Cour d'appel de Bruxelles 13 décembre 2007
R. Dumont q.q. faillite SCS Binard-Liénart et csrts / Euronext Brussels, Fonds de Protection des Dépôts et Instruments Financiers (FIF)
Siég.: H. Mackelbert, M.-F. Carlier et Y. Demanche (conseillers) |
Pl.: Mes R. Dupont et G. Kelder, J. Windey, D. Torbeyns, P. Van Ommeslaghe, S. Van Ommeslaghe |
(…)
III. | Faits et antécédents de la procédure |
1. Les faits à l'origine du litige se déroulent sous l'empire du Livre 1er, Titre V du Code de commerce, abrogé par la loi du 4 décembre 1990 relative aux opérations financières et aux marchés financiers.
Aux termes de l'article 71bis du Code de commerce, il est créé une Caisse de garantie des agents de change, dénommée ci-après “la Caisse” - à laquelle succédera le FIF - dont les statuts doivent être arrêtés par le Roi et le règlement général par le ministre des Finances. Elle a pour objet, notamment, d'assurer en tout ou en partie la bonne fin des engagements professionnels des agents de change, de surveiller leur situation financière et de vérifier leur comptabilité.
Par ailleurs, les articles 91 et 95 du même code instituent une Commission de la bourse, dénommée ci-après “la Commission” - à laquelle succédera Euronext - qui a pour mission, entre autres, de dresser le tableau des agents de change, de diriger le service de la bourse, de veiller à l'accomplissement des obligations des agents de change, entre eux et à l'égard des tiers, et d'exercer la discipline en prononçant des peines qui peuvent aller de l'avertissement à la radiation.
Les statuts de la Caisse sont établis par un arrêté royal du 19 novembre 1986, entrant en vigueur le 1er janvier 1987. L'article 3 prévoit que la situation financière des membres de la Caisse et la vérification de leur comptabilité sont effectuées selon les modalités fixées par le règlement général.
Le règlement général est adopté par un arrêté ministériel du 5 août 1988, entrant en vigueur le 30 août 1988. La surveillance de la situation financière des agents de change et l'exercice du contrôle sont confiés au directeur-gérant. Ses pouvoirs sont réglés par les articles 15 à 21 et comprennent l'obligation d'informer le président du conseil d'administration des constatations qu'il a pu faire à propos de la gestion fautive de l'un ou l'autre agent de change. Si les faits sont graves, le président doit en avertir le président de la Commission de la bourse à laquelle l'agent de change est inscrit afin de lui permettre de prendre les mesures conservatoires ou toutes les décisions adéquates, en pleine connaissance de cause.
La SCS Binard-Liénart et Cie est une société d'agents de change qui sera déclarée en faillite par jugement du tribunal de commerce de Bruxelles du 4 octobre 1990, désignant Me Dupont en qualité de curateur.
2. Alors que le règlement général de la Caisse n'est toujours pas adopté et qu'elle ne dispose donc pas encore des pouvoirs légaux lui permettant d'exercer sa mission, le président de la Caisse informe néanmoins tous les agents de change, par circulaire du 23 septembre 1987, de la désignation d'un directeur-gérant en la personne de M. Niesten. Il leur demande de lui communiquer leurs comptes annuels pour les exercices 1985 et 1986, afin de lui permettre de constituer un dossier par agent de change. Une demande semblable est formulée le 6 juin 1988 pour les comptes de l'exercice 1987. L'attention des agents de change est particulièrement attirée sur le fait qu'il y a lieu d'inscrire les droits et engagements hors bilan et sur l'utilité de stipuler dans les contrats d'ouverture de compte l'accord du client de soumettre les titres qu'il laisse en dépôt au régime de la fongibilité.
Les comptes de Binard-Liénart au 31 décembre 1987 ne font rien apparaître d'anormal.
Par courrier du 7 novembre 1988, la Caisse informe Binard-Liénart qu'elle fera procéder à un contrôle de la firme par la société de reviseurs Marcel Asselberghs & Co. Ces derniers dressent un rapport favorable et concluent que la société ne se livre pas à des opérations de nature à entamer sa liquidité ou à mettre en péril l'exercice normal de son activité.
Les comptes de Binard-Liénart au 31 décembre 1988, transmis à la Caisse le 9 juin 1989, sont en progression positive par rapport aux comptes de l'exercice précédent.
3. Binard-Liénart tarde à communiquer ses comptes définitifs arrêtés au 31 décembre 1989.
Par courrier du 13 juin 1990, la Caisse lui demande de lui faire connaître pour le 20 juin 1990 au plus tard les causes de ce retard, les mesures qu'elle compte prendre pour éviter que de tels problèmes se répètent à l'avenir et le délai nécessaire à l'établissement des comptes définitifs.
Les comptes sont transmis le 2 juillet 1990 et s'établissent comme suit, en FB:
Capital | 25.000.000 |
Fonds propres | 24.671.390 |
Chiffre d'affaires | 141.911.653 |
Bénéfice | (760.669) |
Portefeuille de valeurs mobilières | 519.197.362 |
Engagements financiers | 865.948.524 |
Fonds de roulement | Positif |
Pour la première fois, Binard-Liénart enregistre une légère perte et voit ses engagements financiers augmenter sensiblement.
4. Le 13 juillet 1990, la Caisse est mise en possession d'une liste rédigée par M. Liénart, reprenant les titres appartenant à ses clients et remis en gage par lui aux banques, en garantie des crédits alloués à Binard-Liénart.
Le 19 juillet 1990, le président de la Caisse adresse au président de la Commission une note relative à la situation de Binard-Liénart, de laquelle on peut extraire les passages suivants:
- il a été constaté que la structure financière de la firme s'était considérablement alourdie avec notamment un important accroissement de ses positions financées par emprunt bancaire, les fonds propres restant à 25 Mio;
- considérant d'une part l'évolution inquiétante de la structure financière et d'autre part que la firme avait fait appel à un reviseur d'entreprise afin de procéder au redressement de ses comptes, il fut décidé de procéder à un contrôle limité à certains aspects particuliers de cette société;
- les positions de la firme s'élèvent au 30 juin 1990 à 666 Mio;
- le recours au financement bancaire s'élève à cette même date à 820 Mio;
- les crédits bancaires étaient garantis dans une très large proportion par des titres de clients (420 Mio) sans accord écrit de leur part;
- M. Liénart s'est engagé [au cours d'un entretien du 19 juillet 1990]:
* à porter son compte personnel dans la société à 11 Mio;
* à faire une augmentation de capital de 40 Mio;
* à apurer le compte client débiteur de son épouse;
* à réaliser une partie significative des positions dans un délai de 2 mois maximum;
* à prendre les mesures nécessaires;
* à régulariser les garanties déposées au profit des établissements de crédit;
* à se porter personnellement garant envers la société pour un montant de 50 Mio, cet engagement devant être appuyé par la mise en gage des titres de la société SAPEF détenus par M. Liénart.
Le président de la Commission ne prend connaissance de ce courrier, qui lui avait été adressé à titre personnel et confidentiel, qu'à son retour de vacances, le 13 août 1990. Il convoque M. Liénart qu'il rencontre le 14 août 1990 pour appuyer de son autorité morale les mesures décidées le 19 juillet de concert avec la Caisse. Un nouvel entretien est prévu le 31 août 1990.
Dans le courant du mois d'août 1990, la Caisse procède à un second contrôle afin de vérifier si Binard-Liénart a respecté ses engagements.
Le 30 août 1990, son président adresse au président de la Commission une note relative à Binard-Liénart aux termes de laquelle il apparaît que:
- les positions propres de la firme n'ont pas été liquidées;
- au contraire, de nouvelles positions ont encore été prises;
- les pertes sur positions sont évaluées à un minimum de 100 millions de francs belges;
- le compte courant de M. Liénart n'est créditeur que de 7,9 millions au lieu des 11 millions promis;
- le compte courant de son épouse, qui était débiteur de 61 millions au 30 juin 1990 est encore débiteur de 48 millions;
- l'augmentation de capital de 40 millions n'a pas été faite;
- les titres des clients sont toujours en nantissement au profit des banques;
- la firme a des capitaux propres négatifs.
M. Liénart est convoqué à la Caisse le 6 septembre 1990 afin d'examiner la situation de la société. Outre un suivi périodique des comptes par les reviseurs Hermant-Dodémont, M. Liénart promet une augmentation de capital de 50 millions de francs belges.
Le président de la Commission, agissant comme autorité disciplinaire, rencontre M. Liénart le 12 septembre 1990 afin de contrôler les mesures imposées par la Caisse.
Le 25 septembre 1990, la Caisse confie aux reviseurs Marcel Asselberghs & Co une mission d'audit complet de Binard-Liénart.
Au début du mois d'octobre, la Commission provoque une réunion entre M. Liénart et les banques afin de tenter de trouver une solution permettant d'éviter la défaillance de la société d'agents de change. Comme les banques refusent d'aider Binard-Liénart, cette dernière n'a d'autre issue que de déposer son bilan.
Par jugement du 4 octobre 1990, le tribunal de commerce de Bruxelles prononce la faillite de Binard-Liénart. La période de cessation des paiements sera reportée au 4 avril 1990 par jugement du tribunal de commerce de Bruxelles du 21 mars 1991.
5. Cinq banques, à savoir la Sogenal, la BBL, la Générale de Banque, la CC Banque et le Crédit du Nord produisent à la faillite pour un montant total de 847.634.857 FB. Elles revendiquent toutes le bénéfice d'un privilège, constitué par un gage de valeurs mobilières qui leur a été consenti par Binard-Liénart.
Dans le cadre de la procédure de vérification des créances des banques, le curateur conteste le caractère privilégié des créances introduites, considérant que le gage est nul dans la mesure où, selon lui, les banques ne pouvaient ignorer que les titres qui leur avaient été remis n'appartenaient pas à Binard-Liénart mais à ses clients. Il introduit une demande reconventionnelle tendant à la restitution des valeurs mobilières détenues par les banques ou à la condamnation de celles-ci à lui payer, q.q., la contre-valeur de celles-ci. Le curateur met également en cause la responsabilité des banques en leur qualité de dispensateur de crédits.
Les consorts Ancarani interviennent volontairement à la cause, par requête. Ils soutiennent qu'ils sont les propriétaires d'une partie des titres qui ont été mis en gage par Binard-Liénart au profit des banques.
6. Par exploit du 15 mai 1995, le curateur fait citer devant le tribunal de commerce de Bruxelles la Société de la Bourse de valeurs mobilières de Bruxelles (devenue Euronext) et la Caisse d'intervention des sociétés de bourse (devenue le FIF) pour:
après avoir joint les débats sur les litiges introduits par la présente citation comme connexes aux débats des créances introduites dans le cadre de la faillite de la SCS Binard-Liénart et Cie par la BBL (créance n° 307), la Générale de Banque (créance n° 480), la CC Banque (créance n° 602), la Sogenal (créance n° 303) et le Crédit du Nord belge (RG. 815/94F) condamner in solidum la BBL, la Générale de Banque, la CC Banque, la Sogenal et le Crédit du Nord belge à [lui] payer la somme provisionnelle de 100 millions de FB sous réserve de diminution ou d'augmentation en cours d'instance, étant l'augmentation du passif de la SCS Binard-Liénart et Cie entre le 30 juin 1990 et le 4 octobre 1990.
Par conclusions déposées le 21 mai 1996, les consorts Ancarani déclarent étendre leur intervention volontaire dans la cause opposant le curateur aux organismes de contrôle.
Par le jugement attaqué, le tribunal de commerce:
- rejette une exception de nullité de la citation invoquée par les parties défenderesses;
- dit n'y avoir lieu de joindre pour connexité cette cause avec celles opposant le curateur aux banques;
- dit l'intervention volontaire des consorts Ancarani nulle à défaut d'avoir été formée par requête;
- déboute le curateur de ses demandes.
7. Le curateur et les consorts Ancarani interjettent appel de cette décision.
Le curateur étend sa demande formulée en première instance et fonde celle-ci sur des faits qui se sont déroulés dans le courant des années 1989 et 1990. Aux termes de ses dernières conclusions, il demande à la cour de:
- dire pour droit que les actions intentées par lui contre Euronext et le FIF, d'une part, et les sociétés Fortis Banque, ING, Société générale (ex Sogenal), Cabel (ex CC Banque) et Crédit du Nord, d'autre part, sont connexes;
- condamner solidairement, in solidum ou l'un à défaut de l'autre, Euronext et le FIF à lui payer, q.q. la contre-valeur du passif de la faillite - hors les créances reconnues aux banques - non couvert par le produit de réalisation net des actifs de la faillite;
- condamner de ce chef Euronext et le FIF à lui payer q.q. 1 EUR à titre provisionnel sur un montant évalué à 248.000 EUR;
- à titre subsidiaire, condamner solidairement, in solidum ou l'un à défaut de l'autre, Euronext, le FIF, Fortis Banque, ING, la Société Générale, Cabel et le Crédit du Nord à lui payer q.q. 1 EUR à titre provisionnel sur un dommage évalué à 1.240.000 EUR, sous réserve d'augmentation ou de diminution en cours d'instance, étant l'augmentation du passif net de la société faillie depuis le 30 juin 1990 jusqu'au 4 octobre 1990;
- avant de statuer plus avant, désigner en qualité d'expert M. Rossi, reviseur d'entreprises, avec pour mission de déterminer le montant de l'augmentation du passif net de la société faillie depuis le 30 juin 1990 jusqu'au 4 octobre 1990.
Les consorts Ancarani demandent à la cour de dire leur intervention volontaire recevable, tant en première instance qu'en appel, et de faire droit au dispositif des conclusions prises par le curateur.
Le FIF introduit un appel incident en ce que le premier juge a rejeté sa demande en nullité de la citation introductive d'instance.
8. Le 18 mai 2005, le curateur transige avec trois banques qui avaient été condamnées en première instance, à savoir la SA Cabel (anciennement CC Banque Belgique), la SA Fortis Banque (anciennement Générale de Banque) et la Société Générale.
Ces transactions prévoient toutes que les banques conservent pour elles 60% de la valeur des titres gagés à leur profit, tandis que 40% de cette valeur sont versés à la curatelle; ce paiement est fait pour solde de tous comptes, de sorte que la curatelle renonce notamment à son action en responsabilité dirigée contre ces banques.
Le curateur a ainsi encaissé une somme excédant 4.895.130,68 EUR, certains titres devant encore être réalisés.
IV. | Discussion |
1. | Sur la validité de la citation |
9. Se fondant sur l'article 702, 3° du Code judiciaire, le FIF considère que la citation est entachée de nullité dans la mesure où le curateur n'aurait pas précisé la cause de son action à l'égard de la Caisse ni décrit les moyens sur lesquels il appuyait sa demande.
10. Dans son exploit introductif d'instance, le curateur affirme qu'il résulterait des éléments du dossier d'instruction pénale que la Caisse et la Commission savaient, au moins depuis juillet 1990, qu'environ 40% des titres remis en gage aux banquiers appartenaient à des clients de l'agent de change, alors qu'elles avaient pour mission, l'une (la Commission), de veiller à l'accomplissement des obligations des agents de change entre eux et à l'égard des tiers, et l'autre (la Caisse), d'assurer en tout ou en partie la bonne fin des engagements professionnels des agents de change, de surveiller leur situation financière et de vérifier leurs comptes.
Il rappelle que toute autorité constituée a l'obligation d'aviser le procureur du Roi lorsqu'elle prend connaissance d'une infraction, ce dont s'est abstenue la Caisse.
Il en déduit qu'elles ont commis une faute quasi délictuelle dans l'accomplissement de leur mission légale dont les conséquences directes sont l'aggravation du passif depuis au moins le 30 juin 1990 jusqu'à la date de la faillite.
Le curateur a ainsi décrit les faits sur lesquels il fonde sa demande et l'étendue du dommage dont il réclame réparation en relation causale avec ces faits, solidairement ou in solidum avec les banques.
C'est donc à bon droit que le premier juge a rejeté l'exception d'obscuri libelli.
L'appel incident n'est pas fondé.
2. | Sur la recevabilité de l'intervention des consorts Ancarani |
11. Alors que les causes opposant le curateur aux banques, dans l'une desquelles ils étaient intervenus, n'avaient pas été jointes ni entre elles ni avec la présente cause, les consorts Ancarani ont étendu, par conclusions, leur intervention volontaire à la cause opposant le curateur aux autorités de contrôle.
Or, aux termes de l'article 813 du Code judiciaire l'intervention volontaire doit être formée par requête.
Les consorts Ancarani n'ont jamais été parties à la cause inscrite au rôle général du tribunal de commerce sous le numéro 95/00839F opposant le curateur aux autorités de contrôle. Ils ne pouvaient, dès lors, intervenir dans celle-ci par voie de simples conclusions.
En effet, une intervention volontaire est une demande incidente. Elle doit être introduite au moyen d'un acte de procédure approprié, soit en l'espèce une requête.
Se tromper d'acte de procédure, ce qui est en soi plus grave que commettre une omission ou une irrégularité de forme dans un acte de procédure déterminé, revient à la violation d'une condition de fond qui doit être sanctionnée (G. Closset-Marchal, “Exception de nullité, fin de non-recevoir et violation des règles touchant à l'organisation judiciaire”, R.G.D.C. 2000, p. 366).
Les articles 860 et suivants du Code judiciaire ne s'appliquent qu'aux seules irrégularités de forme des actes de procédure, mais lorsque l'acte de procédure est bien celui qu'il fallait accomplir (G. Closset-Marchal, “Exception de nullité, fin de non-recevoir et violation des règles touchant à l'organisation judiciaire”, R.C.J.B. 1995, p. 659, n° 29), ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Or, le mode d'introduction d'une demande constitue une règle de procédure touchant à l'organisation judiciaire. C'est pourquoi les articles 860 et 861 du Code judiciaire ne sont pas applicables en cas de violation d'une disposition qui détermine l'acte de procédure qu'il faut accomplir pour introduire une demande (cf. Cass. 27 mai 1994, Pas. 1994, I, 519, pour ce qui concerne l'art. 700 du Code judiciaire relatif à la citation).
12. Certes, les conclusions, par lesquelles les consorts Ancarani ont déclaré intervenir dans la présente cause, ont été déposées après que le tribunal a fixé, par une seule ordonnance du 28 décembre 1995, les délais pour conclure dans les six affaires pendantes devant lui [les cinq affaires contre les banques et l'affaire contre les autorités de contrôle].
Cet acte de procédure ne peut être interprété comme une décision implicite du tribunal de joindre les causes.
Au demeurant, aucun délai pour conclure n'a été accordé aux consorts Ancarani, lesquels ne sont repris comme parties à la cause que dans les affaires inscrites au rôle général sous le numéro 815/94F - 900615(W4/198) déb. 307-480-602-303, c'est-à-dire les causes opposant le curateur aux banques.
Qui plus est, dans une ordonnance subséquente du 12 juin 1996, rendue dans le cadre de l'article 748 du Code judiciaire, le tribunal a précisé qu'il n'entendait pas préjuger sur une quelconque connexité même “s'il exprimait le souhait que toutes les affaires soient plaidées à la même audience”.
13. Par ailleurs, l'appel régulièrement introduit n'a pas, en soi, pour effet de couvrir les nullités dont l'acte introductif d'instance est entaché (Cass. 27 mai 1994, o.c.).
Les consorts Ancarani ne peuvent donc soutenir qu'il n'y aurait plus d'intérêt pour la cour de statuer sur la recevabilité de l'intervention volontaire devant le premier juge.
Il s'en déduit que c'est donc à bon droit que le premier juge a déclaré nulle l'intervention pour n'avoir pas été formée par requête.
14. Enfin, c'est à tort que les consorts Ancarani soutiennent qu'ils seraient en droit d'intervenir en tout état de cause en appel, leur requête d'appel devant être considérée comme une requête en intervention pour le cas où la cour confirmerait le jugement attaqué.
Si l'appel des consorts Ancarani est incontestablement recevable, puisqu'ils ont intérêt à voir réformer le jugement attaqué, leur intervention volontaire en appel n'est pas recevable par la violation du principe qui veut qu'un acte est nécessaire pour introduire chaque demande distincte et non connexe à une autre (G. Closset-Marchal, o.c., R.C.J.B. 1995, p. 657, n° 26).
Or, en l'espèce, les consorts Ancarani ont introduit, par un seul et même acte, un appel et une intervention volontaire, ce qui ne se peut.
3. | Sur la demande de jonction pour connexité |
15. Le curateur demande que la présente cause soit jointe à celles inscrites au rôle général sous les numéros 1997/AR/2424, 1997/AR/2425 et 1997/AR/2493, dans lesquelles il est opposé aux banques ING et Crédit du Nord, à propos de la validité d'un gage de valeurs mobilières et où il met en cause la responsabilité de ces banques comme dispensateurs de crédit.
Il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande.
Ces actions se fondent sur des faits différents. Les fautes qui sont imputées aux banques et aux autorités de contrôle sont également différentes.
Il n'existe aucun risque que les décisions à intervenir puissent être inconciliables entre elles.
C'est dès lors à bon droit que le premier juge a refusé de faire droit à la demande de jonction.
4. | Sur la recevabilité de la demande nouvelle du curateur |
16. Dans son exploit introductif d'instance, le curateur faisait grief aux autorités de contrôle d'avoir méconnu l'article 29 du Code d'instruction criminelle, en ne dénonçant pas au procureur du Roi l'existence d'une infraction pénale, dont elles avaient connaissance, au moins depuis le 30 juin 1990, à savoir le fait que Binard-Liénart avait mis en gage, au profit des banques, les titres de ses clients, sans obtenir leur accord, ce qui constitue une infraction pénale en vertu de l'article 112 ancien du 1er Livre, Titre V, Chapitre III du Code commerce.
Le dommage dont il postulait la réparation était limité à l'augmentation du passif de la société faillie depuis le 30 juin 1990 jusqu'au 4 octobre 1990.
En appel, cette demande est traitée à titre subsidiaire. En effet, à titre principal, le curateur demande qu'Euronext et le FIF soient condamnés, in solidum, à prendre en charge la totalité de l'insuffisance d'actifs, hors les créances des banques, sur la base tant de faits antérieurs au 30 juin 1990 que de faits postérieurs à cette date.
Outre les griefs formulés devant le premier juge, il est reproché à la Caisse, devant la cour:
- de n'avoir exercé aucun contrôle jusqu'au 5 août 1988;
- de ne pas avoir mis en place un système de contrôle afin de vérifier qu'un agent de change ne donne pas en gage à ses banquiers des titres appartenant à ses clients, ce qu'elle pouvait faire aisément en comparant la valeur du portefeuille propre de l'agent de change avec la totalité de ses crédits bancaires dont le montant est communiqué par la Centrale des risques;
- de ne pas avoir réagi immédiatement lorsqu'elle n'a pas reçu les comptes annuels de l'exercice 1989 qui devaient lui être communiqués le 20 mars 1990 au plus tard.
Quant à la Commission, le curateur met en cause son inertie, tant avant qu'après avoir été informée par la Caisse de la situation financière de Binard-Liénart et de s'être contentée des engagements souscrits par M. Liénart.
17. La demande principale introduite par le curateur devant la cour est une demande nouvelle, telle qu'elle est visée à l'article 807 du Code judiciaire et pas une demande additionnelle dont il est question à l'article 808 du même code.
En effet, l'extension de la demande visée par l'article 808 du Code judiciaire ne concerne que le prolongement immédiat de la demande originaire qui supplée celle-ci ou qui la fait évoluer en fonction de faits qui se sont produits depuis l'introduction de la demande originaire (Cass. 20 mai 1999, Pas., I, 296). Ce n'est pas le cas en l'espèce puisque le curateur modifie l'objet de sa demande en sollicitant la réparation d'un préjudice autre que celui dont il était fait état dans sa citation originaire, préjudice fondé sur d'autres faits.
Si l'article 807 du Code judiciaire n'exige pas que la demande étendue ou modifiée se fonde exclusivement sur un fait ou un acte invoqué dans l'acte introductif d'instance, il ne permet en revanche pas d'admettre une demande nouvelle qui ne se fonde pas sur un pareil fait ou pareil acte (Cass. 6 juin 2005, n° C.020351.F). Même en degré d'appel, la seule condition de l'article 807 du Code judiciaire est que l'extension ou la modification de la demande soit fondée sur un fait ou un acte invoqué dans la citation (Cass. 29 novembre 2002, C.000729.N).
Or, en l'espèce, il n'est pas fait état dans l'exploit introductif d'instance des manquements qui sont imputés, à titre principal, à la Caisse et à la Commission, en degré d'appel.
La demande nouvelle du curateur, qui s'appuie sur des faits qui ne sont pas invoqués en citation, est dès lors irrecevable.
5. | Sur les fautes imputées aux autorités de contrôle |
a. Sur l'absence de dénonciation |
18. Il résulte de l'exposé des faits que, dès le 13 juillet 1990, la Caisse était au courant que Binard-Liénart avait déposé auprès des banques les titres de ses clients, sans leur accord préalable. Quant à la Commission, elle n'en a été informée que le 13 août 1990, au retour de congé de son président.
Il n'est pas contesté que ni la Caisse ni la Commission n'ont averti le procureur du Roi de l'existence de l'infraction ainsi commise par M. Liénart.
Le curateur estime que si ces autorités l'avaient fait, une information aurait été immédiatement ouverte par le parquet et le tribunal de commerce aurait prononcé la faillite de Binard-Liénart bien avant le 4 octobre 1990, limitant ainsi considérablement l'accroissement des pertes de cette société au cours des dernières semaines de son existence.
19. La surveillance de la situation financière des agents de change est confiée au directeur-gérant de la Caisse qui est tenu par le secret professionnel (cf. art. 23 des statuts). Lorsqu'il constate que la gestion d'un membre est imprudente et dangereuse ou que les risques courus par un membre ne sont pas soutenus par des moyens financiers propres suffisants, il doit en informer le président de la Caisse (cf. art. 21 du règlement). Si l'intervention des commissions de bourse est nécessaire en raison de la gravité, le président en avertit les présidents des commissions de bourse auxquelles le membre est inscrit.
L'article 29 du Code d'instruction criminelle, qui dispose que toute autorité constituée qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquerra la connaissance d'un crime ou d'un délit, sera tenue d'en donner avis sur-le-champ au procureur du Roi et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs, ne s'impose pas, in se, aux personnes liées par le secret professionnel. En effet, la dénonciation n'aura d'autre effet que de contraindre le Ministère public à partager un secret dont il ne pourrait en aucun cas faire état dans des poursuites pénales (Cass. 29 mai 1986, J.T. 1986, p. 331).
Pour ces personnes, la dénonciation demeure une faculté, en ce sens que, lorsqu'elles sont confrontées au dilemme entre l'obligation de se taire et l'obligation de parler (que ce soit de déposer en qualité de témoin ou de dénoncer comme autorité constituée), il ne pourra jamais leur être fait le reproche d'avoir violé l'une ou l'autre de leurs obligations. En effet, les dépositaires, par état ou par profession, des secrets qui leur ont été confiés au titre de leur état ou profession peuvent, comme témoins, et sans commettre de délit, en faire la révélation pour éclairer la justice, mais ils n'y sont point tenus s'ils se croient en conscience, obligés à garder ces secrets (Cass. 22 mars 1926, Pas. 1926, I, 310).
Il convient en outre de rappeler que la violation de l'article 29 du Code d'instruction criminelle n'est assortie d'aucune sanction et qu'aucun délai de rigueur n'est imposé à l'autorité constituée (Cass. 23 décembre 1998, n° A.94.0001.F).
20. Sans commettre de faute, le directeur-gérant et le président de la Caisse ont pu légitimement considérer qu'il était impérieux de sauvegarder l'anonymat des clients de Binard-Liénart, dont l'identité était reprise sur la liste que M. Liénart avait dressée le 13 juillet 1990, et de ne pas transmettre celle-ci au procureur du Roi, dès lors que les informations dont ils disposaient à l'époque pouvaient leur permettre de croire que la situation financière de Binard-Liénart était susceptible de se redresser.
De plus, il convenait de ne pas agir à la légère ou dans la précipitation, dans la mesure où une dénonciation risquait d'alerter le marché et provoquer une chute brutale des cours des valeurs mobilières dont Binard-Liénart était le teneur de marché.
Par ailleurs, il y a lieu de rappeler qu'en vertu des dispositions réglementaires, la Caisse ne joue qu'un rôle de dépistage et que sa seule obligation consiste à avertir la Commission lorsqu'elle constate qu'un agent de change a commis des fautes graves, ce qu'elle a fait immédiatement. La Caisse a donc pu légitimement considérer qu'elle était dispensée de l'obligation de dénonciation contenue à l'article 29 du Code d'instruction criminelle.
21. Quant à la Commission et son président, agissant en qualité d'autorité disciplinaire, ils sont également soumis au secret professionnel.
En effet, toute personne qui se voit confrontée à une procédure disciplinaire est tenue envers les autorités à des devoirs de sincérité et de loyauté consacrés par la déontologie de sa profession. Elle doit donc répondre aux questions qui lui sont posées et ne peut exciper du droit de se taire. Les autorités auxquelles il incombe d'intervenir disciplinairement en cas d'abus sont garantes du secret professionnel en même temps de tenues à pareil secret (Cass. 3 juin 1976, Pas. 1976, I, 1070).
Il s'en déduit que le président de la Commission pouvait considérer qu'il était tenu par le secret professionnel en ce qui concerne l'aveu fait par M. Liénart d'avoir contrevenu à l'article 112 ancien du 1er Livre, Titre V, Chapitre III du Code commerce et qu'il n'était pas tenu de le dénoncer au procureur du Roi pour les mêmes raisons que celles invoquées par la Caisse.
Par ailleurs, il y a lieu d'observer que dans les quelques mois qui ont suivi la faillite de Binard-Liénart, le législateur, lors de l'élaboration de la réforme du 4 décembre 1990 relative aux opérations financières et aux marchés financiers, a soumis en son article 13 la Commission de la bourse et ses membres à l'obligation de ne se livrer à aucune divulgation de faits dont ils ont eu connaissance en raison de leurs fonctions et édicté, en son article 77 que toute violation de cette obligation est punie des peines prévues à l'article 458 du Code pénal. Cette modification législative, qui ne constituait que la mise en oeuvre de principes généraux préalablement applicables, bien que postérieure aux faits de la cause, vient ainsi renforcer la preuve de l'existence d'un secret professionnel dans le chef du président de la Caisse.
22. Il se déduit de ce qui précède que le grief du curateur qui s'appuie sur l'article 29 du Code d'instruction criminelle n'est pas fondé.
b. Sur le reproche d'inertie |
23. Outre l'absence de dénonciation de l'infraction au procureur du Roi, le curateur reproche aussi à la Caisse et à la Commission de ne pas avoir pris de dispositions coercitives à l'encontre de Binard-Liénart lorsqu'elles ont appris que des titres de clients avaient été donnés en gage aux banques.
(1) À l'égard de la Caisse |
24. Ce n'est que le 13 juillet 1990 que la Caisse fut mise en possession d'une liste, rédigée par M. Liénart, reprenant les titres des clients, remis en gage par lui aux banques.
Il ne se déduit d'aucune pièce à laquelle la cour peut avoir égard que la Caisse en avait connaissance avant cette date.
C'est à tort que le curateur soutient qu'une telle déduction devait découler du rapport des reviseurs Marcel Asselberghs & Co, transmis à la Caisse le 3 janvier 1989.
Avant tout, il y a lieu de rappeler que ce fait n'est pas repris dans la citation introductive d'instance et qu'il ne peut donc fonder la demande du curateur.
En toute hypothèse, il convient de constater qu'à la page 9 de leur rapport, les reviseurs ont précisé, au contraire, que les transferts de titres et leur conservation [étaient] contrôlés de manière adéquate. Le seul fait d'avoir observé que tous les clients n'avaient pas signé la clause de fongibilité est sans incidence, puisque par celle-ci les clients acceptent en réalité qu'il leur soit remis d'autres titres de même nature que ceux qu'ils ont spécifiquement déposés. La perpétration de l'infraction reprochée à M. Liénart n'est évidemment pas favorisée parce que des clients pourraient exiger qu'on leur remette “leurs” titres in specie, bien au contraire.
Quant aux engagements hors bilan, il est prévu de comptabiliser les entrées et les sorties des titres conservés en dépôt sur une base globale vu la lourdeur administrative et les coûts supplémentaires excessifs qu'engendrerait un suivi individuel, ce qu'ont accepté les reviseurs. Ils suggèrent par ailleurs de reprendre dans un compte d'ordre les titres de Binard-Liénart, déposés auprès des banquiers en garantie des lignes de crédit obtenues, ce qui permet de supposer qu'ils n'ont pas décelé l'existence d'une irrégularité à ce sujet, à défaut de quoi ils n'auraient pas manqué de la mentionner.
Par ailleurs, la Caisse n'avait pas accès aux renseignements communiqués par la Centrale des risques et n'avait aucune raison de s'inquiéter de la hauteur des engagements bancaires de Binard-Liénart. La même observation peut être faite en ce qui concerne la Commission.
25. N'obtenant pas les comptes annuels de 1989 pour le 20 juin 1990 comme promis, la Caisse a rencontré le comptable de la firme, M. Gobert, pour comprendre les causes du retard. Ayant appris que celui-ci serait dû à l'inadéquation d'un programme informatique et que la société de reviseurs Hermant & Dodémont avait été mandatée pour procéder au redressement des comptes et leur certification, la Caisse a décidé d'attendre le rapport de ces reviseurs. Il ne peut lui en être fait grief dans la mesure où aucun fait alarmant n'avait été porté à sa connaissance.
Les comptes transmis le 2 juillet 1990 ne font apparaître qu'une très légère perte.
Avant l'aveu de M. Liénart, la Caisse ne disposait donc d'aucun élément pour supposer que des titres de clients avaient été déposés en gage auprès des banques.
Une fois informée, la Caisse a agi avec diligence puisque, dès le 19 juillet 1990, elle a saisi le président de la Commission des constatations qu'elle avait faites.
Eu égard aux missions différentes qui incombent à la Caisse et à la Commission, il n'appartenait pas à la Caisse de prendre une quelconque sanction à l'égard de Binard-Liénart.
Alors qu'elle aurait pu croire qu'elle était déchargée de toute obligation, la Caisse a néanmoins poursuivi sa mission de surveillance et a veillé à vérifier que Binard-Liénart exécute bien les engagements souscrits lors de l'entretien du 19 juillet 1990. Au vu des informations dont elle disposait à l'époque, et dans l'ignorance des nombreuses malversations, qui n'ont été décelées que plusieurs années plus tard, à l'occasion des poursuites pénales et de l'expertise confiée à M. Rossi, la Caisse a pu considérer, sans commettre de faute, que ces engagements étaient suffisants pour redresser la situation financière de Binard-Liénart.
La Caisse a procédé à un contrôle sur place, le 29 août 1990, et, dès qu'elle a constaté que les engagements souscrits par M. Liénart n'avaient pas été entièrement exécutés, elle n'a pas manqué d'adresser à la Commission un rapport complémentaire, à convoquer M. Liénart et à confier aux reviseurs Marcel Asselberghs & Co une mission d'audit complet.
Toutes ces initiatives démontrent qu'elle a agi avec diligence et que le reproche d'inertie formulé par le curateur n'est pas fondé. Celles-ci ont en outre permis de diminuer sensiblement l'endettement bancaire de Binard-Liénart puisque celui-ci était de 1.071.547 KBEF au 30 juin 1990 et n'était plus que de 877.909 KBEF au 30 septembre 1990.
(2) À l'égard de la Commission |
26. Eu égard aux compétences respectives de la Caisse et de la Commission, il n'était pas possible pour la Commission d'imposer la moindre obligation contraignante à l'égard des agents de change. Elle ne disposait d'ailleurs d'aucun moyen d'investigation et devait se satisfaire des informations qui lui étaient transmises par la Caisse. Ses pouvoirs se limitaient à prendre des mesures conservatoires ou à prononcer des peines disciplinaires.
Il est constant que la Commission n'a pris, à l'encontre de Binard-Liénart, aucune mesure dès qu'elle a été informée, le 13 août 1990, de l'existence d'infractions graves.
Si, comme le soutient le curateur, il incombait à la Commission de suspendre immédiatement Binard-Liénart - ou même de prononcer sa radiation - une telle sanction majeure ne pouvait être ordonnée qu'après la constitution d'un dossier complet faisant apparaître les malversations et l'audition préalable de M. Liénart.
La faute reprochée à la Commission doit s'apprécier en tenant compte uniquement des faits connus d'elle à l'époque. Or, au cours de l'été 1990, rien ne laissait supposer que le déficit de Binard-Liénart allait être aussi important que celui qui a été mis à jour par l'expert Rossi, après plusieurs années d'expertise, et que les cours de la Bourse chuteraient sensiblement au mois d'août.
27. M. Liénart avait pris des engagements de redressement qui avaient été jugés satisfaisants par la Caisse. Celle-ci avait par ailleurs décidé de poursuivre ses investigations et vérifier si les mesures proposées étaient susceptibles d'entraîner une amélioration de la situation financière de Binard-Liénart.
Dans ces conditions, il ne peut être reproché à la Commission d'avoir considéré que les mesures décidées par la Caisse étaient suffisantes et de nature à sauvegarder les intérêts des tiers. À cet égard, il convient de rappeler que M. Liénart s'était, notamment, engagé à procéder à une augmentation de capital de 40.000.000 FB, à liquider le compte courant débiteur de son épouse de 61.000.000 FB et à porter le sien à un solde créditeur de 11.000.000 FB, ce qui représentait un apport d'argent frais de près de 110.000.000 FB.
Sans commettre de faute, la Commission a pu décider qu'il ne convenait pas de prendre immédiatement une mesure aussi brutale qu'une suspension - même conservatoire - entraînant la faillite immédiate de l'officine et, qu'il était préférable, dans l'intérêt même des clients dont les titres étaient bloqués, de permettre un désengagement progressif des positions prises par Binard-Liénart, un remboursement de ses crédits bancaires et une diminution du volume des titres mis en gage, ce que tout le monde espérait pouvoir faire. Ainsi que cela a été rappelé au point 25, cette position prudente a permis de réduire de quelques 193.000.000 FB les engagements financiers de Binard-Liénart pendant cette période.
Lorsqu'elle a pris connaissance du second rapport de la Caisse, la Commission a encore provoqué une réunion avec les banques afin d'envisager avec elles une solution de sauvetage, mais en vain, le marché s'étant détérioré suite à la guerre du Golfe. Elle a néanmoins exigé et obtenu de Binard-Liénart qu'elle dépose immédiatement son bilan.
Il n'est enfin nullement établi que cette position attentiste aurait causé un dommage à la masse sous la forme d'une augmentation du passif, le curateur reconnaissant qu'il lui est impossible de l'établir puisqu'il sollicite la désignation de l'expert Rossi pour ce faire.
Il résulte de ce qui précède que la demande du curateur n'est pas fondée.
c. Sur l'effet de la transaction |
28. Dès lors qu'aucune faute n'a été retenue à l'égard des autorités de contrôle, il est sans utilité de statuer sur les effets de la transaction conclue par le curateur avec trois des cinq banques de Binard-Liénart.
V. | Dispositif |
Pour ces motifs, la cour,
1. Dit l'appel principal non fondé et en déboute le curateur et les consorts Ancarani.
2. Dit l'intervention volontaire des consorts Ancarani formée en degré d'appel irrecevable.
3. Dit l'appel incident non fondé et en déboute le FIF.
(…)