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Remplacement du juge-commissaire ou du curateur de faillite: un seul article pour deux régimes, R.D.C.-T.B.H., 2009/1, p. 77-79

INSOLVABILITÉ
Faillite - Procédure - Juge-commissaire - Remplacement
L'article 31, alinéa 1er de la loi du 8 août 1997 relative à la faillite dispose que le tribunal de commerce peut, à tout moment, remplacer le juge-commissaire par un autre de ses membres. Le tribunal, qui doit faire en sorte qu'un juge-commissaire veille sans discontinuer à la progression des opérations de la faillite et au contrôle de la gestion du curateur, peut procéder au remplacement du juge-commissaire sans être tenu d'entendre préalablement celui-ci.
Il n'y a pas d'autre fonction judiciaire ni, partant, d'incompatibilité au sens de l'article 292, alinéa 2 du Code judiciaire, lorsqu'un vice-président du tribunal de commerce, faisant fonction de président de ce tribunal, rend une ordonnance déchargeant un juge-commissaire de son mandat, puis, en la même qualité, préside la chambre qui confirme ladite ordonnance.
INSOLVENTIE
Faillissement - Rechtspleging - Rechter-commissaris - Vervanging
Artikel 31, 1ste lid van de Faillissementswet van 8 augustus 1997 bepaalt dat de rechtbank van koophandel te allen tijde de rechter-commissaris kan vervangen door een van haar andere leden. De rechtbank, die er moet voor zorgen dat een rechter-commissaris zonder onderbreking over de voortzetting van de faillissementsverrichtingen en over het toezicht over het beheer van de curator waakt, kan de rechter-commissaris vervangen zonder hem eerst te moeten verhoren.
Er is geen ander rechterlijk ambt noch, bijgevolg, onverenigbaarheid in de zin van artikel 292, 2de lid van het Gerechtelijk Wetboek, wanneer een ondervoorzitter van een rechtbank van koophandel, dienstdoende als voorzitter van die rechtbank, een beschikking wijst waardoor de opdracht van een rechter-commissaris wordt ingetrokken, en nadien, in diezelfde hoedanigheid, de kamer voorzit die die beschikking bevestigt.
Remplacement du juge-commissaire ou du curateur de faillite: un seul article pour deux régimes
Michèle Grégoire [1]

1.L'article 31 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites régit deux questions distinctes: celles du remplacement du juge-commissaire, d'une part, et des curateurs, d'autre part.

Le premier alinéa de cet article confère, en effet, au tribunal de commerce le double pouvoir de remplacer, à tout moment, le juge-commissaire par un autre de ses membres, ainsi que de remplacer les curateurs ou l'un d'entre eux, d'en augmenter ou d'en diminuer le nombre.

Le principe de cette compétence exclusive étant ainsi posé, le deuxième et le troisième alinéas du même article poursuivent en en indiquant les modalités d'exercice.

Ces précisions ne sont apportées toutefois que lorsque les curateurs sont concernés. Selon ces dispositions, il convient que les curateurs dont le remplacement est envisagé soient préalablement appelés pour être entendus en chambre du conseil, le jugement étant prononcé en audience publique, après le rapport du juge-commissaire.

Le jugement ordonnant le remplacement est ensuite notifié au curateur remplacé et publié par extrait au Moniteur belge à la diligence du greffier.

Le tribunal peut se saisir de la question du remplacement d'un curateur d'office, ou statuer sur la requête de toute partie intéressée, ou encore à la demande du curateur lui-même [2].

De telles indications ne figurent pas dans la loi pour le remplacement du juge-commissaire.

Quoi qu'il en soit, dans l'un comme dans l'autre cas, ces jugements, selon l'article 37, alinéa 2, “Ne sont susceptibles ni d'opposition, ni d'appel (…)”. Seuls la tierce opposition et le pourvoi en cassation peuvent être envisagés [3].

2.Existe-t-il une justification à cette différence de régimes?

Dans l'affaire qui a donné lieu à l'arrêt du 4 septembre 2008, ici publié, le demandeur en cassation estimait qu'il n'en existe aucune. Le pourvoi critiquait donc le jugement du tribunal de commerce confirmant sur tierce opposition une ordonnance, rendue par la vice-présidente, le déchargeant de son mandat et procédant à son remplacement comme juge-commissaire de la faillite. Selon lui, l'ordonnance, comme le jugement rendu sur tierce opposition, auraient dû appliquer, par analogie, l'exigence de convocation et d'audition imposée expressément par la loi pour le remplacement du curateur.

La Cour de cassation, par l'arrêt du 4 septembre 2008 [4], rejette clairement cette thèse et rappelle le seul objectif devant orienter le pouvoir du juge, à savoir “faire en sorte qu'un juge-commissaire veille sans discontinuer à la progression des opérations de la faillite et au contrôle de la gestion du curateur”. Cette vérification étant faite, le juge peut “procéder au remplacement du juge-commissaire sans être tenu d'entendre préalablement celui-ci”.

3.Il est vrai que le rôle joué par ces deux intervenants, la portée de leurs missions respectives et le fondement légal sur lequel ces missions reposent permettent d'apercevoir la justification de la distinction prônée par l'arrêt annoté.

La question de la qualification du rôle du curateur demeure complexe: l'enseignement traditionnel lui attribue la double qualité de représentant non seulement des créanciers mais aussi du failli lui-même [5].

L'articulation de ces deux qualités entre elles ne peut s'opérer qu'à l'aide de cette idée fondamentale selon laquelle au dessaisissement du failli, correspond la gestion des effets de la saisie collective qu'entraîne la faillite au profit de ses créanciers. Alors que le failli doit se cantonner dans l'inaction forcée, ses créanciers, au contraire, sont contraints à l'action pour récupérer une partie de leur dû. Cette action collective doit être menée par un représentant unique: le curateur, qui agit, en vertu de la loi et à la suite d'une désignation judiciaire, sur le patrimoine du débiteur, mais dans l'intérêt de ses créanciers.

Une telle conception de la mission du curateur apparaît depuis longtemps en jurisprudence; aussi, l'avocat général Bosch écrivait-il déjà, dans ses conclusions précédant un arrêt de la Cour de cassation du 13 novembre 1890 [6] que “la faillite modifie profondément la situation juridique du failli et de ses créanciers: elle transforme l'administration personnelle et libre de son patrimoine en une sorte d'administration publique, réglée toute entière par la loi, et dont le but est de garantir spécialement les droits des créanciers et de les placer, à partir du jour de la faillite, sur un pied d'égalité absolu, sauf les garanties légales que certains d'entre eux se sont réservées”. Dans le prolongement de cette analyse, la Cour de cassation estime, de manière constante que “La mission du curateur est de réaliser l'actif du failli et de distribuer (aux créanciers) les deniers qui proviendraient de la réalisation de cet actif” [7].

Concrètement, la mission du curateur se décline en divers aspects, tous orientés vers l'obtention du meilleur remboursement possible des créanciers du failli: vendre les actifs, récupérer les créances du failli, rechercher la responsabilité des tiers ayant aggraver le passif ou diminuer l'actif, agir en comblement de passif, pour enfin répartir le produit de ces différentes opérations et actions entre les créanciers, selon leurs rangs ou, à défaut, en respectant l'égalité entre eux.

Pour ce faire, les curateurs sont des avocats spécialisés choisis “parmi les personnes inscrites sur une liste établie par l'assemblée générale du tribunal de commerce” (art. 27, 1er al. de la loi sur les faillites), la procédure de présentation des candidats, régie par l'arrêté royal du 5 décembre 1997, devant être suivie au moins une fois l'an. Le président du tribunal, le président consulaire, le procureur du Roi et le bâtonnier sont amenés à émettre un avis écrit sur les candidatures. Lorsqu'elle écarte l'une d'entre elles, l'assemblée générale du tribunal de commerce doit motiver sa décision. C'est également l'assemblée générale qui, d'office, à la demande de l'intéressé ou sur citation émanant du Ministère public, peut omettre un curateur de la liste. La décision suppose un débat préalable tenu à huis clos (art. 29 de la loi sur les faillites). Cette décision doit être motivée (art. 1er § 3 de l'A.R. du 5 décembre 1997) et est susceptible d'appel (art. 28 de la loi sur les faillites), l'arrêt de la cour d'appel étant lui-même susceptible d'un pourvoi devant la Cour de cassation [8].

Enfin, les curateurs proméritent des honoraires, fixés, selon l'article 33, alinéa 1er de la loi sur les faillites, “en fonction de l'importance et de la complexité de leur mission (…)”, conformément aux modalités prévues par l'arrêté royal du 10 avril 1998 établissant les règles et les barèmes relatifs à la fixation des honoraires et des frais des curateurs. Les honoraires, comme les frais et les débours sont taxés par le tribunal de commerce, en fonction d'un relevé détaillé des prestations accomplies (art. 33, al. 2 de la loi sur les faillites).

4.L'institution du juge-commissaire se révèle fondamentalement différente de la curatelle. Le juge-commissaire est désigné par le tribunal de commerce, parmi ses membres, le président excepté (art. 11, al. 1er de la loi sur les faillites) [9], afin de permettre au tribunal de suivre étroitement la procédure au jour le jour. Le juge-commissaire agit donc comme une autorité judiciaire et dispose à cette fin du pouvoir de rendre des ordonnances motivées et exécutoires par provision (art. 35, al. 5 de la loi sur les faillites). Le rôle du juge-commissaire consiste en substance à contrôler la gestion de la procédure, la liquidation des actifs et la répartition des deniers par les curateurs, qu'il s'agisse pour eux d'intervenir de manière ponctuelle dans le cadre de la vérification des créances (art. 66 de la loi sur les faillites), d'accélérer et de surveiller les opérations, la gestion et la liquidation de la faillite et de faire rapport à l'audience de toutes les contestations nées de la faillite (art. 35, al. 1er de la loi sur les faillites).

Outre cette fonction générale de superviseur, le juge-commissaire assure des contrôles spécifiques (descente sur les lieux - art. 11, al. 1er de la loi sur les faillites; réception des rapports annuels établis par le curateur - art. 43, al. 1er de la loi sur les faillites; visa de l'état des répartitions - art. 52, al. 1er de la loi sur les faillites; avis sur les demandes d'honoraires ou de provisions des curateurs - art. 52, al. 2, première phrase de la loi sur les faillites) et exerce, pour certains actes, une tutelle d'autorisation (notamment pour la reprise ou l'abandon de ventes de meubles ou d'immeubles - art. 25, al. 3 de la loi sur les faillites; pour la vente des actifs sujets à dépérissement, à dépréciation imminente ou dont le coût de conservation est trop élevé - art. 49 de la loi sur les faillites; pour l'autorisation de conserver une certaine somme sur un compte bancaire - art. 51, al. 2 de la loi sur les faillites; pour le retrait par le curateur, moyennant paiement du prix, de certains biens mis en gage - art. 88 de la loi sur le faillites; pour la vente publique ou de gré à gré d'immeubles - art. 1193ter du Code judicaire et 100 de la loi sur les faillites). Enfin le juge-commissaire assume une importante fonction de juge-rapporteur (art. 35, al. 1er de la loi sur les faillites), sans pouvoir faire partie du siège appelé à délibérer sur les causes dans lesquelles il aurait antérieurement fait rapport (art. 35, al. 3 de la loi sur les faillites), ni siéger parmi les juges appelés à statuer sur les recours introduits contre l'une de ses ordonnances [10].

5.Même s'il oeuvre en qualité d'auxiliaire de justice, le curateur de faillite dispose d'un intérêt personnel et direct à préserver l'exercice de sa fonction. Certes, le curateur travaille sous le contrôle du tribunal de commerce, mais il n'est pas le tribunal de commerce lui-même. Il demeure un organe distinct de la faillite.

Cette position peut lui conférer une véritable prétention à demeurer curateur, liée à un droit processuel et donc sanctionnée par une action tendant à obtenir du juge une décision sur la légitimité d'une atteinte portée à sa situation ou menaçant gravement celle-ci [11].

Il présente assurément l'intérêt requis pour l'introduction d'une demande ou la présentation d'une défense en justice, défini comme tout avantage, matériel ou moral, effectif mais non théorique que le demandeur peut retirer de la demande au moment où il la forme [12]. La mise en oeuvre d'une telle prétention implique le respect des principes généraux balisant le procès, dont celui qui protège le droit de défense des parties sous toutes ses formes, y compris l'audition préalable des moyens de la partie concernée.

Il se comprend de la sorte que le législateur ait été attentif à entourer expressément le remplacement du curateur des protections fondamentales du procès.

Le juge-commissaire, quant à lui, n'est que le délégué du tribunal de commerce, dont il ne s'excepte pas. Toutes les étapes jalonnant son intervention, qu'elles soient nécessaires ou seulement éventuelles, allant de sa désignation à son remplacement, ne peuvent relever d'autre chose que de l'organisation purement interne de la juridiction qu'il représente.

Pour ce qui le concerne, l'on peut considérer que l'attribution au tribunal de commerce, par l'article 31, alinéa 1er de la loi sur les faillites, d'une compétence exclusive de remplacement se limite à transposer dans la matière particulière de la faillite, la règle contenue à l'article 90 du Code judiciaire, qui confère au président la charge de l'organisation des activités et de la répartition des affaires conformément au règlement du tribunal et l'autorise notamment à désigner un ou plusieurs vice-présidents pour l'assister.

En d'autres termes, le juge-commissaire “assume essentiellement une fonction judiciaire de contrôle de l'activité du curateur” [13] et n'endosse pas à ce titre le statut de justiciable. Il en découle que “Le juge-commissaire étant magistrat, il est soumis au régime de responsabilité des magistrats pour les actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions judiciaires. Il bénéficie donc en principe de l'immunité attachée à ses fonctions. Le cas échéant, l'État sera amené à indemniser les préjudiciés dans les limites que la Cour de cassation a tracées dans son arrêt du 19 décembre 1991” [14].

Ce qui précède n'empêche nullement que les décisions reposant sur l'article 31 de la loi sur les faillites s'analysent, non pas au sein du tribunal lui-même, mais dans l'ordre externe, pour les parties impliquées dans la faillite, comme des actes juridictionnels devant présenter toutes les caractéristiques qu'une telle qualification impose. Ainsi, par exemple, le remplacement “se fait sans formalités significatives mais toujours par un jugement qui doit être (sommairement) motivé, comme l'impose l'article 780 du Code judiciaire. Si le remplacement n'est que temporaire, une simple ordonnance du président du tribunal suffit (art. 322 C. jud. et 35, al. 2 de la loi sur les faillites)” [15].

[1] Avocat Willkie Bruxelles. Professeur à l'Université Libre de Bruxelles et à l'Université Paris II - Panthéon Assas.
[2] T'Kint et Derijcke, La faillite, Rép. not., Larcier, 2006, p. 291, n° 372.
[3] T'Kint et Derijcke, La faillite, Rép. not., Larcier, 2006, p. 291, n° 372 in fine.
[4] Voy. aussi J.L.M.B. 2008, p. 1595 .
[5] Cass. 10 décembre 1925, Pas. 1925, I, 106; concl. procureur général Leclercq avant Cass. 9 février 1933, Pas. 1933, I, 112; Coppens et T'Kint, “Examen de jurisprudence. Les faillites et les concordats”, R.C.J.B. 1974, pp. 379-380, n° 11, R.C.J.B. 1979, pp. 326-327, n° 19, R.C.J.B. 1984, pp. 457-458, n° 25.
[6] Pas. 1891, I, 10.
[7] Voy. notamment, Cass. 5 décembre 1997, Pas. 1997, I, 1355, avec les concl. de l'avocat Spreutels, J.T. 1998, p. 231 , R.C.J.B. 2000, p. 20, note Bosly, R.W. 1998-99, p. 817, note, T.R.V. 1998, p. 268, note J. Vananroye, R.D.C. 1998, p. 198; T'Kint et Derijcke, La faillite, Rép. not., Larcier, 2006, pp. 310-311, n° 421.
[8] T'Kint et Derijcke, La faillite, Rép. not., Larcier, 2006, p. 289, n° 366.
[9] Colle, “Het statuut en de prerogatieven van de rechter-commissaris in het faillissement”, in Liber Amicorum Paul De Vroede, Kluwer, 1994, p. 277.
[10] T'Kint et Derijcke, La faillite, Rép. not., Larcier, 2006, p. 325, n° 452.
[11] Voy., d'une manière générale, sur les conditions de l'action: de Leval, Éléments de procédure civile, 2ème éd., Larcier, 2005, p. 15.
[12] de Leval, Éléments de procédure civile, 2ème éd., Larcier, 2005, p. 17.
[13] Verougstraete, Manuel de la faillite et du concordat, Kluwer, 2003, p. 277, n° 416; voy. également: Zenner, Dépistages, faillites et concordats, Larcier, p. 348, n° 478.
[14] Verougstraete, Manuel de la faillite et du concordat, Kluwer, 2003, p. 280, n° 422.
[15] Verougstraete, Manuel de la faillite et du concordat, Kluwer, 2003, p. 278, n° 418.