Article

Cour d'appel Liège, 17/09/2007, R.D.C.-T.B.H., 2008/9, p. 806-807

Cour d'appel de Liège 17 septembre 2007

FACTURE
Preuve - Absence de protestation - Pas de présomption d'acceptation pour la “facture” portant sur une indemnisation
L'article 25, l'alinéa 2 C. comm. relatif à la force probante d'une facture acceptée ne s'applique pas seulement aux contrats de vente mais aussi aux autres conventions, comme la convention d'entreprise. La présomption que l'on peut déduire, conformément à l'article 25, alinéa 2 C. comm., d'une facture acceptée, ne s'attache toutefois qu'à l'essence des véritables factures, à savoir la mention de l'espèce et du prix des marchandises ou des services, du nom du client et l'affirmation de la dette de ce dernier. Cela ne s'applique pas à l'écrit dans lequel est réclamée une indemnisation qui serait due en vertu d'une clause contractuelle. L'absence de protestation contre un tel écrit n'emporte pas de présomption d'acceptation.
FACTUUR
Bewijs - Gebrek aan protest - Geen vermoeden van aanvaarding voor “factuur” die aanspraak op schadeloosstelling is
Artikel 25, lid 2 W. Kh. betreffende de bewijswaarde van een aanvaarde factuur geldt niet alleen voor koopovereenkomsten maar ook voor andere overeenkomsten, zoals aanneming. Het vermoeden dat overeenkomstig artikel 25, lid 2 W. Kh. uit een aanvaarde factuur kan afgeleid worden, geldt evenwel alleen voor de essentie van echte facturen, nl. de vermelding van soort en prijs van de handelswaar of diensten, de naam van de klant en de bevestiging van de schuld van de laatste. Het geldt niet voor een geschrift waarin aanspraak gemaakt wordt op een schadevergoeding die volgens een contractueel beding verschuldigd zou zijn. In het geval van uitblijven van protest tegen dergelijk geschrift geldt geen vermoeden van aanvaarding ervan.

SPRL Moran Consult / SA Groupe C Plus

Siég.: R. de Francquen (président), X. Ghuysen et M.-C. Ernotte (conseillers)
Pl.: Mes F. Huart et B. Hoc

(…)

Les faits de la cause ont été présentés par les premiers juges à l'exposé desquels la cour se réfère. Le 6 septembre 2003, la SA Groupe C Plus confie à la SPRL Moran Consult “la prospection, la recherche de différents amateurs, concernant la vente de la SA Alusign (...) pour le prix souhaité de quatre millions d'euros” (art. 1). À titre d'avance sur frais la SPRL Moran Consult perçoit un acompte de 3.225 EUR étant entendu que “ces 3.225 EUR acquis ne seront pas remboursables”. Cette convention est amendée le 17 novembre 2003 pour étendre la mission de prospection à une autre société, majorer l'acompte et prévoir l'octroi d'une indemnité au profit de la SPRL Moran Consult si les cédants renonçaient à vendre les actions.

Discussion

L'appelante prétend au bénéfice de l'indemnité prévue à l'article 3 de la convention, selon lequel “pour le cas où Monsieur Clarinval représentant valablement le groupe C Plus renoncerait à vendre les actions des deux sociétés susmentionnées pour le prix souhaité de cinq millions sept cent trente quatre mille EUR, une indemnité de 6.200 EUR sera payée à Moran Consult à titre d'indemnité”. L'appelante se fonde sur l'absence de protestation au courrier, qu'elle présente comme valant facture, adressé à l'intimée le 27 octobre 2004.

Les premiers juges ont écarté à bon droit l'application de l'article 25, alinéa 2 du Code de commerce, en vertu duquel une force probante particulière s'attache à la facture acceptée. Bien qu'il ne s'agisse en l'espèce non pas d'une vente commerciale, mais d'un contrat d'entreprise, “l'acceptation d'autres factures, notamment pour des prestations de services, pourra cependant être retenu comme présomption selon les règles générales du droit commercial” (D. Mougenot, La preuve, Rép. not., T. IV, livre II, n° 209; Cass. 29 janvier 1996, Pas. 1996, I, 59). Toutefois, cette présomption ne s'attache qu'à ce qui fait l'essence de la facture, soit “un écrit dressé par un commerçant et dans lequel sont mentionnés l'espèce et le prix des marchandises ou des services, le nom du client et l'affirmation de la dette de ce dernier” (J. Van Ryn et J. Heenen, Principes de droit commercial, T. III, n° 59). La facture n'a en revanche pas pour objet de constater l'existence d'une indemnité qui serait due par une partie contractante (E. Dirix et G.-L. Ballon, La facture, nos 8 et 9), que celle-ci soit due en vertu d'une clause pénale ou, ainsi que le soutient l'appelante, d'une clause de dédit, l'indemnité contractuellement prévue dans ce cas étant la contrepartie du droit de l'intimée de renoncer au contrat, et non le “paiement des prestations de services exposées par Moran Consult dans l'exécution du contrat” (conclusions, p. 4).

L'appelante ne peut donc se retrancher derrière l'absence de protestation de l'intimée à la réception de son courrier du 27 octobre 2004, document valant, selon ses termes, facture pour prétendre d'emblée à l'indemnité contractuelle.

Précisément, les conditions de mise en oeuvre de l'article 3 de la convention ne sont pas réunies.

Ainsi que le soutient à juste titre l'appelante, cette stipulation s'analyse en une clause de dédit puisque l'indemnité fixée ne constitue pas la réparation d'un dommage mais est la contrepartie de la faculté unilatérale prévue en faveur de l'intimée de renoncer “à vendre les actions des deux sociétés susmentionnées pour le prix souhaité de (...)”, et donc de mettre fin à la mission de prospection confiée à l'appelante (voir Cass. 22 octobre 1999, R.C.J.B. 2001, pp. 103 et s.). Sa mise en oeuvre résulte de la seule volonté de l'intimée et suppose dès lors une initiative de sa part de renoncer à vendre.

Or, en l'espèce, il résulte du libellé même de son courrier du 27 octobre 2004 que c'est l'appelante qui a considéré avoir accompli toutes les diligences même si “les amateurs que nous avons amenés se sont désistés ou ont offert un prix qui n'était pas acceptable” et a, de ce fait, conclu que “notre mission se termine”. Il n'est nullement fait référence à une renonciation de l'intimée à vendre, mais uniquement du constat d'échec de la prospection menée et donc de la fin de la mission dans l'esprit de l'appelante. Une telle décision ne s'identifie pas à une renonciation par l'intimée au sens de la clause contractuelle et ne peut dès lors donner ouverture à l'indemnité prévue pour cette hypothèse.

(…)