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La place de l'étude de marché et du plan prévisionnel au sein de l'information précontractuelle à fournir au franchisé en vertu de la loi du 19 décembre 2005 et du droit commun. La sanction du caractère inexact ou incomplet des informations communiquées, R.D.C.-T.B.H., 2008/2, p. 189-205

INTERMÉDIAIRES ET COMMERCE
Contrat de franchise - Information précontractuelle - Obligation d'information et de conseil - Loi française, dite loi Doubin, sur la fourniture d'informations précontractuelles - Étude prévisionnelle - Obligation du franchisé de s'informer - Communication d'informations sincères et loyales
Les dispositions issues de la loi française, dite loi Doubin, prévoyant la remise d'informations précontractuelles n'imposent pas au franchiseur de réaliser une étude du marché local. Il appartient au franchisé de procéder lui-même à une analyse précise d'implantation lui permettant d'apprécier le potentiel du fonds de commerce dont il envisage l'exploitation.
Le fait que le franchisé n'atteigne que 50% du chiffre d'affaires prévisionnel annoncé par le franchiseur ne suffit pas à engager la responsabilité de celui-ci, qui n'est pas tenu à une obligation de résultat dans l'établissement des prévisions d'activité. Ces prévisions, à les supposer particulièrement optimistes, ne peuvent s'analyser en un manquement du franchiseur à son obligation précontractuelle de communication d'informations sincères et loyales, dans la mesure où elles sont en rapport avec le chiffre d'affaires moyen atteint à la même époque par les magasins de même nature et situés dans la même région que le magasin franchisé.
TUSSENPERSONEN EN HANDEL
Franchiseovereenkomst - Precontractuele informatie - Verplichting tot informatie en bijstand - Franse wet, Wet Doubin genoemd, over het verschaffen van precontractuele informatie - Prognose - Verplichting voor de franchisenemer om zich te infomeren - Communicatie van waarheidsgetrouwe en loyale informatie
De bepalingen voortvloeiend uit de Franse wet, Wet Doubin genoemd, die voorzien in het verschaffen van precontractuele informatie, verplichten de franchisegever niet om een onderzoek te verrichten naar de lokale markt. Het is aan de franchisenemer om zelf een precieze implantingsanalyse te maken die hem in staat stelt om het potentieel van de handelszaak waarvan hij de exploitatie vooropstelt te beoordelen.
Het feit dat de franchisenemer slechts 50% behaalt van de geraamde omzet aangekondigd door de franchisegever volstaat niet om de aansprakelijkheid in het gedrang te brengen van deze laatste, die geen resultaatsverbintenis heeft voor het opstellen van de activiteitsprognoses. Deze prognoses, zelfs indien men aanneemt dat ze bijzonder optimistisch waren, kunnen niet worden beschouwd als een tekortkoming van de franchisegever in zijn precontractuele verplichting tot het communiceren van waarheidsgetrouwe en loyale informatie, voor zover als ze overeenkomen met de gemiddelde omzet behaald in dezelfde periode door winkels van dezelfde aard en gelegen in dezelfde streek als de winkel onder franchise.
La place de l'étude de marché et du plan prévisionnel au sein de l'information précontractuelle
à fournir au franchisé en vertu de la loi du 19 décembre 2005 et du droit commun.
La sanction du caractère inexact ou incomplet des informations communiquées
Olivier Clevenbergh [1]
1. Introduction - L''arrêt de la cour d'appel de Versailles du 7 juin 2007

1.Deux ans après l'entrée en vigueur de la loi du 19 décembre 2005 relative à l'information précontractuelle dans le cadre d'accords de partenariat commercial [2], il semble, d'après les décisions publiées en la matière, que le nombre de conflits auxquels cette loi a donné lieu soit jusqu'à présent resté limité.

Indépendamment des informations dont cette loi rend désormais la communication obligatoire, le franchiseur fournit parfois en pratique d'autres informations au candidat franchisé lors de la phase précontractuelle, en particulier une étude de marché et/ou des projections de chiffres d'affaires ou de résultats. Cette pratique, à laquelle la loi ne semble pas avoir mis fin, a été, quant à elle, à l'origine d'un certain nombre de litiges au cours des années. Il paraît intéressant de voir quel peut être l'impact de la nouvelle réglementation sur la solution à donner à de tels conflits.

L'on connaît l'inspiration française de notre loi du 19 décembre 2005 [3]. La décision française ici commentée donne une bonne illustration de ce que pourrait être, en Belgique également, la solution à donner à un litige né de l'occasion d'une faute précontractuelle alléguée suite à la communication d'un plan prévisionnel, ainsi que les effets de la combinaison entre ces dispositions légales spécifiques et le droit commun.

2.L'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 7 juin 2007 intervient dans une situation où les prévisions de chiffre d'affaires et de résultat fournies par le franchiseur préalablement à la conclusion du contrat ne se sont pas réalisées et où le franchisé en a fait grief au franchiseur, notamment pour solliciter l'annulation du contrat de franchise.

En novembre 2000, un candidat franchisé avait manifesté le souhait de créer un nouveau magasin Jacadi [4] dans le cadre d'un contrat de franchise. Le franchiseur lui avait communiqué une prévision de chiffre d'affaires pour les quatre premières années d'exploitation et avait projeté un taux de 43% de marge brute. Le document d'informations précontractuelles prévu par l'article L 330-3 du Code de commerce français, issu de la loi française du 31 décembre 1989 dite “loi Doubin”, accompagné du projet de contrat de franchise, fut communiqué au candidat franchisé. Le franchisé acquit alors le fonds de commerce considéré et le contrat de franchise avec la société Jacadi fut conclu. Dès les premiers mois d'exploitation en 2001, le chiffre d'affaires se révéla toutefois très inférieur au chiffre d'affaires prévisionnel. Cette tendance se confirma pour les exercices suivants en 2002 et 2003, le chiffre d'affaires obtenu ayant été inférieur de moitié aux prévisions communiquées par le franchiseur.

C'est dans ces circonstances que le franchisé assigna le franchiseur aux fins notamment d'annulation du contrat de franchise pour vice de consentement et pour manquement à l'obligation précontractuelle de renseignement prévue par la loi Doubin [5]. Il faisait notamment valoir que la conclusion du contrat de franchise avait été basée sur des chiffres d'affaires prévisionnels d'exploitation irréalistes, notoirement surévalués par rapport à la rentabilité réelle du fonds de commerce. Il reprochait également au franchiseur de ne pas lui avoir fait bénéficier d'une formation suffisante et d'une transmission de son savoir-faire avant la conclusion du contrat de franchise.

3.En première instance, le tribunal de commerce de Nanterre a fait droit à cette demande et a prononcé l'annulation du contrat de franchise, condamnant le franchiseur à rembourser le droit d'entrée payé par le franchisé. Le franchisé a interjeté appel de cette décision devant la cour d'appel de Versailles, estimant que le tribunal de commerce n'avait pas déduit toutes les conséquences de l'annulation de contrat de franchise, notamment en ne condamnant pas le franchiseur à payer, outre le droit d'entrée, les sommes correspondant aux frais d'équipement et d'agencement du magasin, aux dépenses liées à l'installation de la franchise (cession de fonds de commerce et droits, frais d'immatriculation et frais bancaires) et aux pertes d'exploitation et au manque à gagner consécutif, représentant l'écart entre les résultats devant être obtenus en fonction des chiffres prévisionnels pour les exercices d'activité et la marge effectivement réalisée.

La cour d'appel de Versailles va cependant, au terme d'une motivation détaillée, réformer la décision attaquée et rejeter la demande d'annulation.

2. Les notions d'“étude de marché” et de “plan prévisionnel”

4.Le lancement de toute entreprise économique suppose une réflexion préalable sur les objectifs qui peuvent être atteints et les moyens à mettre en oeuvre. En droit des sociétés, cela se traduit par l'obligation des fondateurs d'une société à responsabilité limitée d'établir un plan financier justifiant du montant du capital social, lequel ne peut être manifestement insuffisant pour assurer l'exercice normal de l'activité projetée pendant une période de deux ans au moins (art. 215, 391 et 440 du Code des sociétés). Le démarrage d'une activité en franchise n'échappe pas à cette règle. Ce n'est pas parce que le franchisé va pouvoir se reposer sur le savoir-faire et l'assistance du franchiseur, éléments essentiels du contrat de franchise, qu'il ne doit pas s'interroger sur les chances de succès de son entreprise.

L'étude de marché et le plan prévisionnel sont deux éléments de cette réflexion préalable [6].

La notion d'étude de marché englobe plusieurs analyses complémentaires [7]:

    • l'étude des besoins de l'utilisateur ou client potentiel et de son comportement;
    • l'évaluation de la demande, c'est-à-dire le marché potentiel, sa taille, son stade de développement et sa croissance;
    • l'étude des données et tendances socio-économiques de l'environnement;
    • l'observation de la concurrence et de ses stratégies commerciales;
    • l'identification des modes de distribution et de commercialisation.

    L'étude de marché suppose donc une analyse, une étude, qui vont au-delà de la simple description de la situation du marché. Elle situe et évalue en outre l'entreprise concernée par rapport à ce marché. Pour être pertinente, l'étude de marché doit être une étude du marché local lorsque l'activité envisagée présente elle-même un caractère local.

    Le plan prévisionnel reflète lui l'aspect financier de l'activité future et a pour objectif de déterminer la faisabilité et la rentabilité du projet. Il projette sur un certain nombre d'années les produits et les charges de l'entreprise, ainsi que son chiffre d'affaires prévu et constitue donc un compte d'exploitation prévisionnel.

    Pour réaliser son étude de marché et son plan prévisionnel, le futur franchisé va se baser sur des informations recueillies notamment auprès de son franchiseur. Il n'est cependant pas rare que les franchiseurs aillent plus loin et assistent véritablement le franchisé dans l'établissement de ces documents, voire les préparent pour lui. D. Baschet cite l'enquête réalisée en France par Franchise Magazine en 2004, dont il ressort que 75% des enseignes qui ont répondu aident à des degrés divers les candidats franchisés à établir leurs comptes d'exploitation prévisionnels [8].

    Des difficultés peuvent naître lorsque les résultats effectifs sont moins favorables qu'espérés ou que les tendances décrites dans l'étude de marché ne se vérifient pas.

    3. Les exigences légales relatives à la communication par le franchiseur d'une étude de marché et d'un plan prévisionnel

    5.Le premier point à vérifier est dans quelle mesure la réglementation nouvelle impose ou non au franchiseur de communiquer au candidat franchisé une étude de marché et/ou un plan prévisionnel.

    3.1. Les dispositions légales concernées

    6.Selon la loi française Doubin, “Toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque, une enseigne en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document contenant des informations sincères, qui lui permettent de s'engager en connaissance de cause”. Ce document doit être communiqué vingt jours au minimum au candidat à la franchise. Il doit inclure notamment des informations sur “l'état et les perspectives de développement du marché concerné”, son contenu précis étant fixé par décret. Ce décret prévoit entre autres informations à communiquer “une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché” (art. 1).

    De manière similaire, mais pas identique [9], l'article 3 de la loi du 19 décembre 2005 prévoit l'obligation pour “celui qui octroie le droit” (à savoir, le franchiseur dans le cadre du contrat de franchise) de mettre à la disposition de “celui qui reçoit le droit” (soit, le franchisé dans le cadre du contrat de franchise), au moins un mois avant la conclusion de l'accord, un document reprenant les données visées à l'article 4 de la loi. Parmi celles-ci figurent “les données pour l'appréciation correcte de l'accord de partenariat commercial” telles que ces données sont énumérées à l'article 4, 2° [10]. L'une des données visées à l'article 4, 2° de la loi est “l'historique, l'état et les perspectives du marché où les activités s'exercent, d'un point de vue général et local”, ainsi que “l'historique, l'état et les perspectives de la part de marché du réseau, d'un point de vue général et local”. Sur ce point particulier, la terminologie de la loi du 19 décembre 2005 reproduit donc assez fidèlement celle de la loi Doubin (toutes les deux visant l'état et les perspectives du marché, sur le plan général et local).

    3.2. L'étude de marché

    7.En France, la question s'est posée de savoir si, outre les documents spécifiquement visés par le décret - ou en raison de l'obligation de présenter “l'état général et local du marché” et les “perspectives de développement de ce marché” -, le franchiseur avait une obligation légale d'établir une étude de marché préalablement à la conclusion du contrat de franchise.

    La jurisprudence française a considéré que la “présentation de l'état local du marché” comprenait le nombre d'habitants de la zone de chalandise (avec leurs caractéristiques pertinentes, comme l'âge et le revenu) ainsi que des informations sur les concurrents locaux [11]. Par contre, après avoir hésité, l'on a considéré en France que le franchiseur n'était pas, en vertu de la loi, tenu de fournir au franchisé une étude de marché ou une étude du marché local [12]. Outre que la loi ne prévoit pas la communication d'une telle étude, la Cour de cassation française rappelle dans son arrêt du 11 février 2003 que c'est au franchisé lui-même qu'il appartient de procéder à une étude d'implantation précise [13]. C'est donc conformément à la tendance française majoritaire que la cour d'appel de Versailles décide dans l'arrêt commenté que l'article L 330-3 du Code de commerce français ne met pas à la charge du franchiseur la réalisation d'une étude du marché local mais que c'est au franchisé qu'il appartient de procéder lui-même à une appréciation du potentiel du fonds de commerce dont il envisage l'exploitation.

    8.La question de la communication obligatoire d'une étude de marché se pose également en Belgique. La doctrine et la jurisprudence n'ont pas encore eu l'occasion, à notre connaissance, de se prononcer de manière explicite sur les contours précis de la notion de “présentation de l'état du marché” général et local par rapport à celle d'étude de marché. Un auteur est d'avis que la loi du 19 décembre 2005 implique que le franchiseur réalise ou fasse réaliser une étude du marché local [14], tandis que d'autres relèvent qu'une (“véritable”) étude de marché n'est pas requise par la loi [15]. Ces positions ne sont pas nécessairement contradictoires mais reflètent selon nous le flou entourant la notion d'“étude de marché”.

    Nous pensons que la loi n'impose au franchiseur qu'un exercice de description objective du marché et de la part de marché, pour le passé, le présent et l'avenir (“l'historique, l'état et les perspectives”). Bien sûr, la description de l'avenir recèle toujours une part de subjectivité. Une telle description n'implique toutefois pas une analyse particulière de la part du franchiseur, comme dans le cas d'une étude du marché, mais seulement la prise en compte des effets futurs probables d'éléments objectifs connus au moment où le document d'information précontractuelle est communiqué. Par exemple, si un concurrent important du franchiseur a annoncé qu'il allait s'implanter sur le marché considéré, cet élément devra être mentionné dans les perspectives, sans que l'on ne puisse en outre exiger du franchiseur qu'il apprécie l'impact de ce nouvel élément sur les chances de succès du candidat franchisé considéré. C'est à ce dernier, dûment informé par son franchiseur en vertu de la loi du 19 décembre 2005 et, le cas échéant, du droit commun [16], qu'il appartient de prendre en considération cette circonstance dans sa décision et d'essayer d'en mesurer les effets parmi les multiples autres éléments qui entrent en ligne de compte.

    3.3. Le plan prévisionnel

    9.La doctrine semble s'accorder pour considérer, à juste titre, que l'article 4 de la loi du 19 décembre 2005 n'impose en tous cas pas au franchiseur la communication d'un compte d'exploitation prévisionnel du franchisé, qui indiquerait le chiffre d'affaires et les résultats prévus pour l'exploitation concernée [17]. La situation est la même en France [18].

    L'absence d'obligation dans le chef du franchiseur d'établir et de communiquer un plan prévisionnel est fondée sur le caractère aléatoire de projections qui seraient ainsi préparées par le franchiseur et sur le fait que c'est au franchisé lui-même qu'il appartient de procéder à cet exercice [19]. Comme l'indique J.-M. Leloup - et cette observation est actuellement valable en Belgique également -, l'obligation légale du franchiseur de communiquer une série d'informations, assortie d'un délai de réflexion, est précisément destinée à permettre au franchisé de réfléchir avec l'aide de conseils pour préparer lui-même son tableau de marche [20].

    4. L'obligation d'information de droit commun du franchiseur

    10.La communication d'une étude de marché et d'un plan prévisionnel n'étant pas prévue par la loi du 19 décembre 2005, il convient encore de vérifier si elle ne découle pas du droit commun.

    4.1. Principe de l'obligation d'information de droit commun

    11.L'existence en Belgique d'une obligation d'information précontractuelle générale en droit commun a fait l'objet d'études récentes et complètes [21]. En synthèse, il faut constater que, essentiellement sur base de l'élargissement du champ d'action du principe général de bonne foi, les cocontractants sont tenus l'un à l'égard de l'autre de se communiquer des informations dès avant la conclusion de leur contrat, spécialement dans les situations où l'un des futurs cocontractants est, de par sa position, mieux informé que l'autre [22].

    Dans le domaine particulier du contrat de franchise, l'existence d'une telle obligation avait déjà été reconnue avant 2005, indépendamment donc d'un texte légal spécifique. Cette obligation reposait essentiellement - mais pas exclusivement - sur le franchiseur en raison de l'inégalité qui existerait entre lui et le candidat franchisé [23]. En 1992, Mme Matray écrivait déjà: “En l'absence de textes particuliers, le franchiseur peut-il se contenter de soumettre à la signature de son partenaire potentiel un contrat de franchise en bonne et due forme, sans lui avoir communiqué au préalable des informations qui peuvent être essentielles pour mesurer la portée des engagements souscrits? Rien n'est moins sûr. Doctrine et jurisprudence reconnaissent qu'à l'occasion des pourparlers préalables à la signature d'un contrat, les parties doivent agir avec loyauté à peine d'engager leur responsabilité.” [24].

    La cour d'appel de Mons a rendu, le 13 janvier 2003, un arrêt consacrant clairement le devoir d'information du franchiseur découlant du droit commun: “le franchiseur doit fournir au franchisé, avant la signature du contrat, des informations précises, complètes et vérifiables sur la situation actuelle et les perspectives d'avenir de la branche d'activité considérée; (…); la responsabilité aquilienne du franchiseur peut dès lors être engagée lorsqu'il apparaît que le franchisé s'est engagé dans le projet sur la base d'informations erronées ou insuffisantes par rapport à celles que l'on est en droit d'attendre d'un franchiseur consciencieux” [25]. Dans son récent arrêt du 26 avril 2007, la même cour d'appel de Mons confirme cette obligation en des termes sévères pour le franchiseur [26].

    4.2. L'exigence de communication d'une étude de marché et d'un plan prévisionnel en droit commun. L'obligation pour le candidat franchisé de s'informer lui-même

    12.Les contours de l'obligation d'information pré­contractuelle en droit commun ne sont pas établis avec précision. Il est en tous cas admis que l'obligation d'information est limitée par “l'obligation corrélative pour toute partie à une négociation de réunir elle-même les informations qui lui sont nécessaires dans toute la mesure du possible” [27].

    13.L'arrêt commenté du 7 juin 2007 rappelle le principe suivant lequel il appartient au franchisé de procéder lui-même à une analyse précise d'implantation lui permettant d'apprécier le potentiel du fonds de commerce dont il envisage l'exploitation. Le franchisé se voit reprocher de ne pas avoir combattu les projections chiffrées qu'il considère ensuite comme irréalistes et de n'avoir pour sa part “établi aucun compte d'exploitation prévisionnel de nature à lui permettre d'analyser, avec l'assistance d'un expert comptable, la faisabilité et la rentabilité de son projet”.

    Cette décision se situe dans la droite ligne de la jurisprudence majoritaire, en France et en Belgique, qui considère que le franchisé, commerçant indépendant et responsable, a le devoir de s'informer lui-même quant aux résultats qui peuvent être espérés, ainsi que doit le faire tout commerçant qui débute une exploitation [28]. Bien plus, face aux perspectives qui lui sont éventuellement présentées par le franchiseur, le franchisé doit même exercer son esprit critique et porter son propre jugement. Un contrat de franchise, qui peut impliquer des investissements financiers et personnels importants, ne doit en effet pas être conclu à la légère, ni par le franchisé, ni par le franchiseur.

    14.Le devoir du franchisé de s'informer lui-même quant aux chances de succès de son entreprise a, nous paraît-il, été confirmé par le législateur dans la loi du 19 décembre 2005. Celle-ci n'a en effet pas imposé au franchiseur l'obligation de remettre, dans le cadre de l'information précontractuelle obligatoire, des résultats prévisionnels ou une étude de marché. Lors des travaux préparatoires, la ministre a d'ailleurs déclaré, suite à une interpellation quant aux lacunes que la loi laissait dans la protection du franchisé: “Les candidats à ce type de contrat doivent faire preuve d'un minimum de vigilance car d'une part il en faut pour mener à bien ce type d'affaires et d'autre part parce que la (future) loi leur donnera des outils permettant de vérifier si ce qu'on leur propose contient bien les éléments requis.” [29].

    Pour ces raisons, l'obligation de renseignement du franchiseur découlant du droit commun ne saurait, selon nous, viser une étude de marché et un plan prévisionnel. Les projections de chiffre d'affaires ou de résultat et l'appréciation de ces éléments relèvent du franchisé lui-même.

    L'on relèvera en outre que le Code de déontologie de la franchise ne prévoit pas non plus l'obligation de communiquer des prévisions. Ce code avait anticipé l'intervention du législateur belge en prévoyant l'obligation pour le franchiseur de fournir une “information complète et écrite contenant les clauses du contrat de franchise, ceci dans un délai raisonnable avant la signature du contrat” (art. 3.3) [30]. Concernant les résultats prévisionnels, il dispose que “Tout document de recrutement ou de publicité faisant apparaître directement ou indirectement des résultats, chiffres ou revenus prévisionnels du franchisé devra être objectif et vérifiable.” (art. 3.2) [31].

    Il est à noter cependant que, selon l'arrêt précité de la cour d'appel de Mons du 13 janvier 2003, citant D. Matray, les informations à communiquer en vertu du droit commun “doivent aussi porter sur la valeur de la localisation dont il s'agit et sur les comptes d'exploitations du magasin ou de magasins comparables” [32]. L'arrêt a été critiqué sur ce point, les commentateurs estimant qu'à côté des obligations générales découlant du droit commun, le contenu des informations particulières que le franchiseur doit fournir au franchisé avant la signature du contrat ne leur paraît pas pouvoir être défini avec autant de précision que ne le fait la cour [33]. La cour relève d'ailleurs plus loin dans l'arrêt “que le franchisé à lui-même commis une imprudence coupable en s'abstenant de vérifier les données qui lui étaient présentées” et qu'“en commerçante prudente et avisée, elle eût dû veiller à une analyse sérieuse des éléments économiques du contrat qui lui était proposé, en se faisant au besoin conseiller par un professionnel” [34]. Dans son arrêt du 26 avril 2007, la cour d'appel de Mons a également décrit de manière large le devoir d'information du franchiseur. Dans cette affaire, à laquelle la loi du 19 décembre 2005 n'était pas encore d'application, la cour a en effet considéré que: “En matière de contrat de franchise et lorsque - comme en l'espèce - il ne s'agit pas de créer un nouveau point de distribution, cela implique dans le chef du franchiseur d'informer le futur franchisé par des éléments fiables d'appréciation, d'une part, quant à la rentabilité de l'exploitation, eu égard aux conditions générales du marché de ses produits ainsi qu'aux résultats de l'exploitation précédente et, d'autre part, quant à l'estimation de l'investissement en équipement, matériel, stock, coût de lancement, etc.” [35].

    Il résulte en réalité de la jurisprudence que l'absence totale de communication d'informations prévisionnelles n'est sanctionnée qu'exceptionnellement en matière de contrat de franchise [36]. Les griefs adressés au franchiseur concernent le plus souvent une situation où ces éléments ont été communiqués mais où ils se sont avérés inexacts, comme c'est le cas des arrêts de la cour d'appel de Mons du 13 janvier 2003 et du 26 avril 2007 précités. Dans cette dernière affaire en effet, le franchiseur avait spontanément communiqué des prévisions de chiffre d'affaires considérées comme “surréalistes” et la cour lui a fait grief d'avoir avancé des chiffres sans avoir établi d'étude de marché préalable: “(…) le devoir de loyauté prérappelé imposait [au franchiseur] de mettre en oeuvre une telle étude [de marché] avant d'avancer des chiffres de rentabilité” [37].

    L'on notera toutefois la décision du tribunal de commerce de Charleroi du 22 novembre 1995, selon laquelle le fournisseur a une obligation d'assister loyalement l'exploitant dans l'examen de rentabilité auquel celui-ci est tenu [38].

    4.3. La question du maintien de l'obligation d'information de droit commun en présence d'une réglementation spécifique relative à la franchise

    15.Lorsqu'une réglementation spécifique comme la loi du 19 décembre 1995 prévoit la communication d'informations particulières préalablement à la conclusion du contrat, se pose la question de savoir si l'obligation de droit commun subsiste, et dans quelle mesure.

    Dès lors que le fondement de l'obligation d'information est basé soit sur le principe de la bonne foi, soit sur la théorie des vices du consentement, il paraît certain qu'une loi spécifique ne supprime pas l'obligation de droit commun. Aucune loi ne déroge en effet au principe essentiel de la bonne foi et ne permet qu'un contrat ne soit pas affecté par l'existence d'un vice du consentement. De même, une réglementation particulière ne dispense pas les parties de ne pas commettre de faute extracontractuelle et de ne pas se comporter en “personne normalement prudente et diligente”. Il en résulte que la dissimulation volontaire d'informations essentielles, de même que la négligence dans la vérification de certaines informations (telle que la possibilité juridique d'exploiter le commerce proposé au franchisé), constitueront toujours un manquement à l'obligation d'information précontractuelle de droit commun [39]. De même, en cas de vice du consentement, les articles 1109 et suivants du Code civil resteront applicables.

    L'existence d'une réglementation spécifique n'est cependant pas sans incidence sur la responsabilité de celui qui a l'obligation de fournir l'information.

    L'article 4 § 1er, 2° de la loi du 19 décembre 2005 énumère les “données pour l'appréciation correcte de l'accord”. Il est en outre prévu que le Roi peut compléter et préciser la liste en question, en vue de l'adapter aux réalités du marché. Les parties savent donc à présent précisément ce qu'elles ont le devoir et le droit, respectivement, de fournir et de recevoir. Il nous paraît dès lors que ce n'est que dans des circonstances tout à fait particulières qu'un franchisé pourrait reprocher à un franchiseur de ne pas lui avoir fourni d'autres informations que celles spécifiquement énumérées par la loi. À ce titre, la loi du 19 décembre 2005 établit, en faveur du franchiseur, une certaine sécurité juridique, en délimitant les informations qu'il est tenu de fournir au franchisé [40].

    Dès lors, à considérer même qu'antérieurement à la loi du 19 décembre 2005, il eût été de la responsabilité du franchiseur d'établir une étude de marché et un plan prévisionnel, il paraît aujourd'hui certain qu'une telle obligation ne lui incombe pas.

    5. L''obligation d'information du franchiseur découlant d'un contrat

    16.Bien entendu, l'obligation de communiquer une étude de marché et/ou un plan prévisionnel, si elle ne découle pas de la loi, peut résulter de la convention des parties.

    C'est ainsi sur une base contractuelle que la cour d'appel de Paris a récemment sanctionné un franchiseur qui avait communiqué des comptes prévisionnels qui se sont révélés être largement plus avantageux que la réalité. La cour relève que “si ces dispositions légales [l'article L.330-3 du Code de commerce] ne mentionnent pas la remise, par le franchiseur, de comptes prévisionnels relatifs à la franchise envisagée, il résulte des pièces versées au débat que [le franchiseur] s'est contractuellement engagé[e] envers sa future franchisée à lui fournir cette prestation ainsi que d'autres services nécessaires au 'lancement' de la franchise, présenté comme faisant partie intégrante de son savoir-faire et rémunérés en tant que tels par une redevance forfaitaire” [41]. Le fait que l'établissement de l'étude de marché était rémunéré semble avoir joué un rôle déterminant dans cette affaire. L'existence d'une rémunération spécifique n'est cependant pas une condition pour qu'un engagement contractuel, explicite ou implicite, du franchiseur existe.

    Dans l'hypothèse où le franchiseur s'est engagé envers le candidat-franchisé à lui fournir une étude de marché et/ou un plan prévisionnel, le régime du manquement à cette obligation relève de la responsabilité contractuelle. L'on doit considérer que, dans ce cas, le franchiseur joue en fait le rôle du tiers (comptable, société spécialisée) sur lequel le candidat franchisé se reposerait normalement pour réaliser les prévisions destinées à exécuter son propre devoir d'information.

    6. Le sort de l'information précontractuelle communiquée par le franchiseur en dehors de toute obligation

    17.Dans le cours des négociations menant à la conclusion du contrat de franchise, il arrive fréquemment que, sans s'y être engagé, le franchiseur communique au candidat une étude de marché et/ou un plan prévisionnel et/ou certaines composantes d'une telle étude ou d'un tel plan.

    Il est certain qu'une telle communication spontanée d'informations, en dehors de toute obligation, peut être une source de responsabilité pour celui qui les communique, dans le cas où ces informations s'avèreraient ne pas être correctes. Selon les circonstances, la communication d'informations erronées peut en effet constituer une faute extracontractuelle, voire un dol, ou être à l'origine d'une erreur commise par le franchisé lors de la conclusion du contrat. En pratique, c'est d'ailleurs cette situation qui semble donner lieu au contentieux le plus fourni, dont certains aspects spécifiques aux études de marché et plans prévisionnels seront examinés infra (nos 27 et s.).

    7. Les conséquences du caractère inexact ou incomplet des informations communiquées
    (a) Les règles applicables

    18.L'on a vu que la communication d'une étude de marché et de prévisions n'est obligatoire ni en vertu de la loi du 19 décembre 2005 ni en vertu du droit commun. Nous sommes d'avis que des informations non prévues par la loi du 19 décembre 2005, tels qu'un plan prévisionnel et une étude de marché, ne rentrent pas dans le champ d'application de la loi par le seul fait qu'elles seraient communiquées simultanément aux informations légales, voire seraient incluses par le franchiseur dans le document particulier visé par la loi. La sanction du caractère inexact ou incomplet d'une étude de marché ou d'un plan prévisionnel communiqués en vertu d'un contrat ou spontanément ne doit donc en principe pas être cherchée dans la loi du 19 décembre 2005. Il en irait autrement si les données visées à l'article 4 § 1er, 2° de la loi, d'une part, et celles constituant l'étude de marché et le plan financier, d'autre part, se trouvaient mélangées et s'il n'était plus possible d'apprécier le caractère complet des premières sans tenir compte des secondes.

    En France, la Cour de cassation semble avoir adopté une position différente. Le franchiseur avait communiqué une étude de marché local. Après avoir constaté que la loi Doubin n'imposait pas une telle obligation au franchiseur, la Cour de cassation approuve la décision qui avait considéré que, dans le cas où cette information serait volontairement donnée, il résulte de la même loi Doubin que l'étude de marché doit être sincère [42]. Comme le relève le commentateur de cet arrêt, le droit commun impose en effet que si une information est communiquée, elle doit être sincère, mais la référence dans ce contexte à la loi Doubin paraît curieuse [43].

    Il paraît dès lors en tous cas intéressant de comparer les conséquences de la violation des obligations d'information découlant du droit commun de la responsabilité et des vices du consentement avec celles du non-respect de la loi du 19 décembre 2005, au regard du caractère inexact ou incomplet des informations en question.

    (b) Les conséquences du caractère inexact ou incomplet des informations communiquées en vertu de la loi du 19 décembre 2005
    (i) Les principes de l'article 5

    19.Dans le cas particulier de la loi du 19 décembre 2005, l'article 5 de celle-ci prévoit qu'en cas de non-respect d'une des dispositions de l'article 3, la personne qui obtient le droit peut invoquer la nullité de l'accord de partenariat dans les deux ans de sa conclusion. L'article 3, en question prévoit la communication du projet d'accord et du document d'information précontractuelle au moins un mois avant la conclusion de l'accord [44]. En outre, lorsque le document d'information précontractuelle ne comprend pas les dispositions contractuelles importantes, visées à l'article 4 § 1er, 1°, la personne qui obtient le droit peut invoquer la nullité des dispositions en question de l'accord de partenariat commercial.

    Deux hypothèses distinctes sont donc évoquées: d'une part le non-respect des exigences de communication de l'article 3, qui permet d'invoquer la nullité du contrat dans son ensemble et, d'autre part, le défaut de mention de l'une des dispositions contractuelles importantes visées à l'article 4 § 1er, 1°, qui peut entraîner la nullité de la disposition en question. On ne vise par contre pas spécifiquement le cas du défaut de communication de l'une des données essentielles pour l'appréciation correcte de l'accord visées à l'article 4 § 1er, 2°, ou d'une communication incorrecte de ces données.

    Déjà au stade de l'élaboration de la loi, des voix s'étaient élevées pour dénoncer les incertitudes générées par ce régime [45]. La loi ne fut cependant pas modifiée. En ce qui concerne le cas du non-respect de l'article 3, il soulève deux questions, la première étant celle des hypothèses de nullité visées par le texte et la seconde celle du caractère automatique ou non de la nullité.

    (ii) Le cas du non-respect de l'une des dispositions de l'article 3

    20.Sur le premier point, il s'agit de déterminer l'interprétation à donner aux termes “non-respect d'une des dispositions de l'article 3” de nature à entraîner la nullité de l'accord.

    Certaines hypothèses sont évidentes. Ainsi, l'article 3 n'aura pas été respecté si aucun projet d'accord et document particulier n'ont été remis, s'ils n'ont pas été mis à disposition par écrit ou sur un support durable et accessible, ou s'ils ont été remis moins d'un moins avant la conclusion de l'accord. De même, l'article 3 n'aurait à l'évidence pas été respecté si, avant l'expiration d'un délai d'un mois après la communication, il est demandé au franchisé de contracter des obligations, payer une rémunération ou des sommes ou se porter caution [46].

    Ce qui est beaucoup moins clair, c'est le sort à réserver à la situation où la communication a été effectuée selon les formes et dans les délais imposés mais où le document particulier est soit incomplet, soit comporte des données incorrectes. Selon certains, la communication de données incomplètes ou incorrectes ouvre également le droit à la nullité prévue par l'article 5 de la loi [47]. Il est vrai que certaines déclarations de la ministre, lors des travaux préparatoires, vont dans ce sens [48]. D'autres passages des travaux préparatoires nous paraissent cependant aller en sens contraire [49]. Face à cette incertitude au niveau de travaux préparatoires, il nous semble qu'une analyse du texte lui-même des articles 3 et 5 conduit à écarter la sanction de la nullité de la loi du 19 décembre 2005 dans le cas où une information incorrecte ou incomplète a été communiquée [50]. Dans cette hypothèse, l'article 3 (conditions de forme) a en effet été respecté. L'article 3 ne comporte aucune référence au caractère exact, sincère ou complet des informations dont il prévoit la communication [51]. Il règle expressément le cas du défaut d'une donnée visée à l'article 4 § 1er,1° (dispositions contractuelles importantes) mais est muet pour l'hypothèse où c'est une donnée de l'article 4 § 1er, 2° (données pour l'appréciation correcte de l'accord) qui manque. En outre, souvent il ne sera pas aisé de déterminer si les informations communiquées dans le cadre de l'article 4 § 1er, 2° sont exactes et complètes, vu le caractère détaillé de cette disposition. Prévoir la sanction de la nullité nous paraît dès lors excessif [52], [53]. Enfin, eu égard à la formulation de l'article 5, les hypothèses dans lesquelles cette disposition peut trouver à s'appliquer devraient être interprétées de manière restrictive. Dans le cas où une information incomplète a été communiquée, il nous semble qu'il faut cependant réserver le cas où les informations sont tellement incomplètes qu'elles devraient être assimilées à un défaut pur et simple de communication d'information, permettant l'annulation [54].

    Cela ne signifie bien entendu pas que le franchiseur peu scrupuleux ou négligent sera à l'abri d'une sanction. Le droit commun, qui sanctionne notamment le manque de bonne foi, la faute précontractuelle et les vices du consentement, continuera à s'appliquer. Ainsi, la nullité pourra le cas échéant être obtenue, mais sur d'autres bases que celle de l'article 5 de la loi [55].

    (iii) Caractère automatique de la nullité de l'article 5

    21.La seconde difficulté d'interprétation est le caractère automatique ou non de la sanction de la nullité de l'article 5.

    Le débat a été alimenté en Belgique par les controverses au sein de la doctrine et de la jurisprudence française au sujet de la loi Doubin. Selon certains en France, bien que la loi Doubin ne prévoie elle-même aucune sanction de nullité, son caractère d'ordre public [56] a pour conséquence que sa violation doit être automatiquement sanctionnée par la nullité, en vertu de l'article 6 du Code civil [57]. D'autres considéraient au contraire que la nullité ne pouvait être prononcée que si le non-respect de la loi Doubin a eu pour effet de vicier le consentement du franchisé. Par plusieurs arrêts, la Cour de cassation française a adopté cette dernière position, condamnant la thèse de la nullité automatique et imposant en outre au franchisé la charge de la preuve que son consentement a été vicié suite au non-respect de la loi [58]. La paix judiciaire ne semble toutefois pas encore établie en France puisque par un arrêt du 20 mars 2007, la Cour de cassation a à nouveau été amenée à rappeler sa jurisprudence, en cassant un arrêt de la cour d'appel de Caen. Celle-ci avait annulé des contrats de franchise et d'approvisionnement relatifs à la chaîne Shopi au motif que le document précontractuel d'information prévu par l'article L 330-3 du Code de commerce n'avait pas été remis dans le délai légal. La Cour de cassation décide qu'“en déduisant un vice du consentement du franchisé du seul manquement du franchiseur à son obligation d'information précontractuelle, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision” [59].

    22.En Belgique, dans le cadre des travaux préparatoires de la loi du 19 décembre 2005, Me Demolin proposait de clarifier cette question en précisant dans la loi que le non-respect des dispositions concernées n'entraînerait la nullité de l'accord que si ce non-respect a vicié le consentement du franchisé [60]. Cette suggestion pertinente n'ayant pas été suivie, la doctrine est déjà divisée sur la question. A. Mottet Haugaard et M. Verhulst considèrent que la sanction de la nullité est automatique et que le juge ne dispose d'aucun pouvoir d'appréciation [61]. D'autres plaident en faveur d'une application en Belgique de la jurisprudence française, laquelle offre plus de souplesse et ne sanctionne pas de manière excessive un manquement bénin tel qu'un seul jour de retard dans la communication de l'information [62]. Nous partageons le premier avis, avec certaines nuances.

    23.H. De Page enseignait déjà, de manière générale, que le demandeur en nullité ne doit pas prouver que l'acte nul lui cause un préjudice; il lui suffit de prouver la cause de la nullité (vice de consentement, incapacité, absence de forme, …) [63]. La doctrine plus récente confirme cette opinion en y apportant des nuances et en distinguant entre les “nullités textuelles”, à savoir celles qui sont prévues par un texte de loi exprès et les “nullités virtuelles”, c'est-à-dire celles qui ne sont pas spécifiquement édictées par la loi mais qui se déduisent de l'intention du législateur. Dès lors, “Si le texte édicte lui-même la sanction de sa méconnaissance, le juge n'a évidemment d'autre choix que d'appliquer la sanction. (…). Solution identique, dans le cadre des nullités, lorsque celles-ci sont textuelles et spécialement lorsqu'il s'agit de 'nullités de plein droit'. Il suffira en effet au juge de constater l'existence de la clause, la sanction qui s'y attache et de la prononcer. Lorsque la loi est muette (…), le juge dispose en revanche d'un large pouvoir d'appréciation pour analyser si la transgression d'une règle doit conduire à l'application d'une sanction de nullité (…).” [64]. Un récent arrêt de la Cour de cassation, rendu au sujet de l'obligation incombant à l'intermédiaire de voyages de remettre au voyageur un exemplaire du contrat comportant certaines mentions, confirme le pouvoir d'appréciation du juge: “Les formalités prévues par ces dispositions tendent à protéger les intérêts du voyageur. Leur non-respect peut entraîner une nullité relative que le juge apprécie selon l'atteinte portée à ces intérêts.” [65]. Ces termes sont transposables presque mot pour mot à notre matière. Il y a toutefois une différence: contrairement à la loi du 19 décembre 2005, la loi du 16 février 1994 régissant le contrat d'organisation de voyages et le contrat d'intermédiaire de voyages ne précise pas explicitement que le défaut de communication de certains documents est sanctionné de nullité. Il s'agit donc d'un cas de nullité virtuelle et il nous semble que la portée de l'arrêt ne puisse pas être étendue aux cas où la nullité résulte expressément du texte lui-même [66].

    En l'espèce, les termes de l'article 5 se réfèrent explicitement à la nullité et ne paraissent pas laisser de marge de manoeuvre au juge. Ils ne prévoient aucune condition autre que le non-respect de l'article 3. Ce non-respect semble avoir été érigé en Belgique en cause de nullité autonome, indépendante de tout vice du consentement [67].

    24.Le constat de ce cas de nullité automatique est cependant soumis à une réserve de taille, de nature à en tempérer sensiblement les effets. Il s'agit de l'application des principes de bonne foi et d'interdiction d'abus de droit dans le chef du franchisé.

    La nullité considérée est une nullité relative, que “la personne qui obtient le droit peut invoquer”. La demande en nullité constitue donc un droit pour le franchisé, le juge ne pouvant pas la soulever d'office, pas plus qu'un tiers ne pourrait l'invoquer. Même si l'on considère qu'elle est devenue techniquement autonome, la sanction de la nullité de l'article 5 a un objectif précis: il s'agit de protéger le franchisé qui aurait conclu un contrat sans avoir pu en apprécier toutes les conséquences, soit par manque d'information (p. ex., aucun document précontractuel ne lui est communiqué), soit par manque de temps pour apprécier la portée de ces informations (p. ex., le document ne lui a été communiqué que 29 jours avant la conclusion de l'accord). Cette sanction n'est par contre pas destinée à permettre à un franchisé de se dégager de l'accord pour une raison non liée à cette protection. Les principes de bonne foi et d'interdiction de l'abus de droit nous paraissent dès lors permettre au juge, en principe tenu de prononcer la nullité, de faire échec aux manoeuvres d'un franchisé indélicat.

    L'application du principe de l'abus de droit à la demande en nullité n'est pas neuve: “… que la sanction soit ou non expressément prévue par un texte, le juge conserve en principe le pouvoir d'apprécier si l'exercice de son droit par le demandeur à l'action n'est pas affecté d'un abus” [68]. La jurisprudence et la doctrine ont récemment confirmé l'application de la théorique de l'abus de droit dans la mise en oeuvre d'une clause de dédit permettant à une partie d'annuler unilatéralement la convention [69]. Les circonstances ayant donné lieu au célèbre arrêt de la Cour de cassation du 30 janvier 1992 sont éclairantes quant à l'intervention de la théorie de l'abus de droit dans notre domaine. Afin de refuser sa couverture, l'assureur faisait, conformément aux dispositions de la policegrief à l'assuré d'avoir circulé à bord d'un véhicule qui ne disposait pas d'un certificat de visite suffisant. Or, il était acquis que les défauts affectant le véhicule n'avaient en aucune manière pu aggraver le risque, compte tenu des circonstances. L'assureur tirait ainsi parti du simple texte de la police, alors qu'il n'avait nullement subi le préjudice auquel celui-ci avait pour but de remédier. C'est dans ces conditions que la Cour de cassation a décidé que “la cour d'appel a pu considérer que, dans les circonstances de la cause, [l'assureur] avait dans les stipulations du contrat-type (…) recherché des avantages qui étaient sans commune mesure avec les sacrifices demandés à [l'assuré] et que, partant, [il] avait de la sorte cherché à tirer un profit injustifiable d'un manquement purement formel de son assuré, étranger à la survenance de l'accident” [70]. Pour caractériser l'abus de droit, il conviendra de rechercher la finalité du droit en cause. Comme le souligne P.-A. Foriers, la catégorie des droits discrétionnaires non susceptibles d'abus tend à se restreindre, au point qu'il soit douteux que subsistent aujourd'hui des droits purement discrétionnaires en matière contractuelle [71].

    Le droit pour le franchisé d'invoquer la nullité du contrat de franchise pour non-respect de l'article 3 de la loi du 19 décembre 2005 fait incontestablement partie des droits susceptibles d'abus. Il est constant que la sanction de l'abus est la réduction du droit à son usage normal [72]. Concrètement, cela signifierait la paralysie du droit de demander la nullité, à titre de sanction du franchisé coupable d'abus [73]. Ainsi, on retrouve, sous une autre forme, une exigence de lien entre le manquement à l'obligation d'information et un préjudice subi par le franchisé [74], [75].

    (c) Les conséquences de la communication d'informations incorrectes en droit commun

    25.Si, sans être confondues dans les données prévues par la loi du 19 décembre 2005, une étude de marché et/ou un plan prévisionnel ont été communiqués, les règles ordinaires (vice du consentement et responsabilité civile) s'appliqueront, à la fois pour permettre de déterminer le caractère fautif de la communication et pour en fixer les conséquences (annulation et/ou dommages et intérêts). Nous n'examinerons pas ces questions ici, sous réserve de certains points particuliers relatifs aux études de marché et plans prévisionnels (infra nos 27 et s.) [76].

    8. Les clauses d'exonération ou de limitation de responsabilité

    26.Les parties ne peuvent pas valablement déroger aux dispositions de la loi du 19 décembre 2005, lesquelles sont impératives en vertu de l'article 8 de la loi [77].

    Une dérogation conventionnelle aux obligations d'information découlant du droit commun, de même qu'aux conséquences de la communication résultant d'un contrat ou spontanée, est par contre en principe valable. Les règles de la responsabilité, qu'elle soit contractuelle ou extracontractuelle, sont en effet considérées comme supplétives en droit belge, sous certaines limites [78], [79]. Ne sont toutefois pas valables les clauses qui auraient pour effet d'exonérer une partie de son dol ou de vider l'obligation de sa substance [80]. Les règles belges sont dès lors plus favorables au franchiseur qu'en France, où il est interdit de s'exonérer non seulement de son dol mais également de sa faute lourde [81]. C'est de cette rigueur particulière du droit français qu'a pâti le franchiseur dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 1er février 2006, déjà cite. Dans cette affaire, la cour a décidé que la gravité de la faute du franchiseur et l'erreur grossière qu'il avait commise dans l'établissement des comptes prévisionnels rendait inapplicable la clause d'exonération [82].

    Les clauses visant à limiter la responsabilité du franchiseur, notamment dans le cadre de la communication de prévisions, sont fréquentes dans la pratique. Elles se justifient tant par le caractère aléatoire des prévisions annoncées [83] que par le rôle actif que le franchisé doit lui-même jouer dans la préparation de ces estimations ou leur vérification.

    9. La jurisprudence relative à la communication d'une étude de marché ou d'un plan prévisionnel

    27.Comme on l'a vu, même s'il n'y est pas obligé par une réglementation spécifique ou par le droit commun, le franchiseur communique fréquemment des résultats prévisionnels au candidat franchisé, indiquant ce que celui-ci peut espérer retirer de l'exploitation de son commerce, ou à tout le moins l'assiste dans l'établissement de ses prévisions.

    Comme l'illustre l'arrêt du 7 juin 2007, la communication de telles prévisions est une source de litiges entre le franchiseur et le franchisé. Si les résultats annoncés ne sont pas au rendez-vous, le franchisé va en effet être tenté d'en faire le reproche au franchiseur, particulièrement si l'écart entre les projections et la réalité est substantiel. Nous examinons ci-dessous le sort réservé par la jurisprudence à quelques points de discussion fréquemment invoqués de part et d'autre.

    (a) Principe

    28.Il est acquis que le franchiseur qui communique des prévisions, même sans y être tenu, doit veiller à ce que ces prévisions soient “sincères” et établies sans faute. Nous utilisons ces termes à dessein, et non les mots “exactes”, “correctes” ou “complètes”. Nous verrons ci-dessous le degré d'exigence de la jurisprudence à cet égard. La sincérité [84] des prévisions signifie que le franchiseur croit lui-même dans la réalisation des projections annoncées. Par ailleurs, elles doivent être établies sans négligence, avec la prudence que l'on peut attendre d'un franchiseur agissant de manière professionnelle.

    (b) Nature de l'obligation

    29.Spécialement en ce qui concerne le compte d'exploitation prévisionnel, l'on considère que l'obligation du franchiseur quant à la qualité des informations qu'il fournit est une obligation de moyen et non de résultat [85]. Par leur nature même, des prévisions sont aléatoires. Les résultats effectifs sont de nature à être influencés par divers facteurs tels que le mode de gestion par le franchisé, une modification de la conjoncture économique ou de l'environnement concurrentiel. Comme le décide le tribunal de commerce de Mons: “Le chiffre d'affaires d'un commerçant est soumis à toute une série d'aléas, imprévisibles par le franchiseur, tels que l'accueil agréable de la clientèle, la disponibilité du personnel (…) … toutes ces 'petites choses' ne peuvent être quantifiées dans un plan financier mais dépendent de l'exploitant lui-même.” [86].

    Il en résulte que le simple fait que les chiffres réalisés ne correspondent pas aux prévisions n'implique pas automatiquement que le franchiseur a commis une faute. Au contraire, des éléments additionnels devront être apportés, qui démontrent la faute.

    (c) Critères de la faute

    30.Outre l'inexactitude des prévisions, le franchisé doit donc établir que celles-ci ont été établies frauduleusement ou à tout le moins avec négligence.

    Comme toujours lorsqu'il s'agit de porter un jugement sur une appréciation d'éléments futurs, il faut s'abstenir de tout jugement a posteriori, formulé sur la base de faits qui n'ont été connus que postérieurement, tel que le chiffre d'affaires finalement réalisé par le franchisé. Ces mêmes règles sont par exemple appliquées dans le cadre de l'appréciation de la responsabilité des administrateurs ou du banquier dispensateur de crédit. Comme dans ces derniers cas, il nous semble qu'il faut se limiter à une appréciation marginale et, dès lors, à la critique des seuls comportements manifestement déraisonnables in concreto [87].

    L'ampleur de l'écart entre les prévisions et les résultats effectifs ne constitue en principe pas à elle seule la preuve de cette négligence. C'est ainsi que la cour d'appel de Versailles décide dans son arrêt du 7 juin 2007 que la circonstance que le franchisé ait, au cours de ses deux premières années d'activité, atteint seulement l'équivalent de 50% du chiffre d'affaires prévisionnel qui lui avait été annoncé par le franchiseur ne peut suffire à engager la responsabilité de ce dernier, lequel n'est pas tenu à une obligation de résultat. À première vue, la cour d'appel de Paris a statué dans un sens contraire, en considérant, parmi d'autres éléments, que “dans ces conditions, l'écart très important entre les chiffres obtenus et ceux contenus dans les comptes prévisionnels, qui atteint en moyenne pour les trois années considérées plus de 45% des prévisions de chiffre d'affaires, exclut que ces comptes prévisionnels aient été établis de manière rigoureuse” [88]. La cour avait toutefois également constaté qu'aucun autre élément avancé par le franchiseur ne permettait d'expliquer cet écart (en particulier, aucune faute dans le chef du franchisé et aucun écart par rapport aux charges projetées). Comme élément de la faute, la cour critique par ailleurs la méthode utilisée (moyenne et extrapolation des résultats des magasins existants) pour n'avoir pas pris en compte les données du marché local [89].

    Appelé à juger si le franchiseur a établi les prévisions sans négligence, le juge peut tenir compte des résultats réalisés par d'autres franchisés à la même époque. C'est ainsi que la cour de Versailles relève que le chiffre d'affaires projeté est en rapport avec le chiffre d'affaires moyen atteint en 2001 par les magasins Jacadi situés dans le sud-ouest de la France et ayant une superficie de 50m², voisine de celle du magasin considéré [90]. De même, les résultats du précédent exploitant du même point de vente seront éclairants quant au caractère réaliste ou non des prévisions: “en faisant des prévisions de chiffre d'affaires sensiblement relevées par rapport à cette année 1989 mais en tous cas inférieures aux chiffres réalisés pendant les 10 années précédentes, [le franchiseur] n'a pas fait preuve d'un optimisme délirant, mais a simplement estimé que le chiffre de 81.000.000 francs devait pouvoir être atteint grâce à une reprise en mains sérieuse du commerce par la nouvelle équipe dont l'expérience des aînés était appréciée depuis plus de 40 années dans ce secteur” [91].

    La circonstance que le franchisé ait exécuté le contrat de franchise sans élever la moindre contestation quant à la discordance dénoncée par rapport aux résultats prévisionnels est un élément régulièrement pris en considération pour considérer qu'il n'y a pas faute ou, à tout le moins pas lien de causalité [92], spécialement lorsqu'après une première période, le franchisé a renouvelé le contrat de franchise [93].

    Fréquemment, la faute retenue à charge du franchiseur sera d'avoir appliqué un modèle théorique, sans tenir compte des circonstances spécifiques de l'exploitation considérée [94] ou sans intégrer dans ses prévisions l'évolution prévisible à la baisse dans le secteur considéré [95].

    Si le franchisé reproche au franchiseur de n'avoir pas tenu compte de l'installation d'un nouveau concurrent à proximité, encore faut-il qu'il établisse que l'installation de ce concurrent était prévisible [96].

    (d) Obligations du franchisé et partage de responsabilité

    31.Comme le rappelle la cour de Versailles, la communication volontaire d'un compte d'exploitation prévisionnel n'exonère pas le franchisé de sa propre obligation d'établir des prévisions quant à son activité avant de s'y engager et de considérer d'un oeil critique les éléments communiqués par le franchiseur à cet égard.

    Cette obligation des franchisés quant à l'établissement des prévisions amène parfois les tribunaux à les débouter de leur demande: “le [franchisé invoque un vice de consentement, à savoir une tromperie dans le chef du [franchiseur], l'ayant amené à conclure; toutefois, il ne démontre nullement que l'étude de marché qui lui aurait été présentée par [le franchiseur] aurait été établie sans le sérieux nécessaire ou aurait été dressée de manière malhonnête, afin de l'amener à contracter; en tout état de cause, il lui incombait, avant de s'engager, de procéder à toutes les vérifications qui s'imposaient” [97].

    Au plus les projections établies par le franchiseur sont irréalistes, au plus le franchisé peut être considéré comme lui-même fautif de les avoir acceptées sans sourciller. C'est pourquoi lorsqu'ils considèrent que le franchiseur a commis une faute en soumettant des projections erronées, les tribunaux retiennent souvent également une faute de la part du franchisé et procèdent à un partage des responsabilités [98].

    L'expérience préalable dont dispose ou non le franchisé est fréquemment un élément retenu dans la détermination des responsabilités respectives. Ayant considéré que le franchisé et sa famille ne connaissaient pas le secteur, alors que le franchiseur était un professionnel disposant de toutes les données relatives à ses différents magasins et les compétences pour établir une analyse réaliste, la cour d'appel de Mons fait peser ex aequo et bono sur le franchiseur 60% de la responsabilité [99]. Au contraire, dans son jugement du 31 octobre 1996, le tribunal de commerce de Mons insiste sur le caractère de “commerçant avisé” du franchisé et sur sa “grande expérience” pour apprécier ses griefs relatifs au plan prévisionnel [100]. Il en est de même du tribunal de commerce de Bruxelles: “Cette obligation dans le chef [du franchisé] d'examiner et de critiquer les informations reçues du franchiseur était d'autant plus évidente qu'ils disposaient d'une expérience préalable de commerçants indépendants, qu'ils avaient déclaré connaître le système de la franchise et qu'ils ont effectué a posteriori (…) une analyse de la rentabilité de la SPRL (…)” [101].

    La responsabilité du franchiseur ne sera pas non plus considérée de la même manière selon qu'il s'agit d'établir une nouvelle exploitation ou de reprendre une exploitation existante: “Si le plan financier établi par un franchiseur revêt une importance capitale lorsqu'il s'agit de créer un nouveau point de vente, cette importance devient relative lorsqu'il s'agit de la reprise d'une exploitation vieille d'une dizaine d'années, puisque le candidat franchisé peut alors trouver d'autres sources d'information, indépendamment du plan financier - telles que celles contenues dans la comptabilité des anciens exploitants - pour en vérifier la vraisemblance.” [102]. Au contraire, la cour d'appel de Mons juge plus sévèrement le franchiseur lorsqu'il s'agit de la poursuite d'une activité existante, au motif que le franchiseur dispose alors de toutes les informations concrètes utiles à l'estimation de la rentabilité de l'affaire [103]. L'on peut cependant se demander s'il n'appartient pas alors, à tout le moins également, au franchisé lui-même de se procurer ces informations, d'ailleurs en principe publiquement disponibles en raison de l'obligation de publication des comptes annuels.

    (e) La nature juridique du document contenant les prévisions et les clauses de limitation ou d'exonération

    32.Le tribunal de commerce de Bruxelles notamment, dans son jugement du 9 septembre 1998, se penche sur la nature du document comportant les prévisions pour constater qu'il n'apparaît pas que le franchiseur ait pris contractuellement un quelconque engagement de garantir au franchisé les résultats estimés du plan financier: “Celui-ci n'a pas été annexé au contrat de franchise qui décrit de manière exhaustive les obligations du franchiseur à l'égard du franchisé et il n'y est fait aucunement référence; il n'a été signé par aucune des parties; il n'a pu s'agir que d'un document de travail exempt de toutes promesses ou d'engagements fermes.” [104]. De même, la cour d'appel de Bruxelles, dans un arrêt récent constate que le plan critiqué “ne constituait qu'une simple prévision qui fut soumise à l'examen [du franchisé] dans le cadre des négociations” [105].

    Dans le cas tranché par le tribunal de commerce de Bruxelles le 24 décembre 1997, l'étude de marché elle-même comportait un avertissement selon lequel nul ne pouvait garantir l'exactitude du chiffre d'affaires projeté, trop d'éléments étant difficilement mesurables et donc tendancieux. Le tribunal en conclut qu'“ainsi, dans la mesure où [le franchisé] était informé de ce que l'information qui [lui] avait été communiquée n'était pas une donnée objective, celle-ci ne peut être considérée comme étant destinée à surprendre le consentement [du franchisé]” [106]. De manière similaire, le tribunal de commerce de Marche-en-Famenne retient l'efficacité d'une clause indiquant que les informations étaient fournies “à titre informatif, sans aucun engagement de notre part. Elles ne peuvent en aucun cas engager notre responsabilité” [107].

    (f) Évaluation du préjudice

    33.Le franchiseur tenu de réparer le dommage subi par le franchisé est redevable à son égard non seulement de la perte qu'il a subie mais également du gain dont il a été privé, notamment dans l'hypothèse où le contrat est annulé ou résilié pour faute. L'estimation du gain dont le franchisé a été privé est un exercice délicat. En tous cas, il faut être cohérent et considérer que si le plan prévisionnel n'était pas fiable, les projections qu'il comportait ne peuvent pas servir de base à la détermination de ce gain. C'est ainsi que, dans son arrêt du 1er février 2006, la cour d'appel de Paris relève que “le manque à gagner subi par [le franchisé] ne saurait être constitué par l'écart constaté entre le chiffre d'affaires prévisionnel et celui qui a été effectivement réalisé, mais seulement par la privation des bénéfices attendus de l'exploitation de la franchise, après déduction des charges d'exploitation; que l'évaluation de ces bénéfices manqués ne peut davantage résulter d'une application stricte des chiffres mentionnés dans le budget prévisionnel établi par le franchiseur, dont l'obligation n'est que de moyens, étant encore rappelé que le franchisé est un commerçant indépendant responsable de sa gestion” [108]. La cour, “faisant usage de son pouvoir souverain d'appréciation” a alors fixé à un montant forfaitaire le préjudice subi par le franchisé au titre de la privation des bénéfices qu'il pouvait attendre de l'exploitation de la franchise jusqu'à son terme [109].

    Un autre raisonnement consiste à considérer que si la faute précontractuelle n'avait pas été commise, le contrat n'aurait pas été conclu, de sorte qu'aucun gain ne pouvait être espéré. Dans son arrêt du 13 janvier 2003, la cour d'appel de Mons considère que les fautes précontractuelles respectives du franchiseur et du franchisé ont eu pour conséquence de créer un dommage consistant dans la constitution de la société franchisée (son capital), le rachat du fonds de commerce et le coût d'un remodeling. Elle rejette par contre la demande relative à la différence entre les résultats prévisionnels et les résultats déficitaires comme élément du dommage, considérant qu'il ne s'agit pas d'un dommage suffisamment certain puisque la perte résulte surtout du fait, non imputable dans le cadre de la culpa in contrahendo, de la poursuite des activités déficitaires par le franchisé [110]. Dans son arrêt du 26 avril 2007, après avoir prononcé la résolution du contrat de franchisé aux torts du franchiseur, la cour considère que le montant du dommage du franchisé est “à tout le moins” égal aux factures du franchiseur relatives à la livraison de marchandises, restées impayées, et compense les dettes réciproques des parties [111].

    10. Conclusion

    34.L'arrêt de la cour d'appel de Versailles est l'occasion de constater qu'en Belgique également la matière de l'information précontractuelle reste, malgré la loi du 19 décembre 2005 - et parfois à cause de celle-ci -, une matière pleine d'incertitudes, tant pour le franchisé que pour le franchiseur. Comme d'autres l'ont fait avant nous, nous plaidons en faveur d'une clarification de la portée de certaines dispositions de cette loi, les controverses évoquées ci-dessus n'étant d'ailleurs pas exhaustives [112].

    La loi ne traite pas expressément de la question de l'étude de marché et du plan prévisionnel, qui occupent une grande place dans la pratique de la franchise. Les éléments dont elle prévoit la communication au franchisé vont néanmoins permettre à celui-ci de réaliser de manière plus efficace l'indispensable exercice d'évaluation préalable. L'on peut par ailleurs déduire du silence de la loi une confirmation du fait que le franchiseur n'est jamais tenu, même en vertu du droit commun, de communiquer des tels éléments au franchisé avant la conclusion du contrat. Face au devoir du franchisé d'apprécier lui-même les chances de succès et la rentabilité de son entreprise, il paraît en effet judicieux de ne pas interférer dans la décision du franchiseur d'assister (ou non) le franchisé dans cette démarche et, le cas échéant, dans quelle mesure. Le droit commun comporte tous les ingrédients nécessaires pour sanctionner la négligence ou la mauvaise foi de l'une ou l'autre partie.

    [1] Avocat, Stibbe.
    [2] Entrée en vigueur le 1er février 2006. Sur cette loi, voy. A. Mottet Haugaard et M. Verhulst, “La nouvelle loi relative à l'information précontractuelle dans le cadre d'accords de partenariat commercial”, DAOR 2006/78, p. 103; P. Kileste et A. Somers, “L'information précontractuelle dans le cadre d'accords de partenariat commercial”, J.T. 2006, p. 253 ; J. Toto, “L'information précontractuelle dans le cadre d'accords de partenariat commercial en droit international privé”, R.D.C. 2006, p. 926 ; S. Claeys, “Precontractuele informatie bij commerciële samenwerkingsovereenkomsten. Wet van 19 december 2005”, NjW 2006, p. 290; A. de Schoutheete et A. Meulder, “Devoir d'information et responsabilité précontractuelle en matière de franchise: quelques réflexions”, R.D.C. 2007, p. 954 ; R. Dupont, “L'information précontractuelle dans le cadre d'accords relatifs aux droits intellectuels”, I.R. D.I. 2007, p. 6; P. Demolin, La nouvelle loi belge sur l'information précontractuelle, rapport de la Conférence du 28 mars 2006 du Comité Royal Belge de la Distribution. Voy. également les rapports de la Journée des experts de la F.B.F. du 10 novembre 2005 consacrée à la nouvelle loi sur le partenariat commercial et notamment, A. Lombart, Articles 3 et 4: le document particulier d'informations visé par la loi: sa rédaction et B. Simpelaere, Article 5: les sanctions liées au non-respect de la loi, de même que les rapports du séminaire Vanham & Vanham du 8 juin 2006, Partenariat commercial et contrats de distribution et notamment P. Hollander, La nouvelle loi sur l'information précontractuelle: obligation d'information, document particulier et sanction.
    [3] P. Kileste et A. Somers, o.c., n° 21. Il s'agit de la loi française n° 89-1008 du 31 décembre 1989 relative au développement des entreprises commerciales et artisanales et à l'amélioration de leur environnement économique, juridique et social, dite loi Doubin et de son décret d'application n° 91-337 du 4 avril 1991, lesquels furent insérés dans le Code de commerce français, à l'art. L 330-3. Sur la réglementation française, voy. D. Baschet, La franchise, Paris, Guliano éd., 2005, nos 561 et s. et J.-M. Leloup, La franchise. Droit et pratique, Dalloz, 4e éd., 2004, pp. 169 et s.
    [4] Jacadi est une chaîne de magasins spécialisés dans la vente de vêtements d'enfants.
    [5] Au cours de la procédure, le franchisé sera mis en liquidation judiciaire, le mandataire liquidateur poursuivant la procédure.
    [6] L'étude de marché et le plan prévisionnel connaissent de multiples appellations et recouvrent de multiples formes dans la pratique. Par souci de facilité, nous utiliserons ces termes dans cet article (ainsi que le terme “étude du marché local” lorsque l'étude de marché se concentre sur un territoire déterminé).
    [7] Il existe une documentation foisonnante relative aux études de marché. Nous nous sommes ici inspirés du site “Portail Création PME” de la Région wallonne (http://creation-pme.wallonie.be/1avant/ToutdAbord/Etudemarche.htm ).
    [8] D. Baschet, o.c., n° 599, pp. 266-267.
    [9] Sur une comparaison entre la loi française et la loi belge, voy. L. du Jardin, “Information précontractuelle et appréciation concrète du dommage né de la rupture du contrat de concession: 'esprit es-tu là?'”, DAOR 2006, pp. 214 et s.
    [10] Le Roi a le pouvoir de compléter ou de préciser la liste de ces données. Il n'en a pas fait usage jusqu'à présent.
    [11] D. Baschet, o.c., p. 261, n° 585.
    [12] D. Baschet, o.c., p. 261 n° 586 et les références; J.-M. Leloup, o.c., nos 919 et 920, pp. 178-179 et les références.
    [13] Cass. comm. (fr.) 11 février 2003, n° 01-03.932, Jeff de Bruges/Aixapp, Dall. 2003, p. 2304 et note H. Kenfack, “Franchise: précisions sur l'obligation précontractuelle d'information”. Voy. récemment, les précisions apportées pour l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 23 juin 2006, Sem. Jur. 2007, n° 1086, p. 32 et note E. Deberdt et les commentaires de D. Ferrier, “Concurrence - Distribution”, Rec. Dalloz 2007, p. 1917.
    [14] A. Lombart, o.c., p. 10.
    [15] S. Claeys, o.c., n° 41, p. 300 et n° 51, p. 303; P. Hollander, o.c., pp. 17-18.
    [16] Voy. infra, nos 10 et s.
    [17] A. Mottet Haugaard et M. Verhulst, o.c., p. 120; S. Claeys, o.c., p. 303, n° 51; A. Lombart, o.c., p. 10; P. Hollander, o.c., p. 19.
    [18] D. Baschet, o.c., p. 266, n° 598 et les références; J.-M. Leloup, o.c., nos 925 et 926, pp. 180-181 et les références.
    [19] D. Baschet, o.c., nos 598 et s., p. 266. Voy. aussi Paris 1er février 2006, cité infra.
    [20] J.-M. Leloup, o.c., n° 926, p. 181.
    [21] F. Glansdorff, “L'information précontractuelle en droit commun. Règles applicables à tous les contrats”, in Le droit des affaires en évolution. Que dire ou ne pas dire avant de conclure un contrat, Actes de la journée du juriste d'entreprise du 16 novembre 2006, Bruylant, 2006, p. 1; B. Ponet et L. Cornelis, “Precontractuele informatie en goede trouw: hoe zich aan te passen aan zijn gesprekspartner?”, in Le droit des affaires en évolution. Que dire ou ne pas dire avant de conclure un contrat, Actes de la journée du juriste d'entreprise du 16 novembre 2006, Bruylant 2006, p. 403; A. De Boeck, Informatierechten en -plichten bij de totstandkoming en uitvoering van overeenkomsten, Intersentia, 2000; F. Glansdorff, Les obligations d'information, de renseignement, de mise en garde et de conseil. Introduction générale, C.U.P., 2006, p. 7; J.-Ph. Gobiet, “Les sanctions des manquements pré-contractuels”, Les obligations. Commentaire pratique, Kluwer, mise à jour octobre 2006, II. 1.4., pp. 148 et s.; J.-F. Romain, Théorie critique du principe général de bonne foi en droit privé, Bruylant, 2000, p. 859.
    [22] F. Glansdorff, “L'information précontractuelle en droit commun”, o.c., pp. 12 et s. et les références; A. De Boeck, o.c., pp. 97 et s.
    [23] P. Demolin, “Le contrat de franchise. Chronique de jurisprudence française et belge (1995-2000)”, Dossiers J.T., Larcier, 2001, pp. 21 et s.
    [24] C. Matray, “Le contrat de franchise”, Dossiers J.T., Larcier, 1992, p. 63, n° 63. Dans le même sens notamment D. Matray, “Introduction générale”, in Le contrat de franchise, CDVA, Bruylant, 2001, pp. 28-30; J.-P. Fierens, note sous Paris 3 février 1994, R.D.C. 1995, p. 490.
    [25] Mons 13 janvier 2003, J.L.M.B. 2004, p. 54 , spécialement p. 63, et note C. Staudt et P. Kileste, “Devoir d'information et de conseil du franchiseur et limite de son pouvoir d'ingérence dans la gestion du franchisé”. L'auteur étant intervenu comme conseil de l'une des parties dans ce litige, il s'abstiendra de commenter cet arrêt.
    [26] Mons 26 avril 2007, R.D.C. 2007, p. 1024 , commenté infra.
    [27] P. Van Ommeslaghe, “Rapport général sur la bonne foi dans les relations entre particuliers”, in La bonne foi, Trav. Assoc. H. Capitant, 1992, p. 36, n° 11. Voy. F. Glansdorff, “L'information précontractuelle en droit commun”, o.c., pp. 32 et s.
    [28] Paris 3 février 1994, R.D.C. 1995, p. 491 et note J.-P. Fierens; Paris 16 avril 1991 et Paris 29 mai 1992, Dall. 1992, p. 392; Paris 29 octobre 1992 et Paris 23 mars 1993, Dall. 1995, p. 76. En Belgique, Civ. Bruxelles 21 février 1995, R.G. 18520/89; Comm. Mons 31 octobre 1996, R.G. 61.255/94: “Cependant, cette obligation 'renforcée' du franchiseur ne fait pas du franchisé un être 'irresponsable' forcé de faire une confiance aveugle à un futur partenaire et qui, en cas de problème, pourrait échapper aux aléas de toute entreprise commerciale en se posant ipso facto en victime d'une information inadéquate.”
    [29] Doc. parl. Chambre, n° 51 1687/005, p. 70.
    [30] Consultable sur le site de la Fédération belge de la Franchise, www.fbf-bff.be/file/Code .
    [31] Voy. A. Lombart, “Les codes de déontologie”, in Le contrat de franchise, CDVA, Bruylant, 2001, pp. 125-126, qui précise la position de la fédération anglaise selon laquelle le caractère objectif et vérifiable ainsi prévu ne s'applique qu'aux documents de recrutement et de publicité mais non aux documents utilisés lors des négociations.
    [32] Mons 13 janvier 2003, J.L.M.B. 2004, p. 63 .
    [33] C. Staudt et P. Kileste, o.c., J.L.M.B. 2004, p. 71 .
    [34] O.c., J.L.M.B. 2004, p. 66 .
    [35] Mons 26 avril 2007, R.D.C. 2007, p. 1025 , se référant à C. Jassogne et D. Etienne, “La franchise”, in TPDC, T. 2, n° 858.
    [36] Au titre des décisions ayant sanctionné une absence d'information, l'on peut relever l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 8 novembre 1988, qui considère que le franchiseur a commis une culpa in contrahendo en ne vérifiant pas si le fonds de commerce du franchisé pouvait valablement être exploité à l'endroit choisi par les parties (J.L.M.B. 1988, p. 1568).
    [37] Mons 26 avril 2007, R.D.C. 2007, p. 1026 .
    [38] Comm. Charleroi 22 novembre 1995, J.L.M.B. 1997, p. 1668 .
    [39] Par exemple, dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt de la cour d'appel de Mons du 26 avril 2007, il était reproché au franchiseur - actif dans le domaine du fil à tricoter notamment - de ne pas avoir réalisé d'étude de marché sur laquelle appuyer ses prévisions, alors que, selon la cour, le déclin de la confection domestique était avéré à l'époque des négociations ( R.D.C. 2007, p. 1027 ).
    [40] Comparez les critiques auxquelles l'arrêt de la cour d'appel de Mons du 13 janvier 2003 a donné lieu sur ce point, cité supra, n° 14.
    [41] Paris 1er février 2006, R.G. n° 2004/17225, de Neuville/Seznec, p. 5.
    [42] Cass. comm. (fr.) 11 février 2003, précité, Dall. 2003, p. 2304.
    [43] H. Kenfack, o.c., p. 2304.
    [44] Outre l'interdiction de demander ou de payer une obligation, une rémunération, somme ou caution avant l'expiration du délai d'un mois.
    [45] Exposé de Me P. Demolin à la commission de la Chambre, Doc. parl. Chambre, n° 51 1687/005, p. 22. Proposition d'amendement lors de la procédure d'évocation au Sénat de MM. Steverlynck et Brotcorne, Doc. parl. Sénat, n° 3-1292/2.
    [46] La question de la charge de la preuve du respect ou du non-respect de l'art. 3 mériterait aussi d'être examinée en détail. Les arrêts de la Cour de cassation des 10 décembre 2004 (R.C.J.B. 2005, p. 680 et note J.-P. Buyle) et du 16 décembre2004 ( J.L.M.B. 2006, p. 1168 et R.G.A.R. 2006, 14161) mettent à la charge du bénéficiaire de l'obligation d'information la preuve de ce que cette obligation n'a pas été respectée, ce qui est approuvé par certains (note J.-P. Buyle, o.c., R.C.J.B. 2005, p. 712, n° 26) mais critiqué par d'autres (F. Glansdorff, “L'information précontractuelle en droit commun”, o.c., pp. 20 et s.).
    [47] A. Mottet Haugaard et M. Verhulst, o.c., p. 124.
    [48] Lors de la discussion des amendements à la Chambre, la ministre indique: “Il y a donc bien deux cas de figure qui permettent d'invoquer la nullité: celui où l'information n'est pas donnée et celui où l'information communiquée n'est pas correcte.” (Doc. parl. Chambre, n° 51 1687/005, p. 69).
    [49] Lors de la procédure d'évocation au Sénat, la ministre a fait une distinction entre les éléments de forme et les éléments de fond: “à l'article 5, il faut clairement faire la distinction entre les deux alinéas. Le premier précise ce qu'il advient en cas de non-respect des formalités prévues à l'article 3. Il est clair que cet alinéa ne concerne pas les dispositions de fond qui font l'objet de l'article 4. L'alinéa 2, lui, porte sur les conditions de fond visées à l'article 4, § 1er, 1°” (Doc. parl. Sénat, n° 3-1292/4). Or, il nous semble que le caractère correct ou non d'une information communiquée est à ranger dans les questions de fond et non dans les questions de forme, qui seraient seules visées par le premier alinéa de l'art. 5.
    [50] Également dans ce sens, S. Claeys, o.c., p. 303, n° 52; P. Hollander, o.c., p. 22. Voy. aussi P. Kileste et A. Somers, o.c., n° 96.
    [51] À la différence par exemple de la loi Doubin qui prévoit explicitement qu'il y a lieu de fournir à l'autre partie “un document donnant des informations sincères…” (art. 1).
    [52] Sous réserve du débat relatif au caractère automatique ou non de cette nullité (infra, n° 21). En France, certains tribunaux ont appliqué la sanction de la nullité du contrat de franchise lorsque l'obligation d'information n'avait été que partiellement exécutée (voy. D. Baschet, o.c., n° 620). La situation est cependant différente, dans la mesure où, en France, la nullité n'est pas exprimée par la loi Doubin elle-même mais est fondée sur le droit commun et sur le caractère d'ordre public de la loi Doubin ou sur la théorie des vices du consentement.
    [53] Voy. A. de Schoutheete et M. Meulder, qui proposent de faire la distinction entre les informations dont la partie qui octroie le droit savait disposer ou aurait dû raisonnablement disposer à l'entame des négociations et celles présentant un caractère d'incertitude. Le caractère incomplet des seules premières obligations pourrait être assimilé à un défaut de communication (o.c., p. 961).
    [54] Ainsi, il ne suffirait pas à un franchiseur de remettre, outre le projet d'accord, une feuille de papier mentionnant qu'elle constitue le document particulier prévu à l'art. 3 et comportant uniquement le nom et l'adresse du franchiseur pour que celui-ci puisse échapper à la sanction de l'art. 5.
    [55] Il est à noter que cette interprétation stricte de l'art. 5 peut, dans certains cas, s'avérer avantageuse pour le franchisé. Ainsi, l'action en nullité basée sur le droit commun ne devra pas être introduite dans le délai de 2 ans visé par l'art. 5 mais dans les délais de droit commun (10 ans dans l'art. 1304 du Code civil (vices du consentement), 10 ans ou 5 ans dans l'art. 2262bis § 1er du Code civil (action personnelle, notamment en responsabilité)). En outre, en vertu des art. 1304 et 2262bis § 1er du Code civil, le délai pour introduire l'action de droit commun ne courra pas nécessairement à compter de la conclusion de l'accord, alors que c'est le cas dans le cadre de la loi du 19 décembre 2005.
    [56] Contrairement à notre loi du 19 décembre 2005, la loi Doubin est sanctionnée pénalement.
    [57] L'art. 6 du Code civil français interdit, comme en Belgique, de déroger par des conventions particulières aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes moeurs.
    [58] Sur cette controverse et la jurisprudence de la Cour de cassation française, voy. D. Baschet, o.c., p. 277, nos 619 et s.
    [59] Cass. comm. (fr.) 20 mars 2007, n° 512 F-D, Prodim et Logidis/Yonnet.
    [60] Doc. parl. Chambre, n° 51 1687/005, p. 22 et p. 48. Ce point fut soulevé également au Sénat, proposition d'amendement de MM. Steverlynck et Brotcorne, Doc. parl. Sénat, n° 3-1292/2.
    [61] A. Mottet HAugaard et M. Verhulst, o.c., p. 127.
    [62] B. Simpelaere, o.c., pp. 5-6 (point 6. b.); P. Hollander, o.c., pp. 21-22; A. de Schoutheete et M. Meulder, o.c., p. 959.
    [63] H. De Page, Traité de droit civil belge, T. II, 3e éd., 1964, n° 787, p. 759.
    [64] M. von Kuegelgen, “Réflexions sur le régime des nullités et des inopposabilités”, in Les obligations contractuelles, Éd. du Jeune Barreau, 2000, pp. 608-609.
    [65] Cass. 26 mai 2006, R.G.D.C. 2007, p. 476 et note P. Wéry, “La nullité des contrats d'organisation de voyages et d'intermédiaire de voyages pour méconnaissance des formalités légales”.
    [66] Dans son commentaire de l'arrêt, P. Wéry écrit que l'on peut “sans faire violence à cette décision, lui conférer une portée générale et étendre sa portée aux nullités virtuelles résultant de la transgression d'autres lois particulières (…)” (“La nullité …”, o.c., R.G.D.C., p. 481). Il ne considère donc pas non plus que l'arrêt vise les cas de nullité textuelle. Comp. H. Jacquemin, “La nullité comme sanction de l'inobservation du formalisme contractuel”, in La nullité des contrats, CDVA, Larcier, 2006, p. 138, qui soutient une application plus générale de la vérification de la réalisation du but recherché par la règle de forme.
    [67] La comparaison avec le droit français ne nous paraît ici pas pertinente dans la mesure où la loi Doubin ne prévoit pas la nullité, contrairement à notre loi. Dans la mesure où, en France, l'on se rattache au droit commun des vices de consentement pour prononcer la nullité du contrat, il est normal de vérifier l'existence d'un vice. L'on comparera par contre utilement par exemple avec le régime mis en oeuvre par la loi du 24 mars 2003 sur le crédit à la consommation: F. de Patoul, “La responsabilité du prêteur et de l'intermédiaire de crédit dans la phase précontractuelle”, in Le crédit à la consommation, Larcier, 2004, nos 96 et s.
    [68] M. von Kuegelgen, o.c., pp. 609-610.
    [69] Mons 10 octobre 2005, R.G.D.C. 2007, p. 443; P. Wéry, “Les sanctions de l'abus de droit dans la mise en oeuvre des clauses relatives à l'inexécution d'une obligation contractuelle”, in Mélanges Ph. Gérard, Bruylant, 2002, p. 142.
    [70] Cass. 30 janvier 1992, R.C.J.B. 1994, p. 185 et note P.-A. Foriers, “Observations sur le thème de l'abus de droit en matière contractuelle”.
    [71] P.-A. Foriers, o.c., p. 213.
    [72] Voy. p. ex. Mons 10 octobre 2005, déjà cité, R.G.D.C. 2007, p. 445.
    [73] Un cas flagrant par exemple serait celui du franchisé qui, ayant exécuté le contrat de franchise, est approché par un réseau concurrent et sollicite l'annulation de son contrat pour violation de l'art. 3 afin d'être libre et d'être déchargé de la clause de non-concurrence qui figurerait dans son contrat. Un autre cas serait où le franchisé, en défaut d'exécuter des obligations découlant du contrat, invoquerait la nullité pour échapper auxdites obligations. Le caractère minime du manquement à la loi (communication avec un jour de retard) ou le niveau d'information dont dispose le franchisé par ailleurs (p. ex. suite à une expérience préalable dans la même chaîne) sont des éléments qui pourront entrer en ligne de compte pour apprécier la sincérité des mobiles du franchisé sollicitant l'annulation. Tout est évidemment question de circonstances.
    [74] L'on relèvera d'ailleurs que le franchisé pourra, expressément ou tacitement, renoncer à se prévaloir de la nullité, notamment par son comportement, tel que l'exécution de la convention de franchise en pleine connaissance de cause dans certaines circonstances. Rien dans la loi n'exclut en effet une telle confirmation de la convention nulle. La question se posera de savoir à partir de quel moment la partie protégée pourra émettre une telle confirmation. Une confirmation n'est en effet pas possible aussi longtemps que le vice n'a pas cessé. Certains situent ce moment après que le franchisé ait adressé une réclamation (A. Mottet Haugaard et M. Verhulst, o.c., p. 131; P. Hollander, o.c., p. 11). L'envoi préalable d'une réclamation ne nous paraît cependant nullement nécessaire. Il suffit que le franchisé soit conscient, avant de renoncer, qu'il a le droit de solliciter la nullité. L'exécution des formalités de l'art. 3 après la conclusion du contrat, faite en pleine connaissance de cause du franchisé et en dehors de tout vice du consentement, nous paraît pouvoir constituer une confirmation valable.
    [75] Dans ce sens également, A. Mottet Haugaard et M. Verhulst, o.c., p. 128.
    [76] Pour une description des sanctions à l'obligation d'informer en général, voy. J.-Ph. Gobiet, o.c., spéc. nos 4.199 et s.
    [77] Sous réserve de la possibilité pour le franchisé de renoncer ultérieurement à demander la nullité (supra, note 74).
    [78] Ce n'est pas le cas en France, où l'on ne peut déroger à l'art. 1382 du Code civil.
    [79] Sur le régime des dérogations conventionnelles à la responsabilité, voy. B. Dubuisson, “Les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité ou de garantie en droit belge”, in Les clauses applicables en cas d'inexécution des obligations contractuelles, la Charte, 2001, pp. 33 et s.
    [80] F. Glansdorff, “L'information précontractuelle en droit commun”, o.c., pp. 34-35, n° 26; B. Dubuisson, o.c., pp. 50 et s.
    [81] Sur cette question, voy. notamment P. Van Ommeslaghe, “Les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité en droit belge”, in Les obligations en droit français et en droit belge. Convergences et divergences, Bruylant, 1994, pp. 181 et s.
    [82] Paris 1er février 2006 R.G. n° 2004/17225, de Neuville/Seznec, p. 7. Il était notamment prévu que le dossier communiqué “n'a qu'une valeur indicative prévisionnelle et ne peut en aucun cas engager la responsabilité du franchiseur dans le cas où les prévisions ou estimations faites de bonne foi par les deux parties ne seraient pas réalisées par le franchisé” et que “ces résultats (…) sont en effet fonction de facteurs subjectifs, conjoncturels et matériels qui sont ou seront totalement hors du contrôle et de l'appréhension du franchiseur”.
    [83] Comp. avec les clauses exonératoires de responsabilité relativement aux projections financières qui figurent dans tous les prospectus d'opérations publiques, telles que des introductions en bourse.
    [84] La notion de sincérité provient directement de la loi Doubin mais a fait son entrée dans le droit commun de la communication d'information.
    [85] Notamment, Cass. fr. comm. 19 mai 1992, Sem. jur., éd. E, 1993, n° 4, p. 19; Paris 3 février 1994, R.D.C. 1995, p. 486, Gaz. Pal. 1994 (som.), p. 200; C. Matray, “Le contrat de franchise en droit belge”, in La franchise en droit belge et en droit français, 1996, p. 100, n° 16; D. Ferrier, “Contrats de distribution commerciale”, Dall. 1995, somm., p. 76. De manière générale, il semble que l'obligation relative au contenu de l'information qui doit être communiquée ne doive être que de moyen lorsqu'elle implique un aléa (voy. J.-Ph. Gobiet, o.c., n° 4.198).
    [86] Comm. Mons 31 octobre 1996, R.G. 61.255/94.
    [87] Sur ces principes, voy. notamment J.-L. Fagnart, “La responsabilité civile. Chronique de jurisprudence (1985-1995)”, Dossiers J.T. 1997, pp. 44 et 45.
    [88] Paris 1er février 2006, R.G. n° 2004/17225, de Neuville/Seznec, p. 7.
    [89] Au stade de la réparation du dommage découlant de la faute du franchiseur, la cour relève que “le manque à gagner subi par [le franchisé] ne saurait être constitué par l'écart constaté entre le chiffre d'affaires prévisionnel et celui qui a été effectivement réalisé, mais seulement par la privation des bénéfices attendus de l'exploitation de la franchise, après déduction des charges d'exploitation; que l'évaluation de ces bénéfices manqués ne peut davantage résulter d'une application stricte des chiffres mentionnés dans le budget prévisionnel établi par le franchiseur, dont l'obligation n'est que de moyens, étant encore rappelé que le franchisé est un commerçant indépendant responsable de sa gestion” (p. 9).
    [90] Paris 16 octobre 1998 (Bertrand/SA CTRC Jean-François Lazartigue) tient également compte du fait que le chiffre d'affaires prévisionnel était inférieur à celui réalisé par un autre franchisé.
    [91] Comm. Mons 31 octobre 1996, R.G. 61.255/94.
    [92] Bruxelles 17 décembre 2007, R.G. n° 2005/AR/2337.
    [93] Comm. Bruxelles 9 septembre 1998, R.G. n° 572/95.
    [94] Par exemple, Paris 3 février 1994, R.D.C. 1995, p. 486 et note J.-P. Fierens et Paris 1er février 2006, R.G. n° 2004/17225, p. 7.
    [95] Mons 26 avril R.D.C. 2007, p. 1027 .
    [96] Voy. l'arrêt commenté; de même, Comm. Bruxelles 30 juin 2005, R.G. n° 997/07 (confirmé en appel par Bruxelles 17 décembre 2007, R.G. n° 2005/AR/2337) “rien ne démontre toutefois que [le franchiseur] savait ou devait savoir, lors de la conclusion le 23 mai 1998, du contrat de franchise que le point de vente litigieux allait être concurrencé, à proximité, par une autre grande surface qui ouvrira ses portes le 19 janvier 1999”.
    [97] Civ. Bruxelles 21 février 1995, RG n ° 18520/89.
    [98] Voy. la jurisprudence citée par P. Demolin, o.c., pp. 21 et s.
    [99] Mons 13 janvier 2003, J.L.M.B. 2004, p. 67 .
    [100] Comm. Mons 31 octobre 1996, R.G. 61.255/94.
    [101] Comm. Bruxelles 24 décembre 1997, RG n° 6258/96. Dans son jugement du 30 juin 2005 précité, le tribunal de commerce de Bruxelles relève que les projections étaient adressées à “un futur partenaire rompu aux affaires”.
    [102] Comm. Mons 31 octobre 1996, R.G. 61.255/94.
    [103] Mons 26 avril 2007, R.D.C. 2007, p. 1026 .
    [104] Comm. Bruxelles 9 septembre 1998, R.G. n° 10.572/95.
    [105] Bruxelles 17 décembre 2007, R.G. n° 2005/AR/2337.
    [106] Comm. Bruxelles 24 décembre 1997, R.G. n° 6258.
    [107] Comm. Marche-en-Famenne 3 juin 1996, R.G. n° 9578.
    [108] Paris 1er février 2006, R.G. n° 2004/17225, de Neuville/Seznec, p. 9.
    [109] L'on notera également que dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 7 juin 2007 de la cour d'appel de Versailles, le premier juge, bien qu'il eût prononcé l'annulation du contrat de franchise, n'avait condamné le franchiseur qu'à rembourser le droit d'entrée.
    [110] Mons 13 janvier 2003, J.L.M.B. 2004, p. 66 .
    [111] Mons 26 avril 2007, R.D.C. 2007, p. 1028 .
    [112] Conformément à son art. 10 et à l'arrêté royal du 1er juillet 2006, la loi a fait l'objet d'un rapport d'évaluation par la “Commission d'arbitrage”. Le sort que le gouvernement et, après lui le cas échéant, le législateur, va réserver à ce rapport est toutefois incertain.