Article

Cour d'appel Liège, 01/03/2007, R.D.C.-T.B.H., 2009/1, p. 23-24

Cour d'appel de Liège 1er mars 2007

EFFETS DE COMMERCE
Chèque - Prescription - Enrichissement sans cause
Le texte de l'article 52bis de la loi du 1er mars 1961 sur le chèque utilise non pas le terme d'enrichissement sans cause mais celui d'enrichissement injuste, ce qui tend à démontrer que l'action autorisée par l'article 52bis est une action s­pécifique qui n'obéit pas strictement aux conditions de l'action de in rem verso mais qui sanctionne celui qui s'enrichit injustement, c'est-à-dire d'une manière contraire à l'équité.
WAARDEPAPIEREN
Cheque - Verjaring - Verrijking zonder oorzaak
De tekst van artikel 52bis van de wet op de cheque gebruikt de woorden “verrijking zonder oorzaak” niet, maar wel die van “onrechtmatige verrijking”, wat beoogt te bewijzen dat de rechtsvordering die door artikel 52bis is toegestaan een specifieke rechtsvordering is die niet strikt gehoorzaamt aan de voorwaarden van de in rem verso-vordering, maar die degene straft die zich op onrechtmatige wijze, namelijk op een manier die in strijd is met de billijkheid, verrijkt.

SA Fortis Banque / SA Echos Swit

Siég.: R. de Francquen (président de chambre), X. Ghuysen et M.-Cl. Ernotte (conseillers)
Pl.: Mes F. Kerstenne et J.-L. Wenric

Par requête du 9 septembre 2005, la SA Fortis Banque interjette appel du jugement rendu le 26 mai 2005 par le tribunal de commerce de Liège.

L'action qu'elle a intentée par citation du 26 février 2004 tend à la récupération, à charge de l'intimée, du montant d'un chèque de 4.647,48 EUR remis par celle-ci à une société Cynap qui l'a encaissé le 12 janvier 2001 auprès de l'appelante et dont le compte de l'intimée n'a pu être débité parce qu'avant de le présenter en chambre de compensation, l'appelante l'a égaré.

Les premiers juges ont rejeté la demande en considérant que l'action était prescrite en vertu de l'article 52 de la loi du 1er mars 1961 sur le chèque et que l'article 52bis de ladite loi ne trouvait pas à s'appliquer parce que, cette disposition étant fondée sur la théorie de l'enrichissement sans cause, la cause de l'appauvrissement de l'appelante résidait dans la négligence commise par elle et donc que, le lien causal étant rompu par cette faute, le caractère injuste de l'enrichissement de l'intimée n'était pas établi.

Tout en insistant sur ce que sa demande est fondée sur la théorie de l'enrichissement sans cause ou action de in rem verso (conclusions p. 3-5), l'appelante continue d'invoquer l'application de l'article 52bis de la loi sur le chèque, lequel dispose que “en cas de prescription, il subsiste une action contre le tireur qui n'a pas fait provision et contre un tireur ou un endosseur qui se serait enrichi injustement” (requête d'appel, p. 2 et conclusions, p. 6). Elle rappelle qu'elle n'a jamais réclamé les intérêts antérieurs à la citation.

L'appelante ne prétend pas exercer un recours cambiaire basé sur le chèque puisque l'article 52 édicte une courte prescription de 6 mois à partir de l'expiration du délai de présentation. Elle ne peut d'ailleurs représenter l'original du chèque qui lui a été endossé et n'aurait pu, alors qu'elle avait crédité Cynap “sous réserve de modification et sauf bonne fin”, se faire rembourser par elle sans lui remettre le chèque présenté à l'encaissement.

Le législateur ne s'est pas expliqué sur la nature de l'action qui subsiste en dépit de la prescription lorsqu'un tireur s'est enrichi injustement. Si le texte semble indiquer qu'il s'agit d'un recours extra-cambiaire fondé sur les règles de l'enrichissement sans cause, cette disposition ne paraît guère susceptible d'être appliquée (Van Ryn et Heenen, Principes de droit commercial, T. III, p. 453, n° 598 et p. 470, n° 623). Le texte utilise d'ailleurs non pas le terme d'enrichissement sans cause mais celui d'enrichissement injuste, ce qui tend à démontrer que l'action autorisée par l'article 52bis est une action spécifique qui n'obéit pas strictement aux conditions de l'action de in rem verso mais qui sanctionne celui qui s'enrichit injustement, c'est-à-dire d'une manière contraire à l'équité. Il est donc superflu d'examiner les conditions d'intentement de l'action de in rem verso et de vérifier si lesdites conditions sont en l'espèce réunies.

L'appelante a payé la dette de l'intimée qui s'est trouvée libérée vis-à-vis de Cynap sans pour autant supporter la charge de cette dette. Elle n'était pas animée d'une intention libérale et la perte du chèque qui lui est imputable ne peut permettre en équité à l'intimée de s'enrichir à ses dépens.

Par ces motifs,

La cour, statuant contradictoirement,

Reçoit l'appel,

Réformant le jugement entrepris, condamne l'intimée, SA Echos Swit, à payer à l'appelante 4.647,48 EUR avec les intérêts judiciaires aux taux légaux successifs depuis le 26 février 2004 et les dépens des deux instances liquidés pour l'appelante à 1.204,16 EUR suivant l'état produit.

(…)