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L'office du juge et la nullité en droit de la concurrence, R.D.C.-T.B.H., 2009/5, p. 492-495

MEDEDINGING
Europees mededingingsrecht - Algemeen - Artikel 81 EG-Verdrag - Openbare orde - Ambtshalve toepassing door de rechter - Voortzetting van de zaak - Absolute nietigheid van de overeenkomst - Ongegrondheid van de vorderingen tot contractuele aansprakelijkheid
Wanneer hij met een contractueel geschil wordt geadieerd, kan de rechter ambtshalve de bestaanbaarheid van de overeenkomst met het verbod van restrictieve mededingingspraktijken bevragen.
Een overeenkomst die de handel tussen de lidstaten kan beïnvloeden en die de aan- en verkoopprijzen bepaalt, de afzet controleert, de markten verdeelt, is van rechtswege nietig in de zin van artikel 81, lid 1 van het EG-Verdrag.
De nietigheid van de overeenkomst in de zin van artikel 81, lid 1 van het EG-Verdrag heeft als gevolg dat geen partij een vordering kan gronden op de beweerde contractuele wanprestaties van de wederpartij.
CONCURRENCE
Droit européen de la concurrence - Généralités - Article 81 du Traité CE - Ordre public - Application d'office par le juge - Mise en continuation - Nullité absolue du contrat - Non-fondement des actions en responsabilité contractuelle
Lorsqu'il est saisi d'un litige contractuel, le juge peut soulever d'office la question de la compatibilité du contrat avec l'interdiction des accords restrictifs de concurrence.
Une convention qui peut influencer le commerce entre Etats membres et qui détermine les prix d'achat et de vente, contrôle le chiffre d'affaires et répartit les marchés, est nulle de plein droit au sens de l'article 81, alinéa 1er du Traité CE.
La nullité du contrat a pour conséquence qu'aucune des parties ne peut fonder une action en responsabilité sur les manquements contractuels allégués de son cocontractant.

L'office du juge et la nullité en droit de la concurrence
Xavier Taton [1]

1.L'arrêt annoté, prononcé le 10 octobre 2008 par la cour d'appel de Bruxelles, constitue une illustration intéressante de l'office du juge en droit de la concurrence. Dans cette espèce, la cour d'appel était saisie d'un litige contractuel, au sein duquel chacune des parties invoquait la responsabilité de l'autre pour cause de manquement au contrat [2]. À l'occasion des débats, la cour a soulevé d'office la question de la compatibilité du contrat litigieux avec l'interdiction des accords restrictifs de concurrence [3]. La cour n'a pas soulevé ce moyen d'office dans un arrêt de réouverture des débats [4] mais au cours des audiences auxquelles l'affaire avait été fixée ou mise en continuation [5]. Après avoir considéré que le contrat litigieux constituait un cartel prohibé [6], la cour en a prononcé la nullité de plein droit et a rejeté, par voie de conséquence, tant la demande principale que la demande reconventionnelle [7].

À ma connaissance, aucun pourvoi en cassation n'a été déposé contre cet arrêt, qui pose trois questions intéressantes.

2.La cour d'appel pouvait-elle soulever d'office le moyen de nullité pour infraction au droit de la concurrence?

La réponse est certainement affirmative. En effet, il est admis en droit belge qu'il appartient au juge civil de donner aux faits dont il est saisi leur qualification juridique exacte et de trancher le litige conformément à la règle de droit qui lui est applicable, quand bien même cette qualification ou cette règle n'aurait pas été formellement invoquée par les parties [8]. Par exception à cette règle, le principe dispositif interdit seulement au juge civil d'élever d'office une contestation si celle-ci ne touche pas à l'ordre public et si les conclusions des parties en ont exclu l'existence [9]. Or, le droit de la concurrence est considéré en Belgique comme touchant à l'ordre public en tant que loi de police de l'économie [10]. En outre, l'arrêt annoté ne constate pas que les conclusions des parties auraient exclu toute contestation relative à l'application du droit de la concurrence [11]. La cour d'appel pouvait donc soulever d'office le moyen de nullité pour infraction au droit de la concurrence.

Vu le contenu du droit belge en la matière, il n'est pas nécessaire de déterminer si le principe d'effectivité du droit communautaire requerrait également que le juge d'appel soulève d'office le moyen pris de la violation de l'article 81 du Traité CE [12]. Cette question ne devient en effet pertinente qu'en présence d'une règle nationale qui interdirait au juge d'appel de soulever un tel moyen d'office et dont il conviendrait éventuellement d'écarter l'application en vue d'assurer une application effective du droit communautaire [13].

En l'espèce, l'arrêt annoté me semble avoir suivi le même raisonnement, puisqu'il fonde exclusivement son moyen d'office sur la compétence de la cour d'appel pour appliquer l'article 81 du Traité CE [14], sur l'applicabilité directe de cette disposition aux litiges entre particuliers, et sur le caractère d'ordre public du droit de la concurrence, qu'il soit belge ou communautaire [15].

3.À titre de comparaison, le droit néerlandais ne considère pas que ses règles nationales de concurrence relèveraient de l'ordre public [16]. Par rapport à ce droit national, se pose dès lors la question de savoir si le principe d'effectivité du droit communautaire imposerait de considérer que l'article 81 du Traité CE relève de l'ordre public, de sorte que son application peut être soulevée d'office par le juge néerlandais.

La question n'est pas évidente, car le respect du principe d'effectivité doit être analysé tant au regard de l'ensemble de la procédure nationale [17] que de l'importance de la disposition communautaire pour l'ordre juridique communautaire [18]. Toutefois, il me semble résulter de la jurisprudence communautaire que l'article 81 du Traité CE est une disposition d'une telle importance qu'elle relève de l'ordre public communautaire [19]. Elle peut dès lors être appliquée d'office par le juge néerlandais, sans que celui-ci ne doive pour autant se fonder sur d'autres faits et circonstances que ceux invoqués par les parties [20], étendre l'objet de la demande [21] ou méconnaître l'autorité de chose jugée d'une décision précédente [22].

4.La cour d'appel pouvait-elle soulever d'office le moyen de violation du droit de la concurrence, sans prononcer un arrêt de réouverture des débats?

Cette pratique est admise depuis de nombreuses années par la jurisprudence de la Cour de cassation [23]. Elle est aujourd'hui consacrée par l'article 756ter du Code judiciaire [24], qui permet au juge de soumettre des questions aux plaideurs lors de l'audience de plaidoiries. Ce “débat interactif” avec le juge peut être l'occasion pour celui-ci d'évoquer d'office des moyens qui n'ont pas été soulevés par les parties [25], sauf si ces moyens sont exclus par application du principe dispositif [26].

Si une décision de réouverture des débats n'est pas indispensable pour soulever un moyen d'office, le juge doit toutefois se conformer aux exigences du principe du contradictoire [27]. Il doit dès lors non seulement accorder une remise aux plaideurs, mais également leur permettre de déposer de nouvelles conclusions [28] sur le moyen soulevé d'office [29]. Par analogie, le juge pourrait appliquer le régime de l'article 756bis, alinéa 2 du Code judiciaire, qui permet à une partie de déposer des conclusions en réponse lorsque son adversaire soulève de nouveaux moyens lors de l'audience de plaidoiries [30].

En l'espèce, l'examen de l'arrêt annoté ne permet pas de déterminer si la cour d'appel a respecté le principe du contradictoire. En effet, il semble ressortir de la description de la procédure en degré d'appel, que l'affaire a uniquement été plaidée aux audiences des 9 octobre 2007 et 22 avril 2008, quand bien même elle a également été fixée ou mise en continuation à d'autres audiences [31]. L'arrêt ne constate ni la date de l'audience où le moyen d'office a été soulevé, ni le dépôt éventuel de conclusions sur ce moyen par les parties. Les constatations de l'arrêt ne permettent donc pas de vérifier si le principe du contradictoire a été respecté dans cette affaire.

5.La cour d'appel pouvait-elle rejeter tant la demande principale que la demande reconventionnelle, et renvoyer ainsi les parties dos à dos?

Là encore, la réponse est affirmative. En effet, la qualification de cartel entraîne de plein droit la nullité absolue du contrat en vertu de l'article 81 § 2 du Traité CE [32]. Or, chacune des parties réclamait exclusivement la réparation du dommage causé par le manquement contractuel de l'autre. Leurs demandes respectives devaient dès lors être rejetées, par application de l'article 1131 du Code civil et de l'adage “nemo auditur propriam turpitudinem allegans” [33].

La cause aurait été plus délicate si l'une des parties avait demandé, fut-ce à titre subsidiaire, la remise des choses dans leur pristin état. Dans ce cas, la cour aurait dû effectuer des appréciations plus subtiles liées à l'application facultative de l'adage “in pari causa turpitudinis cessat repetitio” [34] et à la nullité des contrats à prestations successives [35]. Ces règles me paraissent conformes au droit communautaire. En effet, la Cour de justice a considéré que si une partie est en droit de se prévaloir en justice de la nullité du contrat qu'elle a conclu pour violation de l'article 81 du Traité CE, le droit communautaire ne s'oppose pas à ce que le droit national refuse à cette partie le droit d'obtenir des dommages et intérêts de son cocontractant si elle porte une responsabilité significative dans la distorsion de la concurrence [36].

La cour d'appel n'était cependant pas saisie d'une telle demande de restitution dans le cas d'espèce.

[1] Avocat au barreau de Bruxelles (Linklaters LLP) et chercheur au Centre de droit privé de l'Université Libre de Bruxelles (Unités de droit judiciaire et de droit économique).
[2] Arrêt annoté, nos 7 à 13.
[3] Arrêt annoté, n° 21.
[4] Sur pied de l'art. 774, al. 1er du Code judiciaire.
[5] Arrêt annoté, n° 20.
[6] Arrêt annoté, nos 23 à 37.
[7] Arrêt annoté, nos 38 et 39.
[8] Cass. 14 avril 2005, J.L.M.B. 2005, p. 856 et les observations de G. de Leval; Cass. 18 novembre 2004, J.T. 2005, p. 160 et les observations de J.-F. van Drooghenbroeck, “La théorie de la cause en voie de dénouement”, pp. 161 et s.; Cass. 22 octobre 1982, Pas. 1983, I, 256; Cass. 2 octobre 1968, Pas. 1969, I, 132. Voy. dans le même sens: G. de Leval, Éléments de procédure civile, 2ème éd., Bruxelles, Larcier, 2005, pp. 38 et 39, n° 21; H. Boularbah, “La cause. Le rôle respectif du juge et des parties dans l'allégation des faits et la détermination de la norme juridique applicable à la solution du litige”, in X., Le rôle respectif du juge et des parties dans le procès civil. De respectievelijke rol van rechter en partijen in het burgerlijk geding, Bruxelles, Bruylant, 1999, pp. 91 et s., spéc. p. 144, n° 56; E. Faye, La Cour de cassation, Paris, Éd. A. Chevalier-Marescq et Cie, 1903, p. 143, n° 126.

La doctrine traduit souvent ce principe par l'adage “iura novit curia” (à ce sujet, voy. J.-F. van Drooghenbroeck, Cassation et juridiction. Iura dicit curia, Bruxelles, Bruylant, 2004, pp. 339 à 351, nos 358 à 369).
[9] Cass. 17 juin 2002, R.G. S.99.0144.F; Cass. 11 mars 2002, R.G. C.01.0308.F; Cass. 1er mars 1999, Bull. Cass., n° 122; Cass. 19 juin 1998, Bull. Cass., n° 326; G. de Leval, Éléments…, o.c., p. 40, n° 21.
[10] J. Steenlant, A. Vanderelst et F. Wijckmans, “De gewijzigde wet op de mededinging: een tweede kans?”, T.P.R. 2001, pp. 703 et s., spéc. p. 794, n° 132; S. Maquet et A.-P. André-Dumont, observations sous Liège 14 avril 1995, Rev. prat. soc. 1996, n° 6.702, pp. 332 et s., spéc. p. 341, n° 7.
[11] Il n'y a exclusion de contestation qu'en cas de conclusion par les parties d'un accord procédural tendant à exclure l'application d'une règle de droit par le juge saisi (J.-F. van Drooghenbroeck, Cassation et juridiction…, o.c., pp. 773 à 777, nos 1018 à 1023; H. Boularbah, “La cause…”, o.c., p. 144, n° 56). La jurisprudence récente de la Cour de cassation applique cette condition d'accord procédural de manière très stricte. En effet, il résulte d'un arrêt du 9 mai 2008 qu'un tel accord doit être explicite et qu'il ne peut notamment résulter uniquement d'une concordance des conclusions des parties sur une qualification contractuelle, même lorsque cette concordance est confirmée oralement par un des conseils à l'audience (Cass. 9 mai 2008, R.G. C.06.0641.F).
[12] Tout au plus y aurait-il lieu à application du principe d'équivalence avec les règles nationales d'ordre public. À ce sujet, voy. C.J.C.E. 14 décembre 1995, C-430/93 et C-431/93, Jeroen van Schijndel et Johannes Nicolaas Cornelis van Veen/Stichting Pensioenfonds voor Fysiotherapeuten, Rec., I, p. 4.705, nos 13 à 15.
[13] Dans l'affaire Peterbroeck, la Cour de justice a considéré que la cour d'appel de Bruxelles devait être autorisée à soulever d'office la question de la violation du droit communautaire, malgré l'expiration du délai imparti au justiciable pour invoquer un grief nouveau tiré de ce droit. La Cour a notamment fondé sa décision sur le fait que la cour d'appel était saisie d'un recours contre une décision de l'administration fiscale et qu'elle constituait dès lors, dans ce contexte procédural, la première juridiction susceptible de poser une question préjudicielle à la Cour de justice (C.J.C.E. 14 décembre 1995, C-312/93, Peterbroeck, Van Campenhout & Cie SCS/État belge, Rec., I, p. 4.599, nos 15 à 21). Ces circonstances diffèrent de celles du cas d'espèce, où la cour d'appel de Bruxelles était saisie d'un appel contre un jugement du tribunal de commerce de Bruxelles.
[14] En vertu de l'art. 6 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux art. 81 et 82 du traité, J.O. L. 1 du 4 janvier 2003, p. 1.
[15] Arrêt annoté, n° 22.
[16] Voy. T. Baumé et S. Janssen, “The Supreme Court of the Netherlands declares that the national provision equivalent to Art. 81 EC is not a provision of public policy and, as a consequence, may not be applied ex officio by Dutch courts (De gemeente Heerlen/Whizz Croissanterie)”, e-Competitions février 2009-II, n° 24.292.
[17] En effet, “chaque cas où se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou excessivement difficile l'application du droit communautaire doit être analysé en tenant compte de la place de cette disposition dans l'ensemble de la procédure, de son déroulement et de ses particularités, devant les diverses instances nationales” (C.J.C.E. 14 décembre 1995, Peterbroeck, précité, n° 14).
[18] C.J.C.E. 7 juin 2007, C-222/05 à C-225/05, J. van der Weerd et autres/Minister van Landbouw, Natuur en Voedselkwaliteit, Rec., I, p. 4.233, n° 41.
[19] Cette qualification a été expressément retenue par la Cour de justice dans son arrêt Manfredi (C.J.C.E. 13 juillet 2006, C-295/04 à C-298/04, Vincenzo Manfredi/Lloyd Adriatico Assicurazioni SpA, Rec., I, p. 6.619, n° 31). En outre, elle avait déjà été implicitement annoncée dans des arrêts précédents, selon lesquels “l'article [81] constitue une disposition fondamentale indispensable pour l'accomplissement des missions conférées à la Communauté et, en particulier, pour le fonctionnement du marché intérieur” (C.J.C.E. 20 septembre 2001, C-453/99, Courage Ltd/Bernard Crehan, Rec., I, p. 6.297, n° 20). Dans le même sens, voy. également C.J.C.E. 1er juin 1999, C-126/97, Eco Swiss China Time Ltd/Benetton International NV, Rec., I, p. 3.055, nos 36 à 41; T.P.I.C.E. 27 octobre 1994, T-34/92, Fiatagri UK Ltd et New Holland Ford Ltd/Commission, Rec., II, p. 905, n° 39.

Cette qualification de l'art. 81 du Traité CE comme disposition d'ordre public, n'est cependant pas unanimement admise. Elle a notamment été contestée par l'avocat général auprès du Hoge Raad néerlandais (voy. T. Baumé et S. Janssen, “The Supreme Court…”, o.c., e-Competitions février 2009-II, n° 24.292).
[20] C.J.C.E. 14 décembre 1995, van Schijndel, précité, nos 20 à 22.
[21] C.J.C.E. 7 juin 2007, van der Weerd, précité, n° 38. En l'espèce, la Cour de justice a confirmé que le droit communautaire n'imposait pas au juge national saisi d'un recours objectif, de procéder à un contrôle d'office de la légalité de l'acte administratif attaqué au regard d'une directive européenne. Bien que la disposition communautaire en cause diffère de l'art. 81 du Traité CE, le principe énoncé par cet arrêt me paraît transposable.
[22] C.J.C.E. 1er juin 1999, Eco Swiss, précité, nos 43 à 48.
[23] Cass. 22 décembre 1986, Pas. 1987, I, 500; Cass. 6 septembre 1979, Pas. 1980, I, 13. Sur cette pratique, voy. également les observations de X. Malengreau, “À propos des usages dans les tribunaux. Quelques réflexions sur le rôle du juge à l'audience civile”, J.T. 2000, pp. 673 et s.
[24] Il n'est pas certain que cette disposition, insérée par la loi du 26 avril 2007 (M.B. 12 juin 2007, p. 31.626) et entrée en vigueur le 1er septembre 2007, était applicable en l'espèce. En effet, il est probable que cette affaire faisait déjà l'objet d'une fixation accordée pour plaidoiries au 1er septembre 2007, et que de simples remises ou mises en continuation ne suffisent pas à rendre les nouvelles dispositions applicables (voy. H. Boularbah, “Le procès civil accéléré? Entre discours et réalités. Présentation générale et application dans le temps de la loi du 26 avril 2007 modifiant le Code judiciaire en vue de lutter contre l'arriéré judiciaire”, in X., Le procès civil accéléré? Premiers commentaires de la loi du 26 avril 2007 modifiant le Code judiciaire en vue de lutter contre l'arriéré judiciaire, Bruxelles, Larcier, 2007, pp. 9 et s., spéc. pp. 32 et 35, nos 50, 52 et 62).
[25] J.-F. van Drooghenbroeck, “Le nouveau droit judiciaire, en principes”, in X., Le droit judiciaire en effervescence, Bruxelles, Éd. du Jeune Barreau, 2007, pp. 325 et s., spéc. p. 428, n° 94.
[26] À mon estime, ni la réouverture des débats ni le débat interactif à l'audience de plaidoiries ne permet au juge de soulever d'office des moyens étrangers à l'ordre public qui ont été valablement exclus par les accords procéduraux des parties (voy. J. Linsmeau et X. Taton, “Le principe dispositif et l'activisme du juge”, in X., Finalité et légitimité du droit judiciaire. Het gerechtelijk recht waarom en waarheen?, Bruges, la Charte, 2005, pp. 103 et s., spéc. pp. 129 et 130, nos 57 à 61). La jurisprudence de la Cour de cassation se montre cependant particulièrement souple à cet égard. En effet, dans un arrêt du 3 avril 2006, la Cour a admis qu'un juge “attire l'attention sur l'éventuelle implication de tiers et ordonne la réouverture des débats en vue de permettre aux parties d'appeler ces tiers à la cause” (Cass. 3 avril 2006, C.04.0079.N-C.04.0080.N). Or, l'interdiction pour le juge d'ordonner d'office la mise en cause d'un tiers, constitue un autre aspect du principe dispositif, consacré par l'art. 811 du Code judiciaire. Dans le même sens, voy. également la loi du 22 décembre 2008 (M.B. 12 janvier 2009, p. 687) qui permet au juge d'interpeller les parties sur la réduction ou l'augmentation de l'indemnité de procédure.
[27] En effet, le droit au procès équitable garanti par l'art. 6 § 1er de la Convention européenne des droits de l'homme, encadre aussi l'office communautaire du juge national (Y.S. Delicostopoulos, “L'influence du droit européen quant aux pouvoirs du juge judiciaire national sur le fait et le droit”, Justices 1997, n° 6, pp. 117 et s., spéc. p. 127).
[28] En vertu du nouvel art. 748bis du Code judiciaire, ces nouvelles conclusions doivent prendre la forme de conclusions de synthèse, quand bien même les plaideurs ne sont autorisés à introduire de nouveaux arguments qu'au sujet du moyen soulevé d'office par le juge. Sur cette disposition, voy. J. Englebert, “La mise en état de la cause et l'audience des plaidoiries”, in X., Le procès civil accéléré? Premiers commentaires de la loi du 26 avril 2007 modifiant le Code judiciaire en vue de lutter contre l'arriéré judiciaire, Bruxelles, Larcier, 2007, pp. 73 et s., spéc. pp. 144 à 148, nos 117 à 127.
[29] J.-F. van Drooghenbroeck, “Le nouveau droit judiciaire…”, o.c., p. 429, n° 95 et les arrêts cités de la Cour européenne des droits de l'homme.
[30] Sur cette disposition, voy. X. Taton, “Le droit de conclure sur le droit de plaider: une consécration originale qui permet de revenir sur les liens entre conclusions, plaidoiries et droits de la défense” (note sous Cass. 8 novembre 2007), J.T. 2008, pp. 233 et s.
[31] Arrêt annoté, n° 20.
[32] Sur cette cause de nullité, voy. X. Taton, “Le contentieux préjudiciel interne en droit de la concurrence après l'entrée en vigueur du règlement 1/2003” (note sous Liège 9 septembre 2004 et Bruxelles 23 juin 2005), R.D.C. 2006, pp. 648 et s., spéc. p. 657, nos 23 et 24.
[33] Cass. 24 septembre 1976, Pas. 1977, I, 101; L. Cornelis et H. Gilliams, “Private parties' entitlement to damages on account of infringements of the competition rules: Belgian law as an example of the 'civil law' approach”, in X., Modernisation of European competition law. The Commission's proposal for a new regulation implementing Articles 81 and 82 EC, Anvers, Intersentia, 2001, pp. 153 et s., spéc. pp. 166 à 168.
[34] Conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, cet adage est d'application facultative, de sorte qu'en cas de nullité absolue du contrat pour cause illicite, le juge peut refuser d'ordonner les restitutions s'il considère que l'avantage tiré de la nullité pour l'un des cocontractants compromettrait le rôle préventif de la sanction ou quand l'intérêt social exige que l'un des cocontractants soit plus sévèrement frappé (Cass. (aud. plén.) 8 décembre 1966, Pas. 1967, I, 434 et les conclusions conformes de R. Hayoit de Termicourt; L. Cornelis et H. Gilliams, “Private parties…”, ibid., pp. 170 et 171).
[35] Pour ces contrats, la résolution n'opère que pour l'avenir si les prestations effectuées ne sont pas susceptibles d'être restituées (S. Stijns, D. Van Gerven et P. Wéry, “Chronique de jurisprudence. Les obligations: les sources (1958-1995)”, J.T. 1996, pp. 689 et s., spéc. pp. 744 et 745, nos 156 et 157).

Pour les contrats de fourniture, L. Cornelis et H. Gilliams semblent considérer que les prestations effectuées seraient toujours restituables, à concurrence de la différence entre le prix d'achat des fournitures, d'une part, et la valeur de marché de celles-ci, soit le prix de leur revente à des détaillants ou à des consommateurs, d'autre part (L. Cornelis et H. Gilliams, “Private parties…”, ibid., pp. 169 et 170). Cette conception abstraite me paraît trop catégorique. En effet, elle méconnaît le fait que la valeur de marché des fournitures pour l'exploitant peut résulter partiellement d'éléments étrangers au contrat de fourniture, et que cette valeur de marché ne correspond donc pas nécessairement à la valeur de la prestation contractuelle de livraison par le fournisseur. Il me semble que le juge doit privilégier une approche plus concrète, dans laquelle il examine, au regard de l'ensemble des circonstances de fait, s'il est en mesure d'évaluer les prestations contractuelles respectives des parties au moment de leur exécution. Ce n'est que dans cette hypothèse que le juge pourra, à mon sens, ordonner des restitutions réciproques.
[36] C.J.C.E. 20 septembre 2001, Courage, précité, nos 24, 28 et 31.