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Actualité : Cour de justice des Communautés européennes, 08/09/2009, R.D.C.-T.B.H., 2009/9, p. 979

Cour de justice des Communautés européennes 8 septembre 2009

DROIT EUROPÉEN - TRAITÉ CE - POLITIQUE DE LA COMMUNAUTÉ - LIBRE CIRCULATION DES SERVICES
Demande de décision préjudicielle - Article 49 Traité CE - Restrictions à la libre prestation des services - Exploitation de jeux de hasard par l'Internet
Aff. C-42/07, Bwin

Par arrêt du 3 septembre 2009, la Cour de justice, réunie en grande chambre, a rendu une décision importante en matière de jeux de hasard sur internet. Dans cette affaire, la Cour avait à se prononcer sur la compatibilité de la législation portugaise, qui accorde à un organisme désigné un monopole d'exploitation et d'organisation des jeux de hasard, avec le principe de libre prestation de services (art. 49 Traité CE). Par question préjudicielle, la juridiction de renvoi demandait plus précisément à la Cour si l'article 49 s'oppose à une réglementation d'un État membre qui interdit à des opérateurs privés, établis dans d'autres États membres où ils fournissent légalement des services analogues, de proposer des jeux de hasard par internet sur le territoire de l'État membre en question. Dans son analyse, la Cour considère en premier lieu que la réglementation portugaise constitue bien une restriction à la libre prestation de services. Or, de telles restrictions peuvent être justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général, pour autant qu'elles n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif que s'est fixé l'État membre. Pour la Cour, le manque de contact direct entre le consommateur et l'opérateur de jeux de hasard en ligne entraîne des risques de nature différente et d'une importance accrue par rapport aux marchés traditionnels de ces jeux, tels que la fraude et la criminalité. La Cour estime qu'un État membre est en droit de considérer que le seul fait qu'un opérateur propose légalement des services de jeux de hasard sur Internet dans un autre État membre que celui dans lequel il est établi, ne constitue pas une garantie suffisante de protection des consommateurs contre de tels risques. Eu égard aux particularités de l'offre de jeux de hasard par internet et aux objectifs et particularités de la réglementation portugaise, la Cour estime que cette législation est compatible avec le principe de la libre prestation de services.

L'arrêt rendu par la Cour est d'autant plus intéressant que la matière des jeux de hasard n'est pas harmonisée au niveau communautaire. L'arrêt intervient par ailleurs au moment où certains États européens, dont la France, s'apprêtent à ouvrir à la concurrence le secteur des jeux en ligne à la suite d'une mise en demeure qui leur avait été adressée par la Commission en 2006 pour les restrictions imposées par les réglementations de ces États aux paris sportifs. On suivra également avec intérêt une affaire similaire, dans laquelle la Cour devra bientôt se prononcer cette fois sur la compatibilité de la législation néerlandaise en matière de jeux de hasard sur internet avec le principe de la libre prestation de services (affaire C-258/08). On saura à ce moment plus précisément si l'arrêt Bwin a une portée générale ou s'il ne constitue qu'un arrêt d'espèce au regard de la réglementation spécifique en vigueur au Portugal.