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La prescription de l'action en restitution née d'un carnet de dépôt, R.D.C.-T.B.H., 2008/1, p. 44-45

BANK- EN KREDIETWEZEN
Bankverrichtingen - Deposito - Depositoboekje - Verplichting tot teruggave - Verjaring
De verplichting tot teruggave door de bankier is vatbaar voor verjaring.
Tot de wet van 10 juni 1998 was de uitdovende verjaring, toepasselijk op de verplichting tot teruggave, bepaald op 30 jaar. Op heden is deze termijn 10 jaar.
Deze verjaring begint te lopen, ofwel op de datum waarop de bankier verplicht is, tijdens de overeenkomst of bij de beëindiging ervan, de sommen terug te betalen aan zijn cliënt, ofwel op de datum waarop de cliënt gerechtigd is de sommen die gehouden worden bij de bank terug te vorderen, na verwittigd te zijn door de bank van de sluiting van de rekening.
BANQUE ET CRÉDIT
Opérations bancaires - Dépôt - Carnet de dépôt - Obligation de restitution - Prescription
L'obligation de restitution du banquier peut se prescrire.
Jusqu'à la loi du 10 juin 1998, la prescription extinctive applicable à cette obligation de restitution était la prescription trentenaire. Elle est aujourd'hui réduite à 10 ans.
Le point de départ de cette prescription sera tantôt la date à laquelle le banquier est tenu, en cours de contrat ou à sa clôture, de restituer les fonds à son client, tantôt la date à laquelle le client, averti par la banque qui a clôturé son compte, est en droit de récupérer les fonds détenus par la banque.
La prescription de l'action en restitution née d'un carnet de dépôt

L'ancien carnet de dépôt, tantôt recouvert de plastique, tantôt relié plein cuir, selon le statut de la banque qui l'émettait, devait être physiquement présenté au guichet pour l'enregistrement de chaque opération. L'employé de la banque y inscrivait, à la plume, le montant de francs belges qui en était retiré par l'épargnant. C'est de ce carnet de dépôt, souvenir d'une époque aujourd'hui révolue, dont il est question dans cette histoire bien ancienne qui a été soumise à la cour d'appel de Bruxelles.

Dans les années septante, l'appelante, Madame D. était titulaire d'un carnet de dépôt de la NV Werken- en Discontobank. Ce carnet connut ensuite bien des péripéties. Il fut semble-t-il repris et transformé en 1980 en “carnet d'épargne” par la Manufacturers Hannover Bank. Celle-ci devint Chase Handelsbank, puis ensuite Crédit Lyonnais et enfin Deutsche Bank, l'intimée, après différentes procédures de fusion, acquisition et changement de dénomination sociale.

Madame D. produisait, devant le 1er juge et ensuite devant la cour d'appel, cet ancien carnet de dépôt sur lequel était inscrit un montant équivalent à 4.110,24 EUR. Elle prétendait obtenir le remboursement de cette somme augmentée des intérêts capitalisés depuis le 30 mars 1972, date du dernier versement effectué sur ce carnet de dépôt.

La Deutsche Bank prétendait ne retrouver aucune trace de ce carnet de dépôt dans ses livres, pas plus d'ailleurs que de Madame D. La banque supposait dès lors que ce carnet avait été clôturé par la NV Werken- en Discontobank.

La Deutsche Bank invoquait, pour ne pas devoir rembourser Madame D., en ordre principal, la prescription trentenaire prévue par l'ancien article 2262 du Code civil [1], et, en ordre subsidiaire, pour ce qui concernait les intérêts réclamés, la prescription quinquennale de l'article 2277 du Code civil.

La cour d'appel de Bruxelles a rejeté ces deux moyens de défense et, réformant la décision rendue par le tribunal de première instance, a condamné la Deutsche Bank à rembourser à Madame D. la somme de 4.110,24 EUR augmentée des intérêts capitalisés depuis le 30 mars 1972.

Cette décision qui, à un détail près, paraît justifiée, permet d'évoquer très brièvement la question complexe et souvent délicate des limites à l'obligation de restitution de la banque, parmi lesquelles figure la prescription extinctive ou libératoire.

L'article 1315 du Code civil dispose que“celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver”. Chronologiquement parlant, c'était donc bien à Madame D. d'établir l'existence d'une remise d'argent à la banque en vertu d'une convention faisant naître dans le chef de cette dernière une obligation de restitution.

En l'espèce, cette preuve était aisée. La production par Madame D. de son carnet de dépôt sur lequel figurait l'inscription d'un solde positif de 4.110,24 EUR depuis le 30 mars 1972 était suffisante à cet égard. On ajoutera que les clauses bancaires relatives aux carnets de dépôt disposaient généralement que les retraits ne pouvaient être effectués qu'en présentant physiquement le carnet au guichet de la banque afin que l'employé de la banque y inscrive le retrait. Le fait que le carnet de Madame D. ne comporte aucune inscription de retrait après le 30 mars 1972 suffisait donc en principe à établir que sa créance de restitution envers la Deutsche Bank était bien égale, en principal, au solde créditeur de son carnet de dépôt.

La Deutsche Bank, se prétendant libérée de sa dette de restitution, devait quant à elle, toujours en application de l'article 1315 du Code civil,“justifier... le fait qui a produit l'extinction de son obligation”. S'estimant libérée par le simple écoulement du temps, la banque devait donc établir le point de départ du délai de prescription, c'est-à-dire, en l'espèce, le moment où le droit à restitution était né dans le chef de Madame D.

Comme le constate la cour d'appel, en se référant aux clauses de la convention passée entre la Deutsche Bank et Madame D.,

    • aucun élément du dossier ne permet d'établir que Madame D. ait fait usage de son droit d'obtenir la restitution partielle ou complète du solde créditeur de son carnet de dépôt, et, pareillement;
    • aucun élément du dossier ne permet d'établir que ce carnet de dépôt ait été clôturé de quelque manière que ce soit.

    Ce faisant, la cour d'appel met en exergue les deux hypothèses de naissance de l'action en justice dans le chef du créancier de l'obligation de restitution, à savoir (i) le manquement du débiteur à son obligation de restitution suite à une demande de restitution par le créancier et, (ii), la fin du contrat qui les lie.

    La première hypothèse de point de départ de la prescription libératoire pour la banque est donc celle où, en cours de contrat, le titulaire du carnet de dépôt, demande au banquier, dans le respect des règles du contrat, la restitution des fonds et où la banque ne s'exécute pas. Ce défaut de la banque fait naître une action en restitution dans le chef du titulaire du carnet de dépôt. Plus précisément, cette action naîtra, selon les cas, soit à l'expiration du délai donné par le client à la banque pour restituer ces fonds, soit à l'expiration du délai conventionnellement prévu au contrat pour répondre à une demande de restitution.

    La seconde hypothèse visée par la cour d'appel est celle de la fin du contrat et donc de la clôture du compte. Si le carnet de dépôt est clôturé par le client, les choses sont simples. S'agissant d'un contrat à durée indéterminée, le client est toujours en droit d'y mettre fin à chaque instant dans le respect des conditions de la convention. Cette clôture va toujours de pair avec une demande de restitution des fonds inscrits au compte, la banque bénéficiant généralement, au terme du contrat d'un court préavis pour restituer les fonds au client. Cette hypothèse peut alors être assimilée à la première hypothèse pour ce qui concerne le point de départ de la prescription.

    Si le carnet de dépôt est clôturé par la banque, celle-ci va mettre son client en demeure de récupérer les fonds disponibles. Les conditions générales de la banque prévoiront généralement les différentes hypothèses (élection de domicile dans le chef du client, absence de réaction du client à la mise en demeure dans un certain délai, etc.) qui permettront à l'obligation de restitution de la banque de prendre cours et donc permettront également de déterminer le point de départ du délai de prescription extinctive de cette obligation de restitution.

    Les choses deviennent plus complexes si la banque n'a plus enregistré aucune opération sur le compte et n'a plus de nouvelle de son client pendant une longue période et si pas plus le client que la banque n'a demandé la clôture du compte. C'est l'hypothèse de ce qu'on appelle généralement le compte dormant [2].

    La banque, étant sans nouvelle de son client depuis “longtemps”, terme qui n'est à ce jour autrement défini que par référence à une période anormalement longue depuis la dernière opération sur le compte, peut-elle se considérer comme libérée?

    Il faut sans aucun doute répondre négativement. La banque qui n'a plus de nouvelle de son client depuis longtemps doit en principe, sur le fondement du principe d'exécution de bonne foi des conventions, conserver indéfiniment les fonds figurant sur ce compte. La doctrine s'est interrogée pour savoir si la procédure des offres réelles prévue par l'article 1257 du Code civil pouvait être appliquée aux comptes dormants [3].

    Cette question s'est notamment posée avec âpreté et à grande échelle à l'occasion des discussions relatives à la problématique de la restitution des avoirs juifs [4]. Elle reste controversée. La question qui se pose est de savoir si cette procédure peut s'appliquer même en l'absence de refus du créancier de “recevoir le paiement” pour reprendre les termes de l'article 1257 du Code civil. Si tel n'était pas le cas, il ne pourrait pas y être fait recours dans le cadre des comptes dormants.

    C'est sans aucun doute la raison pour laquelle, généralement, la politique interne des banques en Belgique consiste à considérer comme imprescriptible leur obligation de restitution de fonds à l'égard de clients dont elles sont sans nouvelle depuis longtemps. Ceci est de bon droit.

    Concernant cet arrêt, il reste enfin à se poser une question que certains considéreront sans doute comme scélérate ou à tout le moins provocatrice: comment la cour d'appel peut-elle justifier la capitalisation des intérêts depuis le 30 mars 1972, au bénéfice de Madame D. alors que les règles d'ordre public de l'article 1154 du Code civil n'ont à l'évidence pas été respectées par cette dernière? Ne fallait-il pas que Madame D., pour bénéficier de cette capitalisation, somme judiciairement la banque? Nous le pensons.

    Catherine Houssa

    Avocat

    [1] La loi du 10 juin 1998 a réduit à 10 ans le délai de prescription pour les actions personnelles (art. 2262bis § 1er, al. 1 du Code civil) et l'action en restitution se prescrit donc dorénavant en 10 ans.
    [2] Voy. à cet égard F. Sweerts, “L'expérience des banquiers face aux avoirs dormants”, in L'obligation de restitution du banquier, Cahiers AEDBF, Bruylant, 1998, pp. 125 à 135.
    [3] Pour la description de ce mécanisme, voy. De Page, T. III, n° 497.
    [4] Voy. à cet égard, Baron E. Krings in L'obligation de restitution du banquier, Cahiers AEDBF, Bruylant, 1998, pp. 119 à 122.