Cour d'appel de Bruxelles 6 février 2007
BANQUE ET CRÉDIT
Droit bancaire - Responsabilité du banquier - Crédit - Société en formation - Article 1178 du Code civil - Rupture des négociations - Banque non chargée d'un service public
L'article 60 du Code des sociétés a une portée générale et vise tant les obligations que les droits nés des engagements pris au nom d'une société en formation.
Celui qui se prévaut d'une convention de crédit doit rapporter la preuve du consentement des parties tant sur le principe de l'octroi du crédit que sur ses modalités.
La liberté contractuelle implique le droit de contracter ou non, de choisir librement son contractant et de subordonner la conclusion d'un contrat au respect de ses propres exigences. La rupture des négociations constitue en principe un droit dont l'exercice ne présente en soi aucun caractère fautif.
Les banques ne sont pas chargées d'un service public leur imposant de réserver suite à ceux qui s'adressent à elles pour financer leurs projets. L'essence même du crédit étant la confiance, le banquier conserve toujours sa liberté d'octroyer ou non le crédit sollicité.
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BANK- EN KREDIETWEZEN
Bankrecht - Aansprakelijkheid bankier - Krediet - Vennootschap in oprichting - Artikel 1178 Burgerlijk Wetboek - Verbreking van de onderhandelingen - Bank geen openbare dienst
Artikel 60 van het Wetboek van Vennootschappen heeft een algemene draagwijdte en viseert zowel de rechten als de plichten voortvloeiend uit de verbintenissen aangegaan door een vennootschap in oprichting.
Diegene die zich beroept op een kredietovereenkomst moet het bewijs leveren van de toestemming van de partijen, zowel met betrekking tot het principe van de toekenning van het krediet als met betrekking tot de modaliteiten ervan.
De contractuele vrijheid impliceert het recht om al dan niet te contracteren, om vrij de contractant te kiezen en om het sluiten van een contract te laten afhangen van de vervulling van de eigen eisen. De verbreking van de onderhandelingen vormt in principe een recht waarvan de uitoefening op zich geen foutief karakter heeft.
De banken zijn niet gehouden tot een openbare dienst die hen oplegt om gevolg te geven aan diegene die zich tot hen richten om hun projecten te financieren. Daar de essentie zelf van een krediet het vertrouwen is, heeft de bankier steeds het recht om het gevraagde krediet al dan niet toe te kennen.
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F. Verbeiren / SA Crédit Agricole Banque
Siég.: J.-P. Collin (président) |
Plaid.: Mes N. Lucas loco B. Molinasse et J.-P. Buyle |
(…)
II. | Les données du litige |
1.1. Francis Verbeiren et François (dit Régis) De Pauw, tous deux hommes d'affaires expérimentés établis à Bruxelles, avaient nourri le projet de constituer deux sociétés dont chacun aurait détenu la moitié du capital social: une société immobilière (SA Immobilière Verbeiren), au capital social de 5.000.000 FB, et une société holding (SA Holding Verbeiren), au capital social de 15.000.000 FB. La première aurait racheté un complexe industriel (entrepôt) appartenant à une SPRL AB Maxi Cleaning et la seconde 90% des parts sociales de cette société établie à Zaventem, active depuis plus de quinze ans dans le nettoyage et débouchage de canalisations et de citernes à combustibles ainsi que le placement, l'entretien et l'enlèvement de celles-ci.
À cette fin, F. Verbeiren, agissant apparemment seul au nom des deux sociétés en formation, introduisit auprès de l'intimée Crédit Agricole - en décembre 2000 (selon l'appelant Verbeiren) ou en avril 2001 (selon la banque) - deux demandes de crédit:
- l'une au nom de la SA Immobilière Verbeiren en formation pour un crédit de 40.000.000 FB destiné à financer en totalité l'achat de l'immeuble industriel de la société cible, remboursable en 15 ans avec inscription hypothécaire sur le bien à acquérir à concurrence de 10.000.000 FB et mandat hypothécaire pour le surplus avec, en outre, mise en gage des loyers;
- l'autre au nom de la SA Holding Verbeiren en formation pour un crédit de 30.000.000 FB destiné à financer une partie du prix demandé de 90.000.000 FB pour la cession des 90% des parts sociales de la société cible, remboursable en 7 ans avec mise en gage des parts sociales qui seraient acquises.
1.2. Cette double demande de crédit fut, comme d'usage, transmise au “Comité des engagements crédit” de l'intimée Crédit Agricole.
Le 30 avril 2001, une dame Annie Darras, responsable pour la SA Crédit Agricole des PME en région bruxelloise, adressa à ce “Comité des engagements crédit” une note contenant un ensemble d'informations sur les promoteurs, les sociétés à constituer et la société cible en faisant part de ses observations sur la faisabilité de ces projets.
1.3. Le 22 mai 2001, la SA Crédit Agricole adressa, sous la signature de cette dame Darras, un courrier aux SA Immobilière Verbeiren et Holding Verbeiren en formation, à l'adresse et l'attention de Francis Verbeiren, faisant état de ce que son Comité de crédit, statuant sur la double demande qui avait été introduite:
- marquait son accord sur l'opération à réaliser dans le chef de la société immobilière à constituer sous la seule réserve que l'autre opération se réalise simultanément;
- était d'accord, en ce qui concerne l'opération à réaliser dans le cadre de la société holding à constituer, d'en poursuivre l'examen pour autant que des garanties réelles (immobilières, mobilières cotées en bourse) soient apportées à concurrence de 15.000.000 FB.
Ce courrier se terminait en ces termes: “Nous tenons momentanément votre dossier en suspens dans l'attente de vos nouvelles.”
1.4. Le 5 juin 2001, Francis Verbeiren adressa à Annie Darras c.o. Crédit Agricole un courrier par lequel il précisait ses projets et ambitions en sollicitant de la banque qu'elle change sa position “au niveau des garanties personnelles que vous exigez et que, malheureusement, compte tenu du niveau déjà élevé de notre investissement, nous ne pouvons pas vous donner”.
Ce courrier atteste de la poursuite des discussions entre parties quant à des garanties à fournir, la banque souhaitant des engagements personnels des deux promoteurs comme cautions ou codébiteurs, ce qu'ils ne voulaient pas. Il fut alors question de prendre une hypothèque située sur un bien sis à Paris et, par la suite, fut évoqué le remplacement de garanties réelles sur des biens appartenant aux promoteurs par une garantie bancaire.
1.5. Cette question du remplacement des garanties initialement envisagées par une garantie bancaire fut certainement évoquée au cours des discussions puisque, le 2 juillet 2001, Francis Verbeiren écrivit à la SA Crédit Agricole que “la banque Fortis a marqué son accord pour vous donner la garantie exigée à concurrence de 15.000.000 FB” en ajoutant “je suppose que, dans ces conditions, nous pouvons concrétiser l'opération dans les plus brefs délais”. Ce courrier demandait au Crédit Agricole de transmettre un tableau d'amortissement de la garantie pour répondre à la demande de la banque émettrice de celle-ci.
1.6. Non seulement la SA Crédit Agricole ne transmettra pas ce tableau d'amortissement mais elle informera, le 3 août 2003 Francis Verbeiren et Régis De Pauw, que, le 1er août 2001, son Comité de direction avait examiné les demandes de crédit relatives aux projets des deux sociétés en formation et n'avoir pu y réserver une suite favorable. Elle classait ainsi ce dossier sans suite en lui renvoyant le dossier relatif à l'immeuble de Zaventem.
1.7. Francis Verbeiren réagira par son courrier du 10 août 2001 en reprochant à la banque de se délier d'un accord conclu sous une condition suspensive qui s'était réalisée - l'octroi d'une garantie bancaire de 15.000.000 FB. Il mettait en demeure la banque d'accorder les deux crédits sollicités par les deux sociétés en formation “aux conditions reprises dans votre courrier du 22 mai 2001”, faute, sinon de réclamer judiciairement réparation du préjudice résultant d'un refus jugé fautif. Ce préjudice était alors évalué à 15.000.000 FB pour “perte de temps consacré à la négociation avec vous depuis décembre 2000, perte de crédibilité auprès du vendeur, perte de temps consécutive à l'introduction d'un nouveau dossier de crédit auprès d'une autre institution bancaire et, entretemps, probable vente à un tiers de la société convoitée et du manque à gagner dans cette hypothèse”.
La SA Crédit Agricole contesta, par sa réponse du 14 août 2001, l'existence d'un accord, même sous condition suspensive à propos du crédit sollicité par la SA Holding Verbeiren en formation et resta sur sa position.
1.8. C'est dans ce contexte que, le 10 septembre 2001, Francis Verbeiren, agissant seul, cita la SA Crédit Agricole afin de faire constater que la banque avait rompu unilatéralement et sans motifs les conventions de crédit valablement formées ou que, à tout le moins, elle avait commis une “une culpa in contrahendo” engageant sa responsabilité quasi délictuelle en rompant intempestivement les négociations après avoir trompé sa légitime confiance d'obtenir les crédits. Dans ces deux cas de figure, il postulait une indemnisation portée en conclusions à 284.145,45 EUR en réparation du préjudice matériel et à 123.946,76 EUR en réparation du préjudice moral personnellement subi.
1.9. De son côté, la SA Crédit Agricole postula reconventionnellement 1 EUR à titre de dommages et intérêts pour avoir intenté une procédure qualifiée de téméraire et vexatoire.
III. | La décision du premier juge |
Après avoir rejeté le moyen d'irrecevabilité soulevé par la SA Crédit Agricole tiré d'une absence d'intérêt de Francis Verbeiren agissant seul dans le cadre de crédits concernant des sociétés en formation, le premier juge admit que les deux crédits sollicités n'avaient pas été conclus mais que, par contre, “le demandeur pouvait légitimement supposer que la garantie bancaire ayant été obtenue par la Fortis Banque, les crédits bancaires seraient effectivement octroyés)” et que “dans ces circonstances, le refus brutal, sans aucun motif ni justification de la défenderesse par sa lettre du 3 août 2001 apparaît abusif et constitutif d'une faute”.
Francis Verbeiren fut toutefois débouté de ses prétentions d'octroi de dommages et intérêts à défaut de justifier de son dommage matériel et de s'expliquer sur son préjudice moral.
IV. | La position de la cour |
A) | Quant à la recevabilité de la demande originaire de Francis Verbeiren agissant seul et à titre personnel |
Le Crédit Agricole se prévaut de ce que les demandes de crédit litigieuses lui furent adressées au nom des deux sociétés en formation pour en conclure que tout dommage éventuel qui résulterait d'une prétendue faute contractuelle (rupture unilatérale des crédits consentis) ou précontractuelle (rupture abusive des pourparlers) qu'elle aurait commise n'aurait pu être subi que par ces deux sociétés qui, faute d'être constituées, ne peuvent ester en justice. Elle conteste ainsi que Francis Verbeiren justifie d'un intérêt personnel et direct au sens des articles 17 et 18 du Code judiciaire conditionnant la recevabilité de sa demande pour postuler une indemnisation qui ne pourrait, le cas échéant, revenir qu'aux sociétés en formation, une fois celles-ci constituées.
Ce moyen ne peut être accueilli.
Il ne peut certainement l'être en tant que Francis Verbeiren fonde sa demande en indemnisation sur une responsabilité quasi délictuelle de la banque pour rupture fautive des négociations. Toute personne qui se prévaut d'un dommage matériel ou moral qui lui est personnel résultant d'un comportement estimé fautif qu'elle impute à autrui justifie d'un intérêt pour agir. En l'espèce, l'appelant Verbeiren fait, notamment, valoir la perte du temps consacré aux négociations et la perte de son crédit à l'égard des vendeurs de la société cible ainsi que la perte de la chance de réaliser ses projets d'investissements au travers des deux sociétés en formation et d'en retirer des profits.
Mais même en tant que cette demande se fonde sur la responsabilité contractuelle de la banque en ce qu'elle aurait fautivement résilié des crédits par hypothèse valablement conclus au profit des deux sociétés en formation, la demande en indemnisation de Francis Verbeiren doit être reçue.
Il convient, en effet, de se référer à l'article 60 du Code des sociétés (reprenant l'art. 13bis des anciennes LCSC) disposant que “ceux qui, au nom d'une société en formation, et avant l'acquisition par celle-ci de la personnalité juridique, ont pris un engagement à quelque titre que ce soit, en sont personnellement et solidairement responsables”. Cette disposition a une portée générale et l'expression “engagement à quelque titre que ce soit” qu'elle contient doit s'entendre tant des obligations que des droits nés de cet engagement pris au nom de la société en formation par le promoteur, sous réserve bien entendu d'une reprise de cet engagement par la société dans les délais légaux (Cass. 14 septembre 2000, R.D.C. 2001, p. 717 avec note S. Gilcart; P. Van Ommeslaghe, “Examen de jurisprudence sur les sociétés”, R.C.J.B. 1992, p. 661, n° 37), ce qui ne fut pas le cas.
La circonstance que l'appelant Verbeiren agit sans le concours de l'autre promoteur De Pauw ne l'empêche nullement de réclamer l'indemnisation du préjudice qu'il estime avoir personnellement subi suite au comportement fautif qu'il impute à la SA Crédit Agricole.
B) | Quant à la responsabilité contractuelle de la banque |
L'appelant Verbeiren soutient que le courrier du 22 mai 2001 que la SA Crédit Agricole adressa aux deux sociétés Immobilière Verbeiren et Holding Verbeiren en formation “pouvait tout à fait être interprété comme un engagement ferme et définitif (de la banque) sur les deux opérations (de crédit) sous la condition suspensive de l'obtention de garanties complémentaires pour la seconde opération” et que cette condition suspensive se serait réalisée lorsque la banque Fortis accepta d'accorder à la SA Holding Verbeiren une garantie bancaire à concurrence de 15.000.000 FB (371.840,28 EUR) en répondant ainsi aux exigences de l'intimée Crédit Agricole.
Avec le premier juge, la cour ne partage pas l'analyse que fait l'appelant Verbeiren de ce courrier.
Celui-ci contient, dans deux paragraphes distincts, la position prise par la commission des crédits de la banque suite aux demandes introduites par les deux sociétés en formation dont l'appelant Verbeiren était l'un des deux promoteurs.
S'il est vrai que, concernant le crédit de 40.000.000 FB sollicité par l'Immobilière Verbeiren en formation, l'intimée Crédit Agricole faisait effectivement part de son accord de l'octroyer sous la seule réserve que l'autre opération se réalise simultanément, elle ne prenait aucun engagement concernant la demande de crédit introduite par la SA Holding Verbeiren, se bornant à faire état de ce qu'elle en poursuivrait l'examen moyennant le préalable que des garanties réelles lui soient accordées à concurrence de 15.000.000 FB. L'intimée Crédit Agricole ne prenant, à ce propos aucun engagement, même conditionnel en se réservant de se positionner en fonction de l'examen que poursuivrait son comité des engagements des crédits lorsqu'il serait satisfait à ce préalable.
À la suite d'un examen complémentaire, l'intimée Crédit Agricole estima ne pas devoir accorder le crédit sollicité par la SA Holding Verbeiren en formation, nonobstant l'argumentation développée par l'appelant Verbeiren sur la rentabilité de ce projet (cf. sa lettre du 5 juin 2001), ensuite l'annonce d'une garantie bancaire de la Fortis Banque (sa lettre du 2 juillet 2001).
L'intimée Crédit Agricole restait toujours libre d'accorder ou non ce crédit à la SA Holding Verbeiren en formation quand bien même l'octroi de ce crédit conditionnait la suite à réserver à celui introduit par la SA Immobilière Verbeiren en formation. L'appelant Verbeiren en était, du reste, bien conscient puisque, par son courrier du 2 juillet 2001 annonçant la garantie de la Fortis Banque, il écrivait qu'il supposait que, dans ces conditions, l'opération pouvait être concrétisée dans les plus brefs délais.
S'il est vrai qu'une convention de crédit est purement consensuelle, encore faut-il que soit rapportée la preuve par celui qui s'en prévaut de la réunion du consentement des deux parties tant sur le principe de l'octroi de ce crédit que sur ses modalités (garanties, taux d'intérêts applicables, durée, plan de remboursement, etc.).
Contrairement à ce que plaide l'appelant Verbeiren, la note interne du 30 avril 2001 de Annie Darras, préposée du Crédit Agricole, ne contient aucun engagement de la banque: il s'agit d'un document destiné exclusivement au comité de crédits exposant le projet des sociétés en formation et les crédits nécessaires pour les mener à bonne fin en renseignant les garanties proposées. Il appartenait au comité des engagements des crédits de la SA Crédit Agricole de se prononcer à ce sujet en gardant toute liberté.
La cour partage ainsi l'opinion du premier juge selon laquelle ni les termes de la lettre de la banque du 22 mai 2001, ni les courriers adressés par l'appelant Verbeiren à la banque les 5 juin et 22 juillet 2001 et la suite réservée à ces courriers, ne permettent d'établir l'engagement de l'intimée Crédit Agricole de mettre les fonds à la disposition de la SA Holding Verbeiren en formation - ce qui l'aurait alors obligée à l'égard de la SA Immobilière Verbeiren en formation en raison du lien existant entre ces deux opérations.
L'invocation par l'appelant Verbeiren de l'article 1178 du Code civil selon lequel la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement est sans intérêt en l'espèce puisque, précisément pareille disposition suppose qu'une convention sous condition ait été convenue entre parties, ce qui n'est pas démontré.
S'il est exact que la demande de crédit introduite par la SA Immobilière Verbeiren en formation était admise en fonction du sort réservé à celle introduite par la SA Holding Verbeiren, la SA Crédit Agricole conservait à propos de cette dernière une totale liberté d'octroi ou non en fonction de la poursuite de l'examen de cette demande de crédit. Pareille clause restait valable nonobstant son caractère quelque peu potestatif.
C) | Quant à la responsabilité quasi délictuelle de la SA Crédit Agricole pour rupture abusive des négociations |
Le principe de la liberté contractuelle, renforcé en matière commerciale par la liberté de la concurrence, induit le droit de contracter ou non en choisissant librement son contractant et en subordonnant la conclusion d'un contrat au respect de ses propres exigences. La rupture des négociations constitue en principe un droit dont l'exercice ne présente en soi aucun caractère fautif et ne saurait dès lors appeler de sanction judiciaire (P.-A. Foriers et C. de Leval, “L'intervention du juge des référés dans les contrats commerciaux”, in Le tribunal de commerce: procédures particulières et recherche d'efficacité, p. 287; X. Dieux, Le contrat: instrument et objet de dirigisme. Les obligations contractuelles, Éd. du Jeune Barreau, 1984, p. 334). Celui à qui une offre est faite et qui ne souhaite pas l'accepter ne doit pas, en principe, faire connaître les raisons de son refus (Cass. 13 septembre 1991, Pas. 1992, I, 33).
Les banques ne sont pas chargées d'un service public leur imposant de réserver suite à ceux qui s'adressent à elles pour financer leurs projets, quand bien même des garanties de remboursement seraient données. L'essence même du crédit étant la confiance, les conventions d'octroi de crédit sont marquées par l'intuitu personae et le banquier, qui n'est pas en position monopolistique, conserve toujours sa liberté d'octroyer ou non le crédit sollicité (Cavalda et Stoufflet, Droit de la banque, coll. Themis, n° 279, p. 330).
Les circonstances de la rupture des négociations nouées entre parties peuvent cependant engager la responsabilité aquilienne de celui qui prend l'initiative de rompre de façon brutale et sans motif valable des négociations qui étaient sur le point d'aboutir et alors que la victime était dans la croyance légitime que le contrat serait finalement conclu après avoir consacré beaucoup de temps à ces négociations en engageant, dans le cours de celles-ci, certains frais (B. De Coninck et C. Delforge, La rupture des négociations et le retrait intempestif de l'offre. Régime général et sanctions, in CUP 09/2004, p. 85).
Pareilles circonstances, caractérisant une “culpa in contrahendo”, ne se retrouvent pas en l'espèce. C'est ainsi que:
- la lettre de la SA Crédit Agricole du 22 mai 2001 adressée à Francis Verbeiren ne pouvait susciter dans le chef de celui-ci une assurance que les crédits sollicités par les deux sociétés dont il était un des deux promoteurs seraient accordés. Elle fait uniquement état de l'accord de la banque de poursuivre l'examen de l'opération à réaliser dans le cadre de la société holding à constituer, sans préjuger de l'issue de cet examen quand bien même des garanties complémentaires seraient données. L'appelant Verbeiren ne s'y est pas trompé puisque, lorsqu'il informa le 2 juillet 2001 la SA Crédit Agricole que la Fortis Banque était disposée à fournir une garantie à concurrence de 15.000.000 FB, il supposait que le crédit sollicité serait octroyé à bref délai;
- les négociations entre parties n'ont pas duré longtemps. Plus particulièrement, l'intimée Crédit Agricole n'a pas laissé longtemps l'appelant Verbeiren dans l'expectative suite à sa lettre du 2 juillet 2001 faisant état de la garantie de la Fortis Banque, à laquelle il fut répondu le 3 août 2001 que le comité de direction de la banque refusait la demande de crédit introduite par la Holding Verbeiren, entraînant par là-même le refus de crédit demandé par l'Immobilière Verbeiren en raison du lien existant entre ces deux crédits;
- l'appelant Verbeiren n'établit pas que les négociations engagées avec l'intimée Crédit Agricole ne lui auraient pas permis d'envisager, notamment auprès de la Fortis Banque, d'autres sources d'octroi de crédits bancaires pour financer les deux sociétés en formation dont il était un des promoteurs;
- l'appelant Verbeiren allègue sans prouver qu'il aurait consacré beaucoup de temps et d'énergie dans le cadre des négociations des crédits litigieux avec l'intimée Crédit Agricole. Seules quelques lettres ont été échangées à ce propos entre parties;
- de même, il ne prouve pas avoir exposé des frais qu'il aurait exposés en pure perte à cette fin. Le rapport du reviseur d'entreprise De Vuyst, chargé de valoriser la société cible AB Maxi Cleaning, de même que celui de l'expert Ladrière, chargé de fixer la valeur de l'immeuble industriel que comptait racheter l'Immobilière Verbeiren, constituaient des préalables indispensables pour se forger une opinion sur le prix à payer aux cédants par les sociétés en formation et restaient, du reste, utilisables dans le cadre de la négociation de crédits auprès d'autres banques;
- l'appelant Verbeiren ne démontre pas que le refus d'octroi de crédit par le Crédit Agricole aurait eu une quelconque publicité le discréditant auprès des cédants;
- la décision finale prise par le comité de direction de l'intimée Crédit Agricole n'était pas purement gratuite mais fut certainement influencée par la perte de confiance de cette banque dans les capacités de management de l'autre promoteur De Pauw, lequel avait cautionné les crédits préalablement consentis à une SPRL J.C. Studio en proie à des difficultés financières telles que cette société fut finalement déclarée en faillite en septembre 2001.
En vain l'appelant Verbeiren excipe de ce que l'intimée Crédit Agricole n'aurait pas respecté le Code de conduite établi par l'Association belge de banque - notamment le point 10.8 de ce code lui faisant obligation d'informer dans les plus brefs délais un refus d'octroi de crédit alors que, abstraction faite de toute autre considération, ce code ne régit que les relations des banques avec les clients agissant dans le cadre de leurs intérêts privés, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Au demeurant un mois à peine s'est écoulé, en période de vacances, entre la lettre de l'appelant Verbeiren du 2 juillet 2001 supposant que les crédits seraient accordés et le refus de la banque du 3 août 2001.
C'est dès lors à tort que le premier juge a estimé que la SA Crédit Agricole avait commis une faute engageant sa responsabilité quasi délictuelle pour avoir, selon lui, rompu brutalement et sans le moindre motif des pourparlers dont tout laissait prévoir qu'ils conduiraient à l'octroi des crédits sollicités.
La question de l'importance du préjudice qu'aurait subi l'appelant Verbeiren suite à ce refus ne se pose plus.
D) | Quant aux demandes incidentes tendant à la couverture des frais d'avocat exposés par chacune des parties dans les deux instances |
Succombant dans sa demande, l'appelant Verbeiren ne peut y prétendre.
Il en est de même en ce qui concerne l'intimée Crédit Agricole. Dans l'état actuel de la législation, seule la victime d'une faute, contractuelle ou extracontractuelle, peut inclure comme élément de son dommage donnant lieu à indemnisation les honoraires et frais de son conseil présentant un caractère de nécessité. La partie défenderesse triomphante ne peut obtenir une couverture de tels frais qu'à charge de démontrer que la partie demanderesse succombante a commis une faute manifeste en intentant un procès téméraire et vexatoire - ce qui n'est plus soutenu en instance d'appel - aucun appel incident n'étant formé à ce propos (C.A. 19 avril 2006, J.T. 2006, p. 285 et obs. B. De Coninck).
La condamnation de l'appelant Verbeiren à la totalité des dépens des deux instances couvrira partiellement l'intimée Crédit Agricole de ses frais de défense puisque ces dépens comprennent les indemnités de procédure justifiées précisément par l'intervention de son avocat dans ces deux instances.
Les demandes incidentes ne sont pas fondées.
Par ces motifs,
La cour,
(…)
Reçoit les appels et les demandes incidentes,
Les dit non fondées,
Confirme, mais pour d'autres motifs, le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'appelant Verbeiren de sa demande originaire.
(…)