Article

Observations, R.D.C.-T.B.H., 2009/1, p. 39-42

SÛRETÉS
Sûretés personnelles - Garantie bancaire à première demande - Mandat (non) - Gage sur billets à ordre - Article 3 de la loi du 5 mai 1872 - Imputation - Transfert de propriété du produit (non) - Obligation de payer des intérêts - Anatocisme - Prescription quinquennale (non)
Les liquidateurs forment, à défaut de stipulation contraire, un collège, seul apte à engager la société à l'égard des tiers. L'organe compétent pour agir en justice peut toutefois ratifier l'acte accompli pour autant que la ratification intervienne en temps utile.
Le banquier qui émet une garantie bancaire à première demande n'agit pas comme mandataire du donneur d'ordre mais comme délégué. L'obligation du donneur d'ordre de couvrir le banquier naît dès l'engagement pris par ce dernier à l'égard du bénéficiaire de la garantie. Cette obligation peut être garantie par une sûreté.
Lorsqu'un gage porte sur des billets à ordre et qu'à l'échéance de ceux-ci, le créancier gagiste en perçoit le produit et le place sur un compte à son nom, il ne fait que mettre en oeuvre l'article 3 de la loi du 5 mai 1872 sur le gage commercial. Si la créance garantie n'est pas exigible au moment de la perception des valeurs engagées, le créancier gagiste ne peut procéder à l'imputation mais conserve les sommes et les imputera lorsque la créance garantie sera devenue exigible. De la circonstance que les fonds ont été placés sur un compte interne au nom de la banque, créancier gagiste, il ne peut se déduire un transfert de propriété de ces fonds à son profit.
Si le détenteur d'une somme d'argent au titre de gage n'est en principe pas obligé de placer cette somme à intérêts, une telle obligation pourrait, en certains cas, se déduire du principe d'exécution de bonne foi des conventions. L'affectation des fonds à un compte ouvert dans l'établissement du créancier gagiste implique la volonté du débiteur de permettre une utilisation de ces fonds dans les mêmes conditions que tout déposant. Dès lors qu'elle en avait la disposition, la banque était tenue de rémunérer ces fonds.
Le refus de la banque de placer les fonds à intérêts à l'invitation expresse du débiteur est abusif. La sanction de l'abus de droit n'est pas la déchéance totale de ce droit, mais la réduction de celui-ci à son usage normal ou la réparation du dommage que l'abus a causé. En l'espèce, le dommage consiste en la perte d'intérêts sur la somme immobilisée. Le taux d'intérêts interbancaire peut être retenu.
L'indemnité compensatoire, dont la fixation est uniquement fonction d'une réparation intégrale du dommage, est étrangère à l'article 1154 du Code civil. La prescription quinquennale prévue par l'article 2277 du Code civil ne concerne que les intérêts au sens strict et non les dommages et intérêts.
ZEKERHEDEN
Persoonlijke zekerheden - Bankgarantie op eerste verzoek - Lastgeving (nee) - Pand op orderbriefjes - Artikel 3 van de wet van 5 mei 1872 - Verrekening - Eigendoms­overdracht van het product (nee) - Verplichting tot betaling van interesten - Anatocisme - Vijfjarige verjaring (nee)
De vereffenaars vormen, bij gebrek aan andersluidende bepaling, een college, alleen bekwaam om de vennootschap te verbinden ten opzichte van derden. Het orgaan dat bevoegd is rechtsgedingen te voeren mag echter de aangegane handeling bekrachtigen voor zover deze bekrachtiging op tijd tussenkomt.
De bankier die een bankgarantie op eerste verzoek uitgeeft treedt niet op als lasthebber van de opdrachtgever, maar als zijn afgevaardigde. De verplichting van de opdrachtgever om de bankier te dekken ontstaat van zodra de verbintenis door deze laatste wordt aangegaan ten opzichte van de begunstigde. Deze verplichting kan worden gewaarborgd door middel van een zekerheid.
Wanneer een pand betrekking heeft op orderbriefjes en op het einde van de looptijd ervan de pandhoudende schuldeiser het provenu int en dit plaatst op een rekening op zijn naam, doet hij niets anders dan uitvoering geven aan artikel 3 van de wet van 5 mei 1872 op het handelspand.
Indien de gewaarborgde schuldvordering niet opeisbaar is op het moment van de inning van de in pand gegeven waarden, mag de pandhoudende schuldeiser niet overgaan tot het verrekenen ervan, maar neemt hij de bedragen in bewaring om deze slechts toe te rekenen wanneer de gewaarborgde schuldvordering opeisbaar zal zijn geworden. Uit de omstandigheid dat de fondsen werden geplaatst op een interne rekening op naam van de bank, pandhoudende schuldeiser, mag geen eigendomsoverdracht van deze fondsen in het voordeel van de bank worden afgeleid.
Als de houder van een geldsom ten titel van pand in principe niet verplicht is deze som te plaatsen met opbrengst van interesten, zou zodanige verplichting in bepaalde gevallen wel kunnen worden afgeleid uit het principe van de uitvoering te goeder trouw van overeenkomsten. De bestemming van de fondsen op een rekening geopend in de instelling van de pandhoudende schuldeiser impliceert de wil van de schuldenaar om een gebruik van deze fondsen toe te laten onder dezelfde voorwaarde als elke andere deponent. Vanaf het moment waarop zij over deze sommen beschikte, was de bank ertoe gehouden hierop rente te betalen.
De weigering van de bank om deze sommen op uitdrukkelijk verzoek hiertoe van de schuldenaar te plaatsen tot opbrengst van interesten maakt een misbruik uit. De sanctie op dit misbruik van recht is niet het volledige verval van dit recht, maar de vermindering ervan tot zijn normale gebruik of het herstel van de schade veroorzaakt door het misbruik. In casu bestaat de schade uit het verlies aan interesten op de geïmmobiliseerde som. De interbancaire rentevoet kan worden gebruikt.
De compenserende vergoeding, waarvan de vaststelling enkel gebeurt in functie van een volledige schadeloosstelling, is vreemd aan artikel 1154 van het Burgerlijk Wetboek. De vijfjarige verjaring voorzien door artikel 2277 van het Burgerlijk Wetboek betreft enkel de interesten stricto sensu, doch niet de schadevergoedingen.

Lorsqu'une banque ouvre à un client un crédit de signature, sous la forme de garanties bancaires à première demande, elle dispose, à l'égard de son client, d'un recours en remboursement des sommes qu'elle viendrait à payer en exécution des dites garanties bancaires.

Ce recours dérive de la convention de crédit [1]. Il se peut également qu'il soit exprimé dans un document de contre-garantie, par lequel le client s'engage irrévocablement et inconditionnellement à rembourser son banquier des sommes payées au bénéficiaire.

L'obligation du client à l'égard de son banquier garant, à l'instar de celle de la plupart des crédités de rembourser les avances qui leur sont consenties en vertu d'un contrat d'ouverture de crédit, est une obligation éventuelle [2], dès lors que l'élément d'incertitude qui la modalise - en l'espèce l'utilisation du crédit par l'appel à la garantie - affecte une composante du droit lui-même et lui est donc intrinsèque [3].

Une telle dette future, bien qu'éventuelle, peut, comme on le sait, être assortie d'une garantie de paiement [4], pour autant qu'elle soit suffisamment déterminée ou déterminable au moment de la constitution de la garantie [5].

En l'espèce, le crédit de signature était garanti par un gage sur le fonds de commerce du client. Dans le cadre d'une restructuration, le fonds de commerce avait été cédé à une nouvelle société et, avec lui, la plupart des crédits et garanties, à l'exclusion de certaines garanties bancaires qui demeuraient logées dans les comptes du client, ouverts auprès de l'établissement de crédit.

Les parties ont convenu, alors, de remplacer le gage sur fonds de commerce par un gage sur des billets à ordre, tirés au bénéfice du client et dont l'échéance se trouvait relativement rapprochée.

Peu de temps avant cette échéance, la banque a indiqué à son client que le produit des billets à ordre serait porté dans un compte interne à la banque, intitulé “provisions pour garanties données”, ou, alternativement, au crédit d'un compte à terme. À défaut de réaction du client, c'est la première voie qui a été suivie par la banque. Celle-ci a perçu les paiements, les a conservés et les a, enfin, restitués au client à l'expiration des garanties.

L'arrêt annoté traite essentiellement de la qualification et des conséquences de l'affectation du produit de l'encaissement des billets à ordres. Au coeur du litige se trouve, plus particulièrement, la question de savoir si les sommes conservées par l'établissement de crédit, à titre de provision, devaient être rémunérées par ce dernier, c'est-à-dire produire des intérêts créditeurs au profit du client, de la même façon que la plupart des espèces inscrites en compte bancaire.

Le tribunal de commerce de Liège y avait répondu par l'affirmative, dans son jugement du 23 décembre 2004 [6], après avoir décidé qu'en raison de leur accord quant à l'affectation du produit des billets à ordre, les parties s'étaient engagées dans un mandat par lequel, moyennant l'avance de fonds, le banquier avait accepté d'exécuter des paiements en faveur de tiers en cas de défaillance du client.

Sur la base de ces prémices, le tribunal de commerce avait, ensuite, analysé la nature du compte de provision, pour décider que les fonds qui s'y trouvaient détenus par la banque, en une qualité particulière, faisaient l'objet d'une affectation spéciale, de sorte qu'ils demeuraient séparés de son patrimoine. Rapprochant, enfin, la question de la titularité des fonds du droit du mandat, le tribunal de commerce a conclu qu'en l'absence de convention contraire des parties, l'article 1996 du Code civil imposait que les fonds placés soient rémunérés.

Ce jugement a suscité l'interrogation de ses commentateurs [7] et conduit à la censure de la cour d'appel de Liège quant à la qualification des rapports contractuels établis entre les parties.

Sans doute le morcellement de la convention des parties par le tribunal de commerce, aboutissant à qualifier de mandat l'affectation des sommes dérivant du paiement des billets à ordre, trahissait-il les intentions qu'elles avaient exprimées, d'abord en s'accordant sur la remise en gage de billets à ordre et, ensuite, quant à l'utilisation de leur produit. Mais surtout, rien, dans l'exécution volontaire de ces accords - révélée par les éléments de fait avancés - ne permettait de déceler que telle n'aurait pas été leur réelle intention.

Aussi, la cour d'appel rappelle, en premier lieu, que le banquier qui fournit une garantie bancaire à première demande s'engage vis-à-vis du bénéficiaire en son nom personnel et contracte un engagement personnel [8]. La cour d'appel écarte, en conséquence, la qualification de mandat, mais ajoute que le banquier engagé dans un crédit de signature agit comme délégué de son client.

En tant qu'elle se rattache au mécanisme de la délégation, relevant du droit des obligations, cette affirmation n'est pas entièrement satisfaisante.

Certes, la garantie bancaire à première demande participe des figures tripartites dont procède également la délégation. Elle y ressemble, il est vrai, par l'abstraction intense reconnue à l'engagement du délégué. Elle s'en distingue, en revanche, en raison de la nature contractuelle de la délégation. La garantie à première demande est, quant à elle, le fruit de la volonté unilatérale du banquier et ne requiert pas, en tous les cas, l'acceptation du bénéficiaire [9]. Par ailleurs, en cas de délégation, déléguant et délégué se trouvent tenus à l'exécution de la même dette envers le délégataire [10], pour le tout, tandis que l'engagement du banquier demeure nettement distinct de celui du donneur d'ordre, qui peut, au demeurant, ne pas consister en une obligation de somme [11] ou être d'un montant différent.

Une fois la qualification de mandat écartée par la cour d'appel, la question litigieuse devait se résoudre à la lumière du droit du gage commercial. L'arrêt énonce, à juste titre, qu'au moment où les billets à ordre sont venus à échéance, la banque n'a fait que mettre en oeuvre l'article 3 de la loi du 5 mai 1872 sur le gage commercial, selon lequel: “Le créancier gagiste perçoit, aux échéances, les intérêts, les dividendes et les capitaux des valeurs données en gage, et les impute sur sa créance. Si le gage consiste en effets de commerce, le créancier gagiste exerce les droits et est soumis aux devoirs du porteur.”

La nature de cette imputation légale, propre au gage commercial, n'est pas appréhendée d'une façon unanime par les praticiens. Les spécialistes semblent, toutefois, s'accorder sur ce que le pouvoir énoncé à l'article 3 de la loi précitée n'est pas uniquement la source d'un droit pour le créancier gagiste, mais lui impose simultanément un devoir [12].

Monsieur Dirix y voit un acte de conservation ou de gestion par lequel le créancier gagiste exerce son privilège par compensation (si la créance garantie est déjà exigible) ou par lequel le gage se reporte sur les capitaux perçus, c'est-à-dire qu'il se convertit en un gage sur une somme d'argent (si la créance garantie n'est pas encore exigible au moment de la perception) [13].

C'est à cette thèse que s'est ralliée, en l'espèce, la cour d'appel de Liège.

Cependant, l'idée de la transformation d'un gage de créance en un gage sur une somme d'argent lors de la liquidation de la première semble méconnaître le mécanisme instauré par l'article 3 de la loi du 5 mai 1872. La perception et l'imputation organisées par cette disposition opèrent, ainsi que les a décrites Madame Grégoire, une attribution définitive au créancier gagiste des fonds concernés, à charge pour lui d'y réserver l'application légalement prévue, c'est-à-dire l'affectation à l'extinction progressive de l'obligation garantie [14]. Il n'y a donc pas, à proprement parler, une substitution de gage sur une somme d'argent mais bien l'exercice d'une modalité propre au gage sur créance [15]. Le créancier gagiste commercial peut, en effet, percevoir la totalité de la créance engagée, même si celle-ci est de valeur supérieure à la créance garantie, à charge de rembourser la différence au débiteur gagiste [16]. Ce qu'il conserve, en revanche, lui est acquis, sous la seule obligation de respecter l'imputation légale [17].

Si la condition ou l'éventualité affectant l'obligation garantie ne se réalise pas ou ne se produit pas, cette dernière disparaît et la sûreté s'éteint, par voie de conséquence, entraînant, dans le chef du créancier gagiste, l'obligation de restituer le gage [18]. Le contrat de gage génère, en effet, une obligation de restitution qui fait partie des droits et obligations normaux de ce type de contrat [19]. À défaut de pouvoir exercer l'imputation légalement dirigée, le créancier gagiste perd le bénéfice du droit de perception qui en est le pendant et doit rendre ce qui lui a été versé.

Que le créancier gagiste perçoive “en propre” les sommes issues de l'assiette du gage s'impose également lorsque, comme en l'espèce, celle-ci est composée de billets à ordre. Le billet à ordre est un effet de commerce, soit un titre négociable qui confère une créance inconditionnelle de somme d'argent et servant d'instrument de paiement ou de crédit [20]. Plus spécialement, il s'agit d'un titre abstrait obéissant à un formalisme légal et qui confère à son titulaire le droit autonome de se faire payer une somme déterminée par le souscripteur du billet [21].

Le titre à ordre, représentant une créance, n'est pas un meuble corporel dont la seule possession suffit à conférer les droits qui en dérivent, notamment ceux conférés par l'article 2279 du Code civil [22]. Il n'est pas transmissible par voie de simple tradition, mais par le procédé de l'endossement. La loi du 5 mai 1872 traite, dès lors, de l'hypothèse où le gage consiste en un effet de commerce dans le même article 3: le créancier gagiste exerce les droits et est soumis aux devoirs du porteur.

En l'absence de mention contraire, l'endossement fait présumer un transfert de la propriété de l'effet ainsi que des droits qui en résultent [23]. Une telle mention contraire résulte, par exemple, d'un endossement précisant qu'il est fait à titre de gage (endossement pignoratif), mais, même en cette hypothèse, plutôt rare en pratique [24], l'article 19 des lois coordonnées du 31 décembre 1955 sur la lettre de change et le billet à ordre [25] permet aussi au créancier gagiste de se comporter comme le porteur de l'effet et, en particulier, d'en recevoir le capital [26].

Certes, l'article 3 de la loi du 5 mai 1872 n'est pas d'ordre public, ni même impératif, de sorte qu'il est loisible aux parties d'y déroger et de laisser au débiteur gagiste le soin de percevoir les capitaux des créances engagées, sous le contrôle du créancier gagiste [27]. C'est ce qui se serait produit si, dans l'affaire ayant conduit à l'arrêt annoté, les sommes issues de l'encaissement des billets à ordre avaient été placées sur un compte à terme au nom du débiteur gagiste.

En l'absence d'une telle convention, la banque a exercé son droit de perception “en propre” des fonds, de la façon décrite ci-avant, ce que le placement de ces fonds sur un compte à son nom n'a fait que traduire en écritures bancaires. Il était donc inutile - semble-t-il - de rechercher encore un accord des parties quant à un transfert de la propriété des fonds.

L'arrêt annoté conclut justement à l'application de l'article 3 de la loi sur le gage commercial mais n'en tire pas toutes les conséquences.

Il décide que “si le détenteur d'une somme d'argent au titre de gage n'est en principe pas obligé de placer cette somme à intérêts, encore une telle obligation pourrait cependant, nous paraît-il, du moins en certains cas, être déduite du principe d'exécution de bonne foi des conventions” et, en même temps, qu'en l'espèce, la banque “ne s'est pas retrouvée détentrice d'une somme d'argent mais a dès le départ porté la contrepartie des billets à ordre à un compte”.

La première de ces assertions répond à l'argument fondé sur un arrêt de la Cour de cassation du 11 mai 2000 [28], relatif à un gage sur une somme d'argent et paraît, en réalité, incompatible avec la seconde. L'on ne sait donc si la cour d'appel fonde, en l'espèce, l'obligation de paiement d'intérêts sur le principe de bonne foi, mais l'on peut s'interroger quant à la fonction que pourrait remplir ici la bonne foi compte tenu du mécanisme de l'article 3 de la loi du 5 mai 1872.

Plus fondamentalement, l'arrêt annoté déduit de la circonstance que la contrepartie des billets à ordre fut portée en compte que le client se trouvait dans la même situation que tout client qui transfère à un compte bancaire une somme déterminée et que la banque devait, de la même façon, rémunérer la somme en question, au motif que l'affectation de celle-ci en permettait l'utilisation à l'instar de tout dépôt.

Or, c'est exclusivement en vertu du droit de perception conféré au créancier gagiste par la loi que la banque a conservé les fonds, ce droit lui conférant non un droit d'utilisation discrétionnaire mais un droit de jouissance strictement balisé. La position des parties dans le rapport né du contrat de gage diffère de celle qui résulte du crédit lui-même et du compte y associé.

En ce qui concerne le principe de la rémunération des fonds placés en compte bancaire, rappelons que la génération d'intérêts, sauf les cas où elle est réglementée par la loi, trouve sa source tantôt dans l'usage, tantôt dans la convention des parties [29]. En l'espèce, aucune convention n'était produite, pas même le règlement des ouvertures de crédit de la banque. Quant à l'usage, celui-ci concerne essentiellement les comptes courants, voire les comptes à vue, mais non les comptes qui n'ont qu'une fonction comptable, tels les comptes de passage ou les comptes internes, où ne s'opère pas de règlement des créances y inscrites [30].

Ne pouvant trouver son fondement dans la convention des parties, la rémunération du produit du gage ne le peut davantage dans l'obligation de restitution de ce gage en raison de l'extinction de l'obligation garantie.

Ainsi que l'a écrit Monsieur Van Ommeslaghe, les fruits et les intérêts ne sont pas compris dans l'obligation de restitution toutes les fois que le contrat dont elle procède confère au débiteur de l'obligation le droit de jouir de la chose et d'en user [31]. Plus spécifiquement en matière de gage, l'obligation de restitution du créancier gagiste porte sur le gage lui-même, ainsi que sur les produits et fruits de la chose remise en gage, sous réserve de l'article 2081 du Code civil [32] et, par extension, de l'article 3 de la loi du 5 mai 1872.

L'on n'aperçoit guère, en conclusion, quel aurait été, en l'espèce, le fondement de la production d'intérêts créditeurs en faveur du débiteur gagiste.

Marc-David Weinberger

Avocat au barreau de Bruxelles

Assistant à l'ULB

[1] M. Delierneux, “Les garanties bancaires à première demande, entre autonomie juridique et interdépendance économique”, Liber Amicorum Lucien Simont, Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 609; P. Van Ommeslaghe, “Sûretés issues de la pratique et autonomie de la volonté”, Les sûretés, Colloque Feduci, 1983, p. 357.
[2] P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, Bruxelles, PUB, 1997, p. 746.
[3] Et non extrinsèque comme c'est le cas pour l'obligation affectée d'une condition. Voy. aussi J.-P. Buyle et M. Delierneux, R.D.C. 2006, p. 75 .
[4] Voy. Fr. T'Kint, Sûretés, Bruxelles, Larcier, 2004, nos 192 à 195.
[5] Voy. Cass. 28 mars 1974, Pas. 1974, I, p. 776; Van Gerven, Beginselen handels- en economisch recht, Deel 1, Ondernemingsrecht, p. 463; A.-M. Stranart, Les sûretés, Bruxelles, E.Story-Scientia, 1992, pp. 28 et 29.
[6] Publié dans la présente revue, première livraison de l'année 2006, p. 69.
[7] J.-P. Buyle et M. Delierneux, R.D.C. 2006, pp. 75 et s.
[8] Voy. C. Martin et M. Delierneux, “Les garanties bancaires autonomes”, R.P.D.B., Compl. VII, n° 101.
[9] H. Van Lier, “Les garanties dites 'à première demande' ou abstraites”, J.T. 1980, p. 389.
[10] H. De Page, Traité, T. III, n° 612.
[11] Ainsi, la garantie de remboursement ou restitution d'acompte est mise en oeuvre en cas d'inexécution des travaux. Voy. la typologie des garanties bancaires à première demande par C. Martin et M. Delierneux, “Les garanties bancaires autonomes”, R.P.D.B., Compl. VII, nos 76 à 83. L'obligation du banquier garant est exclusivement une obligation de paiement.
[12] E. Dirix, “Nantissement de créances”, Privilèges et hypothèques, G, suppl. 22, Kluwer, 2008, n° 21; M. Grégoire, “Le gage sur créances”, Sûretés bancaires et financières, AEDBF, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 48.
[13] E. Dirix, o.c., nos 21 et 22. Voy. aussi E. Dirix et R. De Corte, Zekerheidsrechten, Deurne, Kluwer, 1992, p. 195.
[14] M. Grégoire, Publicité foncière, sûretés réelles et privilèges, Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 522.
[15] Pour une analyse du droit de percevoir les intérêts produits par une somme d'argent dont la propriété est transférée à titre de garantie, voy. Cass. 4 avril 2003, R.D.C. 2003, p. 395 et note D.B.
[16] H. De Page, Traité, T. VI, n° 1103. Le créancier gagiste n'est détenteur des sommes perçues que dans la mesure où elles dépassent les causes du gage.
[17] G. Baudry-Lacantinerie, Précis de droit civil, T. II, Paris, 1921, p. 759, au sujet de l'art. 2081 du Code civil, qui concerne l'imputation des intérêts produits par une créance faisant l'objet d'un gage civil. L'art. 2081 du Code civil constitue une dérogation au principe selon lequel le créancier gagiste n'a pas le droit de jouissance sur la chose remise en gage, voy. H. De Page, Traité, T. VI, n° 1087, 2°; M. Planiol et G. Ripert, Traité pratique de droit civil français, T. XII, Paris, 1927, p. 110; A. Fenet, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, T. XV, Osnabrück, 1968, pp. 216-217. L'art. 3 de la loi du 5 mai 1872 est considéré comme une extension de l'art. 2081 du Code civil.
[18] H. De Page, Traité, T. VI, n° 1094.
[19] P. Van Ommeslaghe, “La notion de restitution, le fait générateur, les fondements légaux et contractuels de l'obligation de restitution”, L'obligation de restitution du banquier, AEDBF, Bruxelles, Bruylant, 1998, p. 11.
[20] J. Van Ryn et J. Heenen, Principes de droit commercial, T. II, Bruxelles, Bruylant, 1957, n° 1281.
[21] M. Van Wuytswinkel, Traité pratique de droit commercial, T. 2, E.Story-Scientia, p. 109.
[22] J. Van Ryn et J. Heenen, Principes de droit commercial, T. II, Bruxelles, Bruylant, 1957, n° 1307.
[23] M. Van Wuytswinkel, Traité pratique de droit commercial, T. 2, E.Story-Scientia, p. 57.
[24] Les parties préfèrent généralement constater le gage par acte séparé et endosser l'effet sans réserve: J. Van Ryn et J. Heenen, Principes de droit commercial, T. II, Bruxelles, Bruylant, 1957, n° 1502; M. Van Wuytswinkel, Traité pratique de droit commercial, T. 2, E.Story-Scientia, p. 57.
[25] Art. 19 de la loi du 31 décembre 1955: “Lorsqu'un endossement contient la mention 'valeur en garantie', 'valeur en gage' ou toute autre mention impliquant un nantissement, le porteur peut exercer tous les droits dérivant de la lettre de change, mais un endossement fait par lui ne vaut que comme un endossement à titre de procuration. Les obligés ne peuvent invoquer contre le porteur les exceptions fondées sur leurs rapports personnels avec l'endosseur, à moins que le porteur, en recevant la lettre, n'ait agi sciemment au détriment du débiteur.” Cette disposition concerne la lettre de change, mais elle est applicable, mutatis mutandis, au billet à ordre, en vertu de l'art. 77 de la même loi.
[26] Voy. Ch. Repr., Ann. parl. 1871-72, séance du 12 mars 1872, p. 682. Voy. aussi A. et M.-Cl. Piédelièvre, Droit du crédit, Paris, PUF, 1985, p. 42.
[27] M. Grégoire, Publicité foncière, sûretés réelles et privilèges, Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 521.
[28] Arr. Cass. 2000, p. 889: “Au cas où, suivant le juge, une somme d'argent constitue l'objet du gage et aucun intérêt n'est stipulé, le détenteur du gage, qui est tenu de veiller en bon père de famille à la chose donnée en gage, n'est pas obligé de placer cette somme à intérêts.”
[29] Ch.-G. Winandy, “Les comptes en banque et les intérêts”, La banque dans la vie quotidienne, Bruxelles, Jeune Barreau, 1986, pp. 37-38; J. Van Ryn et J. Heenen, Principes de droit commercial, T. III, n° 2046.
[30] Voy. M. Grégoire, Théorie générale du concours des créanciers en droit belge, Bruxelles, Bruylant, 1992, p. 192.
[31] P. Van Ommeslaghe, “La notion de restitution, le fait générateur, les fondements légaux et contractuels de l'obligation de restitution”, L'obligation de restitution du banquier, AEDBF, Bruxelles, Bruylant, 1998, p. 22.
[32] H. De Page, Traité, T. VI, n° 1091, 3°, C.