Cour d'appel de Mons 2 juin 2009
INSOLVABILITE -- CONTINUITE DES ENTREPRISES
Réorganisation judiciaire - Généralités - Pièces à produire - Exposé des événements dont il ressort, qu'à l'estime du demandeur en réorganisation judiciaire, la continuité de son entreprise est menacée à bref délai ou à terme
L'article 17 § 2, 1° de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises n'impose aucune forme spécifique à l'exposé des événements dont il ressort, qu'à l'estime du demandeur en réorganisation judiciaire, la continuité de son entreprise est menacée à bref délai ou à terme.
INSOLVABILITE -- CONTINUITE DES ENTREPRISES
Réorganisation judiciaire - Généralités - Recevabilité - Appréciation marginale
Le législateur n'exige pas que le demandeur démontre que la procédure de réorganisation judiciaire dont il sollicite l'ouverture est plus avantageuse pour les créanciers que la faillite. L'article 23, 5ème alinéa de la loi du 31 janvier 2009 précise que l'état de faillite du débiteur ne fait pas en soi obstacle à l'ouverture ou à la poursuite de la réorganisation judiciaire et l'article 24 § 2 de cette même loi prescrit l'ouverture de la procédure dès que les conditions de l'article 23 paraissent remplies, à savoir l'existence d'une menace de continuité, le dépôt de la requête en réorganisation judiciaire et l'absence d'ouverture, dans les trois années précédant ce dépôt, d'une autre procédure en réorganisation judiciaire.
La loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises a singulièrement réduit le pouvoir d'appréciation du juge. Dès que le tribunal est en possession de la requête et des pièces indispensables et que la continuité de l'entreprise est menacée, son contrôle devient purement formel et il n'a plus le choix: l'article 23 de cette loi impose l'ouverture de la procédure.
Cela n'empêche nullement le filtrage de la viabilité des entreprises après l'ouverture de la procédure en réorganisation et les articles 40 et 41 de la loi du 31 janvier 2009 règlent à cet effet la clôture anticipée de la procédure en réorganisation en cas d'échec de celle-ci ou de renonciation du débiteur.
|
INSOLVENTIE - CONTINUÏTEIT VAN DE ONDERNEMINGEN
Gerechtelijke reorganisatie - Algemeen - Neer te leggen stukken - Uiteenzetting van de gebeurtenissen waaruit blijkt dat naar het oordeel van de verzoeker tot gerechtelijke reorganisatie, de continuïteit van zijn onderneming onmiddellijk of op termijn bedreigd is
Artikel 17 § 2, 1° van de wet van 31 januari 2009 betreffende de continuïteit van de ondernemingen legt geen enkele specifieke vorm op die dient te worden nageleefd voor de uiteenzetting van de gebeurtenissen waaruit blijkt dat naar het oordeel van de verzoeker tot gerechtelijke reorganisatie, de continuïteit van zijn onderneming onmiddellijk of op termijn bedreigd is.
INSOLVENTIE - CONTINUÏTEIT VAN DE ONDERNEMINGEN
Gerechtelijke reorganisatie - Algemeen - Ontvankelijkheid - Marginale toetsing
De wetgever eist niet dat de verzoeker tot gerechtelijke reorganisatie zou aantonen dat de procedure waarvan hij de opening vraagt voor de schuldeisers voordeliger zou zijn dan een faillissement. Artikel 23, 5de lid van de wet van 31 januari 2009 betreffende de continuïteit van de ondernemingen bepaalt dat de staat van faillissement van de schuldenaar op zich niet uitsluit dat een procedure van gerechtelijke reorganisatie kan worden geopend of voortgezet en artikel 24 § 2 van diezelfde wet bepaalt dat de procedure dient te worden geopend zodra de voorwaarden vermeld in artikel 23 vervuld lijken, te weten het bestaan van een bedreiging voor de continuïteit, de neerlegging van een verzoekschrift tot gerechtelijke reorganisatie en de afwezigheid van de opening, binnen de drie jaar vóór die neerlegging, van een vorige procedure tot gerechtelijke reorganisatie.
De wet van 31 januari 2009 betreffende de continuïteit van de ondernemingen heeft de appreciatiemarge van de rechter bijzonder beperkt. Zodra de rechtank in het bezit is van het verzoekschrift en van de onmisbare stukken en dat de continuïteit van de onderneming bedreigd is, wordt haar controle louter formeel en heeft zij geen keuze meer: artikel 23 van die wet legt de opening van de procedure op.
Dit maakt het filtreren van de leefbaarheid van de ondernemingen na de opening van de procedure tot reorganisatie geenszins onmogelijk en artikelen 40 en 41 van de wet van 31 januari 2009 betreffende de continuïteit van de ondernemingen regelen daarom de voortijdige sluiting van de procedure tot reorganisatie in geval van mislukking ervan of van het verzaken eraan door de schuldenaar.
|
SPRL Espace Prefab
Siég.: M. Castin (président de chambre) |
Pl.: Mes D. Lambot, Th. Swennen |
(…)
La cour, après avoir délibéré, rend l'arrêt suivant:
Vu les pièces de la procédure légalement requises et notamment:
- la copie certifiée conforme du jugement déféré, prononcé le 10 avril 2009 par le tribunal de commerce de Charleroi;
- la requête d'appel, déposée le 17 avril 2009;
Vu le dossier de l'appelante;
Entendu les conseils de l'appelante en leurs plaidoiries et le Ministère public en son avis à l'audience du 25 mai 2009;
L'appel est dirigé contre les dispositions du jugement déféré déclarant non fondée la demande originaire en réorganisation judiciaire formée par l'appelante sur pied des dispositions de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises;
L'appel est recevable;
Il est sans intérêt pratique de se prononcer sur le bien-fondé de l'écartement par le tribunal de la requête ampliative et des pièces complémentaires déposées par l'appelante le 9 avril 2009, lendemain de l'audience à laquelle la cause avait été plaidée et prise en délibéré pour être statué le 10 avril 2009, dès lors que tous les documents dont l'appelante entend se prévaloir ont été régulièrement déposés devant la cour et que rien ne s'oppose à ce qu'ils soient pris en considération;
Le tribunal a considéré que les documents déposés concomitamment au dépôt de la requête originaire ne constituaient pas l'“exposé des événements” visé à l'article 17 § 2, 1° de la loi du 31 janvier 2009, au motif que ce document n'émanait pas de la direction actuelle de l'entreprise mais de l'ancien gérant, D., qu'il n'avait pas été dressé en vue de la procédure litigieuse mais était destiné à la tenue de l'assemblée générale extraordinaire de l'appelante prévue en février 2009 et, enfin, que ce document se référait à des déclarations et annexes non jointes en manière telle que ce document est apparu “incompréhensible” au tribunal;
Le tribunal en a déduit que, quoique l'absence d'une des annexes énumérées à l'article 17 précité ne constituait pas une cause d'irrecevabilité de la demande, il ne s'estimait pas suffisamment informé quant aux événements fondant la demande en réorganisation judiciaire;
Force est de constater que le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire tenue par l'appelante le 3 février 2009 révèle que D. fut maintenu comme gérant de cette société, avec un réaménagement de ses attributions et nomination d'un second gérant provisoire en la personne du cofondateur S.;
Les documents déposés par l'appelante devant le tribunal sous l'intitulé “exposé des événements” contiennent une plaquette de présentation des produits fabriqués par l'appelante, le rapport préparé par le gérant en vue de l'assemblée générale extraordinaire du 3 février 2009 et un commentaire précisant que ce rapport détaille les difficultés de trésorerie apparues en 2007 et les mesures prises de fin 2007 à janvier 2009 pour tenter d'y remédier;
L'article 17 § 2, 1° de la loi du 31 janvier 2009 n'impose aucune forme spécifique à l'exposé des événements dont il ressort, qu'à l'estime du demandeur en réorganisation judiciaire, la continuité de son entreprise est menacée à bref délai ou à terme; en l'espèce, les documents fournis par l'actuelle appelante illustrent à suffisance les éléments actuels sur lesquels elle s'est fondée pour fonder sa décision d'entreprendre la procédure litigieuse;
Le tribunal a d'autre part considéré qu'en exerçant son pouvoir de contrôle marginal, il constatait que la demanderesse originaire ne fournissait aucun motif pour lequel le recours à la procédure en réorganisation judiciaire serait plus avantageuse pour les créanciers que la faillite, estimant qu'il résultait à suffisance des documents déposés et du rapport du juge délégué que l'actuelle appelante était en état de cessation de payement et que son crédit était ébranlé;
Ce faisant, le tribunal paraît avoir préjugé du sort de l'action en déclaration de faillite, actuellement pendante devant le tribunal de commerce de Charleroi et dont il n'était pas saisi par la requête originaire, action dont le fondement est par ailleurs vivement contesté par l'actuelle appelante et la cour observe à cet égard qu'étaient joints à la requête originaire les accords de principe de nombreux créanciers au plan d'apurement présenté en mars 2009 par la SPRL Espace Prefab ce qui relativise, à tout le moins, l'état d'ébranlement du crédit de cette société;
Le législateur n'exige pas que le demandeur originaire démontre que la procédure dont il sollicite l'ouverture est plus avantageuse pour les créanciers que la faillite; la loi du 31 janvier 2009 en son article 23 précise d'ailleurs que l'état de faillite du débiteur ne fait pas en soi obstacle à l'ouverture ou à la poursuite de la réorganisation judiciaire et l'article 24 § 2 de cette même loi prescrit l'ouverture de la procédure dès que les conditions de l'article 23 paraissent remplies, à savoir l'existence d'une menace de continuité, le dépôt de la requête en réorganisation judiciaire et l'absence d'ouverture, dans les trois années précédant ce dépôt, d'une précédente procédure en réorganisation judiciaire;
Le pouvoir d'appréciation du juge s'en trouve singulièrement réduit et certains auteurs considèrent à juste titre que dès que le tribunal est en possession de la requête, des pièces indispensables et que la continuité de l'entreprise est menacée, son contrôle devient purement formel et qu'il n'a plus le choix: l'article 23 impose l'ouverture de la procédure (J.-Ph. Lebeau, “La nouvelle procédure de réorganisation judiciaire et l'accord amiable” in La continuité des entreprises: la réforme, Bruxelles, Séminaire Vanham & Vanham, janvier 2009, p. 12, n° 22; J. Windey, “La loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises”, JT 2009, p. 237, n° 20; A. Zenner, La nouvelle loi sur la continuité des entreprises, Bruxelles, Anthemis, 2009, p. 81 et seq., no 47);
En l'espèce les “propositions de redressement” jointes à la requête originaire détaillaient les “mesures à prendre” par l'actuelle appelante, relevant de sa politique financière et économique et de nature à rétablir ainsi sa rentabilité ce qui est de nature à procurer à ses créanciers, notamment chirographaires, un avantage évident par rapport à la situation de faillite en permettant la production d'une valeur ajoutée afin de réduire le passif exigible et désintéresser ainsi ces créanciers;
La souplesse qui est au coeur de la loi du 31 janvier 2009 exclut d'exiger du demandeur, dès l'introduction de sa requête en réorganisation judiciaire, une analyse approfondie de la viabilité de l'entreprise et de son projet de réorganisation;
Cela n'empêche nullement le filtrage de la viabilité des entreprises après l'ouverture de la procédure en réorganisation (proposition de loi relative à la continuité des entreprises, Doc.parl. Ch. 2008, doc. 52-0160/002, art. 23, p. 58) et les articles 40 et 41 de la loi du 31 janvier 2009 règlent à cet effet la clôture anticipée de la procédure en réorganisation en cas d'échec de celle-ci ou de renonciation du débiteur;
Il apparaît ainsi de l'ensemble des éléments soumis à l'appréciation de la cour que les conditions d'ouverture de la procédure de réorganisation judiciaire sont réunies en l'espèce et que l'appel est fondé;
Par ces motifs,
La cour,
Statuant contradictoirement,
Vu l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire,
Entendu Monsieur le substitut du procureur général Luc Verelst-Reul en son avis oral émis sur-le-champ à l'audience du 25 mai 2009,
Reçoit l'appel, le dit fondé;
Met à néant le jugement entrepris sauf en ce qu'il a reçu la demande originaire;
Réformant;
Déclare ouverte la procédure en réorganisation judiciaire de la SPRL Espace Prefab conformément aux articles 16 et suivants de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises;
Fixe à six mois à dater du présent arrêt, soit du 2 juin 2009 le délai du sursis accordé à la SPRL Espace Prefab, dont le siège social est établi à 6150 Anderlues, Impasse de la Station, 1, inscrite à la BCE sous le n° 0881.456.420 pour se terminer le 1er décembre 2009, sans préjudice de sa prorogation par le tribunal de commerce de Charleroi en application de l'article 38 de la loi du 31 janvier 2009;
Désigne en qualité de juge délégué à cette procédure M. Jacques Janssens, juge consulaire au tribunal de commerce de Charleroi;
Invite la SPRL Espace Prefab:
- à communiquer aux créanciers, dans les quatorze jours du prononcé du présent arrêt, les informations visées à l'article 26 § 1er LCE et le montant de la créance pour lequel chacun d'eux est inscrit dans ses livres accompagné, dans la mesure du possible, de la mention du bien grevé par une sûreté réelle ou un privilège particulier garnissant cette créance ou du bien dont le créancier est propriétaire;
- à tenir le juge délégué informé de toute évolution de la procédure;
- à déposer au greffe du tribunal de commerce de Charleroi la liste des créanciers sursitaires reconnus et admis et le plan de réorganisation au moins quatorze jours avant l'audience qui sera fixée par le tribunal de commerce de Charleroi, auquel la cause est renvoyée comme dit ci-après, en vue du vote et des débats sur le plan de réorganisation, sous réserve de toute modification à intervenir dans l'intervalle sur l'objectif de la procédure;
Ordonne la publication au Moniteur belge de l'extrait du présent arrêt conformément à l'article 26 de la loi du 31 janvier 2009 et invite le greffe de la cour de céans à procéder à cette publication;
À titre provisoire, met à charge de l'État les frais de cette publication dans l'attente de la liquidation et de l'imputation des dépens auxquelles procédera le tribunal de commerce de Charleroi;
Renvoie la cause pour les suites de la procédure en réorganisation judiciaire au tribunal de commerce de Charleroi.
Cet arrêt réforme le jugement du tribunal de commerce de Charleroi du 10 avril 2009, publié plus loin, dans ce même numéro. Sur cet arrêt, voir ci-dessus l'article de Madame M. Grégoire, “La réorganisation judiciaire aux mains des juges: premières récoltes”, spécialement n° 21.