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Actualité : Cour de justice des Communautés européennes, 16/12/2008, R.D.C.-T.B.H., 2009/6, p. 625-626

Cour de justice des Communautés européennes 16 décembre 2008

SOCIÉTÉS
Sociétés dotées de la personnalité juridique - Dispositions générales - Droit international privé - Sociétés - Nationalité des sociétés - Siège - Déplacement de siège
Arrêt C-210/06
L'arrêt Cartesio, un nouvel épisode de la saga Centros-Überseering [1]

Dans l'affaire C-210/06 Cartesio, la Cour était amenée à décider si les articles 43 et 48 du Traité CE s'opposent à une réglementation d'un État membre qui empêche une société constituée en vertu du droit national de cet État membre de transférer son siège dans un autre État membre, tout en gardant sa qualité de société relevant du droit national de l'État membre selon la légisaltion duquel elle a été constituée. Il s'agissait, plus précisement, d'une société ayant établi lors de sa constitution, son siège social en Hongrie, qui souhaitait transférer son administration centrale en Italie. La réglementation hongroise applicable empêchait le transfert du siège puisqu'elle exigeait une cessation préalable des activités en Hongrie, entraînant la radiation du registre de commerce, et une nouvelle constitution de la société en conformité avec le droit du pays sur le territoire duquel elle souhaitait établir son siège. Contrairement à l'avocat général Poiares Maduro (voy. not. points 30 et s. des conclusions présentées le 22 mai 2008), la Cour considère que dans l'état actuel du droit communautaire, un État membre dispose de la faculté de définir tant le lien de rattachement qui est exigé d'une société pour que celle-ci puisse être considérée comme constituée selon son droit national et susceptible, à ce titre, de bénéficier du droit d'établissement, que le lien requis pour maintenir cette qualité ultérieurement. Cette faculté englobe, selon la Cour, la possibilité pour l'État membre en question de ne pas permettre à une société relevant de son droit national de conserver cette qualité tout en déplaçant son siège sur le territoire d'un autre État membre. En conséquence, la Cour admet la conformité de la législation hongroise en question avec les articles 43 et 48 du TraitéCE. Elle rejoint toutefois les conclusions de son avocat général en soulignant que l'État de constitution ne pourrait en règle, sans enfreindre le droit communautaire, interdire à une société qui accepterait d'être dorénavant soumise au droit de l'État d'accueil de transférer son siège dans cet État sans perdre sa personnalité juridique (voy. points 112 et 113 de l'arrêt et comp. point 33 des conclusions de l'avocat général).

La première affaire concernant l'articulation entre le Règlement Bruxelles I et le règlement 1346/2000 sur les procédures d'insolvabilité - L'opinion de l'avocat général Jarabo Colomer

L'action révocatoire au titre d'insolvabilité, c'est-à-dire, une forme d'action paulienne connue du droit des faillites allemand, relève-t-elle du champ d'application du règlement 1346/2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, ou bien plutôt du Règlement Bruxelles I? Telle est en substance la première question préjudicielle concernant l'articulation entre les deux règlements communautaires précités présentée à la Cour de justice par le Bundesgerichtshof allemand dans une affaire C-339/07 Deko Marty.

Pour bien comprendre la portée de la question, il faut rappeler que l'article 1er § 2, sous b) du Règlement Bruxelles I exclut de son champ d'application les faillites, concordats et autres procédures analogues. D'autre part, le Règlement sur les procédures d'insolvabilité, comme les dispositions de droit allemand en cause, ne comprennent, s'agissant de la compétence judiciaire internationale, aucune règle s'appliquant expressément aux actions révocatoires formées dans le cadre de l'insolvabilité. En conséquence, lorsque le défendeur à l'action révocatoire est domicilié dans un autre État membre que l'État de l'ouverture de la procédure d'insolvabilité, la question se pose de savoir quelles règles déterminent la compétence du tribunal qui doit statuer sur cette action. Selon l'avocat général Jarabo Colomer, qui a présenté ses conclusions dans l'affaire Deko Marty le 16 octobre 2008, la lacune qui découlerait de l'absence de mention des actions révocatoires dans le règlement 1346/2000 n'est qu'apparente. L'analyse combinée des deux règlements le mène à la conclusion que la juridiction nationale qui est compétente au sens de l'article 3 § 1er du règlement 1346/2000 pour ouvrir une procédure principale d'insolvabilité l'est également pour connaître d'une action révocatoire au titre de l'insolvabilité visant un défendeur domicilié dans un autre État membre.

La Cour de cassation précise la notion d'“établissement” au sens du Règlement 1346/2000 sur les procédures d'insolvabilité

La Cour de cassation a eu l'occasion de se prononcer récemment sur le Règlement 1346/2000 pour préciser la notion d'“établissement” qui y figure. Le litige dans lequel est intervenue cette décision concerne la possibilité d'ouvrir une procédure secondaire en Belgique. Rappelons que le Règlement permet d'ouvrir une procédure d'insolvabilité principale dans l'État membre où se situe le centre des intérêts principaux du débiteur, à savoir le lieu où le débiteur gère habituellement ses intérêts, et des procédures secondaires dans le ou les États membres dans lesquels le débiteur possède un établissement. L'établissement est défini à l'article 2, point h), du Règlement comme “tout lieu d'opérations où le débiteur exerce de façon non transitoire une activité économique avec des moyens humains et des biens”. Bien qu'ayant déjà donné lieu à quelques décisions des juridictions belges (voy. Comm. Bruxelles 16 décembre 2002, inédit, R.G. 02/03219 et Comm. Tongres 31 mars 2003, inédit, cités par le moyen de cassation), la notion d'établissement reste assez floue. La Cour suprême donne dans son arrêt du 27 juin 2008 (n° C.07.0469.F) de nouvelles directives d'interprétation de cette notion en décidant que l'arrêt qui se borne à énoncer que le demandeur reconnaît qu'il n'a jamais exercé d'activité que sur le territoire d'un autre État membre et omet de vérifier l'ensemble des éléments objectifs que le demandeur avait soumis à la cour d'appel au soutien de l'existence d'un établissement en Belgique ne justifie pas légalement sa décision que le demandeur ne disposait pas d'un tel établissement. En l'occurrence, le demandeur faisait valoir en conclusions qu'il avait disposé d'un établissement en Belgique en invoquant son inscription à la Banque-Carrefour des entreprises, son immatriculation à l'ONSS et à la TVA, le recours à un secrétariat social d'employeurs belge, la réception de courriers en Belgique, une gestion de ses affaires en France au départ de son siège d'entreprise belge, un important passif issu des productions de créances de créanciers belges et la location d'un entrepôt et d'un bureau en Belgique.

[1] Cet arrêt fait l'objet d'un commentaire approfondi de K. Maresceau, supra,p. 581 et suivantes.