Article

Tribunal de commerce Liège, 24/04/2007, R.D.C.-T.B.H., 2008/4, p. 342-343

Tribunal de commerce de Liège 24 avril 2007

FAILLITE
Effets - Obligations - Excusabilité - Demande d'excusabilité anticipée - Remise de l'examen
Si l'on applique strictement l'article 82 de la loi sur les faillites, les créanciers, par l'effet de l'excusabilité, sont privés de leurs droits de poursuite, ce qui implique que le curateur ne pourrait plus, lui non plus, exercer ce droit de poursuite. Devant cette incertitude, le tribunal estime devoir adopter une mesure de prudence et considérer que la demande est prématurée.
La demande d'excusabilité anticipée est recevable mais non fondée en l'état actuel de la procédure de faillite.
FAILLISSEMENT
Gevolgen - Verbintenissen - Verschoonbaarheid - Verzoek tot vervroegde verschoonbaarverklaring - Uitstel
Wanneer men artikel 82 Faill.W. strikt toepast, kunnen de schuldeisers omwille van de verschoonbaarheid hun vorderingsrechten niet langer uitoefenen, wat betekent dat de curator evenmin deze vorderingsrechten kan uitoefenen. Omwille van deze onzekerheid kiest de rechtbank voor een veiligheidsoplossing en oordeelt dat het verzoek prematuur is.
Het verzoek tot vervroegde verschoonbaarverklaring is ontvankelijk, maar niet gegrond gezien de huidige staat van de faillissementsprocedure.

Y. Henrot

Siég.: J.-Fr. Hicter (juge), P. d'Otreppe de Bouvette, J. Dejardin (juges consulaires)
Pl.: Mes S. Lelotte loco D. Drion

(...)

Vu la demande du failli déposée au greffe par courrier de son conseil le 26 octobre 2006;

Vu les convocations adressées aux parties le 10 novembre 2006;

Vu le procès-verbal de l'assemblée générale des créanciers du 19 décembre 2006;

Vu le rapport écrit du juge-commissaire titulaire Monsieur J.-P. M. déposé au dossier de la procédure;

Entendu en chambre du conseil à l'audience du 27 février 2007:

- en son rapport verbal préalable à tous débats monsieur D.H., juge consulaire désigné par jugement du même jour en qualité de juge commissaire de la faillite susdite en remplacement du titulaire légitimement empêché;

- Maître H., curateur, Monsieur Henrot, assisté de son conseil Maître L., en leurs explications;

- après clôture des débats, Monsieur P.C., premier substitut du procureur du Roi, en son avis verbal donné sur-le-champ, avis défavorable en l'état au prononcé de l'excusabilité, auquel Monsieur Henrot a répliqué.

Par jugement du 2 octobre 2002 Monsieur Y. Henrot a été déclaré en faillite.

En son rapport du 5 mai 2004 adressé au juge-commissaire, le curateur fait rapport sur l'état de la liquidation et indique que la clôture de la faillite ne peut être envisagée en raison de l'existence d'un litige pénal pendant au parquet de Neufchâteau.

En son rapport du 8 juin 2005, le curateur indique que si le litige pénal a mis hors cause le failli, cette décision a induit des conséquences juridiques relativement à des indemnités d'assurance qui devraient revenir au failli, ce qui est contesté par un créancier.

La curatelle et Monsieur le procureur du Roi, en son avis, estiment que la demande est prématurée en raison de ce que l'ensemble des biens du failli n'a pas été réalisé.

Quant aux conditions de l'excusabilité elle-même, tous les intervenants estiment que rien ne devrait s'opposer à l'excusabilité du failli.

Discussion

L'article 80 de la loi sur les faillites édicte que: “Le juge-commissaire présente au tribunal, en chambre du conseil, la délibération des créanciers relative à l'excusabilité du failli, et un rapport sur les circonstances de la faillite. Le curateur et le failli sont entendus en chambre du conseil sur l'excusabilité et sur la clôture de la faillite. Sauf circonstances graves spécialement motivées, le tribunal prononce l'excusabilité du failli malheureux et de bonne foi. La décision sur l'excusabilité est susceptible de tierce opposition par citation donnée au curateur et au failli de la part des créanciers individuellement dans le mois à compter de la publication du jugement de clôture de la faillite. Le jugement ordonnant la clôture de la faillite est notifié au failli par les soins du greffier.

(...) Six mois après la date du jugement déclaratif de faillite, le failli peut demander au tribunal de statuer sur l'excusabilité. Il est procédé comme prévu à l'alinéa 2.”

En l'espèce, la demande introduite par requête reçue au greffe le 26 octobre 2006 est introduite dans le délai et est recevable.

L'article 82 de la loi sur les faillites dispose que: “Si le failli est déclaré excusable, il ne peut plus être poursuivi par ses créanciers.”

S'il n'existe pas en l'espèce d'opposition au principe d'excusabilité du failli, la loi ne donne pas de précision quant à l'effet de l'excusabilité en cours de faillite et notamment quant au sort des biens non encore réalisés ou quant au produit des biens déjà réalisés.

La doctrine enseigne que la masse faillie n'a pas de personnalité propre et que le rôle du curateur est de gérer un patrimoine d'affectation: “Le curateur est chargé de réaliser les biens et de les répartir: c'est sa mission principale. Il doit également administrer les biens du failli et les gérer. Comme l'indique l'article 40, alinéa 2 de la loi du 8 août 1997, les curateurs gèrent la faillite en bon père de famille, sous la surveillance du juge-commissaire. Suite à la saisie collective que constitue une faillite, le patrimoine du failli doit être pris en charge par le curateur, lequel agira essentiellement au profit des créanciers.

Le curateur ne représente pas à proprement parler le failli. Il s'agit tout au plus d'une représentation mécanique et passive qui aboutit à ce que les actes accomplis dans l'exercice des fonctions soient opposables au failli. Toutefois, il n'est pas strictement nécessaire de faire appel à l'idée de représentation pour décrire de tels effets.

Le curateur ne représente pas non plus, au sens usuel du terme, les créanciers dans la masse. Il agit sans doute pour leur compte et doit réaliser un patrimoine qui est leur gage commun.” (I. Verougstraete, Manuel de la faillite et du concordat, 1998, n° 363 - voir également éd. 2003, n° 387).

Or, si l'on applique strictement l'article 82 de la loi, les créanciers, par l'effet de l'excusabilité, sont privés de leurs droits de poursuite, ce qui implique que le curateur qui exerce notamment le droit d'action des créanciers, ne pourrait plus, lui non plus, exercer ce droit de poursuite et ne pourrait donc plus terminer sa mission dont le paiement aux créanciers.

Devant cette incertitude, le tribunal estime devoir adopter une mesure de prudence et considérer que la demande est prématurée.

Par ces motifs:

Le tribunal, statuant contradictoirement,

Déclare la demande recevable mais non fondée en l'état actuel de la procédure de faillite.

Renvoie la cause au rôle.

(...)