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Actualité : Cour de cassation, 19/06/2009, R.D.C.-T.B.H., 2009/9, p. 988

Cour de cassation 19 juin 2009

CONTRATS SPÉCIAUX - VENTE - VENTE INTERNATIONALE
Convention de Vienne - Théorie de l'imprévision (hardship) - Changement de circonstances - Exonération du débiteur - Interprétation de la convention au regard des principes UNIDROIT

Scafom international BV / Corraine Tubes SAS

Arrêt: C.07.0289-N/14

Le 19 juin 2009, la Cour de cassation a rendu un arrêt dans lequel elle a interprété l'article 79 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises, en ouvrant une brèche en faveur de la théorie d'imprévision, jusqu'alors bannie du système de la Convention par une doctrine majoritaire et la jurisprudence élaborée tant en Belgique que dans les autres États signataires (comp. p. ex. tribunal de commerce de Hasselt du 2 mai 1995, Tribunale Civile de Monza (Italie) du 14 janvier 1993, Oberlandesgericht Hamburg (Allemagne) du 28 février 1997, cour d'appel de Colmar (France) du 16 juin 2001; les sommaires de ces décisions sont accessibles sur le site consacré à la Convention:www.cisg.law.pace.edu ).

L'arrêt a pour origine un litige concernant l'exécution d'un contrat soumis à la Convention de Vienne portant sur la fourniture des tuyaux en acier. Suite à la hausse soudaine et imprévue du prix de l'acier de l'ordre de 70% et compte tenu du fait que les parties n'avaient pas inséré dans le contrat la clause d'adaptation des prix, le vendeur a invité l'acheteur à renégocier les conditions financières du contrat. Confronté au refus de l'acheteur, le vendeur a arrêté les livraisons de la marchandise, en réponse à quoi l'acheteur a introduit une action en exécution forcée du contrat. Ayant perdu en première instance, le vendeur a introduit un appel devant la cour d'Anvers qui lui a donné raison, en se référant en particulier à l'article 7.2. de la Convention de Vienne. Celui-ci permet de régler les questions non tranchées par la convention en se référant aux dispositions de droit national applicables au contrat. Or, le droit français, applicable en l'espèce, permet, sur la base de principe de bonne foi, de renégocier un contrat dans le cas où, suite aux changements imprévisible des circonstances économiques, les prestations des parties deviennent grandement déséquilibrées. La Cour suprême a suivi l'approche de la cour d'appel d'Anvers et a admis qu'un changement des circonstances qui ne pouvait pas être raisonnablement prévu au moment de la conclusion du contrat et qui est de nature à aggraver de façon disproportionnée la charge d'exécution du contrat pour une des parties constitue l'empêchement exonératoire de la responsabilité pour l'inexécution de l'obligation au sens de l'article 79.1. de la Convention de Vienne.

La décision mérite notre intérêt pour une autre raison. Pour étayer son interprétation, notre Cour suprême, a évoqué dans sa décision les principes UNIDROIT relatifs aux contrats du commerce international. La Cour a considéré que pour assurer une interprétation uniforme de la Convention de Vienne, il convient de se référer aux principes propres au droit international de commerce, tels que les principes UNIDROIT; or ceux-ci, contrairement à la Convention de Vienne, reconnaissent la théorie d'imprévision dans les dispositions concernant le “Hardship” (art. 6.2.2. et 6.2.3.), ainsi que la possibilité pour le tribunal d'agir en cas “d'avantage excessif” à travers une mission ou des pouvoirs d'adaptation (art. 3.10.2. et 3.10.3.). Ainsi, sous la plume de nos plus hauts magistrats, même les règles du droit international de commerce n'échappent pas à un compromis à la belge.