Article

Le délit de blanchiment après la loi du 10 mai 2007, R.D.C.-T.B.H., 2008/2, p. 116-137

Le délit de blanchiment après la loi du 10 mai 2007 [1]

Emmanuel Roger France [2]

TABLE DES MATIERES

I. Introduction

II. Le délit de blanchiment [3]

A. Élément matériel 1. Objet de l'infraction de blanchiment

2. Trois comportements visés

3. L'infraction de base précédant le blanchiment 1) Notion

2) Preuve de l'infraction de base - Jurisprudence

3) Quid si l'auteur du blanchiment est également auteur de l'infraction de base?

4) Exceptions en matière fiscale pour le recel élargi (2°) et le déguisement (4°)

B. Élément moral 1. Dans tous les cas (2°, 3° et 4°): connaissance de l'origine illicite

2. Intention spéciale pour le 3°

C. Répression 1. Évolution législative

2. Autonomie par rapport au recel

3. Délit instantané, continué ou continu?

4. Délais raisonnables

5. Peines 1) Prison et/ou amende

2) Tentative

3) Interdictions civiles et professionnelles

4) Confiscation spéciale élargie obligatoire

III. Dispositif préventif A. Rôle de la C.T.I.F. - Utilisation des informations par le parquet

B. Informations obtenues dans le cadre d'une procédure douanière

C. Obligation d'identification

RESUME
La présente contribution examine la jurisprudence récente relative au volet répressif de la législation en matière de blanchiment, ainsi que les nouvelles modifications législatives apportées à l'article 505.
En effet, la matière a fait l'objet, ces deux dernières années, d'une jurisprudence abondante, traitant de nombreux aspects du délit et en particulier ceux de la preuve de l'infraction de base, de l'élément moral et de la matière complexe que constitue la confiscation.
Par ailleurs, au terme de douze années d'application du délit de blanchiment par les tribunaux, la nouvelle loi du 10 mai 2007 [4] portant diverses mesures en matière de recèlement et de saisie vient modifier à nouveau l'article 505, 2° à 4° du Code pénal. La nouvelle loi confirme le caractère continu de l'infraction lorsque le comportement en cause suppose une certaine durée, à la condition cependant que la connaissance de l'origine illicite intervienne au début des opérations envisagées. Elle met également une limite, sous conditions, à l'article 505, 2° à 4° en cas de fraude fiscale simple. Elle affirme le caractère de peine de la confiscation spéciale et renforce la répression en obligeant le juge à saisir par équivalent l'objet du blanchiment s'il ne se trouve plus dans le patrimoine du condamné.
La matière s'en trouve ainsi à nouveau bouleversée.
SAMENVATTING
Deze bijdrage bestudeert de recente rechtspraak met betrekking tot het strafrechtelijk luik van de witwaswetgeving, evenals de wetswijzigingen aan het artikel 505.
De witwasmaterie heeft inderdaad de voorbije twee jaren het voorwerp uitgemaakt van een overvloedige rechtspraak met betrekking tot verscheidene aspecten van het misdrijf, en in het bijzonder met betrekking tot het bewijs van het basismisdrijf, het moreel element en de complexe materie inzake verbeurdverklaring.
Daarnaast heeft de nieuwe wet van 10 mei 2007 houdende diverse maatregelen inzake de heling en inbeslagneming [5], na verloop van twaalf jaar toepassing van het witwasmisdrijf door de rechtbanken, opnieuw het artikel 505, 2° tot en met 4° van het Strafwetboek gewijzigd. De nieuwe wet bevestigt het voortdurend karakter van het misdrijf wanneer de betrokken gedraging een zekere duur veronderstelt, op voorwaarde echter dat de kennis van de wederrechtelijke oorsprong ontstaat bij het begin van de geviseerde operaties. Zij legt ook een - voorwaardelijke - beperking op aan het artikel 505, 2° tot en met 4° in geval van eenvoudige fiscale fraude. Zij bevestigt verder het strafkarakter van de bijzondere verbeurdverklaring en versterkt de repressie door de rechter te verplichten om beslag per equivalent te leggen op het voorwerp van het witwassen indien dit zich niet meer in het vermogen van de veroordeelde bevindt.
Hierdoor werd deze materie opnieuw doorheen geschud.
I. Introduction

Sur base des dernières statistiques annuelles disponibles du parquet (2004-2006), on peut estimer le nombre de condamnations en matière de “recel et blanchiment” en Belgique à près de 4.000 [6] par an.

Si l'on exclut les week-ends aux cours desquels des condamnations ne sont pas prononcées, cela voudrait donc dire que plus de 15 condamnations sont prononcées chaque jour dans notre pays du chef de “recel et blanchiment” (comprise comme une catégorie unique aux fins de statistiques)…

Le recel  “ordinaire”, prévu à l'article 505, 1°, sanctionne ceux qui auront recelé “les choses enlevées, détournées ou détenues à l'aide d'un crime ou d'un délit”.

La loi du 17 juillet 1990 a créé l'infraction de “blanchiment”, en ajoutant un 2° à l'article 505 du Code pénal.

Ce délit n'a été gratifié d'aucun nom particulier par le législateur. Apparemment, si les auteurs de la loi ont renoncé à nommer ce délit, c'est expressément parce qu'il n'exige pas l'intention de blanchir [7].

Sont visés “ceux qui auront acheté, reçu en échange ou à titre gratuit, possédé, gardé ou géré (des avantages patrimoniaux tirés directement ou indirectement d'une infraction), alors qu'ils en connaissent ou devaient en connaître l'origine”.

L'infraction de blanchiment se rattache donc au recel “ordinaire”, dont elle devient alors, en quelque sorte, une seconde espèce: le recel “d'avantages patrimoniaux” ou encore recel “élargi”.

La loi du 7 avril 1995 modifiant la loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux a encore étendu l'article 505, en ajoutant un 3° sanctionnant également les opérations de nature à faire circuler les capitaux illicites, ainsi qu'un 4°, réprimant la dissimulation ou le déguisement de la nature, l'origine, l'emplacement, la disposition, le mouvement ou la propriété des avantages patrimoniaux.

Tout récemment, au terme de douze années d'application de l'article 505, 2° à 4° par les tribunaux, la loi du 10 mai 2007 portant diverses mesures en matière de recèlement et de saisie [8] vient le modifier à nouveau.

Cependant, cette fois-ci, le législateur a souhaité préciser, clarifier les notions, en élargissant et limitant la répression de certains aspects du délit blanchiment, en tenant notamment compte de certains enseignements issus de la pratique, du souhait de certains acteurs concernés par la matière ainsi que pour mettre fin à des courants jurisprudentiels contradictoires.

La matière, déjà complexe, s'en trouve ainsi à nouveau bouleversée.

La présente contribution examine en particulier la jurisprudence récente relative au volet dit “répressif”, ainsi que les récentes modifications législatives apportées à l'article 505.

Nous ne ferons qu'évoquer rapidement certains développements récents liés au volet “préventif” de la loi du 11 janvier 1993. Nous n'entrerons pas non plus dans les détails de certains sujets particuliers, tels l'application du délit de blanchiment et de la loi préventive de 1993 à la fraude fiscale [9] ou l'application du délit de blanchiment aux avocats [10].

II. Le délit de blanchiment [11]

L'article 505 du Code pénal, comprenant l'infraction de recel et celle de blanchiment est désormais rédigé comme suit:

“Seront punis d'un emprisonnement de quinze jours à cinq ans et d'une amende de vingt-six francs à cent mille francs ou d'une de ces peines seulement:

1° ceux qui auront recelé, en tout ou en partie, les choses enlevées, détournées ou obtenues à l'aide d'un crime ou d'un délit;

2° ceux qui auront acheté, reçu en échange ou à titre gratuit, possédé, gardé ou géré des choses visées à l'article 42, 3°, alors qu'ils connaissaient ou devaient connaître l'origine de ces choses au début de ces opérations;

3° ceux qui auront converti ou transféré des choses visées à l'article 42, 3°, dans le but de dissimuler ou de déguiser leur origine illicite ou d'aider toute personne qui est impliquée dans la réalisation de l'infraction d'où proviennent ces choses, à échapper aux conséquences juridiques de ses actes;

4° ceux qui auront dissimulé ou déguisé la nature, l'origine, l'emplacement, la disposition, le mouvement ou la propriété des choses visées à l'article 42, 3°, alors qu'ils connaissaient ou devaient connaître l'origine de ces choses au début de ces opérations.

Les infractions visées à l'alinéa 1er, 3° et 4° existent même si leur auteur est également auteur, co-auteur ou complice de l'infraction d'où proviennent les choses visées à l'article 42, 3°. Les infractions visées à l'alinéa 1er, 1° et 2° existent, même si leur auteur est également auteur, co-auteur ou complice de l'infraction d'où proviennent les choses visées à l'article 42, 3°, lorsque cette infraction a été commise à l'étranger et ne peut pas être poursuivie en Belgique.

Sauf à l'égard de l'auteur, du coauteur ou du complice de l'infraction d'où proviennent les choses visées à l'article 42, 3°, les infractions visées à l'alinéa 1er, 2° et 4°, ont trait exclusivement, en matière fiscale, à des faits commis dans le cadre de la fraude fiscale grave et organisée qui met en oeuvre des mécanismes complexes ou qui use de procédés à dimension internationale.

Les organismes et les personnes visées aux articles 2, 2bis et 2ter de la loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme, peuvent se prévaloir de l'alinéa précédent dans la mesure où, à l'égard des faits y visés, ils se sont conformés à l'obligation prévue à l'article 14quinquies de la loi du 11 janvier 1993 qui règle les modalités de la communication d'informations à la Cellule de traitement des Informations financières.

Les choses visées à l'alinéa 1er, 1° du présent article constitue l'objet de l'infraction couverte par cette disposition au sens de l'article 42, 1° et seront confisquées, même si la propriété n'en appartient pas au condamné, sans que cette peine puisse cependant porter préjudice aux droits des tiers sur les biens susceptibles de faire l'objet de la confiscation.

Les choses visées à l'alinéa 1er, 3° et 4° constituent l'objet des infractions couvertes par ces dispositions, au sens de l'article 42, 1°, et seront confisquées dans le chef de chacun des auteurs, coauteurs ou complices de ces infractions, même si la propriété n'en appartient pas au condamné, sans que cette peine puisse cependant porter préjudice aux droits des tiers sur les biens susceptibles de faire l'objet de la confiscation. Si ces choses ne peuvent être trouvées dans le patrimoine du condamné, le juge procèdera à leur évaluation monétaire et la confiscation portera sur une somme d'argent qui lui sera équivalente. Dans ce cas, le juge pourra toutefois réduire cette somme en vue de ne pas soumettre le condamné à une peine déraisonnablement lourde.

Les choses visées à l'alinéa 1er, 2° du présent article constituent l'objet de l'infraction couverte par cette disposition, au sens de l'article 42, 1°, et seront confisquées, dans le chef de chacun des auteurs, coauteurs ou complices de ces infractions, même si la propriété n'en appartient pas au condamné, sans que cette peine puisse cependant porter préjudice aux droits des tiers sur les biens susceptibles de faire l'objet de la confiscation. Si ces choses ne peuvent être trouvées dans le patrimoine du condamné, le juge procèdera à leur évaluation monétaire et la confiscation portera sur une somme d'argent qui sera proportionnelle à la participation du condamné à l'infraction.

La tentative des délits visés aux 2°, 3°, et 4°, du présent article sera punie d'un emprisonnement de huit jours à trois ans et d'une amende de vingt-six francs à cinquante mille francs ou d'une de ces peines seulement.

Les personnes punies en vertu des présentes dispositions pourront de plus, être condamnées à l'interdiction, conformément à l'article 33.”

A. Élément matériel
1. Objet de l'infraction de blanchiment

L'objet du délit de blanchiment s'identifie avec celui de la confiscation spéciale “élargie” aux avantages patrimoniaux, elle-même également introduite dans notre droit par la loi du 17 juillet 1990 [12].

Depuis lors les articles 505 et 42 sont intimement liés, ce qui n'a pas toujours joué en faveur de la clarté des principes applicables. En effet, l'objet du blanchiment est défini par celui de la confiscation spéciale élargie facultative, confiscation spéciale élargie qui par ailleurs constitue également une des peines sanctionnant le délit de blanchiment de façon obligatoire, en dérogation au régime facultatif de la confiscation spéciale…

Les “choses” visées à l'article 42, 3°, sont celles qui font l'objet de la confiscation spéciale élargie: c'est le profit tiré d'une infraction “de base” quelconque, et plus particulièrement:

    • les avantages patrimoniaux “tirés directement de l'infraction”: On vise, selon les travaux préparatoires, “tous biens ou valeurs que l'auteur de l'infraction a obtenus en commettant celle-ci. Il peut s'agir du prix du crime ou du marché, de la contre-valeur de la transaction, de gains illicites,…”, par exemple, “le produit direct du commerce de stupéfiants”. Il s'agit, par exemple, de la somme d'argent obtenue grâce à une escroquerie, du prix de la corruption, etc.;
    • les “biens et valeurs qui leur ont été substitués”: Comme les avantages “primaires” seront la plupart du temps échangés, transformés, dispersés, pour en faire disparaître les traces, il s'impose de permettre également la confiscation des biens et valeurs qui ont été substitués à ces avantages “primaires”. Le lien avec l'infraction devient indirect. On songe, par exemple, aux biens meubles ou immeubles achetés avec le profit de l'infraction ou le change de la devise produite par l'infraction en devises étrangères;
    • les revenus de ces avantages investis: On vise par là “les intérêts bancaires, les dividendes, les fruits de toute nature, découlant des biens ou valeurs qui leur ont été substitués. L'auteur de l'infraction ne tenant ces revenus que de la réalisation de cette infraction, ceux-ci ne peuvent être considérés comme les bénéfices licites de son activité, mais bien comme des avantages indirects de l'infraction, qui doivent être confisqués à ce titre”. On songe, notamment par exemple, au loyer d'un immeuble acquis à l'aide du profit tiré d'une infraction ou les intérêts produits par un compte en banque sur lequel on a placé des sommes tirées de l'infraction.

    Il s'agit des avantages patrimoniaux tirés d'une infraction pénale quelconque: crime, délit ou simple contravention. Il peut s'agir de biens mobiliers et immobiliers, corporels et incorporels [13].

    Les infractions pénales fiscales y sont comprises, selon les travaux préparatoires [14]. Ce point de vue fut par la suite confirmé par un arrêt du 22 octobre 2003 de la Cour de cassation qui a considéré que lorsqu'en application des articles 42, 3º et 43bis, le juge évalue les avantages patrimoniaux tirés d'une infraction, il peut considérer que “l'évitement d'un impôt” constitue un tel avantage qui ne disparaît pas du seul fait de l'enrôlement et que le juge décide en fait qu'un avantage patrimonial sur lequel porte la confiscation spéciale a été tiré directement d'une infraction [15].

    2. Trois comportements visés

    L'article 505 vise trois types de comportements susceptibles de constituer le délit de blanchiment, correspondants plus ou moins aux trois étapes “économiques” du blanchiment (injection, empilage et intégration):

      • Article 505, 2°: c'est le recel élargi proprement dit, comportement plutôt passif: avoir acheté, reçu en échange ou à titre gratuit, possédé, gardé ou géré les avantages patrimoniaux au sens large décrits ci-dessus, alors qu'on en connaissait ou devait en connaître l'origine au début de ces opérations. La loi exige un acte positif, mais est très large à cet égard. Il couvre différents modes d'acquisition, de possession, mais également le cas où une personne gère des biens ou des valeurs dont elle n'est ni propriétaire, ni détentrice, mais qui appartiennent à ou sont mis en dépôt chez un tiers, éventuellement une personne morale [16]. Le change de devises est un acte de “gestion” au sens de l'article 505, 2°. Est également visé le dépôt en espèces sur un compte bancaire.
      • Article 505, 3°: la conversion ou le transfert desdits avantages patrimoniaux, dans le but de dissimuler ou de déguiser leur origine illicite ou dans le but d'aider toute personne qui est impliquée dans la réalisation de l'infraction dont proviennent les avantages patrimoniaux, à échapper aux conséquences juridiques de ses actes. Sont visées toutes opérations de nature à faire circuler les capitaux illicites: chèques, virements, transferts internationaux... Sont également visés des actes d'intégration dans l'économie légale: achat de titres, de valeurs, d'objets mobiliers, d'immeubles, de participations dans le capital de sociétés. Par un arrêt du 29 novembre 2006, la Cour de cassation a souligné que l'existence du délit visé à l'article 505 alinéa 1er, 3° du Code pénal n'est pas subordonnée à la condamnation du chef d'infractions visées à l'article 505 alinéa 1er, 2° du Code pénal [17].
      • Article 505, 4°: la dissimulation ou le déguisement de la nature, l'origine, l'emplacement, la disposition, le mouvement ou la propriété des avantages patrimoniaux, alors qu'ils en connaissaient ou devaient en connaître l'origine au début de ces opérations. Ce troisième cas vise surtout la confection de faux en écritures et l'usage de ces faux, ainsi que l'utilisation de prête-noms, d'hommes de paille, de sociétés écrans ou le recours à des sociétés ou institutions financières situées dans des pays ou territoires dont la législation ou les pratiques facilitent l'opacité (territoires offshore, paradis fiscaux, secret bancaire, ...).
      3. L'infraction de base précédant le blanchiment
      1) Notion

      Le délit pénal de blanchiment, tout comme la confiscation élargie, est tout à fait général. Il s'applique aux avantages patrimoniaux au sens large, tirés de toute infraction pénale “de base” quelconque, crime, délit ou contravention [18].

      Comme pour le recel, il n'est évidemment pas nécessaire pour que le délit puisse être poursuivi, que les auteurs de l'infraction qui l'a précédé aient été condamnés, ni même qu'ils soient connus.

      Le juge doit constater, à tout le moins d'une manière implicite mais certaine, l'existence des éléments constitutifs du délit de blanchiment.

      Il n'est toutefois pas requis que la décision de condamnation identifie le crime ou le délit à l'aide duquel les avantages patrimoniaux ont été obtenus [19], à condition que le juge, sur la base d'éléments de fait, puisse exclure toute origine ou provenance légale [20].

      2) Preuve de l'infraction de base - Jurisprudence

      En ce qui concerne l'exclusion de toute origine légale, la loi ne prescrit aucun mode spécial de preuve. Ainsi, la Cour de cassation estime que l'arrêt qui condamne un prévenu au motif qu'il n'a pas réussi à apporter la moindre preuve que l'argent était issu d'activités légales ne charge pas le prévenu du fardeau de la preuve mais “décide uniquement que sa défense manque de crédibilité” [21].

      L'analyse de la jurisprudence récente de la Cour de cassation confirme ce principe. Ainsi, dans plusieurs arrêts rendus en 2006, la Cour a souligné que “la charge de la preuve relative à la provenance illégale ou criminelle est satisfaite lorsque, sur la base d'éléments de faits, toute provenance légale de ces choses peut être exclue avec certitude. Il est satisfait à la charge de la preuve concernant la connaissance de l'auteur, lorsque celle-ci peut être déduite avec certitude des circonstances de fait. Un tel règlement de la preuve ne requiert aucune preuve de la part du prévenu ni, dès lors, la preuve de son innocence”.

      Pour le surplus, relève la Cour, “il appartient au prévenu lui-même d'apprécier si il est opportun, pour sa défense, de révéler l'information qu'il possède concernant la provenance des objets. Le choix que le prévenu peut faire en la matière ne porte pas atteinte à ses droits de défense relatifs à la seule infraction de blanchiment qui lui a été imputée” [22].

      Toujours dans la même ligne, la Cour de cassation précise dans un arrêt du 9 mai 2006 qu'il est satisfait aux prescrits de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme “lorsque ladite infraction de blanchiment est qualifiée de manière précise, en énonçant notamment l'origine illicite de ces avantages patrimoniaux et la connaissance qu'en avait l'auteur, sans que l'infraction de base doive elle-même être qualifiée ou qu'il faille même en faire mention” [23].

      L'origine délictueuse des avantages patrimoniaux s'apprécie selon la loi belge. Le juge ne doit cependant pas constater que l'exercice de l'action publique du chef de cette infraction originaire relève de la compétence territoriale du juge belge [24].

      Cette jurisprudence relative à la preuve de l'infraction de base est largement suivie par les juridictions de fond qui considèrent que le délit de blanchiment recouvrant les choses issues d'une infraction quelle qu'elle soit, il n'est pas nécessaire d'identifier formellement celle-ci.

      Ainsi plusieurs jugements du tribunal correctionnel d'Anvers constatent simplement que l'argent provenait d'un délit ou avait une origine illégale [25].

      Dans un dossier où l'on pouvait déduire qu'il s'agissait d'un trafic de drogue, mais non le constater avec certitude, la cour d'appel de Anvers a condamné une personne du chef d'infraction à l'article 505, 2° du Code pénal au motif que les choses avaient une origine délictueuse et que le prévenu le savait ou devait le savoir [26].

      La cour d'appel d'Anvers s'est même bornée à considérer “…que le blanchiment couvre le produit d'une infraction, qu'il s'agisse d'un trafic de drogue ou d'un autre délit...” et “que de telles sommes proviennent en effet d'un crime ou d'un délit” [27]. Cet arrêt a fait l'objet d'un pourvoi en cassation, entre autres sur la base de l'insuffisance de la motivation, mais pas spécifiquement sur le point de la preuve de l'origine délictuelle. Le pourvoi a été rejeté [28].

      Deux caractéristiques peuvent être déduites de l'analyse de la jurisprudence en la matière:

      1° La première est que l'“absence de justification économique” est fréquemment retenue comme élément essentiel à charge du prévenu pour prouver l'existence d'une infraction de base.

      Le tribunal correctionnel de Malines a ainsi estimé que l'origine illicite des fonds apportés à un bureau de change peut apparaître de la fréquence des opérations de change et de l'importance des montants, liées à “l'absence d'une quelconque activité économique légale susceptible de les justifier” [29].

      Plus récemment, on peut citer le cas de parents qui, liés au trafic des stupéfiants, avaient cru bon d'effectuer d'importantes opérations en espèces sur le compte ouvert au nom de leur enfant mineur. Le tribunal correctionnel de Charleroi les a condamné pour blanchiment, en relevant que ces opérations n'avaient “pas d'explications économiques”, les seuls revenus officiels des parents correspondant aux allocations de chômage [30].

      On relèvera également un jugement du tribunal correctionnel de Bruxelles, rendu dans une affaire de carrousel à la TVA, dans laquelle il a été jugé que l'ouverture d'un compte en Belgique, de même que le passage par la Belgique, n'avait “aucune justification économique”, que le prévenu n'avait jamais réussi à fournir la moindre explication d'ordre commercial quant à l'ouverture d'un compte en Belgique, au nom d'une société établie à l'étranger, ce qui était d'autant plus anormal que la localisation du siège d'activités de la société se situait dans une région largement pourvue en agences bancaires. Se basant sur le rapport d'enquête de la C.T.I.F., le tribunal a indiqué que le compte de cette société était visiblement utilisé comme compte de passage, dans le cadre d'une fraude à la TVA et du blanchiment du produit de cette fraude [31].

      2° Une seconde caractéristique est liée à la preuve de l'élément moral: il est frappant de constater que la preuve concernant l'infraction sous-jacente va de pair ou même se confond avec la preuve concernant l'élément moral (examiné ci-après), c'est-à-dire “la connaissance des choses”.

      Ce sont de fait surtout les indices sur la base desquels l'élément moral est établi et, plus précisément, la connaissance de l'origine délictueuse, qui font que le juge est convaincu que les actifs proviennent d'une infraction.

      Ainsi, la Cour de cassation a affirmé à plusieurs reprises, et notamment dans un arrêt du 19 septembre 2006, “qu'il est à tout le moins requis, mais suffisant, pour établir la culpabilité du chef d'une des infractions du blanchiment (…) que l'auteur des actes ait eu connaissance ou ait dû avoir connaissance de la provenance délictueuse ou de l'origine illicite (…), sans qu'il ait toujours dû en connaître précisément l'origine ou la provenance, à la condition qu'il ait dû savoir, dans les circonstances de faits dans lesquelles il a exécuté les actes, que les choses ne pouvaient avoir qu'une provenance délictueuse ou une origine illicite” [32].

      La Cour de cassation poursuit, dans ce même arrêt, son analyse et dispose que “dès lors que la déclaration de culpabilité du chef d'une des infractions de blanchiment (…), ne requiert pas nécessairement que l'auteur ait eu connaissance ou ait dû avoir connaissance de l'origine ou de la provenance précise des choses visées à l'article 42, 3° du Code pénal, la violation du droit de la défense, de la charge de la preuve en matière répressive ou de la présomption d'innocence ne saurait être déduite du fait que le ministère public n'ait pas davantage eu précisément connaissance de cette origine, et n'ait donc pu mentionner dans sa citation, action ou convocation à quelles infractions l'argent prétendument blanchi était lié” [33].

      Enfin on notera que la C.T.I.F., dans son rapport annuel 2006, critique un jugement qui a été rendu par le tribunal correctionnel de Nivelles le 26 juillet 2006, l'estimant “à contre-courant puisqu'il acquitte le prévenu poursuivi du chef de blanchiment après avoir constaté notamment que l'article 3 § 1er de la loi du 11 janvier 1993 suppose que le prévenu ait tenté de dissimuler ou de déguiser l'origine illicite des fonds: le dossier soumis au tribunal retient des indices de blanchiment sans autres précisions et sans démontrer que les sommes transférées par le prévenu auraient une origine délictueuse”.

      La C.T.I.F. relève à cet égard que la jurisprudence majoritaire “estime pourtant que la charge de la preuve en ce qui concerne l'origine illégale des fonds a été satisfaite lorsque sur la base des éléments de faits, toute origine légale de ces fonds peut être exclue sans qu'il faille pour autant démontrer et connaître, en tant que telle, l'origine illégale de ceux-ci”. Dans ce cadre, la C.T.I.F. relève que: “en présence d'un transfert de fonds via Western Union et des relations du prévenu avec le milieu de la prostitution, la simple gestion des fonds est susceptible d'être poursuivie lorsque le prévenu connaissait ou devait en connaître l'origine”.

      Il semble toutefois à la lecture du rapport que justement, le tribunal correctionnel de Nivelles, en soulignant que le dossier soumis au tribunal ne “démontrait pas que les sommes transférées auraient une origine délictueuse” a en quelque sorte bien respecté le prescrit de la Cour de cassation puisque, ce faisant, le tribunal a donc jugé qu'il “ne pouvait pas exclure toute origine légale”. Nous sommes cependant d'accord avec la C.T.I.F. pour dire que l'infraction de blanchiment est incriminée à l'article 505 et que la référence à la loi du 11 janvier 1993 est en l'occurrence inappropriée.

      3) Quid si l'auteur du blanchiment est également auteur de l'infraction de base?

      En règle générale, l'infraction de blanchiment existe même si son auteur est, le cas échéant, également auteur, coauteur ou complice de l'infraction de base d'où proviennent les avantages patrimoniaux au sens large.

      Avant la nouvelle loi, ceci n'était cependant vrai que pour les cas de blanchiment visés à l'article 505, 3° et 4°.

      La Cour de cassation avait, en effet, confirmé l'assimilation du cas visé à l'article 505, 2° avec le recel, car il s'agit d'un recel élargi [34].

      En l'espèce, il s'agissait du blanchiment en Belgique, par des personnes ayant participé aux infractions de base, du produit d'infractions fiscales commises à l'étranger. Les prévenus n'avaient été poursuivis que sur la base de l'article 505, alinéa 1er, 2°. L'arrêt de condamnation a donc été cassé.

      Cette jurisprudence a été récemment confirmée par un autre arrêt du 13 décembre 2006, soulignant que seules les infractions visées aux 3° et 4° sont réputées exister même si leur auteur est, le cas échéant, également auteur, coauteur ou complice de l'infraction de base [35]. Dans cette affaire, le prévenu était poursuivi pour avoir détourné des fonds de sa société. Le tribunal, puis la Cour l'avaient condamné du chef d'abus de confiance mais également de blanchiment sur pied de l'article 505, alinéa 1er, 2° du Code pénal. La Cour de cassation a cassé cette décision en relevant qu'en vertu de l'article 505, alinéa 2, seules les infractions visées aux 3° et 4° de cet article sont réputées exister même si leur auteur est, le cas échéant, auteur, coauteur ou complice de l'infraction d'où proviennent les choses visées à l'article 42, 3°. L'auteur de l'infraction principale ne peut être poursuivi du chef du délit repris à l'article 505, 2° du Code pénal [36].

      La distinction était-elle bien justifiée?

      Lors des travaux préparatoires de la loi, le législateur a souligné que, de fait, seules les infractions de blanchiment visées aux 3° et 4° sont punissables dans le chef de l'auteur, coauteur ou complice de l'infraction de base, à l'inverse de l'infraction visée au 2°.

      Toutefois, invoquant expressément la jurisprudence de la Cour de cassation précitée, il souligne que “cette situation peut conduire à une lacune dans la répression lorsque l'auteur de l'infraction de base, commise à l'étranger, vient à blanchir le produit de celle-ci en Belgique” [37].

      L'intention affirmée du législateur est qu'il faut donc permettre de poursuivre, en Belgique, le blanchisseur des avantages patrimoniaux produits par une infraction qu'il a commise à l'étranger et qui ne peut pas être poursuivi en Belgique. Il reconnaît par ailleurs qu'il va en effet toutefois de soi “que la simple possession ou garde en Belgique, par l'auteur de l'infraction de base commise en Belgique, des avantages patrimoniaux tirés de cette infraction ne pourrait être considérée comme constitutive du délit de blanchiment”.

      Lors de sa dernière intervention, le législateur a donc adapté la loi en conséquence, et est même allé plus loin puisqu'il en a profité pour prévoir la possibilité de poursuivre également le recel ordinaire (art. 505, al. 1er, 1°) s'étant produit en Belgique lorsque l'infraction de base a été commise à l'étranger [38] . C'est ce que confirme la nouvelle mouture de l'article 505:

      “Les infractions aux 3° et 4° existent même si leur auteur est également auteur, coauteur ou complice de l'infraction de base.

      Les infractions aux 1° et 2° existent, même si leur auteur est également auteur, coauteur ou complice de l'infraction de base lorsque cette infraction a été commise à l'étranger et ne peut pas être poursuivie en Belgique.”

      4) Exceptions en matière fiscale pour le recel élargi (2°) et le déguisement (4°)

      Lors de la modification apportée par la loi du 7 avril 1995 élargissant le champ d'application de la loi de prévention du 11 janvier 1993, le gouvernement avait souligné que le but n'était certainement pas d'imposer un champ d'application aussi large que celui de l'article 505 du Code pénal, qui couvre des avantages patrimoniaux découlant de toute infraction.

      En limitant l'obligation d'information aux cas les plus graves, le législateur indiquait vouloir créer et/ou préserver le climat de confiance nécessaire entre, d'une part, les entreprises et personnes soumises à cette obligation et, d'autre part, la C.T.I.F.

      Dans son avis rendu le 31 mai 2006, le Conseil d'État a souligné quant à lui également l'opportunité d'aligner l'article 505 du Code pénal sur la loi de prévention pour un point précis, relatif à la fraude fiscale, en ce sens que ce qui est rendu punissable, ce n'est pas la fraude fiscale, mais la fraude fiscale grave et organisée telle que définie par la loi de prévention [39].

      Différents amendements ont été proposés pour aligner la loi répressive et la loi préventive en matière fiscale.

      Auditionné par le Sénat, le représentant de la Febelfin a commenté ces amendements en soulignant que le secteur financier est particulièrement interpellé par le blanchiment dans le cadre de l'opération de dématérialisation des titres au porteur. En effet, le dépôt des titres en vue de leur conversion étant obligatoire, les banques, sociétés de bourse et émetteurs n'auront pas la possibilité de refuser les titres, même lorsqu'ils pourraient être le produit d'une infraction, en ce compris la fraude fiscale du client déposant.

      Il déclare que“dans l'hypothèse d'une fraude fiscale grave et organisée, l'intermédiaire financier qui reçoit le titre fait et fera une déclaration à la C.T.I.F. Une telle déclaration, qui donne une immunité contre les poursuites pénales, sauf en cas de complicité, n'est cependant pas possible pour les autres hypothèses de fraude fiscale. Il ne se justifie pas d'imposer aux intermédiaires financiers et aux émetteurs le risque de poursuites pénales notamment en raison d'une fraude fiscale (autre que grave et organisée) dans le chef du client déposant. Une dérogation à l'article 505 du Code pénal est donc indispensable” [40].

      Le texte actuel de la loi fait suite au dépôt d'un amendement par Monsieur Mahoux qui est justifié comme suit:

      La “discordance entre le volet répressif et le volet préventif de la législation anti-blanchiment conduit à une grande insécurité juridique qui, au vu de l'obligation pour le législateur de prévoir une législation accessible et claire (…) ne peut être maintenue plus longtemps. De plus, elle conduit à des conséquences disproportionnées et ne tient pas suffisamment compte du caractère subsidiaire du droit pénal.

      Ainsi, tout citoyen qui n'a pas déclaré ses revenus mobiliers au fisc et qui dissimule ou déguise ses impôts éludés devient, en tant que blanchisseur, punissable de lourdes peines de prison, d'amendes et de confiscation pour les impôts éludés, et ce nonobstant la perception fiscale.

      De la même manière, le particulier qui est le bénéficiaire d'un virement effectué par un ascendant ou un autre membre de sa famille au départ d'un compte sis à l'étranger qui avait jusqu'alors été dissimulé au fisc belge, devient passible de sanctions pénales du chef de blanchiment du simple fait d'avoir réceptionné des sommes transférées pour lesquelles il est au fait du problème fiscal. De plus, lorsque les sommes tirées d'une infraction fiscale sont perçues, dissimulées ou déguisées, peu importe le temps qui s'est écoulé depuis l'infraction fiscale, le délit de blanchiment subsiste, même si la fraude a eu lieu des années auparavant, éventuellement même du fait d'une génération précédente.

      De la même manière, toute personne dont l'institution est soumise à l'obligation de déclaration prévue dans la loi préventive, comme les banquiers ou les notaires, peut se retrouver dans une situation précaire par suite de cette absence de concordance légistique. Lorsque, par exemple, ils reçoivent des fonds d'un client sur un compte en banque en Belgique, en provenance d'un compte à l'étranger, alors qu'ils savent ou doivent savoir que le client n'a pas déclaré les intérêts au fisc belge, ils ne sont pas censés effectuer une déclaration auprès de la C.T.I.F. tant qu'il ne s'agit pas d'une infraction liée à la fraude fiscale grave et organisée qui met en oeuvre des mécanismes complexes ou qui use de procédés à dimension internationale. D'un autre côté, ils sont actuellement punissables sur la base de l'article 505, alinéa 1er, 2° du simple fait d'avoir perçu et géré ces sommes. Le banquier ou le notaire en question ne peut même pas résoudre son problème en reversant les sommes sur le compte d'origine, dès lors qu'il serait dès lors passible de sanction sur pied de l'article 505, alinéa 1er, 3° du Code pénal, du fait du transfert en retour desdites sommes”.

      Le législateur a suivi ce raisonnement et a donc adopté cet amendement, visant à effacer la discordance entre le volet préventif et le volet répressif de la législation sur le blanchiment en matière de fraude fiscale.

      Désormais, pour ce qui concerne la fraude fiscale, n'entreront donc en considération pour l'application des infractions de blanchiment au sens de l'article 505, alinéa 1er, 2° et 4° du Code pénal que “les avantages patrimoniaux qui sont issus de la fraude fiscale grave et organisée qui met en oeuvre des mécanismes complexes ou qui use de procédés à dimension internationale”.

      Il précise cependant que les organismes et les personnes soumises à la loi du 11 janvier 1993 ne peuvent se prévaloir de ce qui précède que dans la mesure où, à l'égard des faits y visés, ils se sont conformés à l'obligation prévue à l'article 14quinquies de la loi du 11 janvier 1993 qui règle les modalités de la communication d'informations à la C.T.I.F.

      Conformément au souhait des auteurs de l'amendement, cette exception ne profite pas aux auteurs, coauteurs et complices de la fraude, qui sont explicitement exclus.

      De plus, aucune modification n'est apportée à l'infraction de blanchiment visée à l'article 505, alinéa 1er, 3° du Code pénal, de sorte que toute fraude fiscale, même la plus ordinaire, reste prise en considération comme infraction de base, ce qui est justifié par la constatation que le caractère punissable au regard de cette disposition exige que l'auteur se rende coupable d'un dol spécial, à savoir qu'il agisse dans le but de dissimuler ou de déguiser l'origine illicite ou d'aider toute personne qui est impliquée dans l'infraction de base à échapper aux conséquences juridiques de ses actes.

      Selon le législateur, l'application combinée du nouvel article 14quinquies de la loi du 11 janvier 1993, de l'arrêté royal portant exécution de celui-ci et du nouvel article 505 conduira à une plus grande sécurité juridique mais aussi à une augmentation du nombre de déclaration à la C.T.I.F. Le secteur financier saura, en effet, selon lui, “beaucoup plus clairement que certaines formes aggravées de fraude fiscale sont soumises à une obligation de communication et qu'elles peuvent en outre constituer une infraction de base punissable au titre de blanchiment. Ces communications ciblées permettront à la C.T.I.F. de se concentrer sur les cas les plus graves”.

      Bien entendu, il appartiendra au juge répressif d'évaluer si une construction fiscale répond aux critères de “fraude fiscale grave et organisée qui met en oeuvre des mécanismes complexes ou qui use de procédés à dimension internationale” [41].

      Par contre, la nouvelle loi n'entraîne aucune modification des règles d'administration de la preuve examinées ci-avant, en ce qui concerne l'infraction de base et il n'est donc pas exigé du juge pénal qu'il ait connaissance de cette infraction de base précise pour autant qu'il puisse exclure toute origine licite.

      B. Élément moral
      1. Dans tous les cas (2°, 3° et 4°): connaissance de l'origine illicite

      Les trois cas de blanchiment décrits ci-dessus exigent que leur auteur connaissait l'origine illicite des avantages patrimoniaux au sens large, c'est-à-dire qu'ils sont tirés d'une infraction pénale, crime, délit ou contravention [42].

      Dans les cas visés aux 2° (recel élargi) et 4° (déguisement et dissimulation), la loi précise que l'élément moral s'étend à l'hypothèse où l'auteur de l'infraction de blanchiment “devait connaître” cette origine illicite.

      On peut s'interroger sur la portée de cette distinction [43]. En effet, il résulte des travaux préparatoires que, malgré l'emploi des termes “alors qu'ils en connaissaient ou devaient en connaître l'origine”, l'élément moral du délit de blanchiment est le même que celui défini par la jurisprudence pour le recel.

      De manière générale lorsqu'une loi pénale exige une connaissance de fait particulière parmi ses éléments constitutifs, ce n'est jamais la connaissance absolue.

      Toute erreur ne profitera pas nécessairement au prévenu: pour pouvoir invoquer son erreur, le prévenu devra être de bonne foi et la notion de bonne foi est exclusive de faute lourde [44]. Il existe toujours une limite objective: la loi ne peut devenir une prime à la paresse, à la négligence, à la stupidité, à la méchanceté ou au vice. On ne peut admettre la “négligence crasse: negligentia crassa” [45].

      La Cour de cassation a même décidé que la connaissance exigée par l'emploi de l'adverbe “sciemment”, comme élément de l'infraction “n'est pas la connaissance absolue”: cette condition n'a d'autre effet que de rendre opérante la bonne foi résultant de “l'erreur excusable”. Selon la Cour, le législateur a voulu, pour cette infraction, que l'ignorance puisse profiter au prévenu même si elle n'est pas invincible [46].

      Ces principes ont été consacrés par la jurisprudence et la doctrine à propos, notamment, du délit de fuite, de l'émission de chèque sans provision [47], de la tenue irrégulière de la comptabilité [48], du fait de sciemment ne pas effectuer des déclarations ou de fournir sciemment des renseignements inexacts à la CBFA en matière de transparence de l'actionnariat [49].

      Le délit de blanchiment est loin d'être un cas isolé à cet égard, lorsque l'on considère les infractions suivantes:

        • incendie volontaire dans un immeuble habité: “si l'auteur a dû présumer qu'il s'y trouvait une ou plusieurs personnes au moment de l'incendie” [50];
        • comptabilité: “Lorsque les dispositions n'ont pas été respectées, soit en sachant qu'elles ne l'avaient pas été, soit en n'ayant pas accompli les diligences normales pour s'assurer qu'elles avaient été respectées” [51];
        • délit d'initié: information “dont elles savent ou ne peuvent raisonnablement ignorer qu'elle est privilégiée”;
        • trafic d'hormones: “Celui dont on peut raisonnablement considérer qu'il savait ou devait savoir qu'il commercialisait des animaux auxquels des substances à effet hormonal ou anti-hormonal avaient été administrées en infraction aux dispositions (légales)” [52];
        • protection juridique des programmes d'ordinateur: “Ceux qui détiennent une copie d'un programme d'ordinateur en sachant qu'elle est illicite ou en ayant des raisons de le croire” [53];
        • fraude aux subventions: “Toute personne qui sait ou devait savoir n'avoir plus droit à l'intégralité d'une subvention, indemnité ou allocation (...) est tenue d'en faire la déclaration” [54]. La discussion de cette dernière disposition en commission de la Justice du Sénat ne prend pas moins de vingt pages du rapport de celle-ci [55]. Elle se conclut de la manière suivante: “À la suite de cet échange de vues, une majorité se dégage au sein de la commission en faveur de l'adoption du texte du projet de loi tel qu'il a été amendé par la Chambre, à condition que l'emploi des mots 'ou devait savoir' soit considéré non pas comme une application de l'adage 'nul n'est censé ignorer la loi' (et n'implique pas une présomption de connaissance), mais comme un moyen de permettre de déduire des circonstances de fait que l'intéressé devait nécessairement savoir qu'il n'avait plus droit à l'intégralité d'une subvention, d'une indemnité ou d'une allocation. Il est donc permis de rapporter la preuve à l'aide de présomptions de fait” [56];
        • harcèlement: “Quiconque aura harcelé une personne alors qu'il savait ou aurait dû savoir qu'il affecterait gravement, par ce comportement, la tranquillité de la personne visée” [57].

        En pratique, le juge fonde sa décision sur un ensemble d'indices et de données de fait et décide souverainement si les éléments de preuve rapportés constituent des présomptions sérieuses précises et concordantes qui prouvent l'infraction.

        Une analyse de la jurisprudence en matière de blanchiment donne un aperçu des circonstances qui peuvent amener le juge à estimer que la connaissance de l'origine criminelle est prouvée [58]:

          • l'absence d'une explication crédible concernant la possession de sommes d'argent importantes qui ne sont pas compatibles avec la situation financière apparente du prévenu, d'autant plus lorsque celui-ci est sans travail ou sans profession;
          • l'essai infructueux du prévenu de démontrer l'origine régulière de l'argent par des déclarations qu'il modifie continuellement, suivant les circonstances de l'enquête et les remarques des enquêteurs;
          • l'absence de pièces comptables en rapport avec l'activité commerçante avancée ou le constat d'irrégularité dans la comptabilité;
          • l'absence de motifs économiques véritables ou d'avantages financiers ainsi que l'absence d'un contrat sous-jacent justifiant le transfert de sommes d'argent importantes;
          • l'absence de justification, par le prévenu d'une inscription au registre du commerce ou à la TVA;
          • le fait que l'intéressé a des liens avec des milieux et des personnes déterminés qui ont déjà eu affaire à la justice;
          • le refus ou l'incapacité de fournir des renseignements sur la personne dont on a reçu l'argent;
          • la tentative de fuite du suspect lors de son interception;
          • l'utilisation de faux documents ou de fausses identités lors des opérations suspectes;
          • le fractionnement des opérations en vue d'obtenir des bordereaux distincts;
          • l'emploi de petites coupures indiquant qu'il s'agit d'un trafic de stupéfiants;
          • le fait que les opérations portent sur une somme réellement substantielle et qu'elle soit répartie sur peu de temps.

          Si chaque donnée prise séparément ne suffit pas nécessairement, l'ensemble ou la réunion de plusieurs d'entre elles, permet au juge de motiver sa décision en ce qui concerne l'existence de l'élément moral.

          2. Intention spéciale pour le 3°

          Tout comme le recel, les cas de blanchiment incriminés par l'article 505, alinéa 1er, 2° et 4°, ne requièrent, à côté de la connaissance exigée, aucune intention particulière.

          Il en va différemment pour le cas prévu à l'article 505, alinéa 1er, 3°, qui vise la conversion ou le transfert des avantages patrimoniaux au sens large.

          Ici la loi exige en outre, sur un mode alternatif, deux mobiles précis comme second élément subjectif de l'infraction:

            • le but de dissimuler ou de déguiser l'origine illicite des avantages patrimoniaux; ou
            • le but d'aider toute personne qui est impliquée dans la réalisation de l'infraction d'où proviennent ces avantages patrimoniaux, à échapper aux conséquences de ses actes.

            L'un de ces buts suffit.

            Plusieurs décisions judiciaires récentes soulignent cette différence qui existe entre l'élément moral prescrit d'une part par l'article 505, 2° et d'autre part, par l'article 505, 3° du Code pénal [59].

            C. Répression
            1. Évolution législative

            En raison des adaptations successives de l'article 505 du Code pénal, et en particulier des ajouts à ces articles de la loi du 7 avril 1995, le régime qui s'applique aux faits de blanchiment diffère suivant la période pendant laquelle ils ont été commis:

              • une première période s'étend de l'adoption de l'article 505, alinéa 1er, 2°, par la loi du 17 juillet 1990 à la modification de l'article 505 par la loi du 7 avril 1995. Le délit de blanchiment est alors introduit dans notre système pénal en tant que variante du délit de recel (“recel élargi”) avec toutes les limites propres à celui-ci. Il en résulte que le délit peut seulement être commis par des personnes étrangères à l'infraction de base et que l'auteur de l'infraction sous-jacente ne peut être condamné pour le blanchiment des actifs qu'il a acquis illégalement. La jurisprudence accepte cependant le caractère continué du délit;
              • par la modification législative du 7 avril 1995 (entrée en vigueur le 20 mai 1995), le délit de blanchiment acquiert une complète autonomie (art. 505, al. 1er, 3° et 4° et al. 2 et 3), et les faits de blanchiment sont précisément décrits. Outre les tiers, l'auteur, le coauteur ou le complice de l'infraction sous-jacente peuvent être aussi poursuivis pour le blanchiment des capitaux qui en sont issus [60], tandis que la tentative de blanchiment est également punissable [61]. Enfin le délit acquiert un caractère continu lorsque le comportement en cause suppose une certaine durée;
              • enfin la loi du 10 mai 2007 confirme le caractère continu de l'infraction lorsque le comportement en cause suppose une certaine durée, à la condition cependant que la connaissance de l'origine illicite intervienne au début des opérations envisagées. Elle met également une limite, sous condition, à l'article 505, 2° et 4° en cas de fraude fiscale simple. Elle confirme le caractère de peine de la confiscation spéciale et renforce la répression en obligeant le juge à saisir par équivalent l'objet du blanchiment s'il ne se trouve plus dans le patrimoine du condamné.
              2. Autonomie par rapport au recel

              Dans sa première version (loi du 17 juillet 1990), le délit de blanchiment était un recel élargi aux avantages patrimoniaux tirés d'une infraction pénale quelconque (art. 505, al. 1er, 2°).

              Depuis sa modification par la loi du 7 avril 1995, le délit de blanchiment, prévu à l'article 505 alinéa 1er, 2° à 4° du Code pénal, est devenu une infraction autonome par rapport au recel.

              Ce délit a donné lieu à une jurisprudence en majeure partie inédite [62].

              Les conséquences possibles de cette autonomie sont illustrées par un jugement du tribunal correctionnel de Bruges [63], qui devait se prononcer sur les faits suivants: un prévenu était poursuivi sur la base de l'article 505, alinéa 1er et alinéa 3, pour avoir dissimulé à la fin de 1995 et au début de 1996, un certain nombre de titres volés par le deuxième prévenu, dans un coffre en banque, avec l'intention de les réaliser plus tard.

              La particularité de l'affaire venait du fait que le premier prévenu avait déjà été définitivement condamné pour le recel des mêmes titres, qui toutefois n'avaient pas été retrouvés. Le juge estima néanmoins que le prévenu était coupable de blanchiment, entre autres pour les motifs suivants qui respectent pleinement la logique juridique de l'autonomie du délit: “Les titres doivent être considérés en l'espèce comme des avantages patrimoniaux qui sont issus directement d'une infraction (tels que visés à l'article 42, 3°, C. pén.)”, et “le placement des bons de caisse dans le coffre doit être considéré comme le transfert de ceux-ci (...) dans le but de dissimuler leur origine illégale (le recel)”.

              Ceci étant, en pratique, il n'est pas toujours aisé de faire la distinction entre recel et blanchiment et l'étude de la jurisprudence démontre un certain chevauchement entre les deux délits.

              Ainsi, en matière de recel, il a été jugé que l'objet de l'infraction n'est pas seulement le corps même du délit de base, mais aussi des choses qui en proviennent ou qui ont été obtenues “à l'aide” de l'infraction, comme le prix de la vente de l'objet volé ou encore la chose achetée au moyen de l'objet volé [64]. Il a même été décidé que se rend coupable de recel celui qui, connaissant l'origine illicite de fonds provenant d'un cambriolage, participe à une sortie financée avec cet argent [65].

              3. Délit instantané, continué ou continu?

              Selon les travaux préparatoires de la loi du 17 juillet 1990, le recel élargi visé à l'article 505, alinéa 1er, 2° du Code pénal a, tout comme le recel, un caractère instantané malgré les termes utilisés par la loi (possédé, gardé, géré) [66].

              C'est en ce sens que s'est prononcé un premier jugement [67]. Toutefois, d'autres décisions ont précisé que lorsque de nouveaux comportements ont lieu dans le cadre de la garde ou de la gestion, chaque acte conserve un caractère instantané, mais doit être considéré chaque fois séparément comme un délit [68]. Il s'agit donc d'un délit collectif ou continué [69].

              La Cour de cassation s'est prononcée en ce sens d'abord dans un arrêt du 31 octobre 1995 [70] qui confirme que: “L'infraction mise à charge n'est pas un recel, mais une infraction particulière dont le caractère instantané n'empêche pas la commission d'actes punissables successifs” et que “suivant les travaux préparatoires, l'article 505, 2° du Code pénal, introduit par l'article 5 de la loi du 17 juillet 1990, rend punissables comme faits distincts, à côté de la prise de possession, de la garde ou de la gestion de choses dont on connaissait ou devait connaître l'origine, ce qui est une infraction instantanée, également des actes ultérieurs d'administration posés par celui qui a sciemment pris des choses en possession, en dépôt ou en gestion.”

              Dans une autre affaire, devant le tribunal correctionnel de Bruxelles, il a été jugé que “le délit de blanchiment est une infraction instantanée qui se consomme dès que l'acte de gestion au sens large, tel que décrit dans les 2°, 3° et 4° de l'alinéa 1er de l'article 505 du Code pénal est posé par son auteur”.

              À propos de l'article 505, alinéa 1er, 2°, et de faits commis avant la modification du 7 avril 1995, la Cour de cassation a confirmé que le caractère instantané du délit de blanchiment n'empêche pas sa réalisation chaque fois que l'auteur accomplit, à l'égard de biens ou de valeurs dont il connaissait ou devait connaître l'origine délictueuse, un des actes décrits par la loi [71].

              Les travaux préparatoires de la loi du 7 avril 1995 ont ensuite reconnu le caractère continu du délit quand les faits sont en relation avec des actes qui s'étendent dans le temps comme la possession, la garde, la gestion, la dissimulation ou le déguisement [72].

              Toutefois il paraissait exister une différence, à ce sujet, entre les versions française et néerlandaise de l'article 505, alinéa 1er, 2°: “possédé, gardé ou géré”, “in bezit, bewaring of beheer hebben genomen”. Le texte néerlandais paraissait en effet viser des comportements instantanés.

              Ces conséquences sont évidemment importantes: effet de la connaissance postérieure à la réception des avantages patrimoniaux, début de la prescription de l'action publique et compétence des juridictions belges.

              Le législateur a eu pour intention de faire de certains faits visés à l'article 505, alinéa 1er, 2° une infraction continue.

              Toutefois, au cours des débats, il a accepté qu'on ne saurait concevoir que quelqu'un soit passible de sanctions pénales par le seul fait de prendre connaissance de l'origine illicite des fonds dans le courant de sa détention, possession ou gestion de ceux-ci, et ce, en l'absence de la réalisation de nouveaux comportements. Le caractère continu est alors disproportionné dans la mesure où il a pour effet que le tiers receleur accomplit un acte punissable même s'il ne découvre l'origine illicite qu'après être entré en possession des biens, dont il ne pourra d'ailleurs pas se débarrasser sans commettre à nouveau un acte punissable. C'est la raison pour laquelle il a finalement intégré les mots “alors qu'il connaissait ou devait connaître l'origine de ces choses au début de ces opérations”.

              Par conséquent, dès à présent, le caractère continu ou non du délit de blanchiment dépendra du moment où l'auteur a pris connaissance du caractère illégal de l'avantage patrimonial. Si l'élément intentionnel est présent au moment de l'acte, il s'agit d'un délit continu [73].

              Le texte néerlandais a également été adapté afin d'en faire un délit continu, en remplaçant notamment les mots “in bezit, bewaring of beheer hebben genomen” par “bezitten, bewaren of beheren” et les mots “omgezet of overgedragen hebben” par “omzetten of overdragen”.

              On pourra donc, à l'avenir, se référer utilement à la jurisprudence en matière de recel, délit instantané lorsque, sur la base du dossier, le juge répressif constate que le prévenu a pris connaissance, à un certain moment, de l'origine illicite de la chose qu'il possède, mais que cette prise de connaissance s'est chronologiquement effectuée après la prise de possession. Il devra alors prononcer l'acquittement, quand bien même il estimerait cette attitude moralement “blâmable” [74].

              Ainsi, le tribunal correctionnel de Bruxelles a estimé qu'une personne morale ne pouvait pas être déclarée coupable lorsqu'il n'était pas établi qu'au moment où elle avait acquis les objets litigieux, soit avant l'entrée en vigueur de la loi du 4 mai 1999 instaurant la responsabilité pénale des personnes morales, elle en ait connu l'origine délictueuse [75].

              4. Délais raisonnables

              Les dossiers de blanchiment sont souvent complexes et longs.

              Ainsi, justifie légalement la décision de maintien de la détention préventive, l'arrêt de la chambre des mises en accusation qui considère que le délai raisonnable prévu par l'article 5 § 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas dépassé, lorsqu'il se fonde sur la nature et la complexité des faits dont l'inculpé est soupçonné, sur la difficulté de déterminer le rôle de chacun, sur les mécanismes de blanchiment et les opérations complexes que l'inculpé est soupçonné d'avoir mis en place à l'étranger mettant un obstacle délibéré à la manifestation de la vérité, et sur des agissements rendant l'instruction plus longue et plus complexe [76].

              Ceci dit, en pratique, lorsque l'affaire est appelée à être jugée par des juridictions de fond et que des sanctions doivent, le cas échéant, être prononcées, les cours et tribunaux appliquent apparemment régulièrement, comme il se doit, les principes en matière de délai raisonnable et prononcent, lorsque la longueur de la procédure le justifie, de simples déclarations de culpabilité.

              On notera que cet état de fait semble être regretté par la C.T.I.F. qui, dans son rapport annuel 2006, remarque que “plusieurs décisions font référence au délai raisonnable” pour se limiter à prononcer de simples déclarations de culpabilité et qu'“il convient dès lors que les nécessités de l'enquête puissent justifier le délai pendant lequel les investigations vont être réalisées au niveau de l'infraction de blanchiment en tant que telle” [77].

              5. Peines
              1) Prison et/ou amende

              Le blanchiment est un délit, puni des mêmes peines que le recel simple, à savoir d'un emprisonnement de quinze jours à cinq ans et d'une amende de 26 EUR à 100.000 EUR ou d'une de ces peines seulement.

              2) Tentative

              La tentative des trois cas de blanchiment est punissable, ce qui n'est pas le cas du recel [78].

              3) Interdictions civiles et professionnelles

              Comme pour le recel, la peine accessoire facultative de l'interdiction, conformément à l'article 33 du Code pénal, est applicable [79].

              Recel et blanchiment sont également visés par l'arrêté royal n° 22 du 24 octobre 1934 relatif à l'interdiction judiciaire faite à certains condamnés et faillis d'exercer certaines fonctions, professions ou activités [80].

              4) Confiscation spéciale élargie obligatoire
              a) Rappel de notions - Mécanisme général de la confiscation

              Saisie et confiscation ne doivent bien entendu pas être confondues.

              La saisie pénale est une mesure provisoire qui vise à garder certains biens sous la main de la justice, et qui peut porter sur des biens autres que ceux qui sont susceptibles d'être confisqués. La saisie peut être décidée tantôt par un juge d'instruction, tantôt en dehors de l'intervention d'un juge, par exemple à l'initiative du procureur du Roi, ou d'un agent ou officier de police judiciaire.

              Il n'en va pas de même pour la confiscation qui est une dépossession forcée dans les cas prévus par la loi, et qui consiste soit en une peine accessoire, soit en une mesure de sûreté.

              La confiscation générale des biens étant interdite par la Constitution [81], le droit belge ne connaît plus que la confiscation dite “spéciale”.

              La confiscation relève, en règle, d'une appréciation souveraine du juge du fond et n'est juridiquement pas subordonnée à une saisie préalable même si, en pratique, le cas est fréquent pour des raisons d'efficacité [82].

              La confiscation prévue par l'article 42, 1° et 2°, est obligatoire pour les crimes et les délits et facultative pour les contraventions [83]. Elle s'applique à toute chose mobilière formant l'objet de l'infraction (p. ex.: l'acte falsifié, la drogue, le meuble incendié, etc.) ou qui a servi ou a été destiné à commettre l'infraction (p. ex.: armes, véhicules, instruments servant à fractionner les portes,…) “pourvu que la propriété en appartienne au condamné” [84], ainsi qu'aux choses produites par l'infraction (oeuvres d'art contrefaites, billets de banque fabriqués, etc.).

              L'article 42, 3° du Code pénal, introduit par la loi du 17 juillet 1990, a “étendu” la confiscation spéciale aux “avantages patrimoniaux tirés directement d'une infraction, aux biens et valeurs qui leur ont été substitués et aux revenus de ces avantages investis”.

              La confiscation spéciale prévue par l'article 42, 3° est, en règle générale, facultative, sauf en matière de blanchiment, comme examiné ci-après.

              b) Confiscation spéciale obligatoire en matière de blanchiment

              L'article 505 du Code pénal (et non l'art. 42) établit toutefois un régime de confiscation spécifique, qui déroge au mécanisme général de la confiscation, selon les voeux du législateur [85].

              Dans sa version précédent l'adoption de la nouvelle loi, l'article 505, alinéa 3 disposait que:

              “Les choses visées aux 1°, 2°, 3° et 4° du présent article constituent l'objet des infractions couvertes par ces dispositions, au sens de l'article 42, 1° et seront confisqués, même si la propriété n'en appartient pas au condamné, sans que cette confiscation puisse cependant porter préjudice aux droits des tiers sur les biens susceptibles de faire l'objet de la confiscation.”

              La jurisprudence était controversée, jusqu'au niveau de la Cour de cassation, quant à savoir si cette confiscation spéciale obligatoire prévue à l'article 505, alinéa 3 était une peine ou une mesure de sûreté, ce qui emporte des conséquences différentes. En effet, si la confiscation est une peine, elle est prononcée de manière personnelle à charge de chacune des personnes condamnées du chef de blanchiment. Si à l'inverse, il s'agit d'une mesure de sûreté, la confiscation ne peut pas être prononcée à l'égard de chacun des condamnés qui auront successivement possédé, gardé ou géré les choses blanchies.

              Ainsi, la cour d'appel de Bruxelles a dû trancher la question de savoir si la confiscation au sens de l'article 505, alinéa 3 du Code pénal peut et doit être prononcée à charge de chacun des différents prévenus s'étant rendus coupables du blanchiment des mêmes biens, la confiscation prononcée pouvant dans ce cas excéder la somme de ces biens considérés comme objet de l'infraction. Tenant compte de la nature de peine de la confiscation au sens de l'article 505, alinéa 3 du Code pénal, la cour a estimé que rien ne s'oppose à ce qu'elle soit prononcée à charge de différents prévenus, sans pour autant que l'article 43bis du Code pénal qui vise la confiscation par équivalent, soit appliqué. La cour distingue, en effet, la condamnation à la confiscation et l'exécution de celle-ci: la confiscation doit être prononcée autant de fois qu'il y a de prévenus coupables de blanchiment mais l'exécution de la confiscation ne pourra, selon la cour, affecter le patrimoine de la personne condamnée que dans la mesure où les biens blanchis se sont retrouvés dans le patrimoine de celle-ci [86].

              Dans son arrêt du 21 octobre 2003, la Cour de cassation a rappelé qu'il résulte de l'alinéa 3 de l'article 505 qu'il y a lieu de confisquer les choses visées aux 1°, 2°, 3° et 4° de l'alinéa 1er de cet article, même si la propriété n'en appartient pas au condamné et que ces choses ne font pas partie de son patrimoine. Ni le principe général du droit de la personnalité des peines, ni la nature propre de la confiscation de l'objet de l'infraction n'empêchent que plusieurs auteurs, ayant commis ensemble une infraction de blanchiment (1° à 4°) et ayant pour objet un avantage patrimonial déterminé, soient tous condamnés à la confiscation de celui-ci, dès lors que l'exécution de ces peines ne saurait, en aucun cas, excéder les limites de cet avantage [87]. La Cour précise à cette occasion que le délit de blanchiment “tend à combattre les agissements du délinquant qui organise sa propre insolvabilité au profit ou à l'aide de tiers dans le but d'empêcher la confiscation des avantages patrimoniaux” [88].

              Dans un autre arrêt du 14 janvier 2004, rendu sur les conclusions contraires du ministère public, la Cour de cassation paraît toutefois s'être fondée sur une approche différente [89]. Elle considère, en effet, “que la confiscation circonscrite aux fonds ayant fait l'objet du délit de blanchiment n'emporte aucune atteinte au patrimoine du condamné qui s'est borné à les gérer pour le compte d'un tiers avant de les lui remettre, de sorte que, à l'égard de ce condamné, ladite confiscation ne saurait avoir la nature d'une peine” [90]. La Cour rappelle “qu'en vertu de l'article 505 alinéa 3 du Code pénal, l'objet du délit de blanchiment sera confisqué même si la propriété n'en appartient pas au condamné”. Pour elle, “la disposition suivant laquelle cette confiscation ne peut porter préjudice aux droits des tiers tend uniquement à réserver les droits que ceux-ci pourront faire valoir sur la chose en vertu de leur possession légitime mais n'interdit pas au juge, sauf l'exercice de ces droits, de confisquer l'objet du délit là où il se trouve” [91]. En conséquence, “s'il impose au juge la confiscation de l'objet du délit de blanchiment, l'article 505 alinéa 3 du Code pénal ne lui prescrit pas de confisquer cet objet à charge de chacune des personnes qui l'auront successivement possédé, gardé ou géré”.

              Le ministère public soutenait que si elle avait un caractère réel, cette confiscation était bien une peine accessoire et non une mesure de sûreté. Pour lui, “le caractère réel d'une peine accessoire n'altère pas l'obligation de la prononcer à charge de celui qui est déclaré coupable d'avoir commis l'infraction en vertu de laquelle elle est infligée. En conséquence, même si la confiscation a un caractère réel, la condamnation à celle-ci demeure, quant à elle personnelle. En application du principe général du droit de la personnalité des peines, la confiscation obligatoire des fonds blanchis doit donc être prononcée à l'égard de celui qui est condamné du chef de blanchiment. Si plusieurs prévenus sont condamnés pour avoir blanchi ces fonds, ladite peine doit être prononcée contre chaque condamné, en vertu de son caractère obligatoire, mais aussi parce que la peine est individuelle” [92].

              Dans la lignée de cet arrêt, on notera également une décision du tribunal de première instance de Liège du 10 octobre 2006 [93] selon laquelle: “s'il impose au juge la confiscation de l'objet du délit de blanchiment, l'article 505, 3° du Code pénal ne prescrit pas de confisquer cet objet à charge de chacune des personnes qui l'auront successivement possédé, gardé ou géré. La confiscation circonscrite aux fonds ayant fait l'objet du délit de blanchiment ne porte aucune atteinte au patrimoine du condamné qui s'est borné à les gérer pour le compte d'un tiers avant de les lui remettre de sorte que, à l'égard de ce condamné, ladite confiscation ne saurait avoir la nature d'une peine. La confiscation de l'objet de blanchiment a un caractère réel: l'objet du blanchiment est unique et ne peut se voir démultiplier au fil des confiscations prononcées. Tant que les fonds blanchis restent identifiables et individualisables, la confiscation ne peut que s'exécuter sur ces fonds en tant que tels”.

              Tous les commentateurs de ces décisions s'accordaient pour souligner que cette jurisprudence contradictoire de la haute Cour était source d'insécurité juridique et qu'il appartenait sans doute au législateur de préciser son intention dans une réforme de ces textes.

              C'est maintenant chose faite: la loi du 10 mai 2007 confirme dans le texte même de l'article 505 qu'il s'agit bien d'une “peine” et non d'une mesure de sûreté. Il prévoit également expressément, le cas échéant, que celle-ci peut être exécutée par équivalent.

              c) Objet de la confiscation spéciale obligatoire et confiscation par équivalent

              La jurisprudence était controversée en ce qui concerne l'objet de cette confiscation spécifique, sans doute notamment en raison de la complexité des dispositions applicables: il faut obligatoirement confisquer “l'objet” du blanchiment, lui-même défini par référence à l'article relatif à la confiscation spéciale (obligatoire et facultative), qui lui-même a une vocation générale et s'applique à l'ensemble des délits du Code pénal, sans préjudice de l'application générale des dispositions relatives à la confiscation par équivalent et l'application du régime de la confiscation spéciale facultative aux auteurs de l'infraction de base, auteurs qui peuvent être les mêmes que ceux du délit de blanchiment…

              Dans un arrêt du 4 avril 2006, la Cour de cassation a eu l'occasion de revenir sur certains principes de base en la matière et de trancher la controverse doctrinale à ce propos.

              Dans cette affaire, le ministère public, après avoir rappelé que l'infraction de blanchiment est un délit spécifique qui intervient à la suite d'une infraction de base, dont sont issus les avantages patrimoniaux blanchis, expose le raisonnement suivant:

              Pour la personne qui a commis l'infraction de base, les avantages patrimoniaux directement issus de cette infraction sont visés à l'article 42, 3° du Code pénal et peuvent faire l'objet d'une confiscation spéciale par équivalent sur base de l'article 43bis du Code pénal (qui se réfère uniquement aux “choses visées à l'art. 42, 3°” du Code pénal).

              En revanche, pour l'auteur du blanchiment de ces avantages patrimoniaux, ces avantages patrimoniaux forment l'objet de l'infraction de blanchiment au sens de l'article 42, 1° du Code pénal.

              Par conséquent, selon le ministère public, il n'y a pas application combinée des articles 42, 1° et 42, 3° du Code pénal en matière de blanchiment, de sorte qu'une condamnation du chef de blanchiment portant sur des avoirs patrimoniaux qui forment l'objet de cette infraction n'impose pas comme préalable une culpabilité pour l'infraction de base dont sont issus ces avantages patrimoniaux. Il s'agit d'infractions distinctes qui ont des bases légales différentes et qui ne sont pas interdépendantes quant à leur existence.

              Par ailleurs, l'avocat général souligne que si les avantages patrimoniaux blanchis forment l'objet du blanchiment au sens de l'article 42, 1°, il en va par contre autrement de la commission qui est perçue par le blanchisseur qui constitue en tant que telle un avantage patrimonial issu de l'infraction de blanchiment au sens de l'article 42, 3° du Code pénal. Cet avantage patrimonial peut également faire l'objet d'une confiscation spéciale par équivalent telle que prévue à l'article 43bis du Code pénal.

              Dans son arrêt, la Cour souligne que “la confiscation spéciale par équivalent visée à l'article 43bis, alinéa 2 du Code pénal peut seulement être prononcée pour des choses visées à l'article 42, 3° du Code pénal (avantages patrimoniaux résultant d'une infraction), et non pas pour les choses visées à l'article 42, 1° du Code pénal (objet d'une infraction)” [94].

              Par conséquent, selon la Cour, les avantages patrimoniaux objets du blanchiment ne peuvent pas faire l'objet d'une confiscation par équivalent, ce qui n'empêche pas de confisquer par équivalent des avantages patrimoniaux tirés de l'infraction de blanchiment elle-même, comme par exemple la commission du blanchisseur.

              Dans son Rapport annuel 2006, la C.T.I.F. commente cet arrêt comme suit, en reprenant à son compte les conclusions générales de l'avocat général De Swaef: “En réalité, la seule lecture de l'article 505 du Code pénal amène à considérer que la confiscation par équivalent n'est pas possible pour les avantages patrimoniaux blanchis qui forment l'objet de l'infraction de blanchiment au sens de l'article 42, 1° du Code pénal. Or, l'article 43bis du Code pénal ne permet la confiscation par équivalent que pour les avantages patrimoniaux qui sont tirés directement de l'infraction au sens de l'article 42, 3° du Code pénal. Si le législateur avait voulu élargir les possibilités de confiscation par équivalent aux choses qui forment l'objet de l'infraction, il aurait alors dû le prévoir de manière explicite. Il convient aussi de garder à l'esprit la finalité du régime de confiscation par équivalent pour les avantages patrimoniaux. L'objectif est de pouvoir saisir ces avantages directement ou indirectement même si ceux-ci ne peuvent pas être trouvés en tant que tels dans le patrimoine de la personne condamnée. La logique de ce système, relève la C.T.I.F., vise dès lors à atteindre l'auteur de l'infraction de base et non pas le blanchisseur, de sorte que si ces profits ne sont pas ou plus individualisables dans le patrimoine de ce dernier, il n'y a pas lieu de les confisquer par équivalent au sens de l'article 43bis du Code pénal bien que ces avantages patrimoniaux blanchis doivent, par contre, obligatoirement être confisqués sur base de l'article 505, alinéa 3 du Code pénal, même si la propriété n'en appartient pas à l'auteur du blanchiment. Cette règle ne vaut cependant que pour les choses individualisables et celles-ci ne sont donc pas susceptibles de confiscation par équivalent.

              Il se déduit également du caractère obligatoire de la confiscation des avantages patrimoniaux blanchis que cette confiscation ne peut pas être interprétée comme valant également pour les hypothèses de confiscation par équivalent visées à l'article 43bis du Code pénal. En effet, comment concilier le caractère obligatoire de cette confiscation des avantages patrimoniaux blanchis à voir le texte de l'article 43bis du Code pénal qui dispose que la confiscation des choses visées à l'article 43bis qui dispose que la confiscation des choses visées à l'article 42, 3° du Code pénal pourra toujours être prononcée par le juge mais uniquement dans la mesure où elle est requise par écrit par le procureur du Roi.

              La confiscation des avantages patrimoniaux visée à l'article 42, 3° du Code pénal est toujours facultative de sorte que cette confiscation, susceptible d'être prolongée par équivalent ne semble pas pouvoir s'appliquer aux avantages patrimoniaux blanchis dont la confiscation est obligatoire au sens de l'article 505, alinéa 3 du Code pénal. L'ensemble de ces arguments plaide en faveur d'une impossibilité de voir confisquer par équivalent les avantages patrimoniaux blanchis considérés comme formant l'objet de l'infraction de blanchiment au sens de l'article 42, 1° du Code pénal.” [95].

              Dans un arrêt du 6 juin 2006, la Cour de cassation précise également à ce sujet qu'en vertu de l'article 505 du Code pénal, en cas de blanchiment d'avantages patrimoniaux, “la confiscation obligatoire doit porter sur les avantages patrimoniaux blanchis comme tels et non pas sur un montant équivalent. Lorsque les avantages patrimoniaux blanchis sont des sommes d'argent et que des montants y correspondant se retrouvent dans le patrimoine de l'auteur de l'opération de blanchiment, le juge peut considérer que ces montants sont les sommes d'argent blanchies qui se trouvent toujours dans le patrimoine de l'auteur et constituent donc l'objet de l'infraction” [96]. Par conséquent, la confiscation de ces sommes d'argent ne concerne pas des montants correspondant à des avantages patrimoniaux qui ne se trouvent pas dans le patrimoine du prévenu et “l'arrêt a pu considérer souverainement que les sommes saisies sur les comptes en banque du demandeur et de son coprévenu sont des choses formant l'objet de l'infraction de blanchiment”.

              Dans un arrêt du 21 mars 2006 [97], la Cour de cassation avait déjà appliqué les principes qui précèdent en considérant qu'en ce qui concerne l'objet de la confiscation spéciale des avantages patrimoniaux blanchis, les avantages patrimoniaux blanchis forment l'objet de l'infraction de blanchiment et leur confiscation est dès lors obligatoire en vertu de l'article 42, 1° combiné avec l'article 43 du Code pénal et ce, contrairement à la confiscation des avantages patrimoniaux visés à l'article 42, 3° du Code pénal. Ainsi, la Cour de cassation dispose que “le prévenu qui sait qu'une infraction à l'article 505, alinéa 1er, 2°, 3° et 4° du Code pénal est mise à sa charge, sait à l'avance qu'une telle confiscation sera donc obligatoirement prononcée en cas de déclaration de culpabilité et il doit dès lors se défendre à ce sujet”. La confiscation des avantages patrimoniaux blanchis étant obligatoire, la Cour estime que le juge “motive légalement sa décision par la constatation que les conditions légales sont remplies” [98].

              Toujours dans ce même arrêt, la Cour de cassation rappelle que si l'article 43bis du Code pénal prévoit que “la confiscation s'appliquant aux choses visées à l'article 42, 3° du même code pourra toujours être prononcée par le juge mais uniquement dans la mesure où elle est requise par écrit par le procureur du Roi”, il y a par contre lieu de constater que “l'article 43bis du Code pénal ne dispose pas que la confiscation des choses visées à l'article 42, 1° et 2° du même code n'est possible que moyennant la réquisition écrite préalable du ministère public, ce qui a effectivement son importance”.

              Prenant en considération la jurisprudence qui précède, le législateur a décidé de renforcer la peine de confiscation obligatoire spéciale en rendant obligatoire, à charge de tous les auteurs, coauteurs et complices, la peine de confiscation de l'objet de blanchiment [99], cette peine étant prononcée par équivalent lorsque l'objet du blanchiment ne se trouve plus dans le patrimoine des personnes condamnées.

              Les deux seuls tempéraments apportés par le législateur à cette lourdeur exceptionnelle de la sanction sont, pour l'article 505, 2°, que la confiscation doit être “proportionnelle à la participation du condamné à l'infraction” et pour l'article 505, 3° que “le juge peut réduire cette somme en vue de ne pas soumettre le condamné à une peine déraisonnablement lourde”.

              Me Risopoulos a eu l'occasion d'être longuement interrogé par les sénateurs dans le cadre de l'élaboration de la loi. Il estime à ce propos que ces tempéraments sont “flous” et “insuffisants” et s'étonne de l'introduction de notions aussi subjectives dans le Code pénal.

              Comme le relève maître Risopoulos “pourquoi priver le juge d'un véritable pouvoir d'appréciation”? D'après maître Risopoulos, le système mis en place revient finalement à une confiscation générale des biens, prohibée par la Constitution. Il aurait mieux valu prévoir une confiscation facultative des choses qui ne sont plus dans le patrimoine du condamné, ce qui reste très discutable sur le plan des principes, mais qui permettrait à tout le moins de tempérer le système mis en place.

              Certains sénateurs ont rétorqué que concernant les peines, il fallait qu'elles soient lourdes “pour faire mal aux blanchisseurs”.

              Me Risopoulos a mis en garde, en vain, les auteurs de la loi contre un régime de sanctions disproportionnées qui ne va pas nécessairement de paire avec une bonne administration de la justice. Il cite à cet effet un exemple de la jurisprudence: “Les personnes assurent sur une base régulière, au profit d'une organisation criminelle, le courrier de fond provenant du trafic de drogue. Contre une rémunération de 2.500 USD par voyage, elles rapatrient 100.000 USD de la Belgique vers la Colombie. Elles effectuent ce trafic sur une base régulière pendant deux ans. Lorsque ces 'petits courriers' sont arrêtés, il est évident que les millions de dollars qu'ils ont transportés ne sont plus en leur possession. On évalue le montant total de la fraude à 10.000.000 USD.

              En application de (l'ancienne législation avant sa modification par la loi du 10 mai 2007), ces 'petits courriers' sont condamnés par la cour d'appel à 'une peine de prison très lourde, à des amendes élevées, à la confiscation par équivalent du profit personnel qu'ils ont tiré de leurs voyages. Toutes ces peines sont logiques. Le parquet avait en plus demandé la confiscation par équivalent d'un montant de dix millions de dollars correspondant au montant total de la fraude, à charge de chacun des courriers. (La loi actuelle) oblige le juge à condamner les petits courriers à la confiscation par équivalent pour un montant de dix millions de dollars en plus des peines de prison, des amendes et des peines de confiscation du profit personnel qu'ils ont tirés de la participation. Le juge doit prononcer la confiscation par équivalent, sauf si cela a pour conséquence de soumettre le condamné à une peine déraisonnablement lourde. Me Risopoulos trouve que la réserve est assez ambigüe. D'autre part, il doute qu'une peine aussi disproportionnée constitue une sanction adéquate. Le système actuel de sanction est suffisant sans qu'il faille ajouter la confiscation par équivalent pour l'ensemble”.

              Le législateur n'a cependant pas suivi cet avis [100].

              d) Confiscation du profit brut ou du profit net?

              En matière de confiscation, la Cour de cassation s'est encore intéressée, en 2006, à la question de savoir si l'avantage patrimonial doit se comprendre comme étant le “profit brut” produit par l'infraction (le chiffre d'affaires) ou le “bénéfice net” après déduction des frais.

              Dans cette matière, un premier arrêt de principe avait été rendu le 18 février 1997, affirmant que lorsque “le juge évalue les avantages patrimoniaux tirés de l'infraction, il n'est pas tenu de déduire les frais causés par la réalisation de l'infraction” [101].

              En 2006, la Cour de cassation a été saisie d'un pourvoi contre un arrêt de la cour d'appel de Mons rendu dans le cadre d'un trafic de drogue. Le ministère public y avait requis par écrit la confiscation par équivalent de la somme de € 274.900, représentant l'évaluation de l'avantage patrimonial tiré de l'infraction. La défense, elle, soutenait que pour ordonner la confiscation d'un bien, il faut que celui-ci se trouve effectivement dans le patrimoine des prévenus. En l'espèce, ils soutenaient que ce n'était pas le cas car ils avaient dépensé ou réinvesti la quasi-totalité des profits qu'ils avaient retiré de leur trafic.

              La cour d'appel a estimé que la somme de € 274.900 dont le ministère public demandait la confiscation par équivalent correspondait à l'évaluation du bénéfice brut tiré par les prévenus du trafic de drogue et que cette évaluation ne pouvait être retenue. La cour d'appel souligne que l'avantage patrimonial tiré de la vente des produits stupéfiants n'équivalait pas au montant des recettes générées par celui-ci: le gain correspond à la différence entre le coût d'achat (ignoré) de la marchandise et son prix de vente. Dans la mesure où l'avantage patrimonial était incontestable, la cour se trouvant dans l'impossibilité de le chiffrer avec certitude, elle a recouru à une estimation ex aequo et bono, fixant globalement les avantages patrimoniaux à la somme de € 100.000 et a ensuite divisé cette somme en sanctionnant chacun des prévenus dans la mesure des avantages qu'ils avaient retirés de leur participation au trafic.

              Le ministère public se pourvut en cassation.

              Les questions qui se posaient était donc celles de savoir si, lorsqu'il prononce une peine de confiscation, le juge peut, d'une part, prendre comme base d'évaluation le montant brut de l'avantage patrimonial sans déduction des frais et s'il en a, d'autre part, l'obligation?

              Dans ses conclusions, l'avocat général D. Vandermeersch estime que le deuxième aspect de la question est le plus simple: en raison du caractère facultatif tant de la confiscation prononcée sur la base de l'article 42, 3° que de celle prononcée par équivalent, le juge dispose d'un pouvoir d'appréciation totale pour déterminer le montant de l'avantage patrimonial qu'il entend retenir pour prononcer la confiscation. Il en résulte qu'il n'est jamais tenu de prononcer la confiscation du montant brut de l'avantage patrimonial.

              Par ailleurs, en a-t-il la faculté? L'avocat général D. Vandermeersch répond comme suit: “Votre cour me paraît avoir répondu positivement à cette question: elle considère qu'en application de l'article 42, 3° du Code pénal, lorsque le juge évalue les avantages patrimoniaux tirés de l'infraction, il n'est pas tenu de déduire les frais liés à la réalisation de l'infraction. C'est également la solution qui se dégage des travaux parlementaires de la loi du 17 juillet 1990: l'exposé des motifs précise que 'le juge considère les bénéfices bruts et n'a pas à prendre en compte les coûts qu'a pu entraîner l'infraction pour son auteur'.

              En considérant, préalablement à l'évaluation en fait de l'avantage patrimonial, que l'avantage patrimonial tiré de la vente des produits stupéfiants n'équivaut pas au montant des recettes générées par celle-ci; que le gain correspond à la différence entre le coût d'achat (ignoré) de la marchandise et son prix de vente', les juges d'appel ont posé comme principe de base pour leur évaluation la règle suivant laquelle seul le montant net de la vente, après déduction du prix d'achat, pouvait être pris en considération. Par ces considérations, les juges d'appel ont, à mon sens, méconnu la notion légale d'avantages patrimoniaux au sens de l'article 42, 3° du Code pénal.”

              Sur cette base, l'arrêt de la Cour de cassation du 27 septembre 2006 énonce que pour évaluer le profit obtenu grâce à la commission de l'infraction, le juge a la faculté d'en déterminer le montant brut et qu'il n'est dès lors pas obligé de tenir compte du montant net. Il s'agit là d'une question d'appréciation souveraine du juge, ce qui n'empêche pas la Cour de cassation d'exercer un contrôle marginal en vérifiant si, préalablement à son appréciation en fait, le juge n'a pas méconnu la notion légale d'avantage patrimonial au sens de l'article 42, 3° du Code pénal [102].

              e) Concours d'infractions

              En matière de confiscation, un prévenu s'était défendu en alléguant que, poursuivi à la fois pour blanchiment et également pour faux en écriture, il y avait lieu de lui d'appliquer l'article 65 du Code pénal qui prévoit que seule la peine la plus forte est prononcée. Il alléguait que la peine la plus forte étant celle sanctionnant le faux en écriture, et que par conséquent la peine accessoire de confiscation prononcée en application de l'article 505, alinéa 1er, 3° et 4° et alinéa 3 du même code, était donc illégale.

              La Cour de cassation a rejeté cette argumentation en rappelant par un arrêt du 25 octobre 2006 [103] que l'article 65 du Code pénal n'est pas applicable aux peines de confiscation spéciale, qui sont dès lors toujours cumulées en présence de plusieurs infractions [104].

              f) Responsabilité pénale des personnes morales

              Une analyse de jurisprudence fait également remarquer que la responsabilité pénale des personnes morales est rarement retenue du chef de blanchiment.

              En effet, la C.T.I.F. souligne à cet égard dans son Rapport annuel 2006 que “les mécanismes de blanchiment et les schémas de fraude mis en place s'articulent la plupart du temps autour de diverses sociétés qui, en réalité, ne sont généralement utilisées qu'au profit de leurs dirigeants, dans leur intérêt et pour leur propre compte, de telle sorte que la responsabilité pénale de la personne morale n'a pas semblé pouvoir être retenue dans ces hypothèses”.

              g) Écoutes téléphoniques

              Signalons encore que la loi du 30 juin 1994 relative à la protection de la vie privée contre les écoutes, la prise de connaissance et l'enregistrement de communications et de télécommunications privées prévoit le délit de blanchiment parmi les infractions pour lesquelles des écoutes peuvent être ordonnées par les autorités judiciaires [105].

              III. Dispositif préventif

              Comme exposé ci-avant, nous n'analyserons pas les nouveautés en matière de lutte préventive contre le blanchiment, en particulier ce qui concerne de la prévention du blanchiment et la fraude fiscale.

              Nous nous bornerons à mettre en exergue certains points choisis ayant fait l'objet de décisions récentes de jurisprudence.

              A. Rôle de la C.T.I.F. - Utilisation des informations par le parquet

              Le rôle de la cellule de traitement des informations financières ainsi que celui des autorités judiciaires qui obtiennent des renseignements de la part de la cellule a retenu l'attention de la Cour de cassation dans sa dernière jurisprudence.

              Dans un dossier, des informations avaient été obtenues du parquet de la part de la C.T.I.F. Le parquet les avait ensuite utilisées pour poursuivre des personnes du chef d'autres infractions que celles de blanchiment.

              Les prévenus avaient alors allégué dans le cadre de la procédure que les poursuites étaient illégales, en raison de la violation de la directive anti-blanchiment de 1991.

              La Cour de cassation a rappelé dans ce cadre que l'article 1 in fine de la directive anti-blanchiment considère qu'aux fins de la directive, on entend par “autorité compétente” les autorités nationales habilitées en vertu d'une loi ou d'une réglementation à contrôler les établissements de crédit ou les institutions financières. L'article 6 de la directive dispose que les États membres veillent à ce que les établissements de crédit et les institutions financières, ainsi que leurs dirigeants et employés, coopèrent pleinement avec les autorités responsables de la lutte contre le blanchiment de capitaux en informant, de leur propre initiative ces autorités de tout fait qui pourrait être l'indice d'un blanchiment de capitaux et en fournissant à ces autorités, à leur demande, toutes les informations nécessaires conformément aux procédures prévues par la législation applicable.

              Ces informations sont transmises aux autorités et ne peuvent être utilisées uniquement qu'à des fins de lutte contre le blanchiment de capitaux. Toutefois, les États membres peuvent prévoir que ces informations sont susceptibles d'être utilisées également à d'autres fins.

              La Cour de cassation souligne que l'argumentation des prévenus repose sur les suppositions que la notion d'autorité correspond en Belgique à la Commission bancaire, financière et des assurances. La Cour rétorque que contrairement à cette supposition, les autorités visées par les dispositions de la directive d'anti-blanchiment sont “les autorités nationales spécialement chargées de la lutte contre le blanchiment de capitaux”. Il s'agit en Belgique de la cellule de traitement des informations financières (C.T.I.F.).

              Par ailleurs, les prévenus avaient également argumenté qu'il fallait également comprendre en Belgique comme autorité le ministère public et que par conséquent, en vertu des articles de la directive précitée, le ministère public ne peut utiliser les informations qu'il obtient de la C.T.I.F. que pour la lutte contre le blanchiment des capitaux et non pour la poursuite d'autres infractions.

              La Cour de cassation souligne à cet égard que l'article 16 de la loi du 11 janvier 1993 prévoit que la C.T.I.F. procède à l'examen des déclarations de soupçons et que, dès que cet examen fait apparaître un indice sérieux de blanchiment de capitaux, ces informations sont transmises au procureur du Roi.

              Elle souligne dans ce cadre que “cette communication vise à permettre au procureur du Roi de poursuivre les infractions mises au jour par les indices sérieux qui lui sont fournis pour quelles que puissent s'avérer en définitive ces infractions ou quelle que soit la qualification légale qu'il entend leur conférer”. Par la loi du 11 janvier 1993, la Belgique a, ainsi que l'y autorise l'article 6 de la directive, déterminé les fins auxquelles sont susceptibles d'être utilisées les informations à transmettre par la C.T.I.F. au procureur du Roi. Cette utilisation, souligne la Cour, ne se limite donc pas à la lutte contre le blanchiment de capitaux. L'effet direct de la directive d'anti-blanchiment en droit belge est sans incidence à cet égard.

              Dans son Rapport annuel 2006, la C.T.I.F. commente cet arrêt important en ce qui concerne son rôle, en relevant ce qui suit:

               “Si la règle paraît d'une clarté évidente, il s'agit en réalité de nuancer, dans la mesure où si la directive laisse aux États la possibilité de faire un choix en ce qui concerne le principe de spécialité, ce principe s'applique dans la relation entre la cellule et le parquet, puisque la cellule ne transmet que les indices sérieux de blanchiment au sens de la loi du 11 janvier 1993 et n'analyse dès lors les informations reçues en amont que dans cette perspective limitée, alors que rien n'empêche parallèlement les autorités judiciaires saisies en aval d'un dossier émanant de la cellule d'utiliser les informations à d'autres fins. La C.T.I.F. rappelle également à cette occasion que son rôle est bien distinct de l'autorité de contrôle qu'est celui de la CBFA.”

              B. Informations obtenues dans le cadre d'une procédure douanière

              Dans une autre affaire, des prévenus s'étaient rendus coupables d'exportation et d'importation fictives de diamants.

              Devant la chambre du conseil d'Anvers, les demandeurs ont invoqué l'irrecevabilité de l'action publique sur base de l'argumentation suivante: les diamants étant expédiés vers la Suisse, ils invoquaient le protocole du 9 juin 1997 relatif à l'assistance administrative mutuelle en matière douanière conclue entre l'Union européenne et la Suisse. Ce protocole dispose notamment sous son article 10 (“Confidentialité”) que toute information communiquée sous quelle que forme que ce soit en application du protocole revêt un caractère confidentiel ou restreint, selon les règles applicables dans chaque partie contractante. Elle est couverte par l'obligation de secret professionnel et bénéficie de la protection accordée à des informations similaires par les lois applicables en la matière sur le territoire de la partie contractante qui l'a reçue.

              L'arrêt de la Chambre des mises en accusation d'Anvers a rejeté cette motivation en soulignant que le protocole vise l'application correcte de la législation douanière. Cela ne signifie pas, qu'en cas d'infractions aux prescriptions douanières, les informations recueillies ne peuvent être utilisées que pour la poursuite de faits constituants une infraction à la loi douanière. Selon la cour, la qualification donnée aux faits dans l'État de l'autorité requérante n'est pas déterminante pour l'utilisation qui peut être faite des informations recueillies. Il est toutefois requis que les données obtenues, qui en l'espèce concernent le non-respect des prescriptions douanières par les prévenus, soient utilisées pour la poursuite d'infractions pour lesquelles l'application incorrecte des prescriptions douanières constitue un élément constitutif essentiel. En l'espèce, c'était bien le cas. La Cour de cassation confirme que le protocole implique que les informations recueillies peuvent être utilisées dans le cadre de procédures pénales engagées pour non-respect de la législation douanière, peu importe que la contravention à cette législation soit punie en droit pénal belge par le droit pénal douanier spécial ou par le droit pénal commun [106].

              C. Obligation d'identification

              Dans une dernière affaire, des employés guichetiers ainsi qu'un associé gérant d'une maison de change étaient poursuivis pour blanchiment en raison du fait qu'ils avaient accepté des dépôts suspects de sommes d'argent converties en francs français provenant d'une société cliente.

              Le ministère public faisait valoir notamment que les guichetiers ainsi que la maison de change n'avaient pas vérifié l'identité de ce client au moyen de documents probants à l'occasion d'une première opération et n'avaient pas procédé à une vérification systématique comme l'oblige toutefois la loi du 11 janvier 1993.

              La cour d'appel de Bruxelles a acquitté ces personnes par un arrêt du 8 novembre 2005 relevant que “la vérification - initiale puis systématique - de l'identité de ces clients par le gérant d'une agence de change imposée par l'article 4 de la loi du 11 janvier 1993 (…) n'est assortie d'aucune sanction pénale”.

              Sur le fond, la cour a estimé qu'il n'était pas établi par le ministère public que les agents de change ainsi que leurs directeurs savaient ou auraient dû savoir que ces sommes avaient une origine illicite, ce d'autant plus que cette origine illicite “n'a pu être établie dans le cadre de l'information pénale qu'à l'issue d'une enquête menée à Rungis, auprès des fournisseurs français de la cliente” [107].

              [1] Le présent article est une version actualisée du chapitre consacré au délit de blanchiment paru in J. Spreutels, F. Roggen et E. Roger France, Droit pénal des affaires, Bruylant, 2005.
              [2] Partner, Field Fisher Waterhouse LLP. L'auteur remercie vivement Me Charles-Edouard André pour sa précieuse collaboration à la rédaction de l'article.
              [3] Association belge des Banques, Blanchiment. Modifications de la loi du 11 janvier 1993 et de l'article 505 du Code pénal, Séance d'information du 15 décembre 2003, Febelfin, 2003 (avec contributions de G. Stessens, J. Spreutels, C. Grijseels, C. Scohier et E. Roger France); T. Afschrift, “Blanchiment et fraude fiscale”, J.D.F. 1997, p. 193; T. Afschrift, “L'avocat et le blanchiment”, Blanchiment: la situation des entreprises, des organismes financiers et de leurs conseillers, Bruxelles, Kluwer, 2003, p. 291; T. Afschrift et V.-A. de Brauwere, Manuel de droit pénal financier, Bruxelles, 2001, pp. 309 à 340; L. Cornelis et R. Verstraeten, “Mag er nog wit worden gewassen?”, R.D.C. 1992, p. 176; G.-A. Dal et J. Stevens, “Les avocats et la prévention du blanchiment de capitaux: une dangereuse dérive”, J.T. 2004, p. 485 ; X. Gillot et S. Scarna, “Blanchiment, infractions graves et fraude fiscale”, R.G.F. 2004, p. 2; E. Roger France, Fraude fiscale et blanchiment: quelles relations? Analyse belgo-luxembourgeoise, Coopération fiscale et judiciaire, Séminaire I.I.R., Luxembourg, 24-27 septembre 2002; E. Roger France, “La prévention du blanchiment des capitaux en Belgique: spécificités concernant les banquiers et les assureurs”, Responsabilité pénale et blanchiment en Belgique et en Europe, séminaire I.F.E., 18-19 avril 2002; E. Roger France, “Droits, devoirs, responsabilité et sanctions des banquiers et assureurs en Belgique dans le cadre de la lutte contre le blanchiment”, Blanchiment, Séminaire I.F.E. des 17-19 septembre 2003; F. Roggen, O. Klees et D. Vandermeersch, “Aspects de procédure en matière de blanchiment: les saisies et le référé pénal”, Blanchiment: la situation des entreprises, des organismes financiers et de leurs conseillers, Bruxelles, Kluwer, 2003, p. 215; J. Spreutels, “Blanchiment et fraude fiscale grave et organisée”, Face à une criminalité organisée en matière fiscale, Bruxelles, 2001, p. 153.; J. Spreutels, “La loi anti-blanchiment et les professions de conseil”, La coresponsabilité des professions de conseil dans le cadre de la grande fraude, Institut des auditeurs de fraude, Forensic Studies, 2001/1, Louvain, p. 49; J. Spreutels, “Le volet préventif: le rôle de la C.T.I.F., les obligations du secteur financier et des autres professions concernées”, Blanchiment: la situation des entreprises, des organismes financiers et de leurs conseillers, Bruxelles, Kluwer, 2003, p. 27; J. Spreutels (dir.), Dix ans de lutte contre le blanchiment de capitaux en Belgique et dans le monde, Actes du Colloque international du 14 mars 2003, Bruxelles, 2003; J. Spreutels et P. de Mûelenaere (dir.), La cellule de traitement des informations financières et la prévention du blanchiment de capitaux en Belgique, Bruxelles, 2003; R. Verstraeten et O. Dewandeleer, “Witwassen na de wet van 7 april 1995: kan het nog witter?”, R.W. 1995-96, p. 689.
              [4] Mon. b. 22 août 2007.
              [5] B.S. 22 augustus 2007.
              [6] Plus précisément, 4.014 condamnations en 2004, 4.008 condamnations en 2005 et 3.714 condamnations en 2006. Cf. www.just.fgov.be/statistique_parquets .
              [7] Doc. parl. Chambre 1989-90, n° 987/4, p. 4.
              [8] Mon. b. 22 août 2007
              [9] Cf. à ce propos notamment: S. Scarna, Fraude fiscale et blanchiment de capitaux, in Séminaire Vanham & Vanham du 27 septembre 2007.
              [10] On consultera à cet égard A. Risopoulos, Les avocats et le blanchiment, in Séminaire Vanham & Vanham du 27 septembre 2007. La Cour constitutionnelle a par arrêt du 23 janvier 2008 paru après la rédaction de cette étude neutralisé en très large mesure et selon une technique particulière l'application de la loi aux avocats.
              [11] Association belge des Banques, Blanchiment. Modifications de la loi du 11 janvier 1993 et article 505 du Code pénal, Séance d'information du 15 décembre 2003, Febelfin, 2003 (avec contributions de G. Stessens, J. Spreutels, C. Grijseels, C. Scohier et E. Roger France); T. Afschrift, “Blanchiment et fraude fiscale”, J.D.F. 1997, p. 193; T. Afschrift, “L'avocat et le blanchiment”, Blanchiment: la situation des entreprises, des organismes financiers et de leurs conseillers, Bruxelles, Kluwer, 2003, p. 291; T. Afschrift et V.-A. de Brauwere, Manuel de droit pénal financier, Bruxelles, 2001, pp. 309 à 340; L. Cornelis et R. Verstraeten, “Mag er nog wit worden gewassen?”, R.D.C. 1992, p. 176; G.-A. Dal et J. Stevens, “Les avocats et la prévention du blanchiment de capitaux: une dangereuse dérive”, J.T. 2004, p. 485 ; X. Gillot et S. Scarna, “Blanchiment, infractions graves et fraude fiscale”, R.G.F. 2004, p. 2; E. Roger France, Fraude fiscale et blanchiment: quelles relations? Analyse belgo-luxembourgeoise, Coopération fiscale et judiciaire, Séminaire I.I.R., Luxembourg, 24-27 septembre 2002; E. Roger France, “La prévention du blanchiment des capitaux en Belgique: spécificités concernant les banquiers et les assureurs”, Responsabilité pénale et blanchiment en Belgique et en Europe, séminaire I.F.E., 18-19 avril 2002; E. Roger France, “Droits, devoirs, responsabilité et sanctions des banquiers et assureurs en Belgique dans le cadre de la lutte contre le blanchiment”, Blanchiment, Séminaire I.F.E. des 17-19 septembre 2003; F. Roggen, O. Klees et D. Vandermeersch, “Aspects de procédure en matière de blanchiment: les saisies et le référé pénal”, Blanchiment: la situation des entreprises, des organismes financiers et de leurs conseillers, Bruxelles, Kluwer, 2003, p. 215; J. Spreutels, “Blanchiment et fraude fiscale grave et organisée”, Face à une criminalité organisée en matière fiscale, Bruxelles, 2001, p. 153.; J. Spreutels, “La loi anti-blanchiment et les professions de conseil”, La coresponsabilité des professions de conseil dans le cadre de la grande fraude, Institut des auditeurs de fraude, Forensic Studies, 2001/1, Louvain, p. 49; J. Spreutels, “Le volet préventif: le rôle de la C.T.I.F., les obligations du secteur financier et des autres professions concernées”, Blanchiment: la situation des entreprises, des organismes financiers et de leurs conseillers, Bruxelles, Kluwer, 2003, p. 27; J. Spreutels (dir.), Dix ans de lutte contre le blanchiment de capitaux en Belgique et dans le monde, Actes du Colloque international du 14 mars 2003, Bruxelles, 2003; J. Spreutels et P. de Mûelenaere (dir.), La cellule de traitement des informations financières et la prévention du blanchiment de capitaux en Belgique, Bruxelles, 2003; R. Verstraeten et O. Dewandeleer, “Witwassen na de wet van 7 april 1995: kan het nog witter?”, R.W. 1995-96, p. 689.
              [12] Mon. b. 15 août 1990, p. 15.886.
              [13] Corr. Arlon 6 septembre 1996, J.L.M.B. 1997, p. 1445 .
              [14] Doc. parl. Chambre 1989-90, n° 187/4, p. 6.
              [15] Cass. 22 octobre 2003, R.G. P.03.0084.F, avec conclusions de l'avocat général J. Spreutels, Journ. proc., n° 471, 26 décembre 2003, p. 18, J.L.M.B. 2004, p. 336 et note F. Roggen, J.T. 2004, p. 354 , concl. J. Spreutels, note E. Boigelot, Rev. dr. pén. 2004, p. 277, concl. J. Spreutels, T. Strafr. 2004, p. 167, concl. J. Spreutels, note G. Stessens, “Zwart geld ten eeuwigen dagen in de strafrechtelijke greep van het parket?”. Nous renvoyons aux développements des conclusions du ministère public. Voy. également S. Ravyse, “De verbeurdverklaring bij fiscale misdrijven en het witwassen van fiscale vermogensvoordelen”, A.F.T. 2004/5, p. 29.
              [16] Exposé des motifs, Doc. parl. Chambre 1989-90, n° 987/1, p. 7.
              [17] Cass. 29 novembre 2006, P.061.041.F.
              [18] Le recel, lui, se limite aux choses enlevées, détournées ou obtenues à l'aide d'un crime ou d'un délit, non d'une contravention.
              [19] Cass. 21 juin 2000, Pas. 2000, I, 387. En l'espèce, la cour d'appel avait considéré que les devises étrangères faisant l'objet de la prévention provenaient d'activités criminelles ou délictueuses menées en Russie, d'où elles avaient été exportées sous le couvert de marchés fictifs qui ont nécessairement engendré des faux en écriture. La cour d'appel avait énuméré les différentes circonstances de fait d'où il se déduisait que le demandeur savait ou devait savoir que les fonds, ayant fait l'objet d'actes de gestion en Belgique, étaient le produit d'activités susceptibles de constituer des infractions d'après la loi pénale belge. En matière de recel également, la Cour de cassation n'exige nullement qu'il y ait double incrimination. Cf. Cass. 17 août 1982, Pas. 1982, I, 1322.
              [20] Cass. 25 septembre 2001, Pas. 2001, n° 493. Dans cette espèce, le juge avait, sur la base des éléments de fait qu'il énonce, estimé que l'origine des fonds se situait dans la sphère de l'illégalité, qu'ils provenaient d'une organisation bien structurée et que l'auteur avait, sur instruction d'une organisation criminelle dont il fait partie, converti, c'est-à-dire blanchi, les produits d'activités, illégales, dont il avait manifestement connaissance. Il faut souligner que des conclusions avaient été déposées pour contester ces éléments et que le juge avait évidemment dû y répondre.
              [21] Cass. 25 septembre 2001, Pas. 2001, précité.
              [22] On notera que le prévenu avait fait valoir son droit au silence. Cass. 28 novembre 2006, P.061129.N. Cf. également dans le même sens, Cass. 2 juin 1999, P.99.0231.F, n° 340; Cass. 21 juin 2000, P.000351.F, P.000351.F et P.000856.F, n° 387; Cass. 25 septembre 2001, P.01.0725.N, n° 493; Cass. 9 mai 2006, P. 06.0242.N; Cass. 19 septembre 2006, P.06.0608.N.
              [23] Cass. 9 mai 2006, P. 060.242.N.
              [24] Cass. 21 juin 2000, précité.
              [25] Corr. Anvers 23 février 1993, T.R.V. 1994, p. 195; Corr. Anvers 24 février 1995, inédit; Corr. Anvers 18 mai 1995, inédit; Bruxelles 1er juin 1995, in­édit.
              [26] Corr. Anvers 5 octobre 1995, inédit.
              [27] Anvers 30 juin 1995, inédit.
              [28] Cass. 31 octobre 1995, inédit: “attendu que les juges ayant constaté que le demandeur connaissait l'origine de l'argent lors de sa réception et qu'il l'a changé sur le territoire belge, leur décision est régulièrement motivée et légalement justifiée”.
              [29] Corr. Malines 24 septembre 1999, Rev. Banq. 1999, p. 540.
              [30] Corr. Charleroi 17 mai 2005, inédit, cité par Rapport annuel C.T.I.F., 2005.
              [31] Corr. Bruxelles 8 décembre 2005.
              [32] Cass. 19 septembre 2006, P. 060.608.N. Cf. également Cass. 21 mars 2006, P. 06.0034.N.
              [33] Ibid.
              [34] Cass. 8 mai 2002, Pas., n° 282.
              [35] Arrêt qui souligne à cet égard que: “Le fait d'acheter, de recevoir en échange ou à titre gratuit, de posséder, de garder ou de gérer, en en connaissant ou en devant en connaître l'origine, soit des avantages patrimoniaux tirés directement d'une infraction, soit des biens et valeurs qui leur ont été substitués, soit des revenus de ces avantages investis, ne constitue pas l'infraction de blanchiment prévue par l'alinéa 1er, 2° de l'article 505 dans le chef de celui qui a participé comme auteur, coauteur ou complice de cette infraction d'où proviennent ces avantages patrimoniaux, biens et valeurs ou revenus.”
              [36] Civ. Bruxelles 26 février 2004, F.J.F. 2005, p. 115.
              [37] Doc. parl. Sénat, sess. 2006-07, 3-1610/7.
              [38] Doc. parl. Sénat, sess. 2006-07, 3-1610/7.
              [39] Avis du Conseil d'État du 31 mai 2006.
              [40] Doc. parl. Sénat 2006-07, 1610/3.
              [41] Sur base des critères repris dans le texte de l'arrêté royal du 3 juin 2007.
              [42] Cass. 25 septembre 2001, R.G. P.01.0725.N, Pas. 2001, I, inédit.
              [43] Le comportement de blanchiment de la loi préventive ne vise que la “connaissance”.
              [44] R. Legros, L'élément moral dans les infractions, Liège-Paris, 1952, p. 78, n° 93.
              [45] Digeste, XXII, IV, 1, 6.
              [46] Cass. 30 mai 1984, Pas. 1984, I, 561; Cass. 16 juin 1981, Pas. 1981, I, 1182, Pas. 1982, I, 617 (fait de confier sciemment un véhicule automoteur à une personne qui ne possède pas de permis de conduire).
              [47] J. Van Ryn et J. Heenen, Principes de droit commercial, T. III, 2ème éd., Bruxelles, 1961, p. 405, n° 531, approuvent cette interprétation. Voy. Cass. 13 janvier 1999, Pas. 1999, I, 16: “justifie légalement la décision de condamner un prévenu du chef d'émission de chèque sans provision le juge qui déduit des éléments de fait qu'il énonce que le prévenu n'a pu ignorer que le chèque n'était pas provisionné au moment de l'émission”.
              [48] Dans l'art. 16, al. 1er de la loi du 17 juillet 1975 relative à la comptabilité des entreprises, le mot “sciemment” suppose “la connaissance effective de l'irrégularité des comptes ou l'ignorance inexcusable de cette irrégularité” (L. Simont, “Le devoir d'information, sanctions et responsabilités”, L'entreprise et ses devoirs d'information en matière économique et sociale, Bruxelles, 1979, p. 364). Voy. dans le même sens, Bruxelles 28 juin 1993, J.T. 1993, p. 782.
              [49] Art. 11 de la loi du 2 mars 1989 relative à la publicité des participations importantes dans les sociétés cotées en bourse et réglementant les offres publiques d'acquisition. L'infraction vise “ceux qui n'effectuent pas 'sciemment' les déclarations requises. Il s'agit de l'élément moral de l'infraction, qui implique que l'auteur de l'infraction sache ou doive savoir qu'il est tenu à déclaration ou que sa déclaration est inexacte ou incomplète” (G. Keutgen et G.-A. Dal, “La transparence de l'actionnariat”, J.T. 1986, p. 456, n° 481).
              [50] Art. 510 C. pén.
              [51] Art. 16, al. 3 de la loi du 15 juillet 1975.
              [52] Art. 1er de la loi du 6 août 1993 modifiant la loi du 15 juillet 1985 relative à l'utilisation de substances à effet hormonal ou à effet anti-hormonal chez les animaux, Mon. b. 28 septembre 1993, p. 21.350.
              [53] Art. 10, al. 2 de la loi du 30 juin 1994 transposant en droit belge la directive européenne du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur, Mon. b. 27 juillet 1994, p. 19.315.
              [54] Art. 1er, al. 2 nouveau de l'arrêté royal du 31 mai 1933 concernant les déclarations à faire en matière de subventions, indemnités et allocations, modifié par la loi du 7 juin 1994, art. 2, Mon. b. 8 juillet 1994, p. 18.127.
              [55] Doc. parl. Sénat 1993-94, n° 938/3, pp. 6 à 26.
              [56] Idem. p. 26.
              [57] Loi du 30 octobre 1998 qui insère un art. 442bis dans le Code pénal en vue d'incriminer le harcèlement, Mon. b. 17 décembre 1998, p. 40.074.
              [58] J. Spreutels et Ph. De Mûelenaere (dir.), La cellule de traitement des informations financières et la prévention du blanchiment de capitaux en Belgique, Bruxelles, Bruylant, 2003, pp. 270 à 272 et les références citées.
              [59] Bruxelles 3 mai 2006, cité dans le rapport annuel de la “cellule de traitement des informations financières”, 2006.
              [60] Art. 505, al. 2. Mais uniquement s'il s'agit des cas visés à l'art. 505 al. 1er, 3° et 4°.
              [61] Art. 505, al. 4, qui vise les trois cas du blanchiment.
              [62] Voy. notamment “cellule de traitement des informations financières”, Rapports d'activités 1994-95, 67-71 et 1995-96, 57-61.
              [63] Corr. Bruges 13 mai 1996, en cause D.S., inédit. Appel a été interjeté contre ce jugement.
              [64] Cass. 28 décembre 1891, Pas. 1892, I, 68: “il n'est pas nécessaire, pour l'existence du délit, que l'auteur de l'infraction ait recelé les objets mêmes qui ont été volés, mais (…) il suffit, ainsi que l'indique le texte même de l'article 505, que les objets recelés aient été obtenus à l'aide d'un vol; (…) il résulte d'ailleurs de l'Exposé des motifs du Code pénal que le recel est puni parce qu'il favorise la perpétration des crimes ou des délits, en assurant aux malfaiteurs la jouissance des avantages provenant de ces infractions, et (…) dès lors, la disposition qui le réprime perdait toute efficacité, si sa partie devait être restreinte au seul recèlement des objets volés, sans s'étendre à celui du prix de vente des objets”. Voy. J.-J. Haus, Principes généraux du droit pénal, 3ème éd., T. Ier, n° 596; J. Tricot,Recel, R.P.D.B., compl., T. III, 1969, p. 865, n° 26 et A. De Nauw, Inleiding tot het bijzonder strafrecht, 3ème éd., Anvers, 1998, p. 232, n° 388.
              [65] Anvers 1er avril 1993, R.W. 1993-94, I, p. 130.
              [66] Doc. parl. Sénat, n° 890-2, 24, 29-32 et 47.
              [67] Corr. Anvers 23 février 1993, T.R.V. 1994, p. 195.
              [68] Corr. Anvers 14 avril 1994, R.W. 1994-95, p. 505, obs. G. Stessens; Corr. Anvers 24 février 1995, inédit; Anvers 31 janvier 1995, inédit; Anvers 30 juin 1995, inédit.
              [69] Une telle interprétation avait déjà été soutenue par la cellule de traitement des informations financières (Rapport d'activités 1993-94, p. 34), où elle montrait l'analogie avec la jurisprudence en matière d'organisation frauduleuse d'insolvabilité.
              [70] Cass. 31 octobre 1995, R.G. P.95.1014.N, T.R.V. 1996, p. 635, obs. F. Hellemans, rejetant le pourvoi formé contre l'arrêt précité du 30 juin 1995 de la cour d'appel d'Anvers. Voy. dans le même sens, Gand 30 avril 1996, en C.D.V. et J., inédit.
              [71] Cass. 21 juin 2000, Pas. 2000, I, n° 387.
              [72] Doc. parl. Sénat 1994-95, n° 1323/1, Exposé des motifs, p. 11.
              [73] Doc. parl. Sénat 2006-07, 3-1610/7 et 1610/6.
              [74] Corr. Gand 15 septembre 1997, T.G.R. 1998, p. 34.
              [75] Corr. Bruxelles 8 juin 2000, Rev. dr. pén. 2000, p. 1096.
              [76] Cass. 29 septembre 1999, Pas. 1999, I, 495. Le même arrêt décide qu'ainsi la chambre des mises en accusation n'a pas statué sur la culpabilité et, dès lors, ne méconnaît pas la présomption d'innocence de l'inculpé.
              [77] C.T.I.F., Rapport annuel 2006.
              [78] Art. 505, al. 4.
              [79] Art. 505, al. 5.
              [80] Art. 1er, f.
              [81] Art. 17 Const.
              [82] B. Dejemeppe, “La confiscation”, in D. Vandermeersch, B. Dejemeppe, E. Francis, M. Rozie, O. Klees et G. Vermeulen, o.c., 2004, p. 101.
              [83] Art. 43 C. pén.
              [84] Cf. Cass. 4 octobre 1988, Pas. 1989, I, 121.
              [85] Exposé des motifs de la loi du 17 juillet 1990, Doc. parl. Chambre 1989-90, n° 987/1, p. 3.
              [86] Bruxelles 3 novembre 2004, RABG 2005, p. 1196 avec note J. Rozie.
              [87] Cass. 21 octobre 2003, Rev. dr. pén. 2004, p. 505. La cour d'appel avait refusé d'ordonner la confiscation des sommes pour le motif, en substance, que ces sommes ayant déjà été entièrement et définitivement confisquées en tant qu'avantages patrimoniaux visés à l'art. 42, 3° du Code pénal à l'égard d'un des coprévenus, la limitation nécessaire de la confiscation spéciale à des choses déterminées, en particulier à l'avantage patrimonial généré par l'infraction, avait pour conséquence qu'elles ne pourraient être en outre confisquées à l'égard des autres condamnés du chef de la même infraction sans méconnaître le principe général du droit de la personnalité de la peine. En examinant la possibilité de confiscation uniquement au regard des art. 42, 3° et 43bis du Code pénal, à savoir en tant que portant sur l'avantage patrimonial produit par l'infraction de blanchiment, et non sur la base des art. 42, 1° et 505 al. 3, du même code, à savoir en tant que relative à l'objet de l'infraction, la cour d'appel n'avait pas légalement justifié sa décision. Ajoutons que “rien n'empêche le juge de confisquer plusieurs fois le même avantage patrimonial, tantôt sur la base de l'article 42, 3° tantôt sur celle des articles 42, 1° et 505, al. 3, cela à charge d'un ou de plusieurs condamnés” (conclusions du ministère public, n° 10, note 43, précédant Cass. 22 octobre 2003, précité, Rev. dr. pén. 2004, p. 291).
              [88] Dans son pourvoi, le procureur général près la cour d'appel “faisait valoir non seulement que le juge répressif avait l'obligation d'infliger, conformément à l'article 505, alinéa 3 du Code pénal, la confiscation spéciale en cas d'infraction à l'article 505, alinéa 1er de ce code, mais aussi qu'en cas de condamnation du chef de blanchiment d'argent, la confiscation spéciale ne peut pas être limitée aux avantages que les infractions ont procurés à chaque condamné: en décider autrement signifierait que la somme des avantages patrimoniaux retirés par chaque condamné en particulier devrait être ventilée, ce qui impliquerait que la charge de la preuve incombant au ministère public ne s'étendrait pas seulement à la culpabilité à l'égard des différentes préventions, mais aussi à la détermination de la clé de répartition utilisée par les divers participants pour se partager les choses produites par l'infraction” (Rapport de la Cour de cassation 2003-II, p. 47).
              [89] Cass. 14 janvier 2004, Rev. dr. pén. 2004, p. 508, avec les conclusions de M. l'avocat général R. Loop, J.T. 2004, p. 499 , obs. D. Vandermeersch, J.L.M.B. 2004, p. 595 , obs. V.-A. de Brauwere, “Confiscation spéciale et blanchiment: champ d'application”. En l'espèce, plusieurs personnes avaient été condamnées du chef de participation à une organisation criminelle et de blanchiment de capitaux pour avoir participé au transport, depuis l'Europe vers la Colombie, d'importantes sommes d'argent.
              [90] Pour la Cour, “la notion de peine implique un mal infligé à titre de sanction d'un acte que la loi défend”.
              [91] La cour d'appel avait, en effet, prononcé, à titre de mesure, la confiscation des sommes formant l'objet de l'infraction de blanchiment, en application des art. 42, 1° et 505, al. 3 du Code pénal “en quelque main et en n'importe quel endroit où elles se trouvent actuellement” (Bruxelles 30 juin 2003, Rev. dr. pén. 2004, p. 517, J.L.M.B. 2004, p. 584 ).
              [92] Conclusions précitées, pp. 512 et 513. Dans son pourvoi, le procureur général près la cour d'appel avait estimé que l'arrêt portait également atteinte aux droits des tiers qui seraient de bonne foi en possession des sommes confisquées et violait ainsi l'art. 505, al. 3.
              [93] Reprise dans le Rapport annuel C.T.I.F. 2006.
              [94] Cass. 4 avril 2006, P.06.0042.N.
              [95] C.T.I.F., Rapport annuel 2006. C'est sans doute la raison pour laquelle la C.T.I.F. note également dans son Rapport 2006 que l'avantage de dossiers ouverts sur une double base légale, à savoir tant l'infraction primaire que celle de blanchiment, est de permettre une saisie et une confiscation des profits blanchis à la fois sur base de l'art. 42, 1° du Code pénal, objet du blanchiment, et de l'art. 42, 3° du Code pénal, avantage patrimonial issu de l'infraction primaire, cet avantage pouvant être confisqué en tant que tel par équivalent, ce qui n'est pas le cas en matière de blanchiment.
              [96] Cass. 6 juin 2006, P.06.0274.N et D. Vandermeersch, “Controverse à propos de la confiscation de l'objet du blanchiment”, J.T. 2004, p. 502 .
              [97] Cass. 21 mars 2006, P.06.0034.N.
              [98] Par conséquent, l'obligation spéciale de motivation ne s'applique pas à cette confiscation obligatoire.
              [99] À ne pas confondre avec le profit du blanchiment: l'objet du blanchiment est bien le montant total cumulé de tout ce qui est passé dans les mains du blanchisseur à quelque titre que ce soit.
              [100] Doc. parl. Sénat 2006-07, 3/1610/7.
              [101] Cass. 18 février 1997, P.96.0295.N.
              [102] Cass. 27 septembre 2006, P.060.739.F.
              [103] Cass. 25 octobre 2006, P.060751.F.
              [104] Ce en vertu de l'art. 64 C. pén.
              [105] Art. 90ter § 2, 11° C.I.cr., qui vise aussi le recel.
              [106] Cass. 13 juin 2006, P. 060467.N.
              [107] Bruxelles 8 novembre 2005, J.T. 2006, p. 111 .