Article

Cour de cassation, 04/09/2008, R.D.C.-T.B.H., 2009/1, p. 75-77

Cour de cassation 4 septembre 2008

INSOLVABILITÉ
Faillite - Procédure - Juge-commissaire - Remplacement
L'article 31, alinéa 1er de la loi du 8 août 1997 relative à la faillite dispose que le tribunal de commerce peut, à tout moment, remplacer le juge-commissaire par un autre de ses membres. Le tribunal, qui doit faire en sorte qu'un juge-commissaire veille sans discontinuer à la progression des opérations de la faillite et au contrôle de la gestion du curateur, peut procéder au remplacement du juge-commissaire sans être tenu d'entendre préalablement celui-ci.
Il n'y a pas d'autre fonction judiciaire ni, partant, d'incompatibilité au sens de l'article 292, alinéa 2 du Code judiciaire, lorsqu'un vice-président du tribunal de commerce, faisant fonction de président de ce tribunal, rend une ordonnance déchargeant un juge-commissaire de son mandat, puis, en la même qualité, préside la chambre qui confirme ladite ordonnance.
INSOLVENTIE
Faillissement - Rechtspleging - Rechter-commissaris - Vervanging
Artikel 31, 1ste lid van de Faillissementswet van 8 augustus 1997 bepaalt dat de rechtbank van koophandel te allen tijde de rechter-commissaris kan vervangen door een van haar andere leden. De rechtbank, die er moet voor zorgen dat een rechter-commissaris zonder onderbreking over de voortzetting van de faillissementsverrichtingen en over het toezicht over het beheer van de curator waakt, kan de rechter-commissaris vervangen zonder hem eerst te moeten verhoren.
Er is geen ander rechterlijk ambt noch, bijgevolg, onverenigbaarheid in de zin van artikel 292, 2de lid van het Gerechtelijk Wetboek, wanneer een ondervoorzitter van een rechtbank van koophandel, dienstdoende als voorzitter van die rechtbank, een beschikking wijst waardoor de opdracht van een rechter-commissaris wordt ingetrokken, en nadien, in diezelfde hoedanigheid, de kamer voorzit die die beschikking bevestigt.

X

Siég.: Cl. Parmentier (président de section), D. Batselé, S. Velu, Ph. Gosseries et M. Regout (conseillers)
M.P.: André Henkes (avocat général)
Pl.: Me Fr. T'Kint
I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'ordonnance rendue le 7 juin 2007 par la vice-présidente faisant fonction de président du tribunal de commerce de Bruxelles et contre le jugement rendu le 10 juillet 2007 par le tribunal de commerce de Bruxelles.

Le président de section Claude Parmentier a fait rapport.

L'avocat général André Henkes a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants:

Dispositions légales violées

- article 292, spécialement alinéa 2, du Code judiciaire;

- article 31 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites;

- principe général du droit relatif au respect des droits de la défense.

Décisions et motifs critiqués

L'ordonnance attaquée du 7 juin 2007, rendue par la vice-présidente du tribunal de commerce de Bruxelles faisant fonction de président, décharge le demandeur de son mandat de juge-commissaire de la faillite de …, société anonyme, par les motifs suivants:

“(Le demandeur) nous a avisé par une lettre du 9 juin 2006 d'un acte de récusation à son égard;

En suite de quoi, Nous avons - par une ordonnance du 13 juin 2006 - désigné monsieur … en qualité de juge-commissaire de la faillite de la société anonyme …, en remplacement temporaire du juge-commissaire en titre, (le demandeur), provisoirement empêché, et pour la durée de cet empêchement;

Cette situation ne pouvant être que temporaire comme il est précisé par ailleurs, il n'en est plus de même après un an alors que l'intérêt de l'administration de la faillite et des créanciers ainsi que l'importance et la complexité de celle-ci commandent une continuité dans la fonction de juge-commissaire.”

Et le jugement attaqué du 10 juillet 2007 “confirme l'ordonnance du 7 juin 2007”, citée ci-dessus, par les motifs suivants:

“Vu l'ordonnance du 13 juin 2006 désignant monsieur … en qualité de juge-commissaire de la faillite de la société anonyme … en remplacement temporaire du juge-commissaire en titre, (le demandeur) provisoirement empêché suite à un acte de récusation à son égard;

[...] que cette situation ne pouvant être que temporaire comme il est précisé par ailleurs, il n'en était plus de même après un an alors que l'intérêt de l'administration de la faillite et des créanciers ainsi que l'importance et la complexité de celle-ci commandent une continuité dans la fonction de juge-commissaire;

Qu'ainsi par ordonnance du 7 juin 2007, Nous avons confirmé le mandat de monsieur …, en qualité de juge-commissaire de la faillite de la société anonyme …, en remplacement définitif (du demandeur) dont le mandat en la susdite qualité a dès lors pris fin;

[...] qu'il y a lieu de confirmer l'ordonnance du 7 juin 2007 par le présent jugement.”

Griefs
Première branche

Le remplacement du juge-commissaire est de la seule compétence du tribunal de commerce qui a déclaré la faillite.

Il s'en déduit que l'ordonnance du 7 juin 2007 n'a pu légalement décharger le demandeur de son mandat de juge-commissaire de la faillite de …, société anonyme, et procéder à son remplacement.

Cette ordonnance est donc nulle (violation par l'ordonnance de l'article 31 de la loi du 8 août 1997).

Et le jugement du 10 juillet 1997, qui confirme cette ordonnance en s'appropriant les motifs de celle-ci, qu'il se borne à reproduire textuellement, est par voie de conséquence entaché de la même nullité.

Deuxième branche

Même si la loi ne l'impose pas expressément (contrairement à ce qu'elle prévoit pour le remplacement du curateur), le juge-commissaire ne peut être déchargé de son mandat et remplacé sans qu'il ait été entendu ou, à tout le moins, convoqué et invité à s'expliquer sur les raisons qui justifient ce remplacement.

Or il résulte tant des décisions attaquées que des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que tel n'a pas été le cas, le remplacement du demandeur ayant été décidé, d'abord par l'ordonnance attaquée ensuite par le jugement attaqué, sans qu'il ait été convoqué ou invité à s'expliquer.

L'ordonnance et le jugement sont donc nuls (violation du principe général du droit visé).

Troisième branche

Aux termes de l'article 292, alinéa 2 du Code judiciaire, “est nulle la décision rendue par un juge qui a précédemment connu de la cause dans l'exercice d'une autre fonction judiciaire”.

Et, tenant à l'organisation judiciaire, cette disposition est d'ordre public.

Or il résulte des décisions attaquées que l'ordonnance du 7 juin 2007 a été rendue par Francine De Tandt, en sa qualité de vice-présidente faisant fonction de président du tribunal de commerce de Bruxelles, et le jugement du 10 juillet 2007 par la chambre des vacations du tribunal de commerce de Bruxelles présidée par la même Francine De Tandt.

Et l'ordonnance et le jugement statuent en la même cause.

Francine De Tandt a donc connu de la cause, d'une part, dans l'exercice de la fonction présidentielle d'un tribunal visée notamment aux articles 584 et suivants du Code judiciaire, d'autre part, en qualité de président d'une chambre ordinaire du même tribunal, c'est-à-dire dans l'exercice de deux fonctions judiciaires distinctes.

Il s'ensuit que le jugement du 10 juillet 2007 est nul (violation de l'art. 292, spécialement al. 2 C. jud.).

III. La décision de la Cour
Quant à la première branche

Le jugement attaqué du 10 juillet 2007 énonce que “l'intérêt de l'administration de la faillite et des créanciers ainsi que l'importance et la complexité de celle-ci commandent une continuité dans la fonction de juge-commissaire” et décide, par confirmation de l'ordonnance attaquée du 7 juin 2007, de mettre un terme au mandat de juge-commissaire du demandeur et de remplacer celui-ci par un autre membre du tribunal.

Par ce jugement, le tribunal a, certes, confirmé l'ordonnance précitée, mais il l'a fait en se fondant sur une motivation qui lui est propre, sans adopter les motifs de cette ordonnance.

Le jugement n'est, dès lors, pas entaché de la nullité alléguée.

Il s'ensuit que le grief dirigé contre l'ordonnance du 7 juin 2007 est dénué d'intérêt.

Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Quant à la deuxième branche

L'article 31, alinéa 1er de la loi du 8 août 1997 dispose que le tribunal de commerce peut, à tout moment, remplacer le juge-commissaire par un autre de ses membres.

Le tribunal, qui doit faire en sorte qu'un juge-commissaire veille sans discontinuer à la progression des opérations de la faillite et au contrôle de la gestion du curateur, peut procéder au remplacement du juge-commissaire sans être tenu d'entendre préalablement celui-ci.

Le moyen qui, en cette branche, soutient le contraire, manque en droit.

Quant à la troisième branche

L'ordonnance du 7 juin 2007 et le jugement du 10 juillet 2007 ont été rendus par le même magistrat, vice-président du tribunal de commerce.

Il n'y a pas d'autre fonction judiciaire ni, partant, d'incompatibilité au sens de l'article 292, alinéa 2 du Code judiciaire, lorsqu'un vice-président du tribunal, appelé à statuer, a précédemment connu de la cause en la même qualité.

Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Par ces motifs,

La Cour,

Rejette le pourvoi;

Condamne le demandeur aux dépens.