Article

Tribunal de commerce Liège, 28/04/2009, R.D.C.-T.B.H., 2009/7, p. 675-677

Tribunal de commerce de Liège 28 avril 2009

INSOLVABILITE - CONTINUITE DES ENTREPRISES
Réorganisation judiciaire - Généralités - Recevabilité
Pour déclarer ouverte la procédure de réorganisation judiciaire, il faut mais il suffit que la continuité de l'entreprise soit menacée à court ou moyen terme selon l'appréciation du débiteur, et que la procédure de réorganisation judiciaire puisse apporter un élément de solution pour le maintien total ou partiel de l'activité économique.
Le débiteur ne doit pas justifier de la réalité de la menace de discontinuité qu'il allègue; il suffit qu'il en affirme l'existence.
En l'espèce, telle qu'elle est proposée, la réorganisation judiciaire, passant notamment par le transfert d'une partie de l'entreprise et la vente d'un terrain dans la perspective d'un projet immobilier, est susceptible d'apporter un élément de solution au maintien total ou partiel de l'activité économique de la société. Et si l'activité nouvelle semble être présentée de façon fort optimiste, la période de sursis devrait toutefois permettre d'avoir une vision plus précise des chances de développement de cette nouvelle activité.
INSOLVENTIE - CONTINUÏTEIT VAN DE ONDERNEMINGEN
Gerechtelijke reorganisatie - Algemeen - Ontvankelijkheid
Om de procedure van gerechtelijke reorganisatie open te verklaren, moet maar is het voldoende dat de continuïteit van de onderneming onmiddellijk of op termijn naar het oordeel van de schuldenaar bedreigd zou zijn, en dat de procedure van gerechtelijke reorganisatie een onderdeel van de oplossing zou bieden voor het gehele of gedeeltelijke behoud van de economische activiteit.
De schuldenaar moet de werkelijkheid van de bedreiging van discontinuïteit die hij inroept niet bewijzen; het is voldoende dat hij het bestaan ervan affirmeert.
In onderhavig geval, nu de gerechtelijke reorganisatie, zoals die is voorgesteld, door middel van onder meer een gedeeltelijke overdracht van de onderneming en de verkoop van een stuk grond in het vooruitzicht van een onroerend project, van dien aard is om een deel van de oplossing te bieden voor het gehele of gedeeltelijke behoud van de economische activiteiten van de vennootschap, wordt de opschorting toegestaan. En hoewel de nieuwe activiteit op een zeer optimistische wijze blijkt te worden voorgesteld, zou de opschortingsperiode echter moeten toelaten om een beter zicht te hebben over de ontwikkelingskansen van die nieuwe activiteit.

SA Richel-Haccourt

Siég.: Ph. Evrard (président du tribunal), G. Bernard et A. Niessen (juges consulaires)
Pl.: Mes P. Pichault, R. Aydogdu

Vu la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire.

Vu la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises.

Vu le dossier de la procédure et en particulier:

- la requête en réorganisation judiciaire déposée au greffe du tribunal de céans le 9 avril 2009 ainsi que les annexes jointes;

- l'ordonnance du 10 avril 2009 désignant monsieur André Salmon, juge consulaire, en qualité de juge délégué;

- le rapport du juge délégué;

- le dossier complémentaire déposé par maître Roman Aydogdu le 17 avril 2009.

Entendu en chambre du conseil le lundi 20 avril 2009:

- monsieur Jean-Pierre Richel;

- maître Roman Aydogdu;

- monsieur André Salmon, juge délégué, en son rapport;

- madame Claire Masson, substitut du procureur du Roi, en son avis verbal donné sur-le-champ et maître Roman ­Aydogdu en sa réplique.

1. L'entreprise

La SA Richel-Haccourt est constituée le 2 juillet 1997 suivant acte du notaire Philippe Mottard et ce au capital de 2.500.000 FB intégralement souscrit et libéré.

Le même jour, le conseil d'administration appelle monsieur Jean-Pierre Richel aux fonctions d'administrateur délégué.

La société est active dans le secteur du négoce de véhicules automobiles et les activités accessoires liées à cette activité.

Le 11 juillet 1997, la société conclut trois contrats de concession de vente de véhicules neufs avec la SA D'Ieteren pour la vente de véhicules automobiles Volkswagen, Audi et utilitaires Volkswagen.

Le 9 octobre 2002, la SA D'Ieteren résilie les trois contrats moyennant un préavis expirant le 30 septembre 2004.

Un litige surgit entre la société et la SA D'Ieteren, litige qui aboutira, le 20 octobre 2008, à la condamnation de la société au payement d'une somme de 50.000 EUR à titre provisionnel.

Pour tenter de rebondir à la suite de la rupture du contrat de concession conclu avec la SA D'Ieteren, la société exploite à partir d'août 2004 une concession Chevrolet. Cette concession va toutefois s'avérer déficitaire en raison du nombre insuffisant de ventes et prendra fin le 28 février 2009.

La seule activité que la société conserve actuellement est relative à un négoce de voitures d'occasion, d'accessoires, de pièces détachées ainsi qu'à l'entretien et la réparation de véhicules en ce compris l'activité de carrosserie.

Dans le cadre de ces activités, elle emploie:

- un mécanicien temps plein;

- un carrossier mi-temps;

- un magasinier mi-temps;

- deux apprentis.

En raison de la perte de la concession VW-Audi et de l'échec de la concession Chevrolet, la situation de la société est devenue extrêmement délicate.

Son endettement s'élève à un montant de l'ordre de 900.000 EUR.

Les résultats de 2008 sont en résumé les suivants:

- chiffre d'affaires: 1.164.775,00 €
- résultat (perte): -283.163,00 €
- cashflow: -221.659,00 €
- fonds propres: -267.117,00 €
- perte reportée: -928.943,00 €

En regard de son endettement, la société dispose d'un patrimoine immobilier important qui, après réalisation et désintéressement du créancier hypothécaire, permettrait de dégager un solde allant de 152.531 EUR en cas de vente forcée à 584.824 EUR en cas de vente de gré à gré.

2. La demande

Aux termes de sa requête, la SA Richel-Haccourt sollicite l'ouverture d'une procédure de réorganisation judiciaire d'une part par accord collectif (art. 44 à 58 LCE) et, d'autre part, par transfert sous autorité de justice (art. 59 à 70 LCE).

Plus précisément, la société envisage la cession de son activité de carrosserie et, d'autre part, le règlement du solde de ses dettes, suivant une quotité à déterminer, par la réalisation d'un terrain à bâtir et le redéploiement de son activité vers l'agence commerciale.

3. Discussion
3.1. Les conditions de la réorganisation judiciaire

La procédure de réorganisation judiciaire a pour but de préserver, sous le contrôle du juge, la continuité de tout ou partie de l'entreprise en difficulté ou de ses activités (art. 16 LCE).

La procédure de réorganisation judiciaire est ouverte dès que la continuité de l'entreprise est menacée, à bref délai ou à terme, et qu'a été déposée la requête en réorganisation judiciaire (art. 23 LCE).

Les conditions prévues à l'article 23 paraissent remplies, le tribunal déclare ouverte la procédure de réorganisation judiciaire et fixe la durée du sursis visé à l'article 16, qui ne peut être supérieur à six mois; à défaut, le tribunal rejette la demande (art. 24 § 2 LCE).

3.2. L'ouverture de la réorganisation judiciaire

Pour déclarer ouverte la procédure de réorganisation judiciaire, il faut mais il suffit que la continuité de l'entreprise soit menacée à court ou moyen terme selon l'appréciation du débiteur, et que la procédure de réorganisation judiciaire puisse apporter un élément de solution au maintien total ou partiel de l'activité économique.

Telle est l'interprétation qui doit être donnée des articles 23 et 24 LCE (J. Windey, “La loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises”, JT 2009, p. 137, citant doc. 52-0160/02, p. 58, art. 23; A. Zenner, La nouvelle loi sur la continuité des entreprises, Louvain-la-Neuve, Anthemis, 2009, p. 83, n° 47).

Dès lors que la société soutient que la continuité de son entreprise est menacée, la seconde condition de mise en oeuvre de la loi se trouve remplie, la première étant remplie par la simple constatation du dépôt de la requête.

Le débiteur ne doit en effet pas justifier de la réalité de la menace de discontinuité qu'il allègue; il suffit qu'il en affirme l'existence (A. Zenner, o.c., p. 82, n° 47).

Le risque de discontinuité est en l'espèce en outre avéré en raison des mauvais résultats de l'activité et des poursuites en cours à l'intervention des créanciers et notamment de l'administration de la TVA qui a fait pratiquer quatre saisies-arrêts exécution et de la SA D'Ieteren qui a annoncé la transformation d'une saisie immobilière conservatoire en une saisie immobilière exécution.

Pour le surplus, telle qu'elle est proposée, la réorganisation judiciaire est susceptible d'apporter un élément de solution au maintien total ou partiel de l'activité économique de la société tout en étant que, si le projet de transfert de la carrosserie et de la vente du terrain dans la perspective d'un projet immobilier apparaît se présenter sous un jour favorable, les perspectives de l'activité nouvelle de représentation commerciale pour motos, quads, spa, saunas, tracteurs, clarcks et voitures d'occasion qui devrait, selon la société, générer un résultat annuel de l'ordre de 80.000 EUR, semblent en l'état être fort optimistes. La période de sursis devrait toutefois permettre d'avoir une vision plus précise des perspectives de cette nouvelle activité.

Enfin, s'agissant notamment d'une procédure de réorganisation judiciaire par accord collectif, il convient de fixer, sous réserve de prorogation du sursis, les lieu, jour et heure de l'audience à laquelle il sera procédé au vote sur le plan de réorganisation.

Par ces motifs

Le tribunal

Après en avoir délibéré et statuant en audience publique.

Vu la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire.

Dit la requête recevable et fondée.

Déclare ouverte la procédure de réorganisation judiciaire et en octroie le bénéfice à la SA Richel-Haccourt, dont le siège social est établi rue du Long Fossé 173 à 4684 Haccourt, inscrite à la Banque-Carrefour des Entreprises sous le n° 0461.062.572.

Fixe la durée du sursis à six mois prenant cours ce jour pour se terminer le 28 octobre 2009.

Invite le débiteur à communiquer aux créanciers, dans les quatorze jours du prononcé du jugement, les informations visées à l'article 26 § 1er LCE et le montant de la créance pour lequel chacun des créanciers est inscrit dans ses livres accompagné, dans la mesure du possible, de la mention du bien grevé par une sûreté réelle ou un privilège particulier garnissant cette créance ou du bien dont le créancier est propriétaire.

L'invite à tenir le juge délégué informé de toute évolution de la procédure eu égard à la loi.

Invite le débiteur à déposer au greffe le plan de réorganisation au moins quinze jours avant l'audience fixée ci-après.

Fixe au mardi 13 octobre 2009 à 10 h précises à l'audience de la 3ème chambre du tribunal de commerce, le vote et les débats sur le plan de réorganisation.

Ordonne la publication du présent jugement par extrait au Moniteur belge dans les cinq jours de sa date. Invite le greffier à procéder à cette mesure.

Met, à titre provisoire, à charge de l'État belge les frais de cette publication et ce dans l'attente de la liquidation et de l'imputation des dépens.

Réserve ceux-ci.

Note / Noot

Sur ce jugement, voir ci-dessus l'article de Madame M. Grégoire, “La réorganisation judiciaire aux mains des juges: premières récoltes”, spécialement nos 6, 9 et 17.