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Observations, R.D.C.-T.B.H., 2008/1, p. 78-79

SÛRETÉS
Sûreté personnelle - Garantie à première demande - Responsabilité du banquier - Devoir d'information et de conseil
L'obligation de la banque d'assister et de conseiller son client en matière de garantie bancaire reste limitée à des questions particulières de caractère technique et ne s'étend pas aux risques liés à la délivrance de garanties bancaires autonomes qui doivent être connus de tout exportateur.
Il ne suffit pas pour être créancier d'une obligation de renseignement d'invoquer son ignorance. Il faut encore que celle-ci soit légitime.
Il n'y a aucune contradiction entre des dispositions qui prévoient le caractère automatique de la dégressivité du montant d'une garantie et la nécessité du respect de certaines formalités pour que celle-ci puisse sortir ses effets.
La banque qui intervient pour faire émettre une garantie par un correspondant à l'étranger le fait pour compte de son client auquel il appartient de suivre l'évolution du marché de façon à ce que puisse jouer la clause de réduction de la garantie.
ZEKERHEDEN
Persoonlijke zekerheid - Garantie op eerste verzoek - Aansprakelijkheid van de bankier - Informatie en adviesverplichting
De verplichting van de bank om haar cliënt bij te staan en die te adviseren in verband met bankgaranties blijft beperkt tot bijzondere kwesties van technische aard en breidt zich niet uit tot de risico's die verbonden zijn met de afgifte van autonome garanties, die door elke exporteur gekend moeten zijn.
Het volstaat niet om zijn onwetendheid in te roepen om schuldeiser te worden van een informatieverplichting. Deze onwetendheid moet ook nog rechtmatig zijn.
Er is geen tegenstrijdigheid tussen de bepalingen die in het automatische karakter van de degressiviteit van het bedrag van een garantie voorzien en de noodzaak om bepaalde formaliteiten te respecteren opdat de degressiviteit haar uitwerking zou kunnen hebben.
De bank, die tussenkomt om een garantie te laten uitgeven via een correspondent in het buitenland, doet dit voor rekening van haar cliënt, aan wie het toebehoort om de ontwikkeling van de markt te volgen, zodat de clausule tot verlaging van de garantie haar rol zou kunnen spelen.

L'argument est classique dans le cadre des conflits qui peuvent surgir en cas d'appel à une garantie bancaire: le donneur d'ordre s'il n'est pas en position d'obtenir une décision empêchant l'exécution de la garantie, tente d'engager la responsabilité du banquier garant ou contre-garant pour manquement, par ce dernier, à son devoir d'information et de conseil.

En l'espèce, le litige portait non sur l'exécution d'une garantie - qui n'avait pas été demandée - mais sur le refus, par la banque garante, mauritanienne, de restituer des commissions prépayées par rapport au montant total et pour toute la durée de la garantie alors que celle-ci devait se réduire “automatiquement”, au fur et à mesure de l'exécution des livraisons.

On notera au passage que si le litige avait porté directement sur le remboursement des commissions, l'affaire aurait dû être introduite en Mauritanie et tranchée selon le droit de ce pays.

On admet généralement [1], en effet, que lorsqu'une banque agit par l'intermédiaire d'établissements localisés dans différents pays, qu'il s'agisse de filiales ou de succursales, ces différents établissements doivent être, à l'égard du droit applicable et de la compétence judiciaire, considérés comme des établissements distincts [2].

En l'espèce toutefois, le donneur d'ordre reprochait à la banque belge intervenue comme intermédiaire lors de la mise en place de la garantie d'avoir manqué à son devoir de conseil en ne lui rappelant pas que la restitution des commissions était subordonnée à la condition que soient transmis en temps voulu, à la banque garante, les textes appropriés.

Le tribunal de commerce de Dinant avait fait droit à la demande sur base de la prémisse qui se révèlera erronée par la suite, qu'il n'était ni soutenu ni démontré que le donneur d'ordre avait reçu copie du texte de garantie.

La cour constate d'une part que le texte de garantie a bien été soumis préalablement au donneur d'ordre et accepté par lui, d'autre part que ledit texte était parfaitement clair et prévoyait expressément que la preuve des réductions résulterait à l'égard de la banque garante de la réception d'une copie des procès-verbaux de réception provisoire relatifs aux livraisons.

Dans la mesure où la communication du timing des livraisons provisoires n'est intervenue qu'après l'expiration des garanties, il ne saurait y avoir matière à rétrocession puisque la banque garante est restée potentiellement tenue jusqu'au terme de la garantie de payer à première demande du bénéficiaire sans pouvoir lui opposer la réduction de son montant.

Cette décision ne peut qu'être approuvée.

On oublie trop souvent que, comme le rappelle la cour, le banquier belge sollicité de faire émettre une garantie par une banque étrangère intervient pour compte de l'exportateur et aux risques de ce dernier.

Le plus souvent, la banque “intermédiaire” à laquelle il est demandé de faire émettre une garantie par un correspondant n'a qu'un rôle passif par rapport au libellé du texte de la garantie. Ce texte est très généralement proposé par le donneur d'ordre lequel ne fait que relayer les exigences du bénéficiaire et si le texte de la garantie doit être aménagé, c'est dans la quasi-totalité des cas pour rencontrer les conditions que met la banque garante elle-même à son engagement. Quant aux suggestions que peut être tentée de faire la banque intermédiaire au niveau du libellé du texte de la garantie, elles sont presque toujours ignorées, pour la bonne et simple raison que le donneur d'ordre n'a guère le choix: s'il veut emporter le marché, il se doit de passer par les fourches caudines imposées par le bénéficiaire et/ou la banque garante.

Il est important de souligner par ailleurs, à cet égard, que le principal souci des banques intervenant comme garant ou contre-garant est, compte tenu de l'autonomie qui caractérise les garanties bancaires, de rester aussi neutre que possible par rapport aux discussions qui peuvent naître au niveau de l'exécution de l'opération commerciale qui fait l'objet de la garantie. Ce souci est rencontré par l'aménagement des textes de garanties/contre-garantie de façon à ce que celles-ci soient exécutables tantôt à la simple demande du bénéficiaire tantôt sur base de documents clairement identifiés, “attestant” de manière formelle et sans que les banquiers aient à apprécier la réalité des faits évoqués, d'événements susceptibles d'influencer l'exécution de la garantie/contre-garantie.

L'ampleur du dialogue qui s'instaure entre le banquier et son client à l'occasion de l'émission d'une garantie est fonction des circonstances et du degré d'expérience du client. On retrouve ici, comme dans d'autres domaines, lorsqu'il est question du devoir de conseil du banquier, la notion de “client averti”.

En tout état de cause, le banquier veillera utilement, à se ménager une preuve de ce que le texte de l'engagement qui sera émis a été approuvé par le donneur d'ordre. L'espèce commentée en fournit une fois de plus la démonstration.

On trouve communément dans les textes de garantie des clauses stipulant la dégressivité de leur montant.

Cette dégressivité peut résulter de deux types de facteurs.

Tout d'abord, et fort logiquement, il sera prévu que le montant de la garantie se réduira au fur et à mesure des montants effectivement payés par le garant en exécution de son engagement. Cette clause ne pose pas de problème particulier. Elle évite toute possibilité de discussion quant au caractère “revolving” [3] de la garantie.

Plus délicate est la rédaction de clauses qui font dépendre la réduction du montant de la garantie du déroulement du contrat commercial sous-jacent [4].

Il est évidemment légitime du point de vue du donneur d'ordre, que le montant de la garantie - et par conséquent, tant son obligation de remboursement corrélative vis-à-vis du banquier que le montant des commissions qui sont dues à ce dernier - décroissent au fur et à mesure que sont remplis les engagements couverts par la garantie [5]. Par contre, il ne peut être demandé aux banquiers de s'informer - et encore moins de porter jugement - sur la réalité et la qualité des prestations effectivement fournies.

L'efficacité des clauses de dégressivité est fonction de l'automaticité de leur application.

Toute référence aux clauses, termes et conditions du contrat commercial de base est à ce niveau, évidemment proscrite sous peine d'altérer le caractère autonome de la garantie.

Les possibilités envisageables sont dès lors limitées: la réduction de la garantie peut être opérée moyennant attestation du bénéficiaire [6], du donneur d'ordre ou d'un tiers désigné. Des formules mixtes se rencontrent également, qui font dépendre la dégressivité de la remise à la banque par le donneur d'ordre, de documents signés, à l'issue d'une procédure contradictoire, par les parties à l'opération de base, tels que les procès-verbaux de réception des marchandises ou des travaux [7].

C'est cette dernière solution qui avait été retenue en l'espèce.

Encore fallait-il, bien entendu, que les documents en question parviennent en temps utile à la banque garante: tant qu'elle n'était pas en possession des documents autorisant la réduction du montant de la garantie, la banque restait engagée à l'égard du bénéficiaire - et en risque - pour le montant total. Il était donc logique qu'elle perçoive des commissions à la hauteur de son engagement.

Il incombait à l'entrepreneur, donneur d'ordre de la garantie et à lui seul, d'assurer le suivi du déroulement du marché afin de tenir les banques informées, en temps opportun des événements permettant de faire jouer la dégressivité.

Martine Delierneux et Jean-Pierre Buyle
[1] H. Lesguillons, Contrats internationaux: cautions et garanties bancaires 1986, 9/85; également sur cette question, C. Martin et M. Delierneux, “Les garanties bancaires autonomes”, R.P.D.B., Compl. T. VII, Bruylant, 1991, nos 176 et s. et F. Bonelli,“La Convention de Rome du 19 juin 1980 et la loi applicable aux opérations bancaires”, R.D.A.I. 1985, p. 391 et réf. citées.
[2] Le Code belge de DIP (loi du 16 juillet 2004, Mon. b. 27 juillet 2004) art. 98 renvoie expressément à la Convention de Rome du 19 juin 1980 (outre la Belgique - loi du 14 juillet 1987 -, le Danemark, la France, la Grèce, l'Italie, l'Irlande, le Luxembourg, les Pays-Bas, la République Fédérale d'Allemagne et le Royaume-Uni ont ratifié la convention. L'adhésion à la convention est une condition à l'entrée des nouveaux pays dans l'Union Européenne). Cette convention stipule dans son art. 4, al. 2 que lorsque la prestation caractéristique est fournie par un établissement autre que l'établissement principal, il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec le lieu où est situé l'établissement qui fournit effectivement la prestation caractéristique.
[3] Voy. C. Martin et M. Delierneux, Les garanties bancaires autonomes, o.c., n° 103 et références citées.
[4] Ce type de clause se rencontre essentiellement dans les garanties de restitution d'acompte. Voy. notamment C. Martin et M. Delierneux, Les garanties bancaires autonomes, o.c., nos 81 et 113.
[5] A fortiori lorsque le banquier a subordonné l'émission de sa garantie à la constitution en ses livres d'une provision qui grève la trésorerie du donneur d'ordre.
[6] Certains pays notamment du Moyen-Orient n'acceptent que cette seule possibilité.
[7] Cette solution n'est toutefois pas exclusive de toute difficulté lorsque ces documents comportent des réserves…