'EZAG dispose d'une influence décisive sur la nomination de la majorité des administrateurs d'IBT, selon la première hypothèse de la notion 'contrôle de fait'.
(…)
109. Les règles en matière d'OPA obligatoire et le seuil de 30% des droits de vote reflètent la réalité qu'un actionnaire n'ayant pas 50% des droits de vote mais qui dispose d'une participation importante, peut contrôler une société dans les faits en raison de la dispersion des actions et le concours passif ou actif d'autres actionnaires.
La cour remarque à cet égard qu'EZAG est de toute évidence l'actionnaire industriel dont l'apport industriel et financier (en tant que principal bailleur de fonds) a permis de redresser la situation très difficile dans laquelle IBT se trouvait début 2008. Par le Share Contribution Agreement, IBT et EZAG ont voulu réaliser une 'alliance stratégique' en regroupant leurs activités de brachythérapie comme le souligne le rapport du conseil à l'occasion de l'apport de BEBIG par EZAG (pièce 2, EZAG). Grâce à l'apport en nature indispensable pour la réorientation stratégique d'IBT (augmentation du chiffre d'affaires de 115% en 2008 par rapport à 2007, conclusions EZAG, 2009/SF/1, n° 5) de sa filiale BEBIG (qui constituerait désormais le coeur des activités d'IBT; conclusions EZAG, 2009/SF/1, n° 94), EZAG dispose d'excellentes lettres de créances pour se considérer le leader stratégique et l'actionnaire de référence d'IBT (www.lecho.be/actualite/entreprises_chimie_pharma/IBT_renait_de_ses_cendres_en_2008.8159601-580.art ).
La position incontournable d'EZAG en tant qu'actionnaire de référence ne se reflète pas seulement par sa participation prépondérante dans le capital (EZAG est l'actionnaire individuel le plus important avec 29,89% des droits de votes et 38,45% des actions représentant le capital) qui lui donne une majorité relative à l'assemblée générale mais également par sa position de force dans le conseil (la moitié des administrateurs et président avec voix prépondérante lui permettant de disposer effectivement d'une majorité des voix au conseil) ainsi que par le fait d'avoir obtenu de la part d'IBT TP l'option d'achat initiale sur les parts bénéficiaires représentant 22,14% des droits de vote. Par cette option, EZAG neutralise en effet le seul actionnaire en principe capable de forger une majorité alternative pouvant mettre en cause sa position. L'ensemble de ces éléments révélés par la CBFA justifie une très forte présomption de l'existence d'un contrôle de fait et du pouvoir d'influencer de façon décisive l'orientation de la gestion d'IBT.
(…)
111. A cet égard, EZAG invoque encore que la plupart des décisions dans les organes de la société sont prises à l'unanimité et que ce fait témoigne de l'absence de domination d'EZAG.
Comme le fait observer à juste titre la CBFA, la présence d'un actionnaire de contrôle au sein d'une société n'implique pas nécessairement que les décisions en matière de gestion soient toujours imposées de force au terme d'un vote majoritaire. Il suffit qu'il en ait la possibilité en cas de désaccord sérieux. Il est de bon sens qu'en général l'actionnaire principal s'efforcera d'abord de convaincre les autres actionnaires/administrateurs du bien-fondé de ses propositions pour éviter des conflits inutiles.
112. EZAG argumente ensuite que l'organisation de la gouvernance atteste que l'influence d'EZAG au sein d'IBT serait essentiellement précaire ou temporaire et peut être facilement mise en cause par les autres actionnaires/administrateurs qui le voudraient.
D'abord, EZAG ne prouve pas que la mise en cause de sa position par d'autres actionnaires serait tellement facile. Le contraire ressort du dossier: même l'intervention plutôt exceptionnelle d'un juge a été nécessaire pour tempérer provisoirement les prétentions au pouvoir de l'actionnaire principal et du Dr. Eckert.
La cour estime ensuite que, même si à l'occasion l'exercice d'une telle influence peut effectivement être contesté par d'autres actionnaires/administrateurs qui estiment que l'intérêt de la société n'est pas servi, cela ne veut pas dire pour autant que l'existence de ce pouvoir est mise en cause. Par contre, c'est illustratif du caractère précaire de ce pouvoir.
(…)
115. Finalement les arguments d'EZAG reposent sur une conception erronée de la notion de contrôle de fait. En effet, selon EZAG un contrôle précaire ne serait pas un contrôle de fait.
Selon la cour, un contrôle de fait, à l'opposition d'un contrôle de droit est par essence précaire. Il suffit qu'il soit organisé de manière consciente et durable et ne soit pas seulement accidentel ou essentiellement provisoire. Un contrôle de fait suppose une certaine continuité mais n'implique pas une stabilité garantie à l'abri de toute menace. Le contrôle de fait cesse d'exister lorsque son détenteur ne parvient plus à le défendre contre une menace. C'est à ce moment que son caractère précaire se réalise.
Les différentes preuves de la précarité de son pouvoir apportées par EZAG dans ses conclusions (…) ne démontrent pas que ce contrôle n'existerait pas ou plus. Ils ne témoignent pas non plus de son caractère accidentel ou essentiellement provisoire. Ces éléments n'invalident en rien la constatation par la CBFA de l'existence depuis février/mars 2008 d'un contrôle de fait, basée sur l'ensemble des indices susmentionnés et en particulier le renforcement de ce pouvoir grâce à l'option d'achat des parts bénéficiaires.
La cour estime donc que si dans le cas présent le contrôle de fait d'EZAG est précaire, il n'est pas pour autant provisoire ou accidentel. Même si la structure de gouvernance adoptée n'est pas formellement ancrée dans des dispositions légalement incontournables, le fait que les actionnaires ont accepté les candidats proposés par EZAG pour la nomination de 5 administrateurs sur 10 ainsi que les autres administrateurs ont approuvé la nomination du président du conseil ayant une voix prépondérante, témoigne en l'occurrence de l'acceptation par les autres actionnaires d'une distribution de pouvoir au sein d'IBT en fonction du poids stratégique prépondérant et incontournable d'EZAG au niveau de la gestion. La cour ne peut que constater qu'en réalité depuis mars 2008 EZAG et le Dr. Eckert ont fermement tenu les rênes et que ce fait ne dépend pas du hasard ni du bon vouloir des autres actionnaires et n'est pas modifié essentiellement par le fait que le Dr. Eckert soit temporairement suspendu de sa fonction de président du conseil. En effet, depuis les troubles entre actionnaires et au conseil d'administration, aucun actionnaire n'a tenté de s'approprier le pouvoir au sein d'EZAG (par exemple en faisant nommer de nouveaux administrateurs dans le but de mettre EZAG en minorité). Une telle tentative se serait par ailleurs confirmée futile eu égard à l'existence de l'option d'achat d'EZAG sur les parts bénéficiaires.
116. EZAG conteste encore en vain que l'existence d'un contrôle de fait puisse se déduire d'un changement radical de stratégie dès son entrée dans le capital d'IBT ou du courrier du 27 février 2008 dans lequel le Dr. Eckert déclare déjà avoir une influence suffisante sur IBT.
Selon la cour, la façon concrète de réaliser le changement stratégique sur le terrain (délocalisation de fonctions essentielles de production à Berlin, intégration dans les activités de BEBIG, rôle prépondérant du management et du personnel de BEBIG) témoigne indéniablement d'une emprise réelle sur les aspects opérationnels de la gestion d'IBT par EZAG et le Dr. Eckert. Ceci est d'ailleurs confirmé par la volonté du Dr. Eckert de transférer également le reste de la direction administrative et financière d'IBT de Bruxelles à Berlin et consistent avec les déclarations du Dr. Eckert qui dans son courrier du 27 février n'hésite pas à confirmer qu'il dispose déjà d'une influence qualifiée de 'suffisante' au sein d'IBT notamment grâce au fait qu'EZAG a eu la possibilité de désigner 2 des 3 administrateurs exécutifs responsables de la production, l'informatique et le marketing/business development, que 90% du personnel d'IBT est originaire de BEBIG, dont bon nombre a été recruté par lui-même et que la plus grande partie des dettes à long terme est souscrite par EZAG (pièce, I, B, 9, CBFA). Loin de contredire les autres indices révélés par la CBFA, ces déclarations permettent de confirmer l'existence d'une influence décisive d'EZAG dans la réalisation de la réorientation stratégique d'IBT. Le fait que cette réorientation stratégique devenue nécessaire pour IBT a été approuvée par l'assemblée générale et le conseil d'administration d'IBT n'infirme en rien le rôle prépondérant qu'EZAG joue via BEBIG dans sa mise en oeuvre sur le terrain, rôle qui est soutenu par sa position forte (même si pas inattaquable) dans les organes d'IBT et son option d'achat sur les parts bénéficiaires, permettant de consolider cette position devait-elle être mise en péril.
(…)
118. Il ressort donc clairement de l'ensemble des indices retenus par la CBFA, confirmés par les observations complémentaires énoncées par la cour, que la distribution fondamentale du pouvoir au sein d'IBT permettait à EZAG depuis mars 2008 de dominer effectivement l'assemblée générale et le conseil d'administration et d'exercer une influence décisive sur la gestion et si nécessaire, d'imposer sa vision stratégique même si ce pouvoir n'a pas été totalement à l'abri de défis. Le contrôle de fait étant essentiellement caractérisé par la possibilité de le défendre contre des mises en cause d'origine intérieure ou extérieure, l'option d'achat sur les parts bénéficiaires constitue l'arme indispensable mais suffisante permettant à EZAG de défendre et de consolider ce contrôle de fait précaire au sein des organes d'IBT.
2. EZAG et SMI agissent de concert au sens de l'article 3, § 1, 5°, a) |
(…)
Décision de la cour |
121. EZAG et SMI coopèrent sur la base d'un accord.
Au niveau de la preuve du 'concert', le législateur exige l'existence d'une 'coopération' sur la base d'un 'accord'.
La nature de la 'coopération' n'a pas été précisée davantage par le législateur et commande une interprétation non restrictive qui correspond à la vocation anti-abus de la disposition en question (voir V. De Schrijver, “Enkele bemerkingen bij de notie 'onderling overleg' in de Belgische overnameregulering”, Liber Amicorum Eddy Wymeersch, Intersentia, 2008, pp. 342-343).
En adoptant la notion spécifique d''accord', le législateur s'est éloigné de la notion classique du 'contrat' en droit civil belge.
Manifestement, le législateur s'est inspiré d'une définition extensive de la notion d'accord en précisant que l''action de concert' suppose une coopération 'sur la base d'un accord, formel ou tacite, oral ou écrit'.
La preuve d'un tel accord et de son objet peut être rapportée par toutes voies de droit et peut résulter notamment de présomptions (art. 1353 C.civ.). En l'espèce, la CBFA a considéré sur la base d'un faisceau de présomptions, que SMI et EZAG coopèrent sur la base d'un accord en vue de maintenir le contrôle d'IBT au sens de l'article 3, § 1, 5°, a), de la loi OPA.
Il est d'ailleurs constant que l'exécution que les parties donnent à leur convention écrite constitue un élément de son interprétation et que les transactions ou pratiques 'satellites' qui entourent un accord formel peuvent être l'expression d'un accord tacite dépassant et complétant l'objectif exprimé ou implicite de l'accord écrit de base. Dans ce cas, il y a lieu de prendre en considération l'ensemble de ces éléments (le complexe consensuel) pour déterminer le contenu exact de l''accord' entre parties et de son objet ainsi que la cause et l'intention véritable des parties.
122. En l'occurrence le Call and Put Option Agreement du 22 décembre 2008 est le seul 'accord' formel et écrit entre EZAG et SMI. Mais il forme le noyau contractuel d'une série de transactions liées entre elles et qui se sont déroulées au mois de décembre 2008 et de janvier 2009. Comme la CBFA le soutient, l'ensemble de ces conventions allait plus loin que le simple octroi d'une option d'achat et peut être qualifié comme une 'coopération' entre SMI et EZAG au sens de la définition de 'personnes agissant de concert' reprise dans l'article 3, § 1, 5°, a), de la loi OPA.
En effet, l'analyse de l'économie réelle de cet ensemble de transactions dont le Call and Put Option Agreement forme le noyau, a permis à la cour de constater que les parties ont été animées par une concordance d'intérêts bien comprise et une volonté de coopérer avec comme objectif prépondérant, implicite mais certain, le maintien de l'influence décisive d'EZAG au sein d'IBT par le biais de la prolongation de l'option d'achat sur les parts bénéficiaires en sa faveur.
Les parties ont donc effectivement coopéré sur la base d'un 'accord' tacite dans le sens de l'article 3, § 1, 5°, a), de la loi OPA, dans le cadre de l'ensemble contractuel dont le Call and Put Option Agreement du 22 décembre 2008 forme le noyau.
123. Un accord visant à maintenir le contrôle sur IBT.
L'article 3, § 1, 5°, a), de la loi OPA précise que le concert en question consiste en la coopération sur la base d'un accord qui vise notamment le maintien d'un contrôle existant de la société visée.
La preuve que l'accord avait pour effet et pour objectif ('visant') de maintenir le contrôle sur IBT doit dès lors être apportée.
Selon la CBFA, l'article 3, § 1, 5°, a), de la loi OPA vise tous les accords qui permettent de protéger ou de consolider le contrôle de la société visée et notamment celles qui permettent de faire obstacle à une modification de contrôle ou, à tout le moins, de rendre pareille modification plus difficile. Il viserait ainsi les accords qui offrent à un actionnaire disposant d'un contrôle de fait la possibilité de défendre son contrôle en passant d'un contrôle de fait à un contrôle de droit, même s'il ne s'agit que d'une arme dont il n'est pas sûr qu'elle sera utilisée (conclusions CBFA, n° 46).
124. Il serait en effet contraire au texte de l'article 3, § 1, 5°, a), de la loi OPA de limiter ces 'accords' à des conventions concernant l'exercice des droits de vote, comme soutenu par EZAG. Ces conventions sont traitées séparément au point b) de l'article en question.
La CBFA considère à juste titre qu'il ressort des faits qu'EZAG et SMI ont coopéré sur la base d'un accord avec le but de maintenir et de sécuriser le contrôle d'EZAG sur IBT (première décision, p. 3). Les transactions litigieuses et les comportements des parties, considérés dans leur ensemble, ne peuvent être compris autrement.
EZAG estime que la CBFA reste en défaut d'apporter la preuve d'une telle intention et insiste que la preuve d'un accord tacite pourrait uniquement être apportée de manière concluante s'il n'existe aucune autre explication pour les transactions litigieuses.
A cet égard, EZAG et SMI tentent en vain de démontrer que l'option d'achat de remplacement répond uniquement à des motifs légitimes qui sont étrangers à la volonté de maintenir un prétendu contrôle sur IBT et ne change en rien la situation préexistante.
Comme exposé plus haut, la présence de motifs légitimes pour chacune des différentes transactions litigieuses autres que le maintien du contrôle dans le chef de SMI en EZAG, n'exclut pas en soi que les transactions litigieuses dans leur ensemble avaient comme objectif implicite mais clair et certain de maintenir le contrôle d'IBT par EZAG. La cour a pu déduire (voir n° 104) l'existence d'une concordance voire d'une communauté d'intérêts bien comprise entre SMI et EZAG sur la base d'une série d'indices sérieux, précis et concordants révélés par la CBFA dans les décisions litigieuses. La cour estime que ces indices pris dans leur ensemble traduisent l'accord des parties de coopérer pour maintenir le contrôle d'IBT.
A cela s'ajoute l'observation surabondante que si les parties n'avaient pas eu l'intention commune de maintenir ou de renforcer le contrôle sur IBT, l'option d'achat de remplacement n'aurait pas été nécessaire et que le renouvellement de celle-ci ne peut s'expliquer que par le motif de maintenir le contrôle.
125. Un accord ayant pour effet de maintenir le contrôle.
SMI et EZAG contestent que la transaction a eu un effet quelconque au niveau du maintien de la position d'EZAG, en comparaison avec la situation antérieure lorsque les parts bénéficiaires étaient dans les mains des fondateurs. EZAG disposait déjà d'une option d'achat avant les transactions litigieuses et donc d'un moyen de maintenir son pouvoir.
Force est de constater d'abord qu'au niveau du contrôle d'IBT, l'accord de décembre 2008 résulte bel et bien dans le remplacement de l'option d'achat initiale de EZAG sur les parts bénéficiaires d'IBT qui venait à échéance au 31 décembre 2008 et la sauvegarde de la possibilité pour EZAG de remplacer son contrôle de fait par un contrôle de droit comme le soutiennent la CBFA et Creafund. D'un autre point de vue, l'opération consiste également à remplacer la personne de la cocontractante de son option d'achat. Selon EZAG et SMI, ce remplacement ne change en rien la position d'EZAG.
La cour ne peut suivre cette argumentation. Un effet essentiel des transactions litigieuses consiste bien dans le maintien ou la sauvegarde au profit d'EZAG, du droit d'acquérir les parts bénéficiaires qui représentent des droits de vote à concurrence de 22,14% dans l'assemblé générale des actionnaires d'IBT. Combinés avec les droits de vote dont dispose déjà EZAG (29,89%), cette option permet à EZAG de disposer d'une majorité absolue après l'exercice de son option d'achat.
Sans les transactions litigieuses, EZAG aurait perdu cette option d'achat, sauf à payer l'indemnité de prolongation convenue avec les fondateurs. Mais cette possibilité était contraire à son désir de remplacer les fondateurs par une partie plus 'neutre'.
La CBFA estime donc à juste titre que l'option d'achat consentie par SMI permettait, objectivement, à EZAG de sécuriser son contrôle, puisqu'elle avait immédiatement l''assurance' (i) de pouvoir à tout moment transformer son contrôle de fait en un contrôle de droit (deuxième décision, p. 3) ou (ii) de contrer une offre publique d'acquisition agressive ou toute autre tentative de prise de contrôle non désirée (conclusions CBFA, n° 47).
(…)
La cour estime que l'existence de l'option d'achat entraîne un effet immédiat sur le contrôle - même si l'exercice de l'option n'est que potentiel - lorsque comme dans les circonstances d'espèce, c'est-à-dire d'un contrôle de fait précaire mais susceptible d'être transformé en contrôle de droit, elle constitue une menace suffisante et crédible de nature à renforcer ce contrôle. Cette option confère en effet à son détenteur un instrument de défense effectif en cas d'une tentative d'atteinte par un autre actionnaire ou un tiers à ce contrôle. Dans ces conditions, l'existence de la menace d'utiliser cette arme suffit pour ressortir un effet dissuasif immédiat chez les candidats potentiels indépendamment de l'usage effectif de cette arme. EZAG ne démontre pas que cette menace ne serait pas suffisante ou crédible. Elle ne démontre pas non plus que le lancement d'une OPA serait à tel point contraignant pour elle que la menace ne serait plus crédible. Même si la nécessité de devoir lancer une OPA et les frais y afférents rendent l'exercice de l'option plus onéreux, cet exercice n'est pas pour autant rendu impossible. Ceci explique d'ailleurs pourquoi EZAG a tout intérêt de placer les parts bénéficiaires dans des mains alliées. Ceci lui permet de réserver son arme pour les cas où sa position serait sérieusement menacée.
129. EZAG reproche encore à la CBFA de ne pas démontrer que son pouvoir de contrer une offre hostile permettrait à EZAG de maintenir un prétendu contrôle sur IBT. Selon EZAG, on ne pourrait pas assimiler le pouvoir de contrôler une société (au sens de l'art. 5 Code des sociétés) à celui de faire échouer une offre hostile. En d'autres termes l'on ne peut confondre un effet ou un pouvoir de protection à un pouvoir de contrôle.
A cet égard, la cour observe d'abord que si le législateur avait voulu limiter le champ d'application de l'obligation de lancer une OPA aux situations où les parties coopèrent pour se défendre contre une offre de reprise actuelle ou imminente par un moyen ayant un effet immédiat au niveau du contrôle, il était inutile d'y ajouter l'hypothèse d'une coopération en vue de maintenir le contrôle. L'hypothèse de la défense contre une offre aurait suffit. Il s'agit donc de deux hypothèses différentes, mais le même moyen (l'option d'achat) peut servir à maintenir un contrôle et à se défendre contre une offre de reprise de la part d'un tiers.
Bien qu'en soi l'existence ou l'obtention d'une option d'achat sur des titres ne déclenche pas l'obligation de lancer une OPA, le fait de se voir accorder une telle option peut bien résulter, dans certaines circonstances comme c'est le cas dans la présente cause, dans le maintien d'un contrôle de fait par la possibilité que cette option implique de transformer un contrôle de fait précaire en un contrôle de fait renforcé ou en un contrôle de droit.
La thèse qui admet qu'un accord conférant une option d'achat peut traduire dans certaines circonstances la volonté de concourir au maintien ou au renforcement d'une situation de contrôle de fait est également affirmée par le Panel on Takeovers and Mergers britannique dans sa 'Note 6' explicative en ce qui concerne la notion d'action de concert contenu dans la Rule 9.1. le City Code on Takeovers and Mergers duquel notre législateur s'est inspiré. La Note 6 mentionne notamment expressément le cas d'une option accordée dans le cadre d'une vente partielle, l'acheteur ayant obtenu une option d'achat sur les actions restantes dans la possession du vendeur après la vente par celui-ci d'une participation de 29,9% d'actions à cet acheteur (S. Keynon-Slade, Mergers and Takeovers in the US and the UK, Oxford University Press, 2004, p. 685).
130. La cour admet que le fait de rendre la perte du contrôle de fait plus difficile ou moins probable contribue également au maintien du contrôle.
(…)
Comme la cour l'a constaté plus haut, le Call and Put Option Agreement est clairement intuitu personae dans le chef de SMI. En plus, le remplacement des fondateurs par SMI comme détenteur des parts bénéficiaires modifie de façon non négligeable la position d'EZAG. Avec les parts bénéficiaires dans les mains d'un allié, la probabilité pour EZAG de voir affaiblir sa position a diminué. En effet la relation entre SMI et EZAG est toute différente de celle avec les fondateurs. Comme la cour l'a constaté, il existe des relations de confiance sur le plan personnel et professionnel et une communauté d'intérêts bien comprise entre SMI et EZAG qui n'existait pas entre les fondateurs et EZAG ce qui réduit considérablement la probabilité pour EZAG de devoir utiliser son arme de défense pour contrecarrer par exemple un comportement dissident très peu probable de la part de SMI au sein de l'assemblée générale d'IBT. EZAG peut donc réserver l'utilisation effective de cette arme à des situations plus graves où son contrôle serait véritablement en danger. Dans cette optique, la nouvelle option d'achat a même consolidé le pouvoir de contrôle d'EZAG.
En conclusion, le fait pour SMI d'accorder une nouvelle option d'achat (plus performante que l'option existante) à EZAG relève d'une action de concert dans le sens de la loi OPA puisque les parties à l'accord coopèrent dans le but de maintenir ou de renforcer le contrôle de fait sur la société concernée et que l'existence de cette option contribue effectivement au maintien ou au renforcement d'un contrôle précaire sur IBT.
(…)
§ 2. | Sur les modalités de l'offre |
136. Creafund demande à la cour de préciser diverses modalités de l'OPA que EZAG et SMI sont tenues de lancer sur les titres d'IBT. EZAG et SMI estiment que ces demandes sont irrecevables et à tout le moins non fondées.
De l'avis d'EZAG et de SMI, Creafund n'est pas recevable à introduire, en tant que partie intervenante, dans le cadre de leurs recours des demandes tendant à invalider ou à modifier les décisions attaquées de la CBFA. Selon eux, elle aurait dû introduire un recours en annulation contre les décisions attaquées dans le délai légal.
A titre subsidiaire, elles soutiennent que les demandes de Creafund ne sont pas fondées.
137. En substance Creafund demande à la cour de modifier et de compléter certaines conditions de l'OPA contenues dans les décisions litigieuses. Ainsi elle demande à la cour de:
(i) condamner EZAG à informer la CBFA de son obligation de lancer une OPA dans les deux jours ouvrables suivant la signification de l'arrêt à intervenir;
(ii) annoncer l'OPA dans les trois jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir;
(iii) invalider la dérogation accordée par la CBFA permettant à EZAG/SMI de lancer une offre en espèces ou en titres à son choix sur base de l'article 9 de la loi OPA et de lui (Creafund) réserver le droit de choisir entre une contrepartie de l'offre en espèces ou une contrepartie en titres EZAG ou autres;
(iv) fixer la date à laquelle le rapport d'échange entre les actions IBT et les actions offertes en contrepartie doit être déterminé au 29 février 2009 (date à laquelle l'avis d'offre aurait dû être publié).
A. Sur la recevabilité des demandes relatives aux modalités de l'offre |
138. La CBFA estime que les chefs de demandes visés de Creafund reviennent à attaquer les décisions litigieuses et sont formulées en dehors du délai de 15 jours à partir du communiqué de presse publié par la CBFA le 28 avril 2009 (art. 41, § 2, de la loi OPA).
Selon la CBFA, la cour n'est pas saisie de la question de la légalité de la dérogation qui a été accordée ou d'autres questions relatives aux modalités de l'offre dans le cadre des recours introduits par EZAG et SMI. Elle en conclut que la cour ne saurait se prononcer sur ces questions dans le cadre de l'intervention volontaire formulée par Creafund.
139. Les trois recours étant joints à la demande des parties et faisant l'objet d'une seule décision, la discussion relative à la recevabilité des chefs de demandes formulés par Creafund dans l'optique d'une distinction qui doit être faite suivant le recours endéans lequel ces chefs de demandes sont formées, est dépourvue d'intérêt.
En application de l'article 807 du Code judiciaire, Creafund peut étendre ou modifier sa demande si ses conclusions sont prises contradictoirement sur ce point et sont fondées sur un acte ou un fait invoqué dans l'acte introductif d'instance.
En l'occurrence, Creafund fait état dans sa requête introductive de l'obligation légale dans le chef d'EZAG et de SMI de lancer une OPA.
Les chefs de demandes relatifs aux modalités de l'offre forment une extension de sa demande faite dans le respect dudit article 807 et est dès lors recevable.
B. Sur l'effet des décisions litigieuses sur le fondement des demandes de Creafund |
140. EZAG soutient qu'ayant omis d'introduire un recours contre les décisions litigieuses et notamment en ce qui concerne la dérogation accordée par la CBFA, Creafund ne peut plus se prévaloir d'un droit subjectif à la reprise de ses titres en espèces, la dérogation administrative s'imposant à tous les actionnaires.
141. Evoquant la jurisprudence de la Cour de cassation dans l'arrêt Wagons-Lits (Cass. 10 mars 1994, RDC 1995, pp. 22 et s.): “Attendu qu'il découle de ces dispositions légales et réglementaires que l'obligation qui pèse sur l'acquéreur en cas de cession de contrôle moyennant un prix supérieur à celui du marché crée corrélativement au profit des porteurs un droit subjectif à la reprise de leurs titres; que ce droit trouve directement sa source dans les dispositions précitées; que ni sa naissance ni son exercice ne dépendent de la mise en oeuvre par la Commission bancaire et financière des pouvoirs qui lui sont reconnus par les articles 15, alinéa 3, de la loi du 2 mars 1989 et 41, alinéa 2, de l'arrêté royal du 8 novembre 1989; qu'en particulier, le pouvoir qui lui est conféré par l'article 15, alinéa 3, de la loi d'accorder, dans des cas spéciaux, des dérogations aux arrêtés pris en vertu des § 1er et 2 de cette même disposition n'a pas pour effet de modifier la nature du droit des porteurs à la reprise de leurs titres, instauré en leur faveur par l'article 41, alinéa 1er, de l'arrêté royal précité, ni de les priver du droit à une telle reprise lorsque la Commission bancaire et financière n'a pas accordé régulièrement une telle dérogation”, Creafund estime qu'une dérogation accordée par la CBFA reste sans effet sur le droit subjectif des actionnaires minoritaires à la reprise de leurs titres en cas de changement de contrôle sous l'ancienne législation. Cette solution devrait également être retenue sous le nouveau régime de la loi OPA du 1er avril 2007.
EZAG conteste cette interprétation dudit arrêt, estimant que la solution préconisée par Creafund ne pourrait être envisagée qu'au cas où la CBFA n'avait pas accordé une dérogation sur pied de l'article 35, § 1er, alinéa 2, de la loi OPA. La doctrine à l'appui, elle conclut qu'en cas de dérogation accordée par la CBFA et sauf à introduire un recours recevable contre la décision de la CBFA, il n'y aurait plus de droit subjectif à la reprise de leurs titres dans le chef des actionnaires minoritaires ni un actionnaire minoritaire n'est plus fondé de faire valoir un droit subjectif qui aurait une portée contraire à la dérogation de la CBFA.
142. EZAG exclut également que Creafund puisse contester les décisions litigieuses et notamment la dérogation de la CBFA en excipant de l'illégalité de ces actes en application de l'article 159 de la Constitution. N'ayant pas attaqué les décisions litigieuses, Creafund ne pourrait plus demander que l'illégalité desdites décisions soit constatée dans le cadre de ses demandes.
143. Les décisions litigieuses sont des actes administratifs qui n'échappent pas au contrôle de légalité imposé par l'article 159 de la Constitution.
Dès lors que lesdits actes sont opposés à Creafund afin de l'entendre débouter de certains chefs de sa demande, celle-ci est en droit de faire constater la prétendue illégalité en sorte que le cas échéant, ces actes ne puissent sortir leurs effets en ce qui la concerne.
C. Sur le délai de l'article 56 de l'AR OPA |
144. EZAG et SMI critiquent le caractère déraisonnable de la demande de Creafund en ce qu'elle veut entendre ordonner de respecter les délais très courts de l'article 56 de l'AR OPA pour aviser la CBFA et annoncer l'OPA. En conclusions Creafund accepte, à titre subsidiaire, que le délai pour informer la CBFA de l'avis concernant son obligation de lancer une OPA serait de 20 jours ouvrables à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et que l'annonce soit faite le jour ouvrable suivant.
145. La loi ne prévoit pas des délais pour le cas précis d'une OPA à lancer à l'issue d'une procédure devant la cour.
Il revient à la CBFA de décider sur la suite procédurale à réserver au rejet des recours contre les décisions attaquées, notamment en ce qui concerne les délais relatifs au lancement de l'OPA. SMI et EZAG devront justifier leur proposition à cet égard dans leur projet de prospectus.
146. Par ailleurs, le délai de deux jours imposé par l'article 56 de l'AR OPA est dépourvu de pertinence en l'occurrence, étant donné que la CBFA a constaté elle-même qu'EZAG et SMI se trouvent dans les conditions qui requièrent le lancement d'une OPA.
En ce qui concerne le début de la période de l'acceptation de l'offre, la cour renvoie aux décisions litigieuses.
D. Sur la dérogation accordée par la CBFA |
147. Creafund ne s'oppose pas au prix de l'offre tel que déterminé par la CBFA à 3,47 EUR conformément à l'article 53 de l'AR OPA (décision initiale, p. 5).
Par contre elle veut se réserver le choix d'accepter en contrepartie de ses actions IBT un prix en espèces ou en titres. Elle prétend que les décisions litigieuses porteraient atteinte à ses droits acquis en violation du principe de non-rétroactivité des actes administratifs.
Elle fonde son action sur un droit subjectif acquis d'être payé à son choix en espèces ou en titres, droit qu'elle avait déjà exercé par son recours intenté avant l'intervention de la dérogation accordée par la CBFA (décision initiale, p. 6). Cette dérogation ne pourrait déroger à son droit subjectif.
148. Creafund estime à tort que l'introduction d'un recours dans le cadre duquel elle sollicite le lancement d'une OPA obligatoire sur ses actions IBT, a fait naître dans son chef un droit acquis de choisir entre un prix en espèces ou en titres, même si ce recours date d'avant la dérogation accordée par la CBFA.
Ce recours ne saurait entraver l'exercice par la CBFA d'une compétence lui conférée par la loi et notamment celle d'assurer le traitement égal de tous les détenteurs de parts sociales ordinaires - autres que parts bénéficiaires - dans la société cible de l'OPA.
Dès lors Creafund ne peut se prévaloir d'un droit au paiement en espèces que si elle démontre que la dérogation à l'article 54, § 2, de l'AR OPA accordée, s'avère incompatible avec la loi OPA.
Cette preuve n'est pas livrée.
149. A cet égard, la cour observe que la CBFA ne viole pas la règle de la non-rétroactivité des actes administratifs en accordant une dérogation dans le cadre de l'exercice de son contrôle ex post et qu'elle justifie légalement sa décision, à la lumière du traitement équivalent visé à l'article 9, 1°, de la loi OPA, étant donné que l'OPA ne porte pas sur les parts bénéficiaires qui ont été payées uniquement en espèces (décision initiale, p. 6).
E. Sur le rapport d'échange |
150. Ni la loi OPA, ni l'AR OPA ne contiennent des dispositions quant aux critères à utiliser pour déterminer la date à laquelle le rapport d'échange entre les actions EZAG et les titres IBT doit être fixé. Les décisions litigieuses n'en font pas état non plus.
S'inspirant du § 2 de l'article 54 de l'AR OPA, Creafund estime que la date pertinente est celle à laquelle l'avis à propos de l'OPA aurait dû être communiqué à la CBFA, c'est-à-dire le 29 janvier 2009, le troisième jour après l'acquisition des parts bénéficiaires par SMI.
151. EZAG estime par contre qu'il y a lieu de se référer à la date effective à laquelle la CBFA est informée par les offrants. Elle argumente que la valeur des titres EZAG offerts en contrepartie doit être la plus rapprochée possible de l'offre.
152. Il est clair que le décalage entre les deux dates possibles et le choix de la date de référence pour déterminer le rapport d'échange peuvent avoir un impact considérable sur le prix si l'offrant décidait de payer en titres. En plus, le risque que le cours soit influencé dans un sens ou l'autre est réel. Si la date hypothétique à laquelle l'avis à propos de l'OPA aurait dû être communiqué à la CBFA est choisie comme date de référence, une augmentation du cours des actions EZAG entre cette date hypothétique et la date effective de l'offre rend l'OPA plus onéreuse pour l'offrant. Par contre, dans le cas d'une chute du cours des actions EZAG, les actionnaires minoritaires s'estimeront lésés.
153. En vertu des décisions litigieuses, les parties EZAG et SMI devront proposer un prospectus, qui sera soumis à l'approbation de la CBFA.
Le prix de l'offre étant déterminé, il revient aux offrants de proposer un rapport d'échange entre les actions IBT et l'action proposée en contrepartie, dans la mesure où ils envisageraient d'utiliser la dérogation qui leur a été accordée.
S'agissant d'une OPA obligatoire, sans doute ce rapport devra-t-il être fixé sur la base d'éléments objectifs, qui permettent d'assurer que les offrants ne vident pas de son contenu la valeur fixée par la CBFA.
Dès lors, en vue de la valorisation des actions proposées en échange, SMI et EZAG devront justifier le choix d'une date de référence dans leur projet de prospectus, à la lumière de ce qui précède et sous contrôle de la CBFA.
§ 3. | Sur les autres chefs de demandes |
A. Les intérêts |
154. Creafund demande également, sans justification spécifique, que le prix à payer par EZAG/SMI pour ses actions soit majoré des intérêts judiciaires à compter de la date à laquelle l'offre aurait dû être lancée, soit le 29 janvier 2009.
Il échet d'observer à cet égard que l'injonction de lancer une OPA est basée sur les décisions litigieuses, indépendamment de la demande de Creafund.
Il revient à la CBFA, dans le cadre de son contrôle du prospectus, de déterminer si les conditions financières proposées par les offrants rencontrent les termes de son injonction et le cas échéant si l'écoulement du temps entre les dates de ses décisions et le début de l'offre, nécessite une compensation financière.
(…)
Par ces motifs,
La cour,
Eu égard aux dispositions de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire,
Statuant contradictoirement,
Joint les affaires RG 2009/SF/1, 2009/SF/2 et 2009/SF/3;
Reçoit les requêtes en réouverture des débats, mais les rejette;
Déclare les recours et les requêtes en intervention volontaire recevables;
Déclare les recours en annulation formés par EZAG et SMI contre les décisions du comité de direction de la CBFA du 28 avril (FMI_SOC0119 et FMI_SOC0120) et du 27 mai 2009 (CPP_CIS1053 jusqu'à CPP_CIS1056) recevables mais non fondés;
Déclare le recours formé par Creafund recevable;
Constate qu'en raison de la décision sur les recours formés par EZAG et SMI, la demande de Creafund n'a plus d'objet, sauf en ce qui concerne son extension, qui est partiellement fondé comme suit;
Dit que SMI et EZAG devront dans leur proposition de prospectus, à soumettre à l'approbation préalable de la CBFA, justifier (i) la date à laquelle elles procèderont à l'annonce de l'offre au public et (ii) le choix de la date de référence pour déterminer le rapport d'échange entre les actions IBT et les actions EZAG ou autres titres qu'ils présenteraient le cas échéant en échange des titres IBT;
Condamne EZAG et SMI in solidum aux dépens, liquidés à 10.186 EUR y compris une indemnité de procédure de 10.000 EUR à payer à la CBFA et à Creafund.
(…)