Article

Cour d'appel Bruxelles, 01/06/2007, R.D.C.-T.B.H., 2008/9, p. 821-829

Cour d'appel de Bruxelles 1 juin 2007

TÉLÉCOMMUNICATIONS
Généralités - Répartition des compétences - Collaboration obligatoire - Régulation des marchés - Définition des marchés - Analyse des marchés - Imposition d'obligations - Marché de détail “accès” - Revente d'abonnements (wholesale line rental) - Étendue de la compétence d'avis du conseil de la concurrence (art. 55 LCE)
Une décision de l'IBPT qui ne couvre pas la fourniture de services de transmission de données, nécessaire à la transmission de programmes de radio et de télévision, n'empiète pas les compétences des régulateurs communautaires.
Un régulateur ne peut imposer une régulation ex ante du marché de détail que s'il a préalablement défini, conformément aux principes du droit de la concurrence, un marché pertinent de détail susceptible d'une régulation ex ante. Pour que des biens et des services fassent partie d'un même marché, il faut qu'ils soient suffisamment substituables par les consommateurs ou que d'autres fournisseurs puissent les offrir. En l'espèce, le marché de l'accès au réseau téléphonique est distinct de celui des services téléphoniques.
Est fondée, la désignation par l'IBPT de Belgacom comme opérateur puissant, suivant une analyse des marchés de détail de l'accès, avant les marchés de gros, conformément aux recommandations de la Commission européenne. Les remèdes peuvent s'appliquer tant aux marchés de gros qu'aux marchés de détail. Aucun texte n'impose aux ARN de procéder à une analyse simultanée des marchés de détail et des marchés de gros correspondants. Un remède touchant le marché de gros n'implique pas pour l'ARN l'obligation d'analyser le marché de gros correspondant et il ne faut pas d'abord constater l'inefficacité de ce remède pour imposer un remède sur le marché de détail.
Dès lors que la motivation des remèdes échappe à la compétence d'avis contraignant du Conseil de la concurrence - qui n'est pas prévu en ce qui concerne la délimitation des marchés et l'imposition d'une méthodologie “orthodoxe” pour apprécier le caractère approprié, proportionnel et justifié des mesures adoptées - l'avis n'a qu'une valeur non contraignante et le Conseil de la concurrence, ayant épuisé sa saisine en émettant son avis, ne peut imposer à l'IBPT de lui soumettre une nouvelle décision conforme à ses exigences.
Une décision-cadre sur les remèdes est parfaitement valable. Les modalités peuvent être fixées dans un second temps. S'agissant de mesures ex ante, s'il est impossible pour l'IBPT de démontrer mathématiquement que le remède favorisera la concurrence, en l'espèce sur le marché de l'accès au réseau, il suffit qu'il démontre que le remède répondra raisonnablement aux attentes.
L'IBPT n'a qu'un pouvoir de contrôle et d'injonction, mais pas de substitution.
TELECOMMUNICATIE
Algemeen - Bevoegdheidsverdeling - Verplichte samenwerking - Marktregulering - Marktdefinitie - Markt­analyse - Opleggen van verplichtingen - Kleinhandelsmarkt “toegang” - Doorverkoop van abonnementen (wholesale line rental) - Omvang adviesbevoegdheid Raad voor de Mededinging (art. 55 WEM)
Een beslissing van het BIPT die geen betrekking heeft op de levering van datatransmissiediensten welke nodig zijn voor de doorgifte van radio- en televisieprogramma's, raakt de bevoegdheden van de regulatoren van de gemeenschappen niet.
Een regulator kan geen regelgeving ex ante opleggen voor de kleinhandelsmarkt als hij niet voorafgaandelijk, conform de principes van het mededingingsrecht, een relevante kleinhandelsmarkt heeft omschreven die aan een ex ante-regulering kan worden onderworpen. Opdat waren en diensten deel zouden uitmaken van een zelfde markt, moeten zij voldoende substitueerbaar zijn voor de verbruikers of moeten zij door andere dienstverstrekkers kunnen worden aangeboden. In onderhavig geval is de markt voor toegang tot het telefonienetwerk verschillend van deze van de telefoniediensten.
De omschrijving door het BIPT van Belgacom als operator met een sterke marktpositie, welke, conform de aanbevelingen van de Europese Commissie, volgt uit een analyse van de kleinhandelsmarkt van toegang tot het netwerk, vóór de groothandelsmarkt, is gegrond. Geen enkele tekst verplicht de nationale regulatoren om tot een gelijktijdige analyse over te gaan van de kleinhandelsmarkten en de corresponderende groothandelsmarkten. Een maatregel die de groothandelsmarkt raakt, leidt niet tot de verplichting voor de nationale regulator om de groothandelsmarkt in kwestie te analyseren en hij moet niet eerst de ondoeltreffendheid van deze maatregel vaststellen om een maatregel met betrekking tot de kleinhandelsmarkt op te leggen.
Wanneer de motivering van de opgelegde verplichtingen buiten de dwingende adviesbevoegdheid van de Raad voor de Mededinging valt - die niet is voorzien wat betreft de afgrenzing van de markten en het opleggen van een “orthodoxe” methodologie om het passend, proportioneel en gerechtvaardigd karakter van de genomen maatregelen te beoordelen - heeft dit advies slechts een niet-dwingende waarde en kan de Raad voor de Mededinging, die zijn rechtsmacht heeft uitgeput door zijn advies te verlenen, niet aan het BIPT opleggen hem een nieuwe beslissing voor te leggen die zou overeenstemmen met zijn eisen.
Een kaderbeslissing over de toe te passen maatregelen is perfect geldig. Modaliteiten ervan kunnen later worden bepaald. Wanneer het gaat over ex ante-maatregelen en het onmogelijk is voor het BIPT om rekenkundig aan te tonen dat de maatregel de mededinging ten goede zal komen, in onderhavig geval op de markt van toegang tot het netwerk, volstaat het dat hij aantoont dat de maatregel redelijkerwijs zal voldoen aan de verwachtingen.
Het BIPT heeft slechts een controle en injunctiebevoegdheid, maar geen substitutiebevoegdheid.

Belgacom SA / IBPT - en présence de Tele2 Belgium et Versatel Belgium (intervenantes volontaires)

H. Mackelbert (président), E. Herregodts et Y. Demanche (conseillers)
Pl.: Mes D. Van Liedekerke, E. Van Parys et S. Depré, W.J. Maxwell et A. Verheyden, Y. Desmedt
I. Décision attaquée

Le recours est dirigé contre la décision prononcée le 19 juin 2006 par l'IBPT, relative à la définition des marchés, l'analyse des conditions de concurrence, l'identification des opérateurs puissants et la détermination des obligations appropriées pour les marchés de détail du groupe “accès”, sélectionnés dans la recommandation de la Commission européenne du 11 février 2003.

II. Procédure devant la cour

(…)

III. Faits et antécédents de la procédure

1. Le 11 février 2003, la Commission européenne a adopté une recommandation concernant les marchés pertinents de produits et de services dans le secteur des communications électroniques susceptibles d'être soumis à une réglementation ex ante, conformément à la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques. Il est ainsi recommandé aux autorités réglementaires nationales (ARN) d'analyser les marchés de produits et de services qui sont énumérés dans l'annexe et ensuite de définir les marchés pertinents sur lesquels une réglementation ex ante peut se justifier.

L'IBPT a, dans un premier temps, décidé de procéder à l'analyse de quatre marchés qui font partie du groupe “Accès” de la liste annexée à la recommandation de la Commission, à savoir:

- l'accès au réseau téléphonique public en position déterminée pour la clientèle résidentielle (marché 1);

- l'accès au réseau téléphonique public en position déterminée pour la clientèle non résidentielle (marché 2);

- la fourniture en gros d'accès dégroupé (y compris l'accès partagé) aux boucles et sous-boucles des lignes métalliques pour la fourniture de services à large bande et de services vocaux (marché 11);

- la fourniture en gros d'accès à large bande (marché 12).

Le 25 octobre 2005, l'IBPT a publié un document de consultation relatif à ces marchés en invitant les opérateurs à faire valoir leurs commentaires sur son analyse et les remèdes qu'il proposait d'imposer.

Suite à cette consultation, l'IBPT a modifié son projet initial et l'a soumis, le 24 février 2006, au Conseil de la concurrence qui a rendu son avis le 25 mars 2006. Aux termes de celui-ci, le Conseil de la concurrence a émis plusieurs observations et a invité l'IBPT à préciser les motifs du caractère approprié, proportionné et justifié de chaque obligation proposée. Il s'est par ailleurs réservé le droit d'émettre son avis sur les obligations que l'IBPT lui proposera après en avoir explicité les motifs.

L'IBPT a modifié son projet en ce qui concerne les marchés 1 et 2 et a décidé de suspendre sa décision pour les marchés 11 et 12, eu égard à l'existence d'une controverse quant à sa compétence éventuelle pour pouvoir examiner seul ces marchés (cf. infra).

Un nouveau projet daté du 10 mai 2006 a été soumis à la procédure de consultation européenne. Par son avis du 9 juin 2006, la Commission européenne a décidé qu'il n'y avait pas lieu pour elle de formuler d'observations.

Le 19 juin 2006, l'IBPT a adopté sa décision définitive.

2. Belgacom introduit un recours contre cette décision qu'elle demande à la cour de mettre à néant, soit dans son intégralité soit en ce qu'elle lui impose des obligations ex ante, en tout ou en partie.

Tele2 et Versatel interviennent volontairement à la cause. Elles demandaient originairement à la cour de suspendre sa décision jusqu'à ce qu'elles puissent avoir connaissance du dossier administratif complet, demande à laquelle elles ont renoncé à l'audience du 2 février 2007. Pour le surplus, elles soutiennent la position de l'IBPT. La recevabilité de leur intervention volontaire n'est pas contestée.

Eu égard à la teneur de la décision prise par la cour (cf. infra), la question de l'étendue de sa compétence ne se pose pas.

IV. Discussion

(…)

2. Sur le moyen tiré de la méconnaissance des règles constitutionnelles et légales régissant la répartition des compétences entre l'État fédéral et les communautés et régissant les compétences de l'IBPT

4. En vertu de l'article 127 § 1 de la Constitution et de l'article 4, 6° de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980, les communautés sont compétentes en matière de radiodiffusion et télévision et le législateur fédéral demeure compétent pour les autres formes de télécommunications.

L'article 14 § 2, 5° de la loi du 17 janvier 2003 relative au statut du régulateur des postes et des télécommunications belges, inséré par l'article 73 de la loi du 20 juillet 2005 portant des dispositions diverses, dispose que l'Institut peut uniquement prendre des décisions relatives aux réseaux de communications électroniques pour lesquels les communautés sont également compétentes, après l'entrée en vigueur d'un accord de coopération avec les communautés portant sur l'exercice des compétences en matière de réseaux de communications électroniques.

Belgacom soutient que l'adoption de tout texte législatif et/ou réglementaire ainsi que de tout acte mettant en oeuvre les textes réglementaires en matière d'infrastructure de communications électroniques est, en l'absence d'un accord de co­opération et en l'absence de coopération effective, susceptible de constituer une infraction à ces dispositions.

Belgacom considère que la question de l'accès au réseau de communications électroniques, fût-il catalogué de “réseau téléphonique public”, ne peut pas être traitée comme relevant exclusivement du secteur des télécommunications s.s. dans la mesure où le raccordement à une même infrastructure (réseau cuivré ou câblé) permet aux utilisateurs finals d'accéder à toute la panoplie des services de communications électroniques, en ce compris la radiodiffusion et la télévision.

Pour Belgacom, une coopération préalable doit s'imposer automatiquement à l'occasion d'une analyse d'un quelconque marché, surtout lorsqu'on aborde la question de l'accès aux infrastructures.

Belgacom se fonde sur la jurisprudence de la Cour d'arbitrage, et notamment un arrêt du 14 juillet 2004 (arrêt n° 132/2004), aux termes duquel il a été dit que “les compétences de l'État fédéral et des communautés en matière d'infrastructure des communications électroniques sont devenues à ce point imbriquées, par suite de l'évolution technologique, qu'elles ne peuvent plus être exercées qu'en coopération”. La Cour a également précisé qu'“en tant que les compétences du régulateur portent sur l'infrastructure des communications électroniques, l'autorité fédérale n'est pas la seule autorité compétente pour régler cette matière, dès lors que les communautés peuvent, elles aussi, légiférer en l'espèce sur la base de leurs compétences en matière de radiodiffusion et de télévision”.

La Cour d'arbitrage a ainsi annulé (avec maintien en vigueur jusqu'au 31 décembre 2005) l'article 14 de la loi du 17 janvier 2003 sur le statut de l'IBPT “en tant que sont attribuées à l'Institut belge des services postaux et des télécommunications des compétences en matière d'infrastructure de transmission électronique, qui est commune à la radiodiffusion et à la télévision, ainsi qu'aux télécommunications”, ce qui a conduit le législateur à modifier cet article par sa loi du 20 juillet 2005.

Au moment de l'adoption de la décision litigieuse par l'IBPT, il n'existait aucun accord de coopération avec les autorités communautaires. S'agissant d'une décision concernant des réseaux de communications électroniques, Belgacom estime que l'IBPT ne pouvait pas légalement adopter la décision attaquée.

Il faut également préciser les compétences respectives tant des communautés que de l'IBPT pour apprécier les éventuelles répartitions communes de celles-ci.

À cet égard, la Cour d'arbitrage, en son arrêt précité du 14 juillet 2004, a eu soin de rappeler (considérant B.11.1.) que lorsqu'on délimite les compétences respectives de l'État et des communautés en matière d'informations électroniques, il convient de garder à l'esprit que la radiodiffusion et la télévision ont été confiées aux communautés en tant que matière culturelle. Le législateur fédéral est compétent pour régler les autres aspects des services de la société de l'information, d'une part, sur la base de sa compétence résiduaire et, d'autre part, sur la base de la compétence qui lui est réservée, notamment en ce qui concerne l'économie, dont relèvent les règles générales relatives à la protection du consommateur, à la politique des prix, au droit de la concurrence, au droit commercial et aux conditions d'accès à la profession.

Dans le cas d'espèce, ce n'est point tant la compétence résiduaire qui est à examiner, mais bien plutôt celle de la compétence réservée.

5. Pour dire si l'IBPT était ou non compétent pour prendre seul la décision attaquée, il convient donc de vérifier si elle concerne l'infrastructure et les services de transmission électronique communs à la radiodiffusion et à la télévision, d'une part, et aux télécommunications, d'autre part, et s'il existe un risque que cette infrastructure et ces services soient soumis à des dispositions contradictoires (cf. considérant B.A. de l'arrêt n° 163 du 8 novembre 2006 de la Cour d'arbitrage).

6. La décision attaquée analyse les marchés de détail de l'accès au réseau téléphonique public en position déterminée pour la clientèle résidentielle (marché 1) et pour la clientèle non résidentielle (marché 2).

Ainsi que le rappelle la décision (p. 35), il existe trois types principaux d'accès au réseau téléphonique public:

- la ligne analogique qui offre une voie de communication avec une bande passante de 300-3400 Hz; couplée à l'usage d'un modem, elle permet également l'échange de données jusqu'à 56 Kbp/s, ce qui permet l'accès en bande étroite à Internet; elle permet également l'échange de télécopies;

- les lignes ISDN-2 qui comportent deux canaux de communication à 64 Kbp/s pour les trafics voix et données et un canal 16Kbit/s pour la signalisation, ainsi que les lignes ISDN-30 qui permettent de déployer un ensemble de services numériques sur un lien à 2Mbit/s;

- l'accès Voice over broadband (VOB) qui utilise la connexion d'accès haut débit d'Internet de l'utilisateur; ce type d'accès peut être fourni sur la paire de cuivre ou sur les réseaux câblés.

L'IBPT identifie ensuite Belgacom comme disposant d'une puissance significative de marché (SMP) sur le marché de l'accès au réseau téléphonique en position déterminée et lui impose les remèdes suivants:

- accès et interconnexion pour la sélection et la présélection du transporteur;

- accès à un service de revente de l'abonnement;

- obligation de non-discrimination;

- obligation de transparence moyennant la publication d'une offre de référence pour la sélection et la présélection ainsi que pour la revente de l'abonnement;

- séparation comptable;

- contrôle des prix et obligations relatives au système de comptabilisation des coûts.

7. La décision attaquée n'analyse pas les services (marchés 3 à 6) qui font l'objet d'une décision différente du 11 août 2006.

Il convient en effet de faire une distinction entre l'accès, seul en cause dans la décision, et les services. L'IBPT s'est contenté de réguler l'accès à un réseau téléphonique et les conditions de cet accès, sans intervenir sur les services que cet accès permettrait.

8. Rien dans la décision ne concerne l'infrastructure, constituée par les câbles de cuivre, le coaxial, les fibres optiques et les équipements de transmission de signaux électriques.

Par ailleurs, on n'aperçoit pas en quoi les remèdes de gros qui ont été imposés par l'IBPT auraient une répercussion sur les infrastructures.

Il est exact que les réseaux câblés permettent aux utilisateurs finals d'avoir accès à la fois à la téléphonie, à Internet et à la télévision. Mais, ainsi que cela vient d'être dit à l'alinéa précédent, la décision attaquée ne concerne pas l'infrastructure et, partant, l'infrastructure mise en place par les cablo-distributeurs pour lesquels les communautés sont compétentes.

9. Par ailleurs, l'IBPT a considéré que l'accès haut débit à Internet ne pouvait être intégré dans les marchés 1 et 2 (cf. p. 54, dernier al.). Il s'en déduit que la décision attaquée ne concerne que l'accès au réseau téléphonique qui permettra de proposer des services ordinaires, à savoir la transmission de la voix et de données à bas débit et ne concerne pas les équipements DSL et ATM qui sont, notamment, utilisés pour la fourniture de services de radiodiffusion, services pour lesquels les communautés sont compétentes.

Il est donc indifférent qu'un utilisateur final puisse avoir accès à des services nécessitant un haut débit par le réseau cuivré ou le câble puisque, dans le cadre de la répartition des compétences entre les différents régulateurs, il convient uniquement de vérifier si la décision, qui est limitée au bas débit, est de nature à porter atteinte aux compétences des régulateurs communautaires en matière de radiodiffusion et de télévision.

Or, il n'est pas possible, techniquement, de prester des services de radiodiffusion et de télévision avec l'accès analogique à 56 Kbp/s ou l'accès numérique à 64 Kbp/s. Il résulte en effet des explications données par les parties lors des plaidoiries que ces services requièrent une transmission en continu.

En toute hypothèse, Belgacom ne démontre pas qu'il serait possible d'avoir accès à un service de télévision par le bas débit, ce que l'IBPT conteste. Quant à la radiodiffusion, il est certes exceptionnellement possible d'écouter la radio au moyen d'une connexion Internet à bas débit, mais dans ce cas on ne peut prétendre qu'il s'agit d'une transmission en temps réel d'un programme puisque les données sont stockées dans une mémoire tampon et ne sont lues que lorsqu'il y en a suffisamment, ce qui engendre un délai entre l'émission du signal et sa réception qui peut être plus ou moins long (technique du streaming).

Comme la transmission de programmes de radio et de télévision suppose nécessairement la fourniture de services de transmission de données et que la décision ne couvre pas ces services, elle ne pouvait empiéter les compétences des communautés et pouvait, par conséquent, être adoptée sans attendre la conclusion d'un accord de coopération.

10. Dès lors que l'IBPT a décidé d'abandonner l'examen des marchés 11 et 12, il est sans intérêt d'examiner le projet de décision avant sa modification, notamment en ce qu'il a trait à ces marchés.

Il y a en effet lieu de s'en tenir uniquement à la décision attaquée.

Au demeurant, lorsque l'IBPT a abordé la perspective éventuelle d'une concertation entre les autorités de régulation fédérale et communautaires pour les marchés 11 et 12, il a utilisé le conditionnel; il ne peut dès lors être déduit de cette considération aucune reconnaissance quelconque et notamment que les marchés 1 et 2 seraient intimement liés aux marchés 11 et 12 à tel point qu'il ne serait pas compétent pour analyser seul les marchés 1 et 2.

11. Belgacom reste très imprécise dans son argumentation et ne dit pas, in concreto, sur quels points une concertation devrait s'imposer avec les régulateurs communautaires afin d'éviter le risque de dispositions éventuellement contradictoires.

Même si l'IBPT a affirmé qu'il était possible qu'à moyen terme des opérateurs alternatifs puissent être susceptibles d'offrir aux consommateurs finals le triple play (téléphonie, Internet et télévision) grâce au remède de la revente de l'abonnement, il n'en demeure pas moins que la décision attaquée ne concerne pas le marché des services et encore moins la matière du dégroupage. En émettant une hypothèse sur les effets d'un remède qu'il proposait, l'IBPT n'a pas empiété sur les compétences des régulateurs communautaires en matière de télévision. Ce remède est étranger aux infrastructures et on n'aperçoit pas en quoi les régulateurs communautaires seraient également compétents pour imposer à Belgacom l'accès au réseau téléphonique par la sélection et la présélection ainsi que la revente de l'abonnement au réseau téléphonique.

À supposer que ce remède puisse avoir un impact sur les investissements que pourraient faire les opérateurs alternatifs - ce qui, à ce stade n'est pas encore démontré - il ne peut en être déduit qu'il concernerait directement les infrastructures.

12. Enfin, il ne peut être tiré aucun argument de l'acte de coopération négocié entre l'État fédéral et les communautés puisqu'il a été signé postérieurement à la décision attaquée et qu'il n'a toujours pas été ratifié par toutes les entités du Royaume. Pour le même motif, il est sans incidence que l'IBPT a décidé de suspendre le remède relatif à la revente de l'abonnement afin de permettre aux régulateurs communautaires de formuler leurs observations lorsque l'acte de coopération sera entré en vigueur, cette décision ayant été prise sans aucune reconnaissance.

13. Les pièces supplémentaires que Belgacom souhaite déposer sont constituées par deux courriers émanant du Conseil supérieur de l'audiovisuel et du Vlaamse regulator voor de media, dans lesquelles ces autorités expriment leur opinion quant à la compétence de l'IBPT. Elles font suite à une lettre de l'IBPT par laquelle ce dernier, faisant preuve de bonne volonté et en préparation de la ratification de l'accord de coopération avec les régulateurs communautaires les informe de son projet de décision du 20 décembre 2006 concernant les aspects qualitatifs et quantitatifs de l'offre de référence déposée par Belgacom quant à la revente de l'abonnement.

Pour les mêmes motifs que ceux exposés plus haut, l'opinion de ces régulateurs sur l'étendue de leurs compétences respectives ne constitue pas un fait capital justifiant la réouverture des débats puisqu'ils n'étaient pas compétents pour adopter une décision similaire à celle attaquée.

La requête doit donc être rejetée.

14. Il se déduit de ce qui précède que l'IBPT n'a pas empiété sur les compétences des régulateurs communautaires et que le moyen n'est pas fondé.

3. Sur le moyen tiré du non-respect des conditions requises pour l'imposition d'obligations ex ante de détail

(…)

e. Sur l'avis du Conseil de la concurrence

30. Dans son avis du 25 mars 2006, le Conseil de la concurrence a formulé certaines observations générales portant sur la méthodologie utilisée par l'IBPT pour déterminer les marchés pertinents et la puissance des opérateurs sur ces marchés. Il a notamment suggéré que l'IBPT adopte une démarche qui analyse successivement le marché sans réglementation et avec réglementation. Il a également estimé que l'analyse de la substituabilité entre l'accès sur les réseaux fixe et mobile méritait d'être approfondie.

Quant aux remèdes, le Conseil de la concurrence formulait la même critique et reprochait à l'IBPT de ne pas avoir utilisé une méthodologie systématique, basée sur une application orthodoxe de l'évaluation de ces remèdes.

En conclusion, le Conseil de la concurrence a souhaité que l'IBPT précise les motifs du caractère approprié, proportionné et justifié de chaque obligation proposée. À défaut, il estime que l'obligation ne peut être imposée à l'opérateur puissant. Pour lui, la question de savoir si l'un ou l'autre de ces remèdes de détail doit être imposé est prématurée et il se réserve d'émettre son avis “contraignant” après avoir reçu un nouveau projet de décision de l'IBPT.

Par ailleurs, le Conseil de la concurrence a également émis des observations à propos des marchés 11 et 12 qui sont sans pertinence en l'espèce puisque la décision ne concerne plus ces marchés.

Le 25 mars 2006, dans un document de 20 pages, l'IBPT a répondu au Conseil de la concurrence et a ensuite soumis sa décision définitive à la Commission européenne, contenant, sur certains points, une adaptation pour répondre à l'avis du Conseil de la concurrence (cf. p. 33 de la décision attaquée).

31. Belgacom soutient que la décision attaquée est entachée d'illégalité, considérant que l'avis du Conseil de la concurrence est négatif et qu'il appartenait dès lors à l'IBPT de solliciter un nouvel avis avant de prendre sa décision.

32. Aux termes de l'article 55 § 5 de la loi du 13 juin 2005, le Conseil de la concurrence ne peut émettre un avis contraignant sur les décisions de l'IBPT qu'en ce qui concerne la conformité aux objectifs visés par le droit de la concurrence des décisions imposant:

- sur le marché de l'accès, des obligations en matière de contrôle des prix (art. 62 § 1er de la même loi);

- sur le marché de détail, des obligations visant à interdire d'utiliser des prix anormalement hauts, d'entraver l'accès au marché, d'utiliser des prix d'éviction restreignant la concurrence, d'appliquer des préférences injustifiées pour certains utilisateurs finals et de grouper des services de manière injustifiée (art. 64 § 1er).

La loi ne prévoit aucune compétence d'avis contraignant du Conseil de la concurrence en ce qui concerne la délimitation des marchés et l'imposition d'une méthodologie “orthodoxe” pour apprécier le caractère approprié, proportionnel et justifié des mesures adoptées par l'IBPT.

Il convient en outre de constater que le Conseil de la concurrence ne s'est pas prononcé sur la question de la conformité des remèdes par rapport aux objectifs du droit de la concurrence.

Dès lors que la motivation des remèdes échappe à la compétence d'avis contraignant du Conseil de la concurrence, ce dernier ne pouvait imposer à l'IBPT de lui soumettre une nouvelle décision conforme à ses exigences. En émettant son avis, le Conseil de la concurrence a épuisé sa saisine.

Il s'en déduit que l'avis du Conseil de la concurrence, tel qu'il a été formulé et eu égard à sa compétence limitée, n'a qu'une valeur non contraignante. L'IBPT pouvait donc légalement prendre la décision attaquée de la manière dont il l'a prise.

Enfin, il convient de rappeler que la Commission européenne a estimé que la décision de l'IBPT n'appelait aucune observation particulière. Or, en exécution du point 4.3. de la Communication de la Commission du 6 février 2006, il lui appartient d'examiner si les obligations imposées aux ARN sont appropriées. Ce nihil obstat renforce donc la cohérence de la décision de l'IBPT.

(…)

6. Sur les obligations de transparence
a. Sur l'obligation de publier une offre de référence

43. Belgacom soutient que l'obligation de publier une offre de référence en matière de sélection et de présélection et de revente de l'abonnement n'est pas justifiée par rapport au problème constaté et à l'objectif poursuivi, lesquels ne sont d'ailleurs pas identifiés avec précision dans la décision attaquée. En outre, la décision n'est pas proportionnée par rapport au problème constaté et à l'objectif poursuivi.

44. L'obligation de publier une offre de référence trouve son fondement dans les articles 9 de la directive “Accès” et 59 de la loi du 13 juin 2005.

En ce qui concerne la sélection et la présélection, Belgacom était déjà tenue de publier une offre de référence. Ainsi que cela a été rappelé plus haut, l'IBPT a constaté que ce remède n'avait pas été suffisant pour instaurer une réelle concurrence sur le marché de l'accès au réseau téléphonique. Il a maintenu le remède et, logiquement, l'obligation accessoire de publier une offre de référence qui doit permettre aux opérateurs alternatifs de conclure en toute transparence des contrats d'accès et d'interconnexion avec Belgacom, leur garantissant qu'ils pourront acheter seulement les prestations dont ils ont besoin.

Dès lors qu'il n'est pas établi que les conditions du marché sont devenues différentes de celles qui prévalaient dans l'ancien cadre réglementaire, il n'est pas critiquable, en soi, pour l'IBPT d'avoir maintenu l'obligation de publier une offre de référence.

Quant à la revente de l'abonnement, il s'agit d'un remède nouveau. Il était donc indispensable d'imposer également une offre de référence pour remédier au déséquilibre existant entre le pouvoir de négociation du nouvel arrivant et celui de l'opérateur historique, permettant ainsi l'établissement de conditions de marché transparentes et non discriminatoires. Il est en outre indispensable pour les nouveaux entrants de connaître avec précision quelles seront les conditions qui leur seront demandées afin de pouvoir disposer des services qui leur seront offerts.

Il n'est par ailleurs pas démontré que l'établissement de ces offres de référence engendrerait pour Belgacom des coûts disproportionnés.

Le moyen n'est pas fondé.

b. Sur le contenu imposé de l'offre de référence

45. Belgacom fait grief à l'IBPT de ne pas avoir justifié le contenu et le détail de l'offre de référence dont il imposait la publication au regard de l'objectif poursuivi par ce remède.

46. Le contenu de l'offre de référence, tel que repris à la page 121 de la décision attaquée, s'inspire de la liste minimale des éléments qui doivent figurer dans l'offre de référence pour l'accès dégroupé à la boucle locale (cf. annexe II de la directive “Accès”).

Il n'était donc pas requis que chaque point fasse l'objet d'une analyse détaillée ou d'une justification précise. Au demeurant, le contenu imposé par l'IBPT n'est pas déraisonnable et constitue le minimum de ce qui est nécessaire pour conclure une convention (détail de l'offre, modalités techniques de l'accès, procédure de commande, conditions d'accès aux systèmes d'assistance, délais de réponse, garantie de qualité et prix).

Le moyen n'est pas fondé.

c. Sur le processus d'approbation et de modification de l'offre de référence

47. Belgacom reproche à ce processus:

- son caractère annuel: il s'agit d'une atteinte au pouvoir du régulateur de modifier l'offre à tout moment, ce qui est contraire au cadre réglementaire;

- l'obligation de motivation: aucune disposition légale ne permet en effet à l'IBPT d'imposer pareille obligation;

- l'approbation préalable par l'IBPT: cette approbation est certes prévue par l'article 59 § 5 de la loi du 13 juin 2005 mais pas par le cadre communautaire et est ainsi contraire à l'article 9.2. de la directive “Accès” qui habilite l'autorité nationale à imposer des modifications aux offres de référence. Il faut donc écarter cette obligation d'approbation;

- la possibilité pour un bénéficiaire de proposer des modifications de l'offre: cette possibilité n'est prévue par aucune disposition nationale ou communautaire. Elle méconnaît l'objectif poursuivi par la réglementation, à savoir l'instauration d'une concurrence durable et la priorité consacrée à la négociation des contrats directement par les opérateurs (art. 3 de la directive “Accès” et 3 et 6 de la loi du 13 juin 2005).

48. L'article 9.2. de la directive “Accès” dispose que l'autorité réglementaire nationale est habilitée, entre autres, à imposer des modifications aux offres de référence, afin de donner effet aux obligations imposées au titre de cette directive. L'article 59 de la loi du 13 juin 2005 ne prévoit aucune période de validité de cette offre de référence ni aucun calendrier précis pour son approbation.

Il s'en déduit que l'IBPT peut imposer, en tout temps, des modifications à l'offre de référence si les circonstances l'exigent. Par ailleurs, en termes de plaidoiries, I'IBPT a reconnu lui-même que Belgacom était recevable à solliciter auprès de lui des modifications de cette offre à son profit.

Dès lors, l'obligation de publier chaque année une nouvelle offre de référence, valable pour un an, ne repose sur aucun fondement légal. En tout état de cause, elle est disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi. En revanche, comme l'accepte expressément Belgacom, cette offre de référence devra être tenue à jour en permanence, soit à son initiative soit sur injonction de l'IBPT.

49. Il se déduit de ce qui précède que l'obligation imposée à Belgacom de motiver les modifications apportées à la nouvelle offre annuelle de référence par rapport à la précédente est devenue sans objet.

Par contre, si Belgacom devait, dans le cadre de la mise à jour, solliciter des modifications à son profit de l'offre de référence en vigueur, il lui appartiendra de motiver celle-ci. En effet, pour satisfaire aux obligations de transparence et de non-discrimination, il appartient à Belgacom d'expliquer pourquoi une modification à l'offre de référence s'impose.

50. L'article 9.2. de la directive “Accès” donne la compétence aux ARN d'imposer de publier une offre de référence et d'imposer des modifications à celles-ci. Le paragraphe 3 laisse le soin aux ARN de préciser les informations à fournir, le niveau de détail requis et le mode de publication.

L'article 59 § 5 de la loi du 13 juin 2005 dispose quant à lui que toute offre de référence est, préalablement à sa publication, approuvée par l'IBPT.

La directive ajoute que l'offre de référence doit être suffisamment détaillée pour garantir que les entreprises ne sont pas tenues de payer pour des ressources qui ne sont pas nécessaires pour le service demandé et qu'elle doit comprendre une description des offres pertinentes réparties en divers éléments selon les besoins du marché, accompagnée des modalités et conditions correspondantes, y compris les prix.

Il ne se déduit pas de la directive que le législateur national ne pourrait pas imposer une approbation préalable de l'offre de référence avant sa publication. Celle-ci répond à un besoin de sécurité juridique et conforte le pouvoir de contrôle et d'injonction de l'IBPT.

Par ailleurs, il n'est pas incompatible de prévoir, d'une part, qu'une offre de référence doit être approuvée par l'ARN et, d'autre part, que celle-ci puisse, en tout temps, imposer des modifications. Le fait d'approuver une offre à une époque déterminée n'implique pas son immutabilité, étant entendu qu'il appartiendra à l'IBPT de motiver à chaque fois les modifications qu'il entend imposer.

Il n'y a donc pas lieu d'écarter l'article 59 § 5 de la loi du 13 juin 2005.

51. En revanche, aucune disposition communautaire ou nationale ne prévoit l'intervention directe des bénéficiaires de l'offre de référence dans les relations entre l'opérateur puissant et l'ARN.

Le pouvoir de l'IBPT n'est qu'un pouvoir de contrôle et d'injonction, mais pas de substitution. L'IBPT peut imposer à Belgacom de modifier son offre de référence mais n'a pas compétence pour s'immiscer dans les rapports contractuels entre parties. Si Belgacom ne respecte pas les injonctions de l'IBPT, ce dernier peut, après une mise en demeure, lui infliger une amende, en exécution de l'article 21 de la loi du 17 janvier 2003 relative au statut du régulateur des secteurs des postes et des télécommunications belges. Il s'en déduit qu'une décision de l'IBPT sur une offre de référence ne modifie pas celle-ci, et partant le contrat qui est conclu entre les opérateurs sur la base de celle-ci.

Il ne peut donc être admis que les bénéficiaires puissent compléter et corriger l'offre de référence et que de telles modifications soient considérées comme apportées par Belgacom elle-même.

Certes, les bénéficiaires peuvent suggérer des modifications, à l'occasion de la consultation du marché, mais l'IBPT doit rester seul compétent en la matière.

Le recours est fondé sur ce point.

d. Sur l'obligation de communication des accords d'accès et d'interconnexion

52. Belgacom soutient que la directive “Accès” ne prévoit pas d'obligation de communiquer tout accord d'accès ou d'interconnexion conclu entre Belgacom et un opérateur. En permettant l'intervention de l'IBPT dans les contrats, notamment en ordonnant la modification de tout accord, le législateur a violé l'article 3.1. de la directive “Accès” qui interdit les restrictions à la négociation entre les entreprises.

53. L'IBPT s'est fondé sur l'article 53 de la loi du 13 juin 2005 pour imposer à Belgacom de lui communiquer, dans les 10 jours de leur signature, tous ses contrats d'accès et d'interconnexion avec les opérateurs alternatifs.

Cette obligation s'inscrit dans le cadre de l'obligation de non-discrimination qui pèse sur Belgacom et du pouvoir de contrôle des ARN qui doivent disposer de tous les renseignements utiles pour pouvoir l'exercer.

Le fait pour une ARN d'être en possession de tous les accords d'accès et d'interconnexion ne constitue pas une entrave à la libre négociation entre les différents opérateurs.

L'article 53 de la loi du 13 juin 2005 n'est donc pas contraire à la directive “Accès”.

54. Dans la décision attaquée, l'IBPT s'est réservé le droit, conformément à l'article 57 de la loi du 13 juin 2005, d'imposer la modification des accords d'accès déjà conclus.

S'il est exact qu'une décision de l'IBPT ne peut avoir pour effet de modifier un contrat conclu entre deux opérateurs, rien n'empêche l'IBPT, dans le cadre de son pouvoir général de contrôle du respect de la loi du 13 juin 2005, de constater qu'une convention conclue par Belgacom viole le cadre réglementaire ou que les obligations visées aux articles 58 à 65 de la loi qu'il aurait imposées à Belgacom n'ont pas été respectées et de la mettre ensuite en demeure de remédier à ces infractions, conformément à l'article 21 de la loi “statut” du 17 janvier 2003. Un de ces remèdes peut consister dans l'obligation pour Belgacom de modifier un contrat préalablement conclu.

Interprété comme tel, l'article 57 de la loi du 13 juin 2005, ne constitue pas une restriction à la liberté des entreprises de négocier des accords, d'autant plus que l'article 3.1. de la directive “Accès” dispose que lesdits accords doivent être conformes à la législation communautaire, ce que l'IBPT a le devoir de contrôler.

Moyennant cette précision, le recours n'est pas fondé sur ce point.

e. Sur l'obligation de publier les modifications techniques mises à la disposition des opérateurs alternatifs

55. La décision prévoit que toute information et spécification que Belgacom met à la disposition des opérateurs en vue de permettre la conclusion ou la modification d'un accord contient également, le cas échéant, les modifications qu'il prévoit d'y apporter dans les douze mois suivants.

Belgacom considère que cette obligation n'est prévue par aucune disposition, de sorte que l'IBPT excède manifestement ses pouvoirs en l'imposant.

En outre, il s'agit d'une atteinte à la liberté commerciale de Belgacom, consacrée par l'article 3 de la loi du 13 juin 2005, et aux objectifs du cadre réglementaire énoncés à l'article 8 de la directive “Cadre” et aux articles 6 et 8 de la loi du 13 juin 2005.

56. Dans la mesure où, comme l'IBPT le précise (cf. p. 83 de ses conclusions, dernier al.) cette disposition ne concerne que les modifications certaines, c'est-à-dire celles qui ont déjà été analysées, justifiées et arrêtées par Belgacom, rien n'empêche qu'elles soient communiquées aux opérateurs alternatifs dans un souci de transparence.

Sans être contredit sur ce point, l'IBPT précise en outre qu'une telle obligation figure déjà dans l'offre BRIO de Belgacom.

Dès lors qu'il y a lieu de favoriser la négociation entre les entreprises, il convient que celles-ci soient le plus rapidement possible en possession de toutes les informations utiles.

Comme Belgacom est soumise à une obligation de transparence, on n'aperçoit pas en quoi l'obligation de publier les modifications techniques en les mettant à la disposition des opérateurs alternatifs porterait atteinte à la liberté du commerce, empêcherait la fourniture de réseaux et de services de communications électroniques, ne promouvrait pas la concurrence ou ne serait pas dans l'intérêt des utilisateurs.

La décision sur ce point n'est donc pas critiquable.

f. Sur l'obligation de publier des indicateurs sur la qualité des services

57. L'article 59 § 1er de la loi du 13 juin 2005 dispose que l'IBPT peut définir les obligations de transparence concernant l'accès, en vertu desquelles les opérateurs doivent rendre publiques certaines informations définies par lui.

Sur la base de cette disposition légale, l'IBPT a décidé d'imposer à Belgacom la publication d'indicateurs sur la qualité de service (kpi ou key performance indicators, dont l'imposition est discutée dans les sections 5.2.4.5. et 5.2.5.4. du document “Revised Remedies in the ECNS regulatory framework”).

Pour Belgacom, il ne s'agit pas d'une obligation qui permet par elle-même de favoriser la concurrence ou le respect des autres objectifs de l'article 8 de la directive “Cadre” et des articles 6 à 8 de la loi du 13 juin 2005. Ce n'est donc pas une obligation qui peut être imposée ex ante.

Enfin, Belgacom critique la motivation succincte de cette obligation, qui ne permet pas d'en apprécier le caractère proportionnel.

58. L'IBPT ne donne aucune justification des raisons pour lesquelles il estime nécessaire d'imposer à Belgacom de publier des indicateurs de performance.

Certes, il est toujours possible pour un opérateur puissant de ne pas respecter son obligation de non-discrimination en offrant des services de qualité moindre, mettant ainsi les opérateurs alternatifs en difficulté vis-à-vis de leur propre clientèle, mais encore faut-il, en l'espèce, justifier pourquoi, outre une obligation générale d'offrir des services de qualité, il y a lieu, pour cet opérateur, de mettre au point une procédure publique de contrôle de la qualité.

Par ailleurs, la décision est particulièrement laconique sur ce point puisqu'elle ne donne aucun détail sur ce qu'il y a lieu de publier, les modalités, la périodicité et les destinataires de cette publication. L'IBPT ne s'est par ailleurs pas penché sur la proportionnalité de cette mesure qui risque d'engendrer des coûts importants pour Belgacom.

La décision n'est donc pas valablement motivée sur ce point.

(…)

V. Dispositif

Pour ces motifs, la cour,

1. Dit la requête en réouverture des débats non fondée.

2. Dit le recours fondé dans la mesure ci-après:

Annule la décision attaquée en ce qu'elle:

- impose à Belgacom de fournir chaque année un projet d'offre de référence et de motiver les modifications apportées à l'offre de l'année précédente (cf. p. 122);

- prévoit que les bénéficiaires de l'offre de référence puissent compléter et corriger celle-ci et que dans ce cas les modifications en question sont considérées comme apportées par Belgacom (cf. p. 122);

- impose la publication d'indicateurs sur la qualité des services (cf. p. 123).

Pour le surplus, déboute Belgacom de son recours.

3. Met les 3/4 des dépens d'appel à charge de Belgacom et le 1/4 restant à charge de l'IBPT.

Ces dépens s'élèvent à 186 EUR + 485,88 EUR pour elle, à 485,88 EUR pour l'IBPT et à 485,88 EUR pour Tele2 et Versatel.

(…)