Article

Cour de cassation, 22/01/2008, R.D.C.-T.B.H., 2008/4, p. 350-356

Cour de cassation 22 janvier 2008

CONCURRENCE
Droit belge - Procédure - Conseil de la concurrence juridiction indépendante
Le Conseil de la concurrence exerce, sur le plan organique, un pouvoir juridictionnel qu'il exerce en toute indépendance. Ceci vaut également lorsqu'il siège en matière de concentration.
CONCURRENCE
Droit belge - Concentrations - Accès au dossier par des tiers intervenants
Les dispositions légales de la LPCE et le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense, n'accordent pas en principe le droit à un tiers, personne physique ou morale, qui n'est pas partie à la concentration et qui ne l'a pas notifiée, mais qui justifie d'un intérêt suffisant pour être entendu par la chambre du Conseil, à avoir accès au rapport motivé et au dossier d'instruction, ou à l'un d'eux, déposés par l'auditeur au Conseil de la concurrence conformément à l'article 55 § 3 de la même loi. Cette réponse n'est pas différente selon que les entreprises parties à la concentration ont présenté des engagements à l'auditeur, conformément à l'article 56, alinéa 2 de la loi, visant à obtenir une décision d'admissibilité prise en vertu de l'article 58 § 2, alinéa 1er, 1° de la loi.
Eu égard au droit d'être entendu accordé au tiers par l'article 57 § 2, alinéa 3, première phrase de la LPCE, au tiers justifiant d'un intérêt suffisant, un droit d'accès au rapport motivé ou à certaines parties de celui-ci et au dossier d'instruction ou à certaines pièces qui y figurent peut, à sa demande, être accordé à ce tiers par le Conseil de la concurrence, à l'exception toutefois des documents contenant des secrets d'affaires ou des documents internes du Conseil, et à condition que ces documents soient strictement nécessaires pour permettre à ce tiers de faire utilement connaître son point de vue sur l'opération de concentration notifiée et sur son impact sur la concurrence.
Dans l'hypothèse où un tiers justifiant d'un intérêt suffisant pour être entendu par la chambre du Conseil en vertu de l'article 57 § 2, alinéa 3, première phrase de la LPCE, demande à avoir accès au rapport motivé ou au dossier d'instruction, le Conseil décide, le cas échéant après avoir entendu les parties, quels sont les éléments de ce rapport ou dossier qui sont strictement nécessaires pour permettre à ce tiers de faire utilement connaître son point de vue, et statue sur le caractère confidentiel des informations à l'égard du tiers concerné ou sur le caractère interne au Conseil des documents.
MEDEDINGING
Belgisch mededingingsrecht - Procedure - Raad voor de mededinging als onafhankelijke rechtsinstantie
De Raad voor de Mededinging oefent, op organiek vlak, volstrekt onafhankelijk een rechtsmacht uit. Dit geldt ook wanneer de raad zitting neemt in concentratiezaken.
MEDEDINGING
Belgisch mededingingsrecht - Concentraties - Toegang tot het dossier
De bepalingen van de WEM en het algemeen rechtsbeginsel van het recht van verdediging geven, in beginsel althans, geen recht aan een derde die geen partij was bij de concentratie en geen aanmeldende partij was maar wel een voldoende belang laat gelden om gehoord te worden door de Raad, om kennis te krijgen van het gemotiveerd verslag en het onderzoeksdossier. Het is hierbij zonder belang of de ondernemingen die aan de concentratie deelnemen verbintenissen hebben aangeboden om een beslissing als bedoeld in artikel 58 § 2, eerste lid, 1° te verkrijgen.
Gelet op het recht gehoord te worden dat aan derden die een voldoende belang laten blijken verleend wordt, kan de Raad voor de Mededinging inzage geven aan die derden van al of een gedeelte van het gemotiveerd verslag of van het onderzoeksdossier gegeven worden met uitzondering van de vertrouwelijke stukken of de stukken die intern blijven aan de Raad. Dit geldt in de mate dat toegangsrecht vereist is om aan de derde op nuttige wijze toe te laten zijn standpunt te laten kennen over de voorgenomen concentratie en zijn impact op de mededinging.
Het komt aan de Raad toe, desgevallend na de partijen te hebben gehoord, om te beslissen welke gegevens in die optiek moeten worden medegedeeld en welke documenten vertrouwelijk zijn of intern zijn aan de Raad.











Tecteo-Brutele-Le câble wallon / Belgacom

Siég.: I. Verougstraete (président), P. Maffei, Ch. Matray, S. Velu et M. Regout (conseillers)
M.P.: P. de Koster (avocat général)
Pl.: Mes Bourtenbourg, Lécluse et Liedekerke (avocats) et l'auditeur du Conseil de la concurrence
I. Objet de la saisine

1. La Cour est saisie de questions préjudicielles sur l'interprétation de l'article 57 § 2, alinéa 3 de la loi sur la protection de la concurrence économique, coordonnée le 15 septembre 2006 (ci-après la “LPCE”).

2. Le 28 septembre 2007, les sociétés coopératives intercommunales à responsabilité limitée Tecteo et Brutele, ci-après qualifiées “parties notifiantes”, ont déposé au greffe du Conseil de la concurrence une notification de la concentration Tecteo/Brutele-Câble wallon.

3. Par lettre du 31 octobre 2007, le conseil de la SA de droit public Belgacom a formulé la demande suivante: “(...) conformément à l'article 57 § 2 de la LPCE, Belgacom demande à être entendue par le Conseil de la concurrence et, s'il devait être répondu favorablement à cette demande, à pouvoir disposer d'un accès au dossier et notamment au rapport d'enquête déposé par l'auditorat dans cette affaire”.

4. Le 13 novembre 2007, l'auditeur a déposé le rapport motivé et le dossier d'instruction au Conseil de la concurrence, conformément à l'article 55 § 3 de la LPCE.

Les entreprises parties à la concentration ont présenté à l'auditeur des engagements, visant à obtenir une décision d'admissibilité, conformément à l'article 58 § 2, alinéa 1er, 1° de la LPCE.

5. Le Conseil de la concurrence a décidé, le 21 novembre 2007, d'entendre la SA de droit public Belgacom, de surseoir à statuer sur la demande de cette société d'avoir accès au dossier d'instruction et au rapport motivé de l'auditeur et de poser les questions préjudicielles suivantes à la Cour de cassation:

“1. Les dispositions légales de la loi sur la protection de la concurrence économique, coordonnée le 15 septembre 2006, relatives à la procédure précédant la décision de la chambre du Conseil de la concurrence en vertu de l'article 58 § 1er et/ou § 2 de cette loi, notamment l'article 57 § 2, alinéa 3, première phrase, et/ou le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense, doivent-ils être interprétés en ce sens qu'un tiers, personne physique ou morale, qui n'est pas partie à la concentration et qui ne l'a pas notifiée, et qui justifie d'un intérêt suffisant pour être entendu par la chambre du Conseil, a le droit à avoir accès au rapport motivé et/ou au dossier d'instruction déposés par l'auditeur au Conseil de la concurrence conformément à l'article 55 § 3 de la même loi?

La réponse à cette question est-elle différente suivant que les entreprises parties à la concentration ont, oui ou non, présenté des engagements à l'auditeur, conformément à l'article 56, alinéa 2 de la loi, visant à obtenir une décision d'admissibilité en vertu de l'article 58 § 2, alinéa 1er, 1° de la loi?

2. Si la réponse à la première question est négative, les dispositions légales précitées et/ou le principe général du droit précité, peuvent-ils être interprétés en ce sens qu'un accès au rapport motivé ou à certaines parties de celui-ci, et/ou au dossier d'instruction ou à certaines pièces qui y figurent, peut être accordé au tiers précité?

3. Si la réponse à la première ou à la deuxième question est positive, dans le système de la loi sur la protection de la concurrence économique, coordonnée le 15 septembre 2006, suivant quelle procédure les données qui sont confidentielles vis-à-vis du tiers doivent-elles être enlevées du rapport motivé et du dossier d'instruction, et qui a le pouvoir de décider au sujet de la confidentialité?”

II. Procédure

6. Conformément à l'article 73 § 2 de la loi sur la protection de la concurrence économique, la Cour de cassation a fait parvenir une copie des questions préjudicielles aux parties notifiantes, à la SA de droit public Belgacom, à la Commission européenne et au ministre de l'Économie.

La Cour a invité les parties à déposer le cas échéant des observations écrites et leur a donné l'occasion de consulter le dossier de la procédure, tout en les avertissant de la date à laquelle les personnes concernées pourraient être entendues.

Des observations écrites ont été déposées le 21 décembre 2007 par l'auditeur près du Conseil de la concurrence en charge du dossier, et le 24 décembre 2007, par la SA de droit public Belgacom et par les parties notifiantes.

Les parties notifiantes et la SA de droit public Belgacom ont demandé à être entendues. Toutes les parties ont reçu à nouveau une notification de la date à laquelle elles seraient entendues.

7. Le 10 janvier 2008, l'avocat général délégué de Koster a présenté des observations orales et les parties notifiantes et la SA de droit public Belgacom ont été entendues; l'auditeur auprès du Conseil de la concurrence a également été entendu de l'accord de toutes les parties concernées.

8. Le 15 janvier 2008, l'avocat général délégué de Koster a déposé des conclusions écrites au greffe de la Cour.

9. Le 18 janvier 2008, les parties notifiantes, la SA Belgacom et le ministre de l'Économie ont déposé des observations écrites en réponse à ces conclusions.

III. Recevabilité

10. Les parties notifiantes soutiennent que s'agissant d'une concentration, aucune question préjudicielle ne pourrait être posée par le Conseil de la concurrence, celui-ci n'étant pas une “juridiction” lorsqu'il statue en matière de concentration.

11. L'article 72 de la LPCE dispose en termes généraux que la Cour de cassation statue à titre préjudiciel, par voie d'arrêt, sur les questions relatives à l'interprétation de la loi. En vertu de l'article 73 § 1er, alinéa 1er de la LPCE, lorsque la solution d'un litige dépend de l'interprétation de cette loi, la juridiction saisie, dont le Conseil de la concurrence, peut surseoir à statuer et poser une question préjudicielle à la Cour de cassation.

Le texte de cet article ne fait aucune distinction quant aux situations dans lesquelles le Conseil de la concurrence peut poser une question, et particulièrement n'exclut pas que la question soit posée dans le cadre d'une concentration.

En indiquant à l'article 73 § 1er, alinéa 2, que les délais et la procédure sont suspendus devant le tribunal qui pose la question préjudicielle, le législateur a d'ailleurs implicitement confirmé qu'une question peut être posée dans le cadre d'une concentration dès lors que ces délais sont en fait essentiellement applicables en matière de concentration. Le fait que la Cour doive statuer “toutes affaires cessantes” confirme que le législateur a prévu qu'une question puisse être posée dans ce contexte.

12. La procédure de contrôle de concentration est une procédure d'autorisation administrative de nature différente des procédures en matière de pratiques restrictives ou en toutes matières opposant des parties se prétendant titulaires d'un droit subjectif.

La procédure de concentration est en réalité une procédure se déroulant entre les parties notifiantes et l'auditeur devant la chambre du Conseil de la concurrence qui traite le dossier, les tiers intéressés pouvant être entendus dans les limites de la loi.

Cette procédure peut être comprise comme un litige au sens où l'entend l'article 73 § 1er de la LPCE. Le législateur a voulu qu'en matière d'interprétation de la LPCE ne subsiste aucune zone d'ombre et que toute discussion pouvant naître à propos de cette interprétation puisse d'emblée être soumise à l'appréciation de la Cour de cassation.

13. Par ailleurs, le Conseil de la concurrence exerce, sur le plan organique, un pouvoir juridictionnel qu'il exerce en toute indépendance. En vertu de l'article 11 de la LPCE, le Conseil est une juridiction administrative qui a la compétence de décision et les autres pouvoirs que la loi lui confère. La circonstance que la question ait été posée d'office par le Conseil est sans incidence sur la nature juridictionnelle de sa mission. Le fait que le Conseil des ministres pourrait prendre une décision annihilant les effets de la décision du Conseil, n'enlève pas à celui-ci son caractère juridictionnel, son indépendance et son affranchissement à l'égard de toute hiérarchie. La possibilité pour le Conseil de déclarer admissible une concentration antérieurement déclarée inadmissible et le fait que le Conseil soit tenu de statuer dans certains délais de rigueur ne sont pas davantage déterminants pour exclure le caractère juridictionnel du Conseil.

14. Les parties notifiantes soutiennent que la décision de renvoi procède d'un détournement de pouvoir et que le Conseil de la concurrence a créé artificiellement un litige qui n'existe pas, dès lors que les parties notifiantes auraient remis le rapport motivé de l'auditeur à Belgacom et qu'en fait, le Conseil de la concurrence, privé du droit de se pourvoir contre des arrêts de la cour d'appel de Bruxelles, n'aurait vu que ce moyen pour faire censurer la jurisprudence de la cour d'appel en matière d'accès au dossier.

Le Conseil de la concurrence a pu légitimement constater qu'il y avait matière à interprétation de la loi et poser des questions qui sont de nature à éclairer ses décisions lors de l'examen de la concentration. L'allégation des parties notifiantes doit être rejetée.

15. Dans le cadre de leur contestation de la recevabilité de la décision de renvoi préjudiciel, les parties notifiantes invoquent enfin une méconnaissance des exigences du contradictoire et une violation de leurs droits de défense au motif qu'elles n'ont pu faire valoir leur point de vue sur ce renvoi.

La Cour n'étant pas saisie d'un recours contre la décision du Conseil, il ne lui appartient pas de se prononcer à cet égard.

16. Les parties notifiantes soutiennent qu'à la suite d'une décision de la cour d'appel de Bruxelles du 27 décembre 2007, la décision de renvoi préjudiciel est devenue sans objet.

L'arrêt précité de la cour d'appel de Bruxelles ne se prononce pas sur la décision du Conseil de la concurrence de poser des questions préjudicielles. Cette décision n'est d'ailleurs pas susceptible de recours.

Il n'appartient pas, en règle, à la Cour de cassation statuant sur question préjudicielle de se prononcer sur l'utilité des questions posées.

La juridiction de renvoi a informé la Cour par missive remise à la Cour le 7 janvier 2008 qu'elle maintenait ses questions préjudicielles.

17. Les parties notifiantes demandent que soit posée à la Cour constitutionnelle une question préjudicielle relative à la conformité des articles 8, 57, 58, 59, 72, 73, 75, 76 et 78 de la LPCE ainsi que des articles 608, 609 et 1073 du Code judiciaire aux articles 10 et 11 de la Constitution, pris isolément et en combinaison avec l'article 147 de la Constitution, de même qu'avec l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Eu égard à l'obligation pour la Cour de statuer toutes affaires cessantes, il n'y a pas lieu de poser la question préjudicielle.

18. Les questions préjudicielles sont recevables.

IV. Quant aux questions
Sur la première question

19. Par sa première question, le Conseil de la concurrence demande, en substance, si l'article 57 § 2, alinéa 3, première phrase de la LPCE ou le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense, doivent être interprétés en ce sens qu'un tiers, personne physique ou morale, qui n'est pas partie à la concentration et qui ne l'a pas notifiée, mais justifiant d'un intérêt suffisant pour être entendu par la chambre du Conseil, a le droit d'avoir accès au rapport motivé ou au dossier d'instruction déposés par l'auditeur.

Le Conseil souhaite savoir si la réponse à cette question est différente suivant que les entreprises parties à la concentration ont, ou n'ont pas, présenté des engagements à l'auditeur, conformément à l'article 56, alinéa 2 de la loi, visant à obtenir une décision d'admissibilité en vertu de l'article 58 § 2, alinéa 1er, 1° de la loi.

20. Les dispositions relatives à l'accès au dossier et au rapport motivé n'ouvrent, en ce qui concerne les concentrations, cet accès qu'aux seules parties notifiantes et aux représentants des organisations les plus représentatives des travailleurs de ces entreprises ou à ceux qu'ils désignent (art. 55 § 5, al. 1er de la LPCE).

L'accès au dossier des tiers, au sens de l'article 57 § 2, alinéa 3, première phrase de la LPCE, n'est pas prévu expressément par la loi.

La loi n'en dispose pas différemment lorsque la chambre du Conseil souhaite prendre en considération des conditions ou des charges qui ne sont pas discutées dans le rapport.

21. La nature spécifique du contrôle des concentrations explique que le droit des parties intervenantes à prendre connaissance du dossier est limité.

L'intervention des tiers peut permettre au Conseil de mieux évaluer les effets d'une concentration sur le marché. Cette intervention ne procure aux tiers qu'un bénéfice indirect. Le Conseil apprécie si et dans quelle mesure l'intérêt général est desservi par des restrictions de concurrence imputables à la concentration. La seule hypothèse d'une entrave à l'activité des tiers, résultant d'un éventuel abus de position dominante ou d'éventuelles autres pratiques restrictives de concurrence, n'est pas déterminante.

22. La protection de la concurrence économique doit s'organiser dans le respect des intérêts économiques légitimes.

La LPCE a dès lors soumis le contrôle préventif de l'admissibilité des concentrations à des délais stricts, compatibles à la fois avec les exigences d'une bonne administration et avec celles de la vie des affaires. Le non-respect par le Conseil de la concurrence de certains de ces délais fait présumer l'admissibilité de la concentration.

Un accès systématique des tiers au rapport motivé ou au dossier d'instruction déposés par l'auditeur, entraverait le déroulement efficace de la procédure en matière de concentration en ce qu'il mettrait en péril la possibilité pour la chambre du Conseil de se prononcer sur l'admissibilité d'une concentration dans le bref délai fixé par la loi.

Au surplus, un tel système pourrait inciter les concurrents des parties notifiantes à demander au Conseil de la concurrence à être entendus, uniquement en vue d'avoir un accès absolu au dossier, ce qui ne peut être accepté.

23. Du rapprochement des dispositions légales concernant les pratiques restrictives de concurrence qui permettent un large accès au dossier et au rapport motivé et de celles concernant les concentrations, il peut être déduit que le législateur a délibérément exclu un droit d'accès absolu au rapport motivé et au dossier d'instruction par un tiers qui n'est pas partie à la concentration et qui ne l'a pas notifiée, même si, justifiant d'un intérêt suffisant, il peut être entendu par la chambre du Conseil.

24. Le respect des droits de la défense constitue un principe général du droit, qui requiert que toute personne à l'encontre de laquelle une décision lui faisant grief peut être prise, soit mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments retenus à sa charge pour fonder la décision litigieuse.

Selon les travaux parlementaires de la LPCE, les droits de la défense des entreprises concernées commandent qu'elles puissent avoir accès au moment approprié à toute l'information nécessaire pour leur défense, à savoir l'ensemble des documents à charge et à décharge, rassemblés par le service de la concurrence au cours de l'instruction ou transmis au service, à l'auditorat ou au Conseil au cours de la procédure.

Le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense ne peut cependant fonder l'accès au dossier en matière de concentration en faveur des tiers intéressés.

En effet, les tiers intéressés ne sont pas les destinataires de la décision finale de concentration. Leur point de vue est principalement pertinent afin de permettre à l'autorité de la concurrence de s'informer sur l'impact de l'opération sur le marché. Dans une procédure administrative de contrôle des concentrations, les droits des tiers n'entrent pas, en règle, en ligne de compte. Par conséquent, le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense ne peut justifier, sans préjudice de ce qui sera dit ci-dessous, qu'il soit donné aux tiers, dans tous les cas, accès au rapport motivé ou au dossier d'instruction.

25. La réponse à la question n'est pas différente suivant que les parties notifiantes ont présenté ou non des engagements visant à obtenir une décision d'admissibilité.

Sans doute, ces engagements sont-ils de nature à modifier l'équilibre de la concentration et plus spécifiquement à avoir un impact sur les droits des tiers. Ils ne changent toutefois rien ni à la nature des droits de ces tiers ni à la mission du Conseil de la concurrence.

26. À la lumière de ce qui précède, il convient de répondre à la première question que les dispositions légales de la LPCE relatives à la procédure précédant la décision de la chambre du Conseil de la concurrence prise en vertu de l'article 58 § 1er ou § 2 de cette loi, notamment l'article 57 § 2, alinéa 3, première phrase, et le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense n'accordent pas, en principe et sous réserve de ce qui sera dit en réponse à la deuxième question, le droit à un tiers, personne physique ou morale, qui n'est pas partie à la concentration et qui ne l'a pas notifiée, mais qui justifie d'un intérêt suffisant pour être entendu par la chambre du Conseil, à avoir accès au rapport motivé et au dossier d'instruction, ou à l'un d'eux, déposés par l'auditeur au Conseil de la concurrence conformément à l'article 55 § 3 de la même loi.

Cette réponse n'est pas différente selon que les entreprises parties à la concentration ont présenté des engagements à l'auditeur, conformément à l'article 56, alinéa 2 de la loi, visant à obtenir une décision d'admissibilité prise en vertu de l'article 58 § 2, alinéa 1er, 1° de la loi.

L'exclusion du droit des tiers à obtenir communication de certaines pièces n'est toutefois pas absolue et doit être interprétée en liaison avec les droits qui sont indissolublement liés au droit d'intervenir à la procédure.

Sur la deuxième question

27. Par sa deuxième question, le Conseil de la concurrence souhaite savoir si, au cas où la réponse à la première question est négative, les dispositions légales de la LPCE relatives à la procédure précédant la décision de la chambre du Conseil de la concurrence en vertu de l'article 58 § 1er ou § 2 de cette loi, notamment l'article 57 § 2, alinéa 3, première phrase, ou le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense, peuvent être interprétés en ce sens qu'un accès au rapport motivé ou à certaines parties de celui-ci, ou au dossier d'instruction ou à certaines pièces qui y figurent, peut être accordé au tiers, personne physique ou morale, qui n'est pas partie à la concentration et qui ne l'a pas notifiée, et qui justifie d'un intérêt suffisant pour être entendu par la chambre du Conseil.

Il ressort de la réponse à la première question que le tiers précité n'a pas, en principe, un droit d'accès au rapport motivé ou au dossier d'instruction. Le refus de cet accès doit toutefois être concilié avec les droits que le tiers peut puiser dans l'autorisation qui lui a été donnée d'être entendu par le Conseil.

28. Le tiers qui justifie d'un intérêt suffisant est entendu par la chambre du Conseil (art. 57 § 2 de la LPCE).

Afin de garantir l'exercice effectif de son droit d'être entendu, et uniquement s'il a formulé la demande au Conseil, ce tiers peut avoir, dans certaines conditions, un droit d'accès limité au rapport motivé ou à certaines parties de celui-ci et au dossier d'instruction ou à certaines pièces qui y figurent.

L'autorisation de prendre connaissance des documents strictement nécessaires pour permettre à ce tiers de faire utilement connaître son point de vue sur l'opération de la concentration notifiée et son impact sur la concurrence peut lui être accordée.

L'étendue de l'accès à ces documents doit être examinée par le Conseil dans le contexte de l'ensemble de la procédure, compte tenu de la nécessité de l'information du tiers, de la nature confidentielle des documents et de la nécessité de pouvoir décider de la concentration dans des délais très brefs.

Les documents contenant des secrets d'affaires ou les documents internes du Conseil ne peuvent pas être communiqués.

29. À la lumière de ce qui précède, il convient de répondre à la deuxième question qu'eu égard au droit d'être entendu accordé au tiers justifiant d'un intérêt suffisant, un droit d'accès au rapport motivé ou à certaines parties de celui-ci et au dossier d'instruction ou à certaines pièces qui y figurent peut, à sa demande, être accordé à ce tiers par le Conseil de la concurrence, à l'exception toutefois des documents contenant des secrets d'affaires ou des documents internes du Conseil, et à condition que ces documents soient strictement nécessaires pour permettre à ce tiers de faire utilement connaître son point de vue sur l'opération de concentration notifiée et sur son impact sur la concurrence.

Sur la troisième question

30. Par sa troisième question, le Conseil de la concurrence demande en substance suivant quelle procédure les données qui sont confidentielles vis-à-vis du tiers doivent être enlevées du rapport motivé et du dossier d'instruction et qui a le pouvoir de décider de la confidentialité dans le système de la LPCE.

Les articles 44 § 6 et 55 § 3 de la LPCE, prévoient qu'avant de transmettre le rapport motivé au Conseil, l'auditeur établit un inventaire de tous les documents et données rassemblés au cours de l'instruction, et se prononce sur leur confidentialité. Cet inventaire détermine la confidentialité des pièces à l'égard de chacune des parties ayant accès au dossier. Le caractère confidentiel des données et documents est déterminé à l'égard de chaque personne physique ou morale qui prend connaissance du rapport motivé.

31. L'article 44 § 7 de la LPCE dispose que lorsque l'auditeur accepte le caractère confidentiel des données, il demande, dans le délai qu'il fixe, à la personne physique ou morale ayant fourni les données, d'établir un résumé ou la version non confidentiels du document en cause, pour autant qu'un tel résumé ou une telle version ne se trouvent pas déjà au dossier. Les documents confidentiels sont ensuite retirés du dossier et remplacés par le résumé ou la version non confidentiels.

Dans le cas où d'autres personnes que les entreprises parties à la concentration souhaitent communiquer au Conseil des informations confidentielles, l'article 57 § 3 de la LPCE prévoit qu'un conseiller du Conseil qui ne fait pas partie de la chambre qui prend la décision, se prononce sur la confidentialité, en application de la procédure prévue à l'article 44 § 6 et 7. Les documents confidentiels ne sont pas joints au dossier et sont remplacés par une version ou un résumé non confidentiels. Cette décision n'est pas susceptible d'appel distinct. La décision du Conseil sur le fond de l'affaire ne peut s'appuyer sur les pièces qui ont été apportées par des tiers et dont le caractère confidentiel a été accepté, de sorte que les parties notifiantes n'ont pu en prendre connaissance (art. 57 § 4 de la LPCE).

32. Dans l'hypothèse où un tiers justifiant d'un intérêt suffisant pour être entendu par la chambre du Conseil en vertu de l'article 57 § 2, alinéa 3, première phrase de la LPCE, demande à avoir accès au rapport motivé ou au dossier d'instruction, le Conseil décide quels sont les éléments de ce rapport ou dossier qui sont strictement nécessaires pour permettre à ce tiers de faire utilement connaître son point de vue.

Le Conseil peut entendre les entreprises dont émanent les documents si un doute subsiste concernant le caractère confidentiel de certains documents.

33. À la lumière de ce qui précède, il convient de répondre à la troisième question que, dans l'hypothèse où un tiers justifiant d'un intérêt suffisant pour être entendu par la chambre du Conseil en vertu de l'article 57 § 2, alinéa 3, première phrase de la LPCE, demande à avoir accès au rapport motivé ou au dossier d'instruction, le Conseil décide quels sont les éléments de ce rapport ou de ce dossier qui sont strictement nécessaires pour permettre à ce tiers de faire utilement connaître son point de vue et statue sur le caractère confidentiel des informations à l'égard du tiers concerné ou sur le caractère interne au Conseil des documents.

Le Conseil peut entendre les entreprises dont émanent les documents si un doute subsiste concernant le caractère confidentiel de ceux-ci.

Sur les dépens

34. La procédure n'implique pas de dépens taxables devant la Cour de cassation.

Par ces motifs,

la Cour dit pour droit:

Quant à la première question

Les dispositions légales de la LPCE relatives à la procédure précédant la décision de la chambre du Conseil de la concurrence prise en vertu de l'article 58 § 1er ou § 2 de cette loi, notamment l'article 57 § 2, alinéa 3, première phrase, et le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense, n'accordent pas en principe, et sous réserve de ce qui sera dit en réponse à la deuxième question, le droit à un tiers, personne physique ou morale, qui n'est pas partie à la concentration et qui ne l'a pas notifiée, mais qui justifie d'un intérêt suffisant pour être entendu par la chambre du Conseil, à avoir accès au rapport motivé et au dossier d'instruction, ou à l'un d'eux, déposés par l'auditeur au Conseil de la concurrence conformément à l'article 55 § 3 de la même loi.

Cette réponse n'est pas différente selon que les entreprises parties à la concentration ont présenté des engagements à l'auditeur, conformément à l'article 56, alinéa 2 de la loi, visant à obtenir une décision d'admissibilité prise en vertu de l'article 58 § 2, alinéa 1er, 1° de la loi.

Quant à la deuxième question

Eu égard au droit d'être entendu accordé au tiers par l'article 57 § 2, alinéa 3, première phrase de la LPCE, au tiers justifiant d'un intérêt suffisant, un droit d'accès au rapport motivé ou à certaines parties de celui-ci et au dossier d'instruction ou à certaines pièces qui y figurent peut, à sa demande, être accordé à ce tiers par le Conseil de la concurrence, à l'exception toutefois des documents contenant des secrets d'affaires ou des documents internes du Conseil, et à condition que ces documents soient strictement nécessaires pour permettre à ce tiers de faire utilement connaître son point de vue sur l'opération de concentration notifiée et sur son impact sur la concurrence.

Quant à la troisième question

Dans l'hypothèse où un tiers justifiant d'un intérêt suffisant pour être entendu par la chambre du Conseil en vertu de l'article 57 § 2, alinéa 3, première phrase de la LPCE, demande à avoir accès au rapport motivé ou au dossier d'instruction, le Conseil décide quels sont les éléments de ce rapport ou dossier qui sont strictement nécessaires pour permettre à ce tiers de faire utilement connaître son point de vue, et statue sur le caractère confidentiel des informations à l'égard du tiers concerné ou sur le caractère interne au Conseil des documents.

Le Conseil peut entendre les entreprises dont émanent les documents si un doute subsiste concernant le caractère confidentiel de ceux-ci.