Cour d'appel de Liège 23 mars 2009
OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES
Execution de l'obligation - Force majeure - Dommages et interets
Le fait qu'aucun spectateur n'ait réservé de place pour un spectacle ne constitue pas, dans le chef de l'exploitant de la salle, un cas de force majeure envers l'artiste qu'il a engagé. Cet événement n'est pas imprévisible, puisque cette possibilité est connue des parties dès la signature du contrat.
OBLIGATIONS CONVENTIONELLES
Execution de l'obligation - Généralités - Clause pénale - Clause de dédit
Une clause de dédit ne sanctionne pas l'inexécution du contractuelle, contrairement à la clause pénale. Elle a pour objet de préciser la contrepartie du droit de rupture anticipée par une partie. La clause de dédit n'est donc pas soumise à l'exigence indemnitaire de la clause pénale. Il n'appartient pas, en règle, au juge d'apprécier le rapport entre l'indemnité de dédit et le dommage susceptible d'être la conséquence de la résiliation unilatérale.
VOIES DE RECOURS
Appel (droit judiciaire) - Effets de l'appel
L'appel durant lequel des moyens abandonnés en cours de première instance sont soulevés à nouveau n'est pas téméraire et vexatoire. L'appel a aussi été institué afin de permettre à la partie qui a échoué en première instance de remédier aux erreurs qu'elle estime avoir pu commettre dans l'exercice de sa défense.
|
VERBINTENISSEN UIT OVEREENKOMST
Nakoming verbintenis - Overmacht - Schadevergoeding
Het feit dat geen enkele toeschouwer een plaats reserveerde voor een vertoning vormt in hoofde van de zaaluitbater geen overmacht ten aanzien van de artiest die hij heeft ingehuurd. Deze gebeurtenis is niet onvoorspelbaar, aangezien deze mogelijkheid gekend is door de partijen bij het afsluiten van het contract.
VERBINTENISSEN UIT OVEREENKOMST
Nakoming verbintenis - Algemeen - Strafbeding - Opzegbeding
In tegenstelling tot een strafbeding sanctioneert een opzegbeding niet een contractuele wanprestatie, maar bepaalt het de tegenprestatie voor het recht van een partij om het contract voortijdig op te zeggen. Het komt de rechter niet toe om inzake conventionele opzegvergoedingen de verhouding te evalueren tussen het forfaitair bedrag en de schade die voortvloeit uit de voortijdige beëindiging van het contract.
RECHTSMIDDELEN
Hoger beroep (gerechtelijk recht) - Gevolgen hoger beroep
Het hoger beroep tijdens hetwelk opnieuw middelen worden aangehaald waarvan in eerste aanleg was afgezien, is niet tergend en roekeloos. Het hoger beroep is er ook om de in eerste aanleg in het ongelijk gestelde partij de mogelijkheid te geven om de vergissingen die zij meent te hebben begaan in haar verdediging, recht te zetten.
|
Bayslar SA / Société de Production Linéaire SPRL
Siég.: M. Ligot (président), Fr. Royaux et A. Jacquemin (conseillers) |
Pl.: Mes E. Delalleau loco A. Housiaux et R. Leruth loco A. Sprenger |
Vu les feuilles d'audiences des 30 mai 2008, 29 janvier 2009, 2 mars 2009, 16 mars 2009 et de ce jour,
Après en avoir délibéré:
La SA Bayslar interjette appel le 7 mai 2008 du jugement rendu le 27 février 2008 par le tribunal de commerce de Liège qui la condamne à payer à la SPRL Société de Production Linéaire, ci-après SPL, 3.339 EUR à majorer des intérêts au taux légal depuis la mise en demeure du 19 février 2007 et les dépens liquidés à 206,64 EUR de frais de citation et 650 EUR d'indemnité de procédure.
Les faits et l'objet de la demande ont été correctement exposés par les premiers juges dont la décision doit être entièrement approuvée.
Il suffit de rappeler que la SA Bayslar qui exploite un café-restaurant à Awans a conclu le 17 octobre 2006 avec SPL agissant au nom de Marc Herman un contrat d'entreprise au terme duquel l'artiste s'est engagé à présenter son spectacle dans l'établissement de l'appelante le 24 décembre 2006 pour un cachet de 3.975 EUR TVAC. Le cachet devait être payé en 3 fois: un premier acompte de 636 EUR à la signature du contrat, ce qui sera fait, un second de 954 EUR pour le 1er décembre 2006 et le solde, le soir du spectacle.
Bayslar à qui incombait la publicité relative au spectacle, va notifier à SPL par mail du 3 décembre 2006 que “malgré une publicité des plus conséquentes et un pannel de flyers”, elle n'a pas enregistré la moindre réservation pour le 24 décembre 2006 en sorte qu'elle souhaiterait déplacer le spectacle “à une date dans le courant de 2007”.
SPL répond dès le lendemain qu'elle doute quelque peu de la publicité réalisée car elle n'a rien vu ni entendu de tel, qu'elle attire l'attention de Bayslar sur l'article 4 de la convention qui prévoit une clause de dédit mais qu'elle accepte néanmoins de reporter le spectacle à une date de janvier ou février 2007, dans l'intérêt de son cocontractant, pour autant que le second acompte, dû depuis le 1er décembre 2006, lui parvienne avant le 15 décembre 2006.
Le 5 décembre 2006, SPL écrit officiellement à Bayslar qu'elle prend acte de ce que celle-ci annule la représentation pour la date convenue et qu'à moins d'un arrangement amiable, elle réservera à l'affaire la suite qui s'impose.
Le second acompte ne sera jamais payé et les parties n'arriveront à aucun accord. SPL réclame, en application de l'article 4 du contrat, le solde du cachet dû à l'artiste au titre de l'indemnité de dédit convenue.
L'article 4 mis en oeuvre intitulé “Dédit” stipule: “Sauf cas de force majeure, la partie qui rompra le présent contrat, devra verser à l'autre partie comme indemnité, une somme égale au montant du cachet minimum”.
Les premiers juges ont estimé que le contrat était clair et complet, la clause valable et que c'était “sans aucun abus que SPL, dont il convient de souligner qu'elle a cherché de façon constante un dialogue et proposé de limiter la perte pour Bayslar qui n'a pas saisi cette réelle opportunité, sollicite l'exécution simple et stricte du contrat conclu” (jugement, p. 4).
Bayslar sollicite, à titre principal, que SPL soit au contraire déboutée de son action, l'acompte versé devant être déclaré satisfactoire. A titre subsidiaire, elle propose un versement complémentaire de 689 EUR.
SPL conclut à la confirmation du jugement et demande 1.250 EUR du chef d'appel téméraire et vexatoire.
Discussion |
L'appelante prétend tout d'abord que le contrat qui serait un contrat d'adhésion ne serait pas valable, à défaut d'être signé au bas de la dernière page et paraphé au bas des autres pages par les deux parties, comme le requiert l'article 14, b) de la convention.
L'intimée produit l'original de celle-ci dont il résulte que contrairement à ce qu'allègue l'appelante, ces formalités ont été parfaitement accomplies. Le moyen n'est donc pas fondé, sans même qu'il soit nécessaire, dans ces conditions, de rencontrer l'argument, contesté, de ce qu'il s'agirait d'un contrat d'adhésion.
L'appelante affirme ensuite avoir été confrontée “à un événement imprévisible (pas de client), insurmontable (elle ne peut obliger la clientèle à venir) et indépendant de sa volonté (vu les publicités effectuées et la notoriété de l'artiste)” (conclusions B., p. 5) en sorte qu'il n'y aurait pas eu résiliation unilatérale de la convention à son initiative mais bien extinction de son obligation par la survenance d'un cas de force majeure, conformément à l'article 1148 du Code civil.
L'absence de réservation vingt jours avant la représentation ne constitue en l'espèce pas un cas de force majeure dans la mesure où, ainsi que le relève à juste titre l'intimée, il incombait à l'appelante, au terme de la convention, “de se charger de l'ensemble de la publicité pour l'événement sans qu'aucune des parties ne connaisse au départ les retombées qui en découleraient” en sorte “qu'en s'engageant dans ces termes, l'appelante ne peut nier qu'elle était consciente (qu'il) lui appartiendrait dès lors de supporter les risques de la réservation qu'ils s'avèrent positifs ou négatifs” (conclusions SPL, p. 4).
L'événement dont se plaint l'appelante n'était donc pas imprévisible.
Il n'était pas non plus totalement indépendant de sa volonté puisqu'il reposait pour beaucoup sur la publicité que l'appelante allait faire du spectacle, la notoriété de l'artiste n'étant pas en cause. Or, à cet égard, le dossier que produit l'appelante est loin d'étayer la publicité “foisonnante” dont elle se targue.
Enfin, l'appelante ne démontre pas qu'il était insurmontable, d'abord parce qu'il restait vingt jours avant la représentation au cours desquels des réservations auraient pu encore se faire, ensuite parce que l'intimée a proposé immédiatement de reporter le spectacle à une date qui ne serait pas trop lointaine, quitte à le scinder sur 2 ou 3 soirées afin de maximaliser les chances de succès, sans que l'appelante n'y consente.
L'appelante a résilié unilatéralement le contrat en dehors de tout cas de force majeure.
L'intimée postule l'application de la clause de dédit convenue par les parties en cette hypothèse.
L'appelante plaide la nullité de cette clause pour contrariété à l'ordre public dans la mesure où en offrant à l'intimée “l'opportunité d'obtenir l'entièreté du cachet convenu sans même exécuter sa prestation”, elle aboutirait “à ce que le créancier ait plus intérêt à l'inexécution du contrat qu'à son exécution normale” (conclusions B., p. 7); elle allègue ensuite qu'il y aurait “lieu de voir en l'article 4 du contrat une clause pénale déguisée révélant que l'intention des parties était d'emblée de considérer que l'usage de la faculté de la résiliation serait fautif” (p. 8) et qu'enfin, la clause serait particulièrement mal rédigée en sorte qu'il y aurait lieu de l'interpréter en défaveur de l'intimée qui l'a rédigée et par conséquent, de lui “réserver la sanction applicable aux clauses pénales excessives” (p. 10).
La clause, loin d'être mal rédigée, est parfaitement claire, comme l'ont déjà visé les premiers juges. Elle n'appelle dès lors aucune interprétation puisque ses termes révèlent sans ambiguïté la commune intention des parties, à savoir qu'il en coûterait à la partie qui se dédirait, quelle que soit celle-ci, le prix du cachet prévu au contrat.
Il importe peu que l'article 1794 du Code civil réserve au seul maître de l'ouvrage le droit de résilier le contrat en dédommageant l'entrepreneur. En l'occurrence, la clause a ici comme source non pas ce texte légal mais l'autonomie de la volonté des parties. Celles-ci ont entendu se reconnaître mutuellement le droit de se désengager du contrat moyennant la contrepartie financière que constitue le cachet de l'artiste: cette clause valablement conclue fait la loi des parties en vertu de l'article 1134 du Code civil. “La clause de dédit est assurément valide. Cette validité de principe tient principalement au fait qu'elle n'a d'unilatéral que son exercice, et non sa source. Comme le relève M.A. Frison-Roche, 'le repentir légal emprunte à sa source, qui est la loi, son unilatéralité; mais le repentir contractuellement organisé ne peut opérer ce rattachement; il doit se bilatéraliser'” (C. Delforge, “L'unilatéralisme et la fin du contrat” in La fin du contrat, CUP, n° 51 de décembre 2001, p. 136, n° 149).
“Si la clause pénale est et doit être indemnitaire, pareille exigence ne s'impose pas, selon la Cour de cassation, en matière de dédit.” Il ne s'agit pas ici “de sanctionner l'inexécution du contractant, mais bien de préciser la contrepartie de son droit de rupture anticipée et unilatérale du contrat. N'étant pas une clause pénale, il n'appartient pas, en règle, au juge d'apprécier le rapport entre le montant convenu et le dommage susceptible d'être la cause de la résiliation unilatérale (Cass. 22 octobre 1999, RCJB 2001, p. 103). Sur ce point, prévaut l'autonomie de volontés” (C. Delforge, ibid., pp. 137 et 138, nos 150 et 152).
La somme réclamée par l'intimée correspond très exactement au montant convenu à la clause de dédit, déduction faite du premier acompte reçu.
Pour contourner cet obstacle, l'appelante plaide que ce que les parties ont elles-mêmes dénommé “clause de dédit” serait en réalité une clause pénale déguisée.
La distinction de principe entre les deux est bien connue (cf. idem, p. 137, n° 150) mais en l'espèce, l'intérêt même d'en discuter échappe car, l'article du contrat devrait-il même être considéré comme une clause pénale déguisée, qu'il n'y aurait pas lieu à réduction à défaut pour cette clause d'être manifestement excessive.
En effet, aucun des arguments soulevés par l'appelante à l'appui du caractère prétendument abusif de la clause ne résiste à l'examen des faits:
- ce n'est pas à vingt jours du réveillon de Noël que l'intimée avait encore une réelle possibilité de trouver un autre engagement palliant la défection de l'appelante;
- l'intimée n'a pu faire l'économie de “toutes les dépenses découlant du spectacle” alors qu'à la date de la rupture, elle avait déjà dû réserver tant le personnel que le matériel nécessaire à la représentation;
- il n'y a aucun abus à réclamer l'application de la clause de dédit tout en ayant déjà perçu le premier acompte dès lors que l'intimée ne réclame que la différence restant due.
L'intimée avait d'autant moins intérêt à l'annulation du spectacle par l'appelante, même moyennant le paiement de son cachet, que pour un artiste, pouvoir se produire en scène est capital afin de maintenir et de continuer à développer sa popularité.
L'appel n'est donc pas fondé. Il n'en est pas pour autant téméraire et vexatoire. Ce n'est pas parce que l'appelante a décidé de développer à nouveau en appel des moyens qu'elle avait abandonnés en instance que l'exercice de son recours, qui est un droit, a dégénéré en abus: l'appel a en effet aussi été institué afin de permettre à la partie qui a échoué en instance de remédier aux erreurs qu'elle estime avoir pu commettre dans l'exercice de sa défense.
Décision |
La cour, statuant contradictoirement,
Reçoit l'appel et la demande incidente mais les dit non fondés.
Confirme en conséquence le jugement entrepris.
Condamne l'appelante aux dépens d'appel liquidés par l'intimée à 650 EUR.
(…)