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Cour d'appel Liège, 18/01/2007, R.D.C.-T.B.H., 2008/4, p. 328-330

Cour d'appel de Liège 18 janvier 2007

FAILLITE
Droits des créanciers - Concordat antérieur - Dette de la masse - Article 44, alinéa 2 de la loi relative au concordat judiciaire - Honoraires et frais de conseil du débiteur - Ni dette de la masse ni créance privilégiée
Le commissaire au sursis est un mandataire de justice indépendant et impartial qui n'est pas l'adversaire du débiteur. Ce dernier ne doit donc pas être nécessairement assisté d'un avocat pour surveiller les actes que le commissaire pose sous le contrôle du tribunal qui le désigne. L'état de frais et d'honoraires du conseil du failli, ne précisant pas sur quels actes de collaboration, assistance ou d'autorisation du commissaire au sursis il repose, ne peut être repris au passif de la faillite comme une dette de la masse.
Si les frais et honoraires d'avocat peuvent être des frais privilégiés de conservation de la chose au sens de l'article 20, 4° de la loi hypothécaire, encore faut-il que le bien conservé grâce à l'intervention de l'avocat soit déterminé, identifiable parmi l'actif puisqu'il s'agit d'un privilège spécial. Ce privilège ne peut être reconnu pour les frais ayant permis de conserver une universalité. Ni les prestations visant à obtenir le concordat, ni celles qui sont accomplies par le conseil du débiteur en vue d'une acceptation d'un plan définitif ne peuvent être considérées comme ayant servi à la conservation d'un bien déterminé.
FAILLISSEMENT
Rechten van de schuldeisers - Boedelschuld - Eerder gerechtelijk akkoord - Artikel 44, 2de lid WGA - Kosten en erelonen van de raadsman van de schuldenaar - Geen boedelschuld en geen bevoorrechte schuld
De commissaris inzake opschorting is een onpartijdig en onafhankelijk gerechtsmandataris en geenszins de tegenpartij van de schuldenaar. Deze dient dus niet noodzakelijkerwijze bijgestaan te worden door een raadsman om de handelingen die de commissaris onder de controle van de bevoegde rechtbank stelt te verifiëren. De staat van erelonen en kosten van de raadsman van de gefailleerde, die niet aanduidt op welke handelingen van medewerking, bijstand of machtiging van de commissaris inzake opschorting, zij berust, kan niet in het faillissementspassief worden opgenomen als boedelschuld.
Zo de kosten en erelonen van de raadsman bevoorrecht kunnen zijn als kosten gemaakt voor het behoud van de zaak in de zin van artikel 20, 4° Hyp.W., veronderstelt dit voorrecht dat de behouden zaak bepaald en identificeerbaar is in de activa van de schuldenaar aangezien het om een bijzonder voorrecht gaat. Dit voorrecht kan niet worden ingeroepen voor het behoud van een universaliteit. Noch de prestaties verricht met het oog op het bekomen van een gerechtelijk akkoord, noch die die worden verricht door de raadsman van de schuldenaar met het oog op de aanvaarding van een definitief plan hebben het behoud van dergelijk bepaalde zaak tot voorwerp.

E.B. / André Renette q.q. faillite C.N.

Siég.: R. de Francquen (président), X. Ghuysen et J.-P. Vlerick (conseillers)
Pl.: Me I. Biemar

(…)

Après en avoir délibéré:

la suite de l'arrêt prononcé le 27 novembre 2006, l'appelant a déposé un dossier complémentaire contenant son état d'honoraires qui, avec les documents A précédemment produits, permet de retenir que:

- l'appelant était le conseil du débiteur et a aidé celui-ci à repousser des menaces d'exécution forcée notamment au moyen de courriers des 2 et 4 février 2005 signalant le dépôt d'une requête en concordat qu'il avait préparée;

- le 9 mars 2005, le débiteur, C.N., a obtenu un sursis

provisoire et le 11 mars 2005 Me Renette a été désigné comme commissaire au sursis;

- dans le cours de la période de sursis provisoire, l'appelant a continué à assister le débiteur notamment pour intervenir auprès de l'huissier Chabot, le 15 mars 2005, et pour une entrevue avec le commissaire au sursis les 21 mars et 26 ou 27 avril 2005;

- sur requête du commissaire au sursis, il a été mis fin au concordat et la faillite est prononcée le 31 mai 2005;

- le 2 mai 2005, l'appelant adresse au commissaire au sursis un “état de frais et honoraires forfaitaire de € 500 pour l'ensemble des prestations... effectuées depuis l'ordonnance d'admissibilité”;

- dans la requête en taxation de ses frais et honoraires, le commissaire au sursis, devenu curateur de la faillite, inclut l'état de frais de l'appelant dans les débours “qu'il a exposés par application de l'article 44 de la loi sur le concordat” mais la décision intervenue sur cette requête n'est pas produite. Selon toute vraisemblance, elle a été négative puisque l'appelant a produit créance à la faillite, ladite créance étant alors contestée par le curateur (voir procès-verbal de vérification des créances du 19 juillet 2005) qui, devant les premiers juges, s'en réfère à justice sur les prétentions de l'appelant de voir son état d'honoraires admis au titre de dette de la masse ou subsidiairement comme créance assortie du privilège de l'article 20, 4° de la loi hypothécaire.

Par une motivation adéquate qu'il convient de compléter partiellement pour répondre à une argumentation plus élaborée, les premiers juges ont admis la créance de l'appelant au passif chirographaire.

L'article 44, alinéa 2 de la loi sur le concordat judiciaire dispose que les dettes résultant d'actes accomplis par le débiteur entre la décision d'admissibilité et le jugement homo­loguant le sursis définitif seront considérées comme des dettes de la masse en cas de faillite subséquente s'ils ont été accomplis “avec la collaboration, l'autorisation ou l'assistance du commissaire au sursis”, cette exception au principe de dette dans la masse pour tout ce qui est antérieur à la déclaration de faillite ayant été justifiée par le souci de ne pas dissuader les personnes avec lesquelles le débiteur a besoin de contracter pour maintenir ses activités d'encore traiter avec lui.

Si certains commentateurs considèrent qu'existe une présomption de collaboration, d'assistance et d'autorisation du commissaire au sursis parce que le débiteur reste à la tête de ses affaires et n'est qu'assisté dans sa gestion par le commissaire au sursis (Windey et Hûrner, “Les dettes de masse de l'article 44, alinéa 2” (note sous Liège 17 juin 2003), R.D.C. 2005, p. 264 ), la considération que toutes les dettes nées pendant le sursis provisoire seraient d'office des dettes de la masse sauf opposition ou refus du juge commissaire étend l'exception de façon inconciliable avec les tenues mêmes de la loi, lesquels impliquent une participation active, un assentiment positif du commissaire au sursis antérieurement aux engagements pris par le débiteur pour favoriser la mise en place du plan sur lequel reposera le sursis définitif.

En effet la collaboration du commissaire au sursis aux actes accomplis par le débiteur requiert que le commissaire au sursis agisse en vue de l'accomplissement de ces actes. Son assistance ne peut exister que s'il apporte son assistance à l'accomplissement de l'acte antérieurement à celui-ci (Cass. 4 février 2005, C.040054.N).

S'il est vrai que le 15 mars 2005 le commissaire au sursis s'est adressé au conseil du débiteur pour solliciter une entrevue tout en précisant que “les chances de succès de ce concordat (sont) liées à une mise de fonds des parents de monsieur C.N.”, il n'entendait pas par là donner un mandat à l'appelant ni une autorisation en vue de prestations mais recueillir des informations à propos des soutiens financiers que le débiteur espérait de sa famille dont le commissaire au sursis se demandait si elle était également conseillée par l'appelant.

Le débiteur a certes le droit de prendre conseil et de continuer à garder le contact avec l'avocat qui l'assiste en vue de l'obtention du concordat, mais il ne peut, en dehors d'un accord spécial du commissaire au sursis en vue de prestations déterminées, grever les disponibilités comprises dans le plan de redressement de charges qui en cas de faillite ultérieure seraient privilégiées.

La lettre que l'appelant adresse le 15 mars 2005 à l'huissier Chabot en vue d'empêcher le chargement des meubles saisis prévu pour le 17 mars pallie l'inertie du débiteur qui, connaissant la menace pesant sur son mobilier, devait requérir l'intervention du commissaire au sursis mieux placé que son propre conseil pour convaincre de l'impossibilité de poursuivre une vente forcée. Là aussi, il n'y a pas eu, préalablement à l'envoi de cette lettre, de collaboration du commissaire au sursis.

Point n'est besoin d'insister sur ce que le commissaire au sursis est un mandataire de justice indépendant et impartial qui n'est pas l'adversaire du débiteur. Ce dernier ne doit donc pas être nécessairement assisté d'un avocat pour surveiller les actes que le commissaire pose sous le contrôle du tribunal qui le désigne. Il n'y a donc pas rupture de l'égalité des armes entre le débiteur et ses créanciers, le commissaire au sursis étant chargé d'une mission d'assistance dans le but d'assurer la continuité de l'entreprise pour le plus grand profit de l'un comme des autres.

L'état d'honoraires de l'appelant, forfaitaire et ne précisant point sur quels signes de collaboration, d'assistance ou d'autorisation du commissaire au sursis il repose, ne peut être repris au passif de la faillite comme une dette de masse. Ni l'inclusion de cet état dans la taxation demandée par le commissaire au sursis, ni le référé à justice de celui-ci ne peuvent valoir comme acte d'admission en tant que dette de la masse.

La créance de l'appelant ne peut pas plus se voir reconnaître une cause de préférence.

Si les frais et honoraires d'avocat peuvent être des frais privilégiés de conservation de la chose au sens de l'article 20, 4° de la loi hypothécaire, encore faut-il que le bien conservé grâce à l'intervention de l'avocat soit déterminé, identifiable parmi l'actif puisqu'il s'agit d'un privilège spécial. Ce privilège ne peut être reconnu pour les frais ayant permis de conserver une universalité.

Ni les prestations visant à l'obtention du concordat (voir Bruxelles 23 février 1993, R.D.C. 1994, p. 464) ni celles qui sont accomplies par le conseil du débiteur en vue d'une acceptation d'un plan définitif ne peuvent être considérées comme ayant servi à la conservation d'un bien déterminé. Les démarches accomplies pour que l'huissier Chabot ne procède pas au chargement des meubles saisis ainsi qu'auprès d'autres créanciers menaçants ne sont pas plus des actes de conservation puisqu'en toute hypothèse, la décision d'admissibilité empêche qu'une voie d'exécution soit exercée ou poursuivie (art. 21 § 1er de la loi relative au concordat judiciaire).

Par ces motifs,

La cour, statuant contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris et délaisse à l'appelant la charge des dépens d'appel.

(...)