Article

Cour d'appel Bruxelles, 02/04/2009, R.D.C.-T.B.H., 2009/8, p. 835-844

Cour d'appel de Bruxelles 2 avril 2009

DROITS INTELLECTUELS
Base de données - Droit du producteur - Cession
Le fait qu'il soit stipulé dans une convention impliquant un transfert de propriété que le droit d'exploitation d'une base de données est cédé pour l'avenir n'implique pas que le droit sui generis ne serait pas transféré.
Le droit des producteurs de bases de données est cessible, conformément aux règles du Code civil.
Les notions d'extraction et de réutilisation doivent être interprétées à la lumière de l'objectif poursuivi par le droit sui generis. Celui-ci vise à protéger la personne qui a constitué la base contre “des actes de l'utilisateur qui outrepassent les droits légitimes de celui-ci et qui portent ainsi préjudice à l'investissement” de cette personne.
DROITS INTELLECTUELS
Base de données - Champ de protection
Il est sans importance, aux fins d'apprécier l'étendue de la protection par le droit sui generis, que l'acte d'extraction et/ou de réutilisation ait pour but la constitution d'une autre base de données, concurrente ou non de la base d'origine, de taille identique ou différente de celle-ci, ou que cet acte s'inscrive dans le contexte d'une activité autre que la constitution d'une base de données.
La circonstance que l'auteur de l'acte de reproduction en cause s'abstienne de reprendre une partie des éléments contenus dans une base de données protégée et complète les éléments repris de celle-ci par des éléments provenant d'une autre source est, tout au plus, de nature à démontrer que l'acte n'a pas porté sur l'intégralité du contenu de ladite base. En revanche, elle ne fait pas obstacle à la constatation de la survenance d'un transfert d'une partie du contenu de cette base vers un autre support.
La notion d'“extraction” ne saurait être réduite aux actes portant sur le transfert de l'intégralité ou d'une partie substantielle du contenu d'une base de données protégée.
La circonstance que des éléments contenus dans une base de données ne soient repris dans une autre base de données qu'à l'issue d'une appréciation critique de l'auteur de l'acte ne fait pas obstacle à la constatation de l'existence d'un transfert d'éléments de la première base de données vers la seconde.
Ainsi, il importe peu que l'acte de transfert en cause ait pour but la constitution d'une autre base de données, concurrente ou non de la base de données d'origine, de taille identique ou différente de celle-ci, ou que cet acte s'inscrive dans le contexte d'une activité, commerciale ou non, autre que la constitution d'une base de données.

INTELLECTUELE RECHTEN
Databank - Recht van de producent van de databank - Overdracht
Het feit dat een overeenkomst bepaalt dat het exploitatierecht m.b.t. de databank voor de toekomst wordt overgedragen impliceert niet dat het sui generis recht niet eveneens zou zijn overgedragen.
Het recht van de producenten van databanken is overdraagbaar, overeenkomstig de bepalingen van het Burgerlijk Wetboek.
De begrippen opvraging en hergebruik moeten geïnterpreteerd worden overeenkomstig het door het sui generis recht nagestreefde doel. Dit beoogt de samensteller van de databank te beschermen tegen “handelingen waarmee de gebruiker zijn legitieme rechten te buiten gaat en die aldus afbreuk doen aan de investering” van deze persoon.
INTELLECTUELE RECHTEN
Databank - Beschermingsomvang
Het is voor de beoordeling van de reikwijdte van de bescherming door het sui generis recht niet van belang dat de opvraging en/of het hergebruik de samenstelling van een andere databank ten doel heeft - ongeacht of deze met de oorspronkelijke databank concurreert en ongeacht of deze al dan niet dezelfde omvang heeft - of dat deze handeling plaatsvindt in het kader van een andere activiteit dan de samenstelling van een databank.
De omstandigheid dat degene die de betrokken reproductie verricht, een deel van de gegevens van een beschermde databank niet overneemt en de hieruit overgenomen gegevens aanvult met gegevens uit een andere bron, toont hoogstens aan dat de handeling geen betrekking had op de gehele inhoud van deze databank. Deze omstandigheid doet daarentegen niet af aan de vaststelling dat een deel van de inhoud van deze databank naar een andere drager is overgebracht.
Het begrip “opvraging” kan evenmin worden herleid tot de overbrenging van de gehele inhoud van een beschermde databank of een substantieel deel ervan.
Verder doet de omstandigheid dat de gegevens uit een databank pas in een andere databank worden overgenomen na een kritische beoordeling door de betrokkene, niet af aan de vaststelling dat er sprake is van een overbrenging van gegevens van de ene databank naar de andere.
Zo is het van weinig belang of de betrokken overbrenging de samenstelling van een andere databank tot doel heeft - ongeacht of deze met de oorspronkelijke databank concurreert en al dan niet dezelfde omvang heeft - dan wel of deze handeling plaatsvindt in het kader van een andere - al dan niet commerciële - activiteit dan de samenstelling van een databank.

Infobase Europe, société de droit luxembourgeois et Help SA / Coface Services Belgium SA

Siég.: H. Mackelbert, M.-Fr. Carlier et M. Moris (conseillers)
Pl.: Mes B. Michaux, B. Docquir et J.-L. Lodomez

(…)

I. Décision entreprise

Les appels sont dirigés contre le jugement prononcé contradictoirement le 15 novembre 2006 par le tribunal de première instance de Nivelles.

Les parties ne produisent aucun acte de signification de ce jugement.

II. Procédure devant la cour

Les appels sont formés par requêtes, déposées par chacune des parties au greffe de la cour, le 29 janvier 2007.

Les appels étant dirigés contre la même décision, il y a lieu de les joindre.

La procédure est contradictoire.

Il est fait application de l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire.

III. Faits et antécédents de la procédure

1. La société Help est le producteur et l'exploitant d'une base de données d'informations légales, économiques et financières, dénommée InfoBase, qui permet d'identifier les entreprises belges et leurs gestionnaires. Elle est constituée à partir des documents officiels légaux, comme le Moniteur belge, le Registre de commerce, les comptes annuels des entreprises déposés à la Banque Nationale, les protêts de signature, les assignations de l'ONSS, les jugements, etc.

Le 11 septembre 1990, Help met cette base de données à disposition de la société de droit français OR Télématique (dénommée ci-après ORT), sur bandes magnétiques et sur IBM AS/400, via télécommunication par ligne point à point.

La convention est conclue pour une durée indéterminée à laquelle les parties pourront mettre fin moyennant un préavis d'un an, étant cependant entendu que ORT ne pourra y renoncer, durant les cinq premières années, qu'en acquittant le solde de l'antériorité non encore porté en compte. Par antériorité, il y a lieu d'entendre les records au 31 août 1990, à savoir 220.000 sociétés, 740.000 administrateurs, 525.000 actes et 42.500 liaisons financières, rétribués par le paiement de 715.000 FB à la signature de la convention et d'une redevance mensuelle de 160.000 FB durant 60 mois. Help continue à compléter cette base de données en collectant et en analysant chaque jour l'ensemble des actes officiels et légaux. Ces mises à jour sont rémunérées par le paiement d'une certaine somme par record, à savoir 20 FB pour les sociétés, 6 FB pour les administrateurs, 4 FB pour les accidents de crédit, 4 FB pour les assignations ONSS, 8 FB pour les actes des sociétés et 10 FB pour les liaisons financières.

L'article IV est ainsi rédigé:

Propriété - Usage - Diffusion

Le preneur [ORT] est propriétaire des records acquis même après renonciation à la convention.

Le prestataire [Help] est et reste propriétaire des programmes composant InfoBase et décrits ci-après.

Les éléments gérés par InfoBase sont à l'usage exclusif du preneur. Toute reproduction, même partielle, diffusion ou mise à disposition de tiers sur tous supports des éléments InfoBase serait considérée comme une concurrence déloyale. Seules [les] répercussion[s] de consultations réalisées directement par le preneur ou la mise en consultation de dossiers réalisés par le preneur au départ des données “InfoBase” sont considérées comme un usage normal par le prestataire.

(...)

Dans le courrier du 11 septembre 1990 qui accompagne les conventions signées, ORT tient à préciser, à propos de l'article IV, que les éléments d'InfoBase qui seront mis à [sa] disposition seront destinés à être incorporés dans une base de données dont la finalité, entre autres, sera de procéder à des analyses financières et de donner des avis en matière de crédit fournisseurs. Par lettre du 15 septembre 1900, Help confirme que la description que [ORT] donne quant à l'utilisation des informations “InfoBase” [lui] semble correspondre parfaitement à l'esprit de l'article [IV] de la convention.

2. Le 26 novembre 1992, Help adresse à ORT la copie d'un constat d'huissier, dressé le 23 novembre 1992, duquel il ressort qu'un nombre important de données faisant l'objet de la convention du 11 septembre 1990 se retrouvent sur un cd-rom, propriété de la société V.D. Éditions électroniques. Help en déduit l'existence d'une reproduction importante des éléments de sa base de données InfoBase et d'une mise à disposition de tiers, ce qui constitue une violation de l'article IV de la convention.

Elle dénonce le contrat et interdit à ORT de faire encore quelque usage que ce soit des données InfoBase encore en sa possession.

Par exploit du 18 janvier 1993, Help fait citer ORT devant le tribunal de commerce de Bruxelles pour s'entendre résoudre, à ses torts, la convention du 11 septembre 1990, payer la somme de 5.402.922 FB à titre de dommages et intérêts et interdire quelque usage que ce soit des données InfoBase, sous peine d'une astreinte de 100.000 FB par jour et par action. Cette action est toujours pendante.

3. Entre-temps, ORT et la société Euro DB (qui est concurrente de Help et qui deviendra ultérieurement Coface) avaient conclu, le 24 septembre 1989, une convention aux termes de laquelle elles s'engageaient à mettre à disposition de leurs clients les informations contenues dans leurs banques de données respectives.

En 1990, ORT a constitué une filiale belge, OR Belgium (dénommée ci-après ORB), chargée de commercialiser une banque de données à l'attention des entreprises belges, dont le fonds de commerce sera racheté par Euro DB, le 27 janvier 2000. Par ailleurs, Euro DB est devenue une filiale de ORT, laquelle entrera dans le groupe Coface en 2004.

Toutes ces restructurations ont pour effet que Coface est entrée en possession des bases de données d'ORT et d'ORB.

4. Le 13 décembre 1998, Help et InfoBase Europe signent une convention de reprise d'actif, aux termes de laquelle il est convenu que la première cède à la seconde des biens meubles et des biens incorporels, constitués par une base de données et une clientèle. L'article 2.1. décrit de la manière suivante ladite base de données:

(…)

Pour l'avenir, le droit d'exploitation de la base de données est cédé exclusivement à InfoBase. A ce titre InfoBase sera considéré comme producteur-exploitant de la base de données, le concepteur restant toujours Monsieur WHITE James L.F., né le 15.02.1960.

Le présent contrat de cession ne constitue pas une vente au sens de l'article 4 § 3 de la loi sur la production des droits des producteurs de base de données mais une transition dans le titulaire de l'exploitation de ce droit. Les tiers ne pourront se prévaloir du présent contrat pour tenter de justifier de la déchéance du droit du producteur de données.

InfoBase reconnaît avoir été informé que certaines données font l'objet de conventions particulières dont elle assumera les droits et les obligations.

Il résulte de la copie de cette convention, déposée par Coface, que la rémunération des actifs incorporels est égale à 25 % du bénéfice éventuel réalisé avec les clients cédés, la rémunération devant atteindre au minimum 1 % du chiffre d'affaires réalisé avec les contrats cédés, et ce pendant cinq ans à dater de la cession, la dernière tranche étant payable le 15 février 2004. Il est également précisé que si le chiffre d'affaires réalisé avec la clientèle cédée diminuait de 25 % par rapport au résultat de 1989, plus aucune rémunération ne serait due.

5. Le 29 mars 2000, InfoBase dépose entre les mains du juge des saisies près le tribunal de première instance de Nivelles une requête en saisie-description contre Euro DB qu'elle soupçonne d'avoir extrait les données “administrateurs” de sa base de données. Par ordonnance du 26 avril 2000, le juge des saisies désigne à cette fin l'expert Golvers.

L'expert dépose son rapport le 24 juillet 2003.

Le 12 septembre 2003, soit plus d'un mois après le dépôt du rapport de l'expert, InfoBase fait citer Euro DB devant le tribunal de première instance de Nivelles. Elle soutient que l'expertise démontrerait qu'Euro DB a extrait et réutilisé les données issues de sa base de données, telles qu'elles existaient au 26 novembre 1992, date à laquelle Help a résilié le contrat de mise à disposition de sa base de données à ORT, laquelle a continué à l'utiliser et l'a transférée à Euro DB. InfoBase réclame la réparation intégrale du préjudice qu'elle a subi et le paiement d'une somme de 500.000 EUR à titre provisionnel.

En raison de la caducité du rapport de l'expert Golvers, du fait de l'application de l'article 1488 ancien du Code judiciaire, InfoBase dépose, le 17 septembre 2003, une nouvelle requête en saisie-description, souhaitant toutefois que la mission de l'expert soit étendue à tous les fichiers de la base de données et pas uniquement à ceux qui concernent les administrateurs. Par ordonnance du 23 septembre 2003, il est fait droit à cette demande, l'expert Golvers étant à nouveau désigné. Il dépose son rapport le 20 janvier 2005.

Par exploit du 9 février 2005, InfoBase fait à nouveau citer Euro DB (devenue entre-temps Coface) devant le tribunal de première instance de Nivelles.

Aux termes de ses dernières conclusions, elle sollicite la condamnation de Coface à réparer intégralement le préjudice subi du fait de l'extraction et de la réutilisation d'une partie substantielle de sa base de données, la publication du jugement à intervenir dans deux quotidiens de diffusion nationale et la condamnation de Coface à lui payer les sommes suivantes:

- 33.912.919,97 EUR à titre d'indemnité pour le manque à gagner;

- 100.000 EUR à titre de réparation du préjudice moral;

- 360.000 EUR à titre d'indemnisation des frais, tracas et charges administratives;

- 25.000 EUR à titre de contribution dans ses frais d'avocat,

ainsi que la désignation d'un expert pour évaluer le préjudice réellement subi.

Coface introduit une demande reconventionnelle tendant au paiement de 150.000 EUR à titre de dommages et intérêts. Elle sollicite également la désignation d'un nouvel expert.

Help - qui fait partie du même groupe qu'InfoBase - intervient volontairement le 2 novembre 2005 en vue de faire cause commune avec InfoBase et soutenir son argumentation, notamment, qu'InfoBase possède bien la qualité de titulaire du droit sui generis de producteur de base de données qui lui a été cédé par la convention du 13 décembre 1998.

Le jugement entrepris constate l'existence d'une contrefaçon, condamne Coface à réparer l'intégralité du préjudice subi par InfoBase, ordonne la publication du jugement dans un quotidien de langue française et dans un autre de langue néerlandaise, condamne Coface à payer une somme de 50.000 EUR à titre de manque à gagner et de perte subie ainsi que 2.500 EUR à titre de contribution dans ses frais et honoraires d'avocat, ordonne à Coface de cesser immédiatement et définitivement, dans les quinze jours de la signification du jugement, toute atteinte au droit sui generis d'InfoBase sur sa base de données.

6. Toutes les parties interjettent appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions, InfoBase demande à la cour de:

Recevoir [son] appel, le déclarer fondé et, en conséquence, émendant partiellement et faisant ce que le premier juge eût dû faire:

1) condamner Coface à payer à InfoBase les sommes suivantes:

- la somme provisionnelle de 10.000.000 (dix millions) EUR à titre d'indemnité pour le manque à gagner subi du fait de la contrefaçon, sous réserve de fixation définitive et d'augmentation en cours de procédure;

- la somme de 360.000 EUR ex æquo et bono à titre d'indemnisation des efforts accrus;

- la somme forfaitaire de 100.000 EUR ex æquo et bono à titre de réparation du préjudice moral et de l'atteinte à l'image et de la perte de crédit;

- la somme provisionnelle de 25.000 EUR ex æquo et bono à titre de contribution aux frais et honoraires de conseil et de défense;

2) dire que l'ordre de cesser immédiatement et définitivement toute atteinte au droit sui generis de InfoBase sur sa base de données éponyme sera assorti d'une astreinte de 25.000 EUR par acte d'extraction ou de réutilisation de tout ou partie de la base InfoBase en l'état au 26 novembre 1992 et par jour de retard mis à se conformer entièrement à cette obligation, et que cet ordre sera exécuté dans les quinze jours de la signification de l'arrêt à intervenir;

3) ordonner la publication de l'arrêt à intervenir sur les sites web, www.cofaceservices.be et www.eurodb.be , sur les écrans d'interrogation “données belges” de tous les partenaires du site www.ebr.org et sur tout autre site que Coface pourrait ouvrir, donnant accès aux données litigieuses, la publication intervenant sous la forme d'un affichage HTML directement sur la page principale desdits sites, en caractères de taille et de police lisibles, l'affichage étant maintenu durant trente jours ouvrables à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, et devant intervenir dans les 48 heures de la signification de l'arrêt à intervenir, sous peine d'une astreinte de 10.000 EUR par heure de retard;

Confirmer le dispositif du jugement entrepris pour le surplus;

Quant à Coface, elle demande à la cour:

a. A titre principal:

de dire que Infobase Europe est sans qualité pour agir, de sorte que ses demandes doivent être déclarées irrecevables;

b. A titre subsidiaire:

- de dire que Coface Services Belgium n'a commis aucune atteinte aux prétendus droits exclusifs de Infobase Europe sur la base de données Infobase en l'état au 26 novembre 1992 et, qu'en conséquence, Infobase Europe ne peut prétendre à un quelconque droit à réparation à charge de Coface Services Belgium;

- d'écarter le(s) rapport(s) de l'expert Golvers des débats et à titre encore plus subsidiaire, de ne pas tenir compte des constatations qui y sont faites et des conclusions qui y sont formulées;

- de dire à ce titre que les atteintes aux droits de Infobase Europe ne sont pas établies;

- de débouter Infobase Europe de l'ensemble de ses prétentions;

c. A titre encore plus subsidiaire:

- si par impossible la cour devait être d'avis que les demandes de la société Infobase Europe sont recevables et fondées, de [lui] réserver un délai de carence raisonnable en fonction de la difficulté dont il est fait état d'isoler les données prétendument issues de la base de données Infobase;

- s'il y a matière à réparation d'un préjudice subi par Infobase Europe - quod non est - de décider que celui-ci ne peut faire l'objet d'une évaluation que par expertise judiciaire;

- de réserver en ce cas à statuer pour le surplus;

- de condamner l'intimée au paiement d'une somme provisionnelle de 20.000 (vingt mille) EUR ex æquo et bono à titre de contribution aux frais et honoraires de conseil et de défense, sollicitant la réouverture des débats à un terme raisonnable à fixer par la cour à l'effet de fixer le préjudice subi par [elle] sur ce point;

- de condamner l'intimée à titre principal au paiement d'une somme provisionnelle de 1 (vingt mille) [sic] EUR à titre de réparation du préjudice subi en raison de la concurrence déloyale menée par Infobase au travers de ces procédures.

IV. Discussion

7. De l'accord des parties, le débat est limité à l'examen de la qualité à agir d'InfoBase et de la contrefaçon alléguée, les parties étant invitées à conclure additionnellement, s'il échet, sur le préjudice allégué, en tenant compte des faits et actes de procédure survenus après le dépôt des dernières conclusions de synthèse.

1. Sur la qualité de “producteur” d'InfoBase
a. Le cadre juridique

8. La demande d'InfoBase s'appuie sur la loi du 31 août 1998 transposant en droit belge la directive européenne du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données dont l'article 4 dispose que le producteur d'une base de données a le droit d'interdire l'extraction et/ou la réutilisation de la totalité ou d'une partie, qualitativement ou quantitativement substantielle, du contenu de cette base de données.

Le producteur d'une base de données est défini à l'article 2, 5° comme la personne physique ou morale qui prend l'initiative et assume le risque des investissements qui sont à l'origine de la base de données.

Cette disposition doit être interprétée à la lumière de la directive 96/9/CE du 11 mars 1996 qui qualifie le droit du producteur de droit sui generis, par opposition au droit d'auteur.

L'article 7 § 1 de la directive dispose que les Etats membres prévoient pour le fabricant d'une base de données le droit d'interdire l'extraction et/ou la réutilisation de la totalité ou d'une partie substantielle, évaluée de façon qualitative ou quantitative, du contenu de celle-ci, lorsque l'obtention, la vérification ou la présentation de ce contenu attestent un investissement substantiel du point de vue qualitatif ou quantitatif.

Les objectifs et l'objet du droit sui generis sont définis aux considérants 39 à 41 de la directive et sont les suivants:

(39) En plus de l'objectif d'assurer la protection du droit d'auteur en vertu de l'originalité du choix ou de la disposition du contenu de la base de données, la présente directive a pour objectif de protéger les fabricants de bases de données contre l'appropriation des résultats obtenus de l'investissement financier et professionnel consenti par celui qui a recherché et rassemblé le contenu, en protégeant l'ensemble ou des parties substantielles de la base de données contre certains actes commis par l'utilisateur ou par un concurrent;

(40) L'objet de ce droit sui generis est d'assurer la protection d'un investissement dans l'obtention, la vérification ou la présentation du contenu d'une base de données pour la durée limitée du droit; cet investissement peut consister dans la mise en oeuvre de moyens financiers et/ou d'emploi du temps, d'efforts et d'énergie;

(41) L'objectif du droit sui generis est d'accorder au fabricant d'une base de données la possibilité d'empêcher l'extraction et/ou la réutilisation non autorisées de la totalité ou d'une partie substantielle du contenu de la base de données; le fabricant d'une base de données est la personne qui prend l'initiative et assume le risque d'effectuer les investissements; cela exclut de la définition de fabricant notamment les sous-traitants.

b. Les thèses des parties

9. Coface soutient qu'InfoBase ne peut être considérée comme le producteur de la base de données mais comme un simple exploitant ou licencié et que, partant, elle ne peut se prévaloir du droit sui generis mis en oeuvre par la loi.

Elle s'appuie sur la convention du 13 décembre 1998 qui précise que pour l'avenir, le droit d'exploitation de la base de données est cédé exclusivement à InfoBase; que même si InfoBase sera considéré comme producteur-exploitant de la base de données, le concepteur [restera] toujours Monsieur White James; que ledit contrat de cession ne constitue pas une vente au sens de l'article 4 § 3 de la loi du 31 août 1998 mais une transition dans le titulaire de l'exploitation de ce droit et que les tiers ne pourront se prévaloir du présent contrat pour tenter de justifier de la déchéance du droit du producteur de la base de données.

Coface met également en exergue le fait que la rémunération prévue à la convention est fonction du chiffre d'affaires réalisé par InfoBase, ce qui est la caractéristique d'un contrat de licence.

Help et InfoBase soutiennent au contraire que la convention démontre clairement la cession du droit du producteur de base de données au profit d'InfoBase, en exécution de l'article 5 de la loi qui prévoit que le droit sui generis est mobilier, cessible et transmissible en tout ou en partie. Elles ajoutent que depuis la convention du 13 décembre 1998, Help n'exerce plus aucune activité autre que de gérer les litiges du passé, ce qui prouve qu'elle a abandonné celle qu'elle exerçait au profit d'InfoBase, en lui transférant, en pleine propriété, tous ses actifs stratégiques.

c. Qualification du contrat du 13 décembre 1998

10. La convention concerne la reprise des biens corporels et incorporels de Help. Son intitulé implique donc un transfert de propriété.

Le fait qu'il soit stipulé que le droit d'exploitation de la base de données est cédé pour l'avenir à InfoBase n'implique pas que le droit sui generis ne lui serait pas transféré. Les parties ont d'ailleurs veillé à préciser qu'InfoBase sera considérée comme producteur-exploitant. Dès lors qu'il est fait référence à la loi du 31 août 1998, les parties ne pouvaient ignorer la signification particulière du terme producteur et les droits qui sont attachés à cette qualité.

En spécifiant que M. White restera toujours le concepteur, les parties ont voulu rappeler que seul le contenu de la base de données était cédé, mais pas le droit d'auteur attaché à la forme de celle-ci qui restait acquis à M. White. Il convient en effet de rappeler qu'une base de données est constituée, d'une part, de tous les éléments et informations qui ont été réunis et, d'autre part, par leur organisation afin qu'ils soient facilement triés, classés et accessibles de manière systématique. Le droit sui generis ne concerne que les données et leur agencement qu'il ne faut pas confondre avec la mise en forme protégée par le droit d'auteur.

La précision aux termes de laquelle le contrat ne constituait pas une vente au sens de l'article 4 § 3 de la loi doit être interprétée à la lumière de cette disposition: l'épuisement dont il y est question ne concerne que la vente d'une copie et pas le droit intellectuel. La directive 96/9/CE précise en effet, dans son considérant 43, qu'en cas de transmission en ligne, le droit d'interdire la réutilisation n'est épuisé ni en ce qui concerne la base de données, ni en ce qui concerne une copie matérielle de cette même base ou d'une partie de celle-ci, effectuée avec le consentement du titulaire du droit par le destinataire de la transmission. Le consentement de la personne qui a constitué la base de données en ce qui concerne la consultation de celle-ci, ne conduit pas à un épuisement de son droit sui generis (CJCE 9 novembre 2004, C-203/02, The British Horseracing Board).

Il s'en déduit que l'intention d'InfoBase et de Help était bien d'inclure dans la cession du fonds de commerce les droits intellectuels attachés à la base de données tout en veillant à ce que les tiers ne puissent s'en prévaloir pour soutenir qu'elle était devenue libre de droits.

d. Sur les investissements substantiels

11. Pour pouvoir invoquer la protection attachée au droit sui generis, le demandeur doit cependant prouver qu'il a effectué des investissements substantiels.

La notion d'investissement lié à l'obtention du contenu d'une base de données au sens de l'article 7, paragraphe 1 de la directive 96/9/CE doit s'entendre comme désignant les moyens consacrés à la recherche d'éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base, à l'exclusion des moyens mis en oeuvre pour la création même des éléments (CJCE 9 novembre 2004, l.c., point 31).

En l'espèce, il s'agit des investissements consentis par Help et pas ceux par InfoBase pour l'acquisition de la base de données.

En effet, aux termes de l'article 5 de la loi, le droit des producteurs de base de données est cessible, conformément aux règles du Code civil. Un acquéreur d'une base de données jouissant de la protection accordée par la loi pourra donc s'en prévaloir, quel que soit le prix qu'il a payé, sauf si le caractère dérisoire de ce dernier - qui s'apparente à une absence de prix - doit conduire à une disqualification de la convention.

Tel n'est pas le cas en l'espèce: en effet, sur interpellation de la cour, InfoBase a précisé qu'elle a payé à Help la somme totale de 63.727,50 EUR pour l'acquisition de la base de données. Elle justifie la faiblesse de ce prix aux motifs que la base de données avait été piratée, qu'il y avait des procès en cours, qu'il était indispensable de relancer l'activité économique et que le plus important client, Gerling Namur, avait mis fin à son contrat au 31 décembre 2002.

Les factures qu'elle produit précisent clairement que les montants concernent la cession du droit sui generis sur la base de données, ce qui exclut toute requalification.

12. Les investissements réalisés par Help entre 1986 et 1998 - soit sur une période de douze ans - ne sont pas contestés par Coface.

Il résulte d'ailleurs de la convention de mise à disposition du 11 septembre 1990 qu'à cette date la base de données était déjà riche de 220.000 sociétés, 740.000 administrateurs, 525.000 actes et 42.500 liaisons financières, ce qui démontre les efforts accomplis pour la recherche et le rassemblement des données, la vérification et la présentation de celles-ci. Sans être démentie, Help affirme avoir dépensé en frais de personnel et de matériel informatique 1.351.763,71 EUR.

13. Il s'en déduit qu'InfoBase peut se prévaloir de la qualité de producteur de base de données.

2. Sur le droit de propriété invoqué par Coface

14. Coface soutient que la convention du 11 septembre 1990, conclue entre Help et ORT, avait pour objet de transférer à cette dernière la propriété des données individuelles InfoBase et que, partant, elle doit être considérée comme étant elle-même propriétaire des données InfoBase qui subsisteraient encore dans sa propre base de données, après une opération de validation et de nettoyage effectuée en 1997, lorsqu'elle est entrée en possession des bases de données d'ORT et d'ORB à l'occasion des opérations de restructuration qui sont intervenues dans les groupes Coface et ORT.

Coface affirme que l'objectif poursuivi par ORT était de réaliser des économies d'échelle en achetant des données auprès de divers opérateurs et de les incorporer dans sa propre base de données après avoir opéré un tri en fonction d'une hiérarchie des sources qui relève de son savoir-faire.

15. La convention du 11 septembre 1990 a pour objet la mise à disposition de la base de données InfoBase et pas la cession de celle-ci.

ORT y est qualifiée de preneur et pas d'acquéreur. Help est présentée, quant à elle, comme un prestataire, ce qui implique l'accomplissement ou la poursuite d'une activité et pas le transfert de droits.

La convention n'est pas instantanée mais est conclue pour une durée indéterminée à laquelle les parties peuvent mettre fin moyennant un préavis contractuel.

La mise à disposition s'effectue en deux temps: la première concerne les données déjà collectées et, la seconde, celles que Help s'engage à collecter et à continuer à mettre à disposition pendant la durée de la convention. Les prix qui sont demandés pour les mises à jour, et qui varient entre 4 à 20 FB par record, ne correspondent pas à l'investissement que Help doit consentir pour collecter ces données complémentaires, ne fusse qu'en coût horaire du personnel qui doit être affecté à la consultation des documents légaux, à la collecte, au classement et au traitement de la donnée ainsi obtenue. Dès lors que les montants demandés ne correspondent pas au prix de revient, il ne peut s'agir d'un transfert du droit de propriété de ces données.

La convention prévoit aussi que toute reproduction, même partielle, diffusion ou mise à disposition de tiers sur tous supports des éléments InfoBase serait considérée comme concurrence déloyale ce qui est incompatible avec un transfert en pleine propriété de tout ou partie de la base de données mise à disposition.

ORT n'est autorisée qu'à répercuter auprès de ses clients soit des consultations isolées réalisées directement par elle soit des dossiers qu'elle constituerait au départ des données InfoBase. La lettre d'accompagnement du 11 septembre 1990 résume bien les mobiles qui ont guidé ORT dans la négociation de cette convention. Elle écrit en effet que les éléments d'InfoBase qui seront mis à [sa] disposition, seront destinés à être incorporés dans une base de données dont la finalité, entre autres, sera de procéder à des analyses financières et de donner des avis en matière de crédit fournisseur. Ce n'est donc pas parce qu'il a été convenu que rien n'interdisait que les analyses financières réalisées par ORT puissent contenir des données InfoBase qu'il faut en déduire un transfert de propriété de ces mêmes données.

ORT ne disposait donc que d'un droit de licence. Elle était la seule à pouvoir consulter les données et ne pouvait les répercuter auprès de ses clients que d'une manière isolée ou dans un rapport financier.

En aucun cas, elle ne pouvait rediffuser auprès de ses clients la base de données. Le contrat rappelle très clairement que la base de données est à usage exclusif du preneur.

C'est donc à tort que Coface soutient qu'ORT se serait vu reconnaître irrévocablement un droit de propriété, sans restriction quant à la durée d'utilisation, sur les données individuelles InfoBase acquises pendant la durée du contrat.

16. Certes, l'article IV de la convention stipule que le preneur est propriétaire des records acquis même après renonciation à la convention.

Le mot record se traduit habituellement par “enregistrement”. En matière informatique un enregistrement peut être un élément d'un fichier ou d'une base de données qui contient habituellement plusieurs informations qui se rapportent au même objet. Mais il peut aussi signifier la fixation sur un support matériel comme un disque dur, un cd-rom, une clé USB ou une bande magnétique.

Conformément aux règles d'interprétation des conventions contenues dans le Code civil, les termes susceptibles de deux sens doivent être pris dans le sens qui convient le plus à la matière du contrat et les clauses s'interprètent les unes par les autres, en donnant à chacun le sens qui résulte de l'acte entier.

Eu égard à l'économie du contrat et au nombre de clauses qu'il contient et qui excluent toute idée de transfert de propriété, il n'est pas raisonnable de soutenir que la seule mention du mot record démontrerait que la commune intention des parties était de transférer définitivement à ORT la propriété d'une partie substantielle de la base de données et de renoncer ainsi, dans le chef de Help, au droit d'interdire la reproduction de celle-ci.

De plus, une base de données n'est pas que la somme des données qui ont été recueillies. Encore faut-il, aux termes de l'article 1er, paragraphe 2 de la directive 96/9/CE, que ces données soient disposées de manière systématique ou méthodique. Il s'en déduit que même si l'article IV du contrat doit être interprété comme un transfert de propriété de la donnée elle-même, il n'en demeure pas moins que la manière de procéder à l'agencement systématique ou méthodique de ces données n'a pas été transférée et que, partant, Coface ne peut mettre à disposition des tiers les données, telles qu'elles figuraient dans le fichier qui a été mis à sa disposition jusqu'au 26 novembre 1992.

17. Dès lors que ORT ne peut revendiquer un droit de propriété sur la base de données de Help, il est sans intérêt de statuer sur le moyen développé par Coface aux points 46 et 47 de ses conclusions, aux termes duquel elle aurait elle-même acquis régulièrement la base de données de sa maison mère.

3. Sur les griefs d'extraction et/ou de réutilisation

18. Vainement Coface soutient-elle que la loi du 31 août 1998 ne serait pas applicable aux faits de la cause, dès lors que les actes d'extraction auraient été commis avant son entrée en vigueur.

Aux termes de l'article 18 de la loi, il est prévu qu'elle s'applique aux bases de données qui ont été achevées après le 31 décembre 1982, ce qui est le cas en l'espèce.

Par ailleurs, ainsi que cela sera développé ci-après, Coface ne conteste pas qu'une partie de sa base de données contient toujours des éléments de la base de données InfoBase.

Il s'en déduit que les extractions et réutilisations, à les supposer établies, sont récurrentes depuis l'entrée en vigueur de la loi, ce qui implique que la loi est bien d'application.

19. L'extraction est définie à l'article 7, paragraphe 2, sous a) de la directive, comme “le transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d'une partie substantielle du contenu d'une base de données sur un autre support par quelque moyen ou sous quelque forme que ce soit”, alors que, à ce même article, paragraphe 2, sous b), la réutilisation est définie comme “toute forme de mise à la disposition du public de la totalité ou d'une partie substantielle du contenu de la base par distribution de copies, par location, par transmission en ligne ou sous d'autres formes”.

Les notions d'extraction et de réutilisation doivent être interprétées à la lumière de l'objectif poursuivi par le droit sui generis. Celui-ci vise à protéger la personne qui a constitué la base contre “des actes de l'utilisateur qui outrepassent les droits légitimes de celui-ci et qui portent ainsi préjudice à l'investissement” de cette personne, ainsi qu'il est indiqué au quarante-deuxième considérant de la directive.

Il est sans importance, aux fins d'apprécier l'étendue de la protection par le droit sui generis, que l'acte d'extraction et/ou de réutilisation ait pour but la constitution d'une autre base de données, concurrente ou non de la base d'origine, de taille identique ou différente de celle-ci, ou que cet acte s'inscrive dans le contexte d'une activité autre que la constitution d'une base de données. Le quarante-deuxième considérant de la directive confirme à cet égard que “le droit d'interdire l'extraction et/ou la réutilisation de la totalité ou d'une partie substantielle du contenu vise non seulement la fabrication d'un produit concurrent parasite, mais aussi l'utilisateur qui, par ses actes, porte atteinte de manière substantielle, évaluée qualitativement ou quantitativement, à l'investissement (CJCE 9 novembre 2004, l.c., points 45, 47 et 49).

20. Or, Coface a reconnu, dans plusieurs actes de procédure, avoir incorporé dans sa base de données, la base de données InfoBase, notamment:

- (conclusions déposées par Euro DB devant la cour d'appel de Bruxelles, le 20 avril 2001, p. 7, 1er § ): EuroDB qui est une filiale de ORT a repris le fonds de commerce de l'autre filiale de ORT, ORB, et a incorporé les éléments de la base de données de celle-ci dans sa propre base de données;

- (id., p. 8, 2e § ): Il n'empêche que, à l'évidence, une multitude de personnes qui étaient administrateurs en septembre 1992, le sont encore aujourd'hui et que, nonobstant les multiples modifications qui ont pu survenir dans le nombre et la ventilation des mandats, le signalétique (noms, prénoms, adresses) qui les concerne dans le fichier actuel d'EuroDB reste issu des données transmises à l'époque par Help;

- (id., p. 8, in fine): il reste que la simple interdiction d'exploiter les 750.000 signalétiques acquis d'InfoBase, empêche en fait la concluante de donner des informations fiables à ses clients;

- etc. (pour un relevé complet des tous les actes de procédure, voy. la pièce 20 du dossier de Coface).

Il est donc vain de soutenir aujourd'hui qu'il ne serait pas démontré que les quelques données ORT reprises par Coface lors des opérations de “validation” et de “nettoyage” aient historiquement une origine InfoBase.

21. Coface affirme (cf. point 50 de ses conclusions) qu'elle ne fait rien d'autre que ce qui avait été expressément autorisé par Help dans le contrat du 11 septembre 1990 et soutient qu'elle n'extrait ni ne réutilise la base de données InfoBase, dès lors que ses clients n'accèdent pas aux données individuelles comme telles mais seulement à des rapports contenant éventuellement des données provenant d'InfoBase et que, par ailleurs, ses clients paient l'accès à sa propre base de données dénommée Origin et pas aux données individuelles InfoBase, même si elle reconnaît que sa base de données provient de diverses sources qui ont fait l'objet d'un recoupement, d'un traitement et d'une mise à jour.

Outre que l'étendue des opérations de validation et de nettoyage alléguées ne résultent d'aucune pièce, Coface oublie que le contrat du 11 septembre 1990 a été dénoncé par Help avec interdiction de faire encore usage des données en sa possession. Certes, la procédure relative à cette dénonciation n'a toujours pas fait l'objet d'une décision définitive, mais ni ORT ni Coface ne peuvent soutenir avoir reçu l'autorisation de Help d'utiliser ses données; elles ne peuvent non plus prétendre qu'elles auraient le droit d'en poursuivre l'utilisation, dès lors que, depuis la rupture, les mensualités dues pour la mise à disposition des antériorités n'ont plus été payées.

Le contrat du 11 septembre 1990 n'est donc plus en vigueur ou est, à tout le moins, toujours suspendu (cf. lettre du conseil de Help du 2 novembre 2002, citée par Coface au point 12 de ses conclusions).

En tout état de cause, il n'est pas démontré que les opérations de restructuration intervenues dans les groupes ORT et Coface ont eu pour conséquence que Coface serait venue aux droits et aux obligations d'ORT, tels qu'ils étaient définis par l'article IV de la convention du 11 septembre 1990, par fusion ou absorption. Il n'est pas établi non plus que ORT aurait cédé à Coface le bénéfice de ce contrat. En tout cas, cette cession n'a jamais été notifiée à Help et ne lui est pas opposable. Coface ne peut donc se fonder sur la convention du 11 septembre 1990 pour mettre ces données à la disposition de ses clients.

Coface revendique au contraire qu'elle serait devenue propriétaire des données qu'elle a trouvées dans le fonds de commerce d'ORB, à l'occasion de la cession de son fonds de commerce, le 27 janvier 2000.

Il est donc contradictoire dans le chef de Coface de soutenir, d'une part, qu'elle serait devenue propriétaire des données InfoBase et, d'autre part, qu'elle disposerait des droits de mise à disposition de la base de données, tels que prévus dans la convention du 11 septembre 1990.

22. La circonstance, que l'auteur de l'acte de reproduction en cause s'abstienne de reprendre une partie des éléments contenus dans une base de données protégée et complète les éléments repris de celle-ci par des éléments provenant d'une autre source est, tout au plus, de nature à démontrer que l'acte n'a pas porté sur l'intégralité du contenu de ladite base. En revanche, elle ne fait pas obstacle à la constatation de la survenance d'un transfert d'une partie du contenu de cette base vers un autre support.

La notion d'“extraction”, au sens de l'article 7 de la directive 96/9, ne saurait, par ailleurs, être réduite aux actes portant sur le transfert de l'intégralité ou d'une partie substantielle du contenu d'une base de données protégée.

Il découle en effet d'une lecture combinée des paragraphes 1 et 5 de l'article 7 de la directive 96/9 que cette notion n'est pas tributaire de l'étendue du transfert du contenu d'une base de données protégée, puisque, en vertu de ces dispositions, le droit sui generis institué par ladite directive offre une protection au fabricant d'une base de données non seulement contre les actes d'extraction portant sur tout ou sur une partie substantielle du contenu de sa base protégée, mais aussi, à certaines conditions, contre ceux de ces actes qui portent sur une partie non substantielle de ce contenu.

La circonstance que des éléments contenus dans une base de données ne soient repris dans une autre base de données qu'à l'issue d'une appréciation critique de l'auteur de l'acte ne fait pas obstacle à la constatation de l'existence d'un transfert d'éléments de la première base de données vers la seconde.

Ainsi, il importe peu que l'acte de transfert en cause ait pour but la constitution d'une autre base de données, concurrente ou non de la base de données d'origine, de taille identique ou différente de celle-ci, ou que cet acte s'inscrive dans le contexte d'une activité, commerciale ou non, autre que la constitution d'une base de données (CJCE 9 octobre 2008, C-304/07, Direct Mailing, points 41 à 43, 45 et 47).

C'est donc à tort que Coface prétend qu'elle ne procéderait pas à des actes d'extraction ou de réutilisation parce qu'elle aurait procédé à des opérations de validation et de nettoyage de la base de données InfoBase.

4. Sur le rapport descriptif de l'expert Golvers
a. Sur la demande d'écartement

23. Coface soutient que le rapport de l'expert Golvers du 20 janvier 2005 doit être écarté des débats dès lors qu'il s'approprierait les analyses d'un premier rapport du 24 juillet 2003, nul de plein droit en exécution de l'article 1488 ancien du Code judiciaire.

Il n'est pas contesté qu'après avoir obtenu une première saisie-description, InfoBase n'a pas cité au fond dans le mois de la date d'envoi du rapport de l'expert. Elle ne peut donc faire usage de ce rapport.

C'est la raison pour laquelle InfoBase a déposé une deuxième requête en saisie-description qui a été accueillie par le juge des saisies de Nivelles qui a désigné à nouveau l'expert Golvers, tout en étendant sa mission.

24. La sanction qui pèse sur le premier rapport de l'expert ne peut être étendue au second, dès lors qu'InfoBase a cité au fond dans le délai légal.

Il ne résulte d'aucun élément probant que le second rapport serait une copie servile du premier, lequel n'est même pas déposé en entier.

Au contraire, il suffit de comparer les tables des matières des deux expertises (pièces 7A du dossier de Coface et 18 du dossier d'InfoBase) pour s'apercevoir que la méthodologie employée par l'expert dans son second rapport est différente de celle utilisée dans le premier.

Ce n'est évidemment pas parce que l'expert a mis moins de temps pour rédiger son second rapport qu'il faut en déduire qu'il aurait recopié le premier. Il ne peut en effet lui être fait grief de profiter de l'expérience acquise lors d'une première approche du dossier, d'autant plus que la réalité économique qu'il devait analyser est la même.

Le grief ne peut donc être retenu.

b. Sur la preuve de la contrefaçon

25. Alors que Coface a reconnu dans d'autres procédures que sa base de données avait été constituée à partir de plusieurs sources, dont les données acquises à InfoBase de 1990 à 1992, en exécution de la convention du 11 septembre 1990, et qu'elle contenait au moins 750.000 signalétiques acquis d'InfoBase (cf. point 20), elle persiste à soutenir que les “anomalies significatives” relevées par l'expert ne peuvent constituer la preuve d'une origine InfoBase de ces données (cf. points 65 à 73 de ses conclusions)!

Les conclusions de l'expert sont pourtant sans équivoque. Il termine en effet son rapport comme suit:

Au cours de sa migration vers la nouvelle base de données, Euro DB [lire Coface] a profondément modifié la structure de ses données.

Elle a également procédé au changement de la codification de ses données, ce qui explique le grand nombre de tables de type TBCC, qui concernent les conversions de codes. Ainsi, alors qu'Euro DB a pendant de nombreuses années fait usage des codifications de InfoBase, elle a décidé de convertir ces anciens codes vers de nouvelles valeurs. Notre rapport en a montré un exemple, mais il en existe de nombreux autres.

Notre examen a montré que la base de données d'Euro DB contient toujours à l'heure actuelle de nombreuses données qui lui ont été fournies à l'époque par InfoBase et qui n'ont pas fait l'objet de modifications depuis lors. Des centaines de milliers d 'enregistrements divers contiennent toujours comme date de dernière modification des dates qui se situent entre février 1991 et septembre 1992 qui fut la période pendant laquelle InfoBase lui a fourni des données.

A suivre l'expert, les opérations de “nettoyage” et de “validation” alléguées par Coface n'auraient donc pas éliminé les données InfoBase.

26. L'expert relève en effet les anomalies suivantes:

- le nom “Craen Louis” se retrouve de part et d'autre avec un blanc devant le nom;

- les administrateurs de rang noble sont encodés de la même manière, dans la mesure où le titre de noblesse est indiqué entre le nom et le prénom (exemple: Fredericq Baron ­Jacques); ces mêmes administrateurs sont encodés sans apostrophes dans les deux bases de données (exemple: d Aspremont Lynden et pas d'Aspremont Lynden);

- on retrouve dans les deux bases de données les sigles JR et SR (pour junior et senior) placés entre le nom et le prénom;

- alors que la base de données de Coface permet d'encoder les prénoms sur 35 caractères, 1.202.962 enregistrements sont tronqués sur 20 caractères ou moins, soit la longueur maximale de la zone d'encodage d'InfoBase;

- 1.184.374 enregistrements relatifs aux événements qui affectent la vie d'une entreprise n'ont plus été modifiés depuis leur fourniture en 1991 et 1992 par InfoBase.

Par ailleurs, il résulte d'un procès-verbal de constat d'huissier du 31 août 2001, que de très nombreux administrateurs de sociétés sont encodés dans le même ordre dans les deux bases de données, alors que celui-ci ne répond à aucune logique (cf. pièce 25 c d'InfoBase).

Ces seules constatations suffisent pour conclure à l'existence d'une extraction et/ou d'une réutilisation d'une partie substantielle du contenu de la base de données d'InfoBase.

27. Vainement Coface tente-t-elle de soutenir qu'InfoBase ne recourait pas systématiquement à la troncature des prénoms à 20 caractères. Au point 67 de ses conclusions, elle ne fournit que deux exemples parmi des milliers de cas qui, de surcroît, ne sont pas probants puisqu'ils résultent d'une erreur de dactylographie dans une pièce rédigée par InfoBase à partir des constats effectués, alors que les captures d'écran démontrent que ces enregistrements sont bien encodés sur 20 positions (cf. point 112 des conclusions d'InfoBase).

L'insertion d'un caractère blanc devant un nom ou encore la manière d'encoder les personnes de rang noble ne peuvent être le fruit du hasard ou trouver leur origine dans une erreur du Moniteur belge ou du Registre de commerce, comme le soutient maladroitement Coface pour justifier la présence des mêmes anomalies dans les deux bases de données.

Comme le souligne à juste titre le premier juge, le fait pour l'expert de ne pas avoir examiné toutes les tables de données de Coface n'énerve en rien ses constatations aux pages 18 à 22 qu'un très grand nombre de données InfoBase n'ont pas été modifiées après la rupture du contrat conclu entre Help et ORT. De plus, dès lors que l'établissement de la contrefaçon n'exige pas la preuve de l'extraction et de la réutilisation de la totalité du contenu de la base de données mais bien d'une partie substantielle de celle-ci, aucun reproche ne peut être fait à l'expert quant à sa méthodologie, décrite page 9 de son rapport, consistant à se limiter à effectuer des rapprochements ad hoc. En effet, une tentative de rapprochement systématique n'avait guère de sens, eu égard aux différences importantes au niveau de la structure des bases de données et au fait que la base de données de Coface contient beaucoup d'éléments qui n'ont pas fait l'objet d'une fourniture de la part d'InfoBase et qui sortent par voie de conséquence du cadre de litige. Par ailleurs, un tel examen aurait conduit l'expert à devoir effectuer des prestations hors de proportion avec le cadre limité du litige.

La contrefaçon demeure ainsi établie.

5. Sur le dommage

28. Comme convenu avec les parties, il y a lieu de les inviter à déposer de nouvelles conclusions de synthèse, limitées à la réparation du dommage qu'InfoBase prétend avoir subi en raison de l'utilisation par Coface d'une partie substantielle de sa base de données, telle qu'elle existait le 26 novembre 1992.

Ces conclusions devront comprendre les moyens et arguments que les parties entendent soulever suite au dépôt du rapport de l'expert Golvers, dont la mission a été poursuivie par l'arrêt de la cour du 14 juillet 2008, en sorte qu'il pourra être statué définitivement sur tous les éléments du litige.

V. Dispositif

Pour ces motifs, la cour,

1. Joint les appels inscrits au rôle général sous les nos 2007/AR/315 et 2007/AR/320.

2. Dit l'appel interjeté par Coface non fondé en ce qu'il tend à faire dire pour droit qu'elle n'a commis aucune atteinte aux droits exclusifs de InfoBase sur sa base de données en l'état au 26 novembre 1992.

3. Avant de statuer plus avant sur les mesures sollicitées par InfoBase et au dommage réclamé par elle, autorise les parties à déposer de nouvelles conclusions de synthèse, circonscrites à ces demandes.

Dit que InfoBase déposera et communiquera ses conclusions pour le 30 avril 2009 au plus tard et Coface pour le 1er juin 2009 au plus tard.

Fixe l'affaire en poursuite de cause à l'audience du 11 juin 2009 à 9 heures pour 180' de plaidoiries complémentaires.

4. Réserve les dépens.

(…)