Article

Cour d'appel Liège, 29/03/2007, R.D.C.-T.B.H., 2008/7, p. 631-633

Cour d'appel Liège 29 mars 2007

TRANSPORT
Transport par route - Transport international - Convention CMR - Prescription - Réclamation écrite - Facture - Article 32.2 Convention CMR - Réparation du dommage - Article 30.6 Convention CMR
Les factures par lesquelles le commettant facture au transporteur le dommage subi par les marchandises au cours du transport, constituent une réclamation écrite suspendant la prescription au sens de l'article 32.2 Convention CMR, vu qu'elles font apparaître la volonté indubitable des donneurs d'ordre d'être indemnisés par le transporteur pour le dommage subi au cours du transport.
Lorsque les experts ont contradictoirement établi que le dommage se limite à des déroulements extérieurs des rouleaux d'acier, le transporteur ne peut pas être tenu pour un dommage plus étendu lorsque celui-ci a été constaté ultérieurement de manière unilatérale et que le transporteur n'a jamais été invité à constater ce dommage.
VERVOER
Wegvervoer - Internationaal vervoer - CMR-Verdrag - Verjaring - Schriftelijke vordering - Factuur - Artikel 32.2 CMR-Verdrag - Herstelling van de schade - Artikel 30.6 CMR-Verdrag
De facturen waarmee de opdrachtgever aan de vervoerder de schade factureert die tijdens het vervoer aan de goederen werd toegebracht, vormen een schorsende schriftelijke vordering in de zin van artikel 32.2 CMR-Verdrag nu daaruit zonder twijfel de wil van de opdrachtgevers blijkt om door de vervoerder schadeloos te worden gesteld voor de vervoerschade.
Wanneer tegensprekelijk door de experts werd vastgesteld dat de schade zich beperkt tot de buitenste windingen van rollen staal, kan de vervoerder niet voor meer uitgebreide schade worden aangesproken wanneer deze later eenzijdig werd vastgesteld en de vervoerder nooit werd uitgenodigd om deze schade vast te stellen.

SA Transports Lambert Frères / SPRL Rouelle

Siég.: R. de Francquen (président), X. Ghuysen et M.-C. Ernotte (conseillers)
Pl.: Mes C. Morenhout loco F. Ponet et Mr. A. Franken loco J. Vivario, P. Knapen

(…) Après en avoir délibéré:

Le 25 novembre 2005, la SA Transports Lambert Frères a interjeté appel du jugement rendu le 25 août 2005 par le tribunal de commerce de Verviers.

Elle demande à être déchargée de la condamnation prononcée contre elle à concurrence de 8.328,23 EUR en principal et correspondant au solde d'une facture que la SPRL Rouelle lui avait adressée le 30 avril 2002 notamment pour un transport de 2 bobines de fer blanc.

Rappel des faits

Le 23 avril 2002, l'intimée effectue un transport à la demande de l'appelante mais, le lendemain, alors que le camion doit brusquement freiner pour éviter une voiture qui lui coupe la route (voir rapport De Smedt et Moers du 2 septembre 2002, p. 3 - pièce 8 appelante), les bobines fixées sur des palettes en acier au moyen de feuillards bougent et “l'emballage et les enroulements extérieurs... (sont) déchirés et/ou bosselés” (même rapport, p. 2).

Arrivée à destination le 25 avril 2002, la marchandise est refusée et ramenée chez l'appelante où elle sera examinée le 22 mai 2002 par un expert dépêché par l'assureur de l'intimée, lequel estimera que “les dégâts visibles se limitaient aux enroulements extérieurs... (et) que les dégâts constatés sont négligeables” (rapport 23 mai 2002 - pièce 15 intimée).

La facture tracée le 30 avril 2002 par l'intimée au montant de 11.310,33 EUR (pièce 17 intimée) est payée à concurrence de 2.982,10 EUR le 27 août 2002, l'appelante ayant considéré que les frais facturés par elle les 21 juin et 31 juillet 2002 aux montants respectifs de 1.210, 6.885,28 et 232,95 EUR (pièces 2-5-6 appelante) pour faire reconditionner les bobines par Arcelor devaient être pris en charge par le transporteur.

L'intimée ne prouve pas l'envoi recommandé qu'elle aurait envoyé à l'appelante le 7 juillet 2002. Elle a en revanche envoyé un rappel le 21 septembre 2002 (pièce 1 intimée), montrant par là qu'elle n'entendait pas renoncer à sa facture du 30 avril puisque son expert avait estimé les dégâts négligeables.

La mise en demeure de son conseil du 30 décembre 2002 (pièce 2) a été suivie d'un échange de courriers dans lequel le courtier intervenant pour l'appelante avait un moment laissé entrevoir une intervention de l'assurance couvrant la responsabilité de celle-ci (voir courrier SPRL Gerardy 23 janvier 2003 - pièce 9 intimée) mais, à défaut d'indemnisation ou de paiement du solde de sa facture, l'intimée a cité le 29 avril 2003, soit la veille de l'expiration du délai de prescription d'un an prévu par l'article 32 de la convention CMR.

Discussion
Coût du transport

La facture de transport du 30 avril 2002 n'a pas été contestée.

Le prix du transport, soit 973,26 EUR hors TVA, est dû puisque le transport a été effectué: “la dette de prix subsiste intégralement en cas d'avaries ou de retards, puisque le déplacement convenu n'en a pas moins été effectué. Il en est ainsi même si la responsabilité du transporteur est engagée; dans ce dernier cas, l'on englobera toutefois dans l'estimation des dommages-intérêts, le prix payé ou restant à payer” (J. Van Ryn et J. Heenen, Principes de droit commercial, T. IV, 1988, n° 858).

Il appartient dès lors à l'appelante, dans le cadre de sa demande d'indemnité pour avarie de la marchandise, de réclamer le prix du transport ainsi que le prévoit expressément l'article 23.4 CMR. En l'espèce, l'appelante ne formule pas une telle demande.

Indemnisation des frais de réparation
Prescription

L'intimée soutient que la demande d'indemnisation de l'appelante est prescrite pour avoir été introduite plus d'un an après la date de livraison (art. 32.1 CMR).

C'est par des conclusions prises devant les premiers juges le 22 janvier 2004 qu'elle a introduit une demande reconventionnelle postulant que les frais de réparation de la marchandise soient reconnus judiciairement. Toutefois, dès le 21 juin 2002, elle facturait à l'intimée des frais qu'elle complétait le 31 juillet 2002 par deux autres factures ne laissant aucun doute sur sa volonté d'être indemnisée par le transporteur parce que la marchandise avait été abîmée et qu'elle avait elle-même dû en rendre compte à son donneur d'ordre. Tout comme les courriers qui suivront, ces factures constituent la réclamation dont l'article 32 CMR prévoit qu'elle suspend la prescription, réclamation n'étant finalement repoussée que par la lettre du courtier du 27 février 2003 (pièce 12 intimée) qui fait grief de n'avoir pas réalisé une expertise contradictoire. Les factures n'ont pas été retournées à l'appelante.

La demande reconventionnelle de l'appelante est donc recevable.

Fondement de la demande

En l'absence de réserves mentionnées sur la lettre de voiture, il y a présomption que la marchandise et son emballage étaient en bon état apparent au moment de la prise en charge par le transporteur (art. 9.2 CMR; J. Van Ryn et J. Heenen, o.c., n° 806).

Si le transporteur est tenu d'une obligation de résultat (art. 17 CMR), le destinataire est toutefois présumé avoir reçu la marchandise dans l'état décrit dans la lettre de voiture, en l'absence de constatations contradictoires ou de réserves émises selon les modalités prévues à l'article 30.1 CMR. En l'espèce, le destinataire a refusé de prendre livraison et a mentionné, sur la lettre de voiture, une réserve (“Annahme verweigert - Coil's beschädigt” traduit par “réception refusée - bobines endommagées”) de sorte que la présomption est écartée. L'intimée a donc manqué à son obligation de résultat sans qu'elle n'invoque d'ailleurs une cause étrangère libératoire. La faute de l'intimée est donc établie.

Il reste que “le demandeur doit établir la réalité et l'importance du dommage causé par la perte, par l'avarie ou par le retard. La constatation des dégâts se fait selon la procédure prévue par la loi du lieu où la constatation a lieu” (J. Van Ryn et J. Heenen, o.c., n° 916).

En l'espèce, un examen a été réalisé dans les installations de l'appelante le 22 mai 2002 par un expert mandaté par les assureurs de l'intimée et en présence d'un représentant de l'appelante (voir rapport d'expertise du 2 septembre 2002, p. 2 - pièce 8 dossier de l'appelante), l'expert se limitant toutefois à un examen extérieur des bobines ainsi qu'il le précise lui-même: “il a été constaté et convenu que les dégâts visibles se limitaient aux enroulements extérieurs (...) Sauf avis contraire de votre part avant le 31 mai 2002 nous clôturerons notre rapport mentionnant que les dégâts constatés sont négligeables. Il ne peut être raisonnablement contesté que ces constatations sont opposables à l'appelante qui y a assisté. Lorsque l'assureur de l'intimée a marqué, à la suite de ces constatations, son refus d'intervention, l'assureur de l'appelante s'est d'ailleurs borné, dans un premier temps, à prendre note du constat de l'expert et à faire savoir qu'elle défendrait ce point de vue auprès des donneurs d'ordre (lettre du 7 juin 2002 - pièce 9 du dossier de l'appelante).

L'appelante expose dans son courrier du 13 janvier 2003 que la marchandise fut ensuite rapatriée chez Usinor pour retraitement suite à l'avis des experts De Smedt et Moers; elle ajoute que: “ce que l'expert n'aurait pas pu voir car il n'a pas soulevé les bobines lors de son passage en nos installations, c'est qu'une des deux bobines était sortie de la palette spéciale sur laquelle elle se trouvait et qui comprenait un centreur. Des dommages ont ainsi été constatés lors du retraitement des bobines”. Elle justifie dès lors sa position en précisant qu'elle n'a fait que répercuter auprès de l'intimée la facturation de ces frais de reconditionnement bien moins élevés que ceux qui résultaient de l'abandon total de la marchandise (13.043,60 EUR).

Ce faisant, l'appelante fait état d'une avarie non apparente découverte bien après l'expertise des experts De Smedt et Moers.

Dans ces circonstances, si l'appelante entendait néanmoins établir l'existence d'un dommage, il lui appartenait de prendre toutes mesures utiles en vue de sa constatation contradictoire au-delà de l'objet limité de l'expertise qui avait eu lieu, notamment en sollicitant en référé une expertise judiciaire, ce qu'elle s'est abstenue de faire. L'appelante a uniquement répercuté, après coup, la facture de reconditionnement de Arcelor, en y ajoutant des frais propres de manutention et de stockage.

L'appelante ne peut se retrancher derrière le fait que les factures litigieuses n'auraient pas été protestées par l'intimée: outre le fait qu'aucune présomption particulière ne s'attache à l'absence de contestation d'une facture qui porte en réalité sur des dommages et intérêts, lesquels ne doivent pas être facturés, ces factures ont en toute hypothèse été émises alors que l'intimée a décliné clairement toute responsabilité.

En conclusion, à défaut d'avoir fait constater l'existence et l'étendue du dommage, l'appelante ne peut opérer compensation entre les factures qu'elle a établies et celle de l'intimée.

Par ces motifs,

La cour, statuant contradictoirement,

Reçoit l'appel,

Confirme le jugement entrepris et condamne l'appelante aux dépens d'appel liquidés pour l'intimée à 475,96 EUR suivant l'état produit.

(…)