Article

Cour d'appel Bruxelles, 26/01/2006, R.D.C.-T.B.H., 2008/1, p. 20-29

Cour d'appel de Bruxelles 26 janvier 2006

BANQUE ET CRÉDIT
Opérations bancaires - Compte en banque - Extraits de comptes - Approbation implicite - Interprétation restrictive
La règle de l'approbation implicite inscrite dans le règlement général des opérations bancaires ne s'applique qu'aux extraits de compte envoyés pendant les relations contractuelles.
La renonciation du client à contester les sommes portées au débit de son compte doit s'interpréter restrictivement et ne concerne que les montants qui y sont expressément mentionnés.
BANQUE ET CRÉDIT
Opérations bancaires - Compte en banque - Intérêts - Anatocisme - Compte bancaire
L'article 1154 du Code civil qui réglemente l'anatocisme ne s'applique pas aux comptes courants tels les comptes bancaires ordinaires. Cette règle ne s'applique pas au solde du compte bancaire arrêté à la date de la clôture qui devient immédiatement exigible. Les intérêts échus sur le solde ne peuvent être capitalisés qu'aux conditions de l'article 1154 du Code civil.
BANQUE ET CRÉDIT
Opérations bancaires - Compte en banque - Crédit de caisse - Majoration des intérêts
La majoration contractuelle de 5% l'an du taux d'intérêt du crédit de caisse qui s'applique sur le dépassement du crédit n'est pas abusive dès lors que celui-ci comporte plus de risques d'absence de recouvrement et de charges.
PAIEMENT
Imputation - Article 1256 du Code civil - Abus
En l'absence d'un quelconque intérêt légitime, il serait abusif dans le chef du banquier d'opérer une imputation inverse à celle prévue par l'article 1256 du Code civil sur la base de son règlement général des crédits qui l'autorise à imputer à son gré la dette qu'elle entendrait éteindre.
BANQUE ET CRÉDIT
Opérations bancaires - Intérêts débiteurs - Année bancaire de 360 jours
L'usage bancaire de calculer les intérêts sur une base de 360 jours par an pour réaliser aisément des calculs d'intérêts ne se conçoit plus aujourd'hui à l'ère de l'informatique.

BANK- EN KREDIETWEZEN
Bankverrichtingen - Bankrekening - Rekeninguittreksels - Impliciete goedkeuring - Contractuele relatie - Restrictieve interpretatie
De regel van de impliciete goedkeuring opgenomen in het algemeen reglement van de bankoperaties vindt enkel toepassing op rekeninguittreksels die tijdens de contractuele relatie zijn verstuurd.
De afstand van de klant om de bedragen die gedebiteerd worden op zijn rekening te betwisten, dient restrictief geïnterpreteerd te worden en heeft enkel betrekking op de bedragen die uitdrukkelijk vermeld worden.
BANK- EN KREDIETWEZEN
Bankverrichtingen - Bankrekening - Interest - Anatocisme
Artikel 1154 van het Burgerlijk Wetboek dat het anatocisme regelt is niet van toepassing op rekeningen-courant zoals de gewone bankrekeningen. Deze regel is niet van toepassing op het saldo van de bankrekening dat op datum van de afsluiting onmiddellijk opeisbaar wordt. De vervallen interesten op dit saldo mogen enkel gekapitaliseerd worden onder de voorwaarden van artikel 1154 van het Burgerlijk Wetboek.
BANK- EN KREDIETWEZEN
Bankverrichtingen - Bankrekening - Kaskrediet - Interestverhoging
De contractuele verhoging van de interestvoet van het kas­krediet met 5% per jaar van toepassing op een kredietoverschrijding is niet abusief aangezien deze overschrijding een groter risico op niet-terugbetaling en kosten inhoudt.
BETALING
Bij afwezigheid van een wettig belang zou het abusief zijn in hoofde van een bank om een andere toerekening door te voeren dan die bepaald in artikel 1256 van het Burgerlijk Wetboek op grond van haar algemeen kredietreglement dat toelaat om naar eigen goeddunken toe te rekenen op de schuld die zij wenst.
BANK- EN KREDIETWEZEN
Bankverrichtingen - Debetrente - Bankjaar 360 dagen
Het bankgebruik om de interesten op een basis van 360 dagen per jaar te rekenen om de interestberekening te vergemakkelijken, is in huidige informaticatijd niet meer te rechtvaardigen.

SA DMG - Driesen / SA ING Belgique

Siég.: M. Regout (président), H. Mackelbert et M. Bosmans (conseillers)
Pl.: Mes G. Driesen et O. Clevenbergh

(…)

III. Faits et antécédents de la procédure

1. Entre le 12 mars 1987 et le 7 juillet 1994, la BBL (dénommée ci- après “la banque”) accorde à DMG différents crédits pour un montant total de 26.500.000 FB.

Dans sa dernière mouture ce crédit est utilisable comme suit:

crédit de caisse: dont 720.000 FB de garantie 2.500.000 FB
crédit d'investissement: 9.500.000 FB
crédit d'investissement: 2.644.146 FB
crédit d'investissement: 135.000 FB
crédit d'investissement: 5.840.594 FB
crédit d'investissement: 1.833.350 FB
solde disponible à affecter: 4.046.910 FB

Ces crédits sont assortis des sûretés suivantes:

- hypothèques en 1er, 2ème et 3ème rangs sur un immeuble commercial sis à Molenbeek-Saint-Jean, chaussée de Gand 518;

- hypothèques en 1er et 2ème rangs sur un immeuble sis à Molenbeek-Saint-Jean, chaussée de Gand 520;

- gage sur le fonds de commerce pour un montant de 13.000.000 FB en principal;

- caution solidaire de M. Driesen à concurrence de 2.500.000 FB, consentie le 30 juillet 1989.

Le 12 novembre 1994, toutes les installations de DMG sont détruites par un incendie.

Les biens immobiliers sont assurés auprès de la SA Patriotique qui, en 2001, adoptera la dénomination ING Assurances.

Le paiement des indemnités d'assurance est suspendu dans l'attente de l'issue d'une instruction judiciaire ouverte à charge de M. Driesen pour incendie volontaire.

Le 31 mars 1995, le crédit de 26.500.000 FB est restructuré comme suit:

crédit de caisse: 4.000.000 FB
garantie CPAS: 720.000 FB
crédit d'investissement: 17.664.527 FB
solde à affecter de commun accord: 4.835.473 FB

et la caution personnelle de M. Driesen est portée de 2.500.000 à 4.500.000 FB. Celui-ci déclare avoir pris connaissance et accepté le règlement des crédits (édition 1985) et le règlement général des opérations (édition 1976).

Le 30 novembre 1995, la banque résilie le crédit. Elle réclame la somme de 22.405.819 FB, sous réserve d'augmenter sa créance de 825.000 FB au cas où elle devrait honorer deux garanties qu'elle a accordées pour le compte de DMG. Le solde dû est porté au débit d'un nouveau compte courant portant le n° 330-0112582-19-000-0¬007 qui est ouvert pour la circonstance. Il est par ailleurs précisé qu'en exécution du règlement général des crédits, les intérêts conventionnels seront majorés de 2% si le solde n'est pas apuré dans les trente jours et que le taux des intérêts du crédit d'investissement sera majoré de 0,50%.

2. Le 27 juin 1996, DMG confirme à la banque les termes d'un entretien qui s'est déroulé à la banque le 19 juin 1996, au cours duquel:

- il a été décidé que la banque renoncerait aux 2,50% d'intérêts conventionnels supplémentaires repris dans la lettre de dénonciation des crédits;

- M. Driesen a fait une proposition de règlement amiable qui consistait dans:

* l'achat par lui des immeubles sinistrés pour 4.000.000 FB, payables lors de la levée de l'hypothèque;

* un moratoire de quatre ans octroyé par la banque dans l'attente du paiement des indemnités de sinistre;

* son engagement de reconstruire l'immeuble et de reverser à la banque le prix de revente éventuel;

* la réduction du taux d'intérêt à 6% l'an;

* le versement par lui d'une somme de 100.000 FB par an à imputer sur ses engagements de caution.

Par courrier du 5 juillet 1996, la banque confirme qu'elle a décidé de ne pas appliquer la majoration d'intérêts de 2% liée à la dénonciation du crédit et que, pour le surplus, le dossier est confié à son conseil.

Le 12 mai 1998, M. Driesen achète les immeubles à DMG.

Par jugement du tribunal correctionnel de Bruxelles du 8 octobre 1998, M. Driesen est acquitté des préventions d'incendie volontaire, faux et usage de faux et tentative d'escroquerie mises à sa charge.

Par courrier du 18 août 1999, DMG conteste devoir des intérêts et des frais à la banque, considérant que l'incendie dont elle a été victime constitue un cas de force majeure qui l'a empêchée de remplir ses obligations tant que les assureurs bloquaient les indemnités qui lui étaient dues.

Le 4 octobre 1999, la banque lui répond qu'elle ne peut accepter de prendre en considération une exception d'inexécution fondée sur la force majeure puisque l'obligation de DMG consiste dans le paiement d'une somme d'argent. Dans le même courrier, elle rappelle qu'elle n'a pas accepté la proposition du 27 juin 1996 parce que celle-ci impliquait une renonciation à une partie de ses droits et que des garanties complémentaires ne lui avaient pas été données.

3. Par exploit du 17 décembre 1999, DMG et M. Driesen font citer la banque devant le tribunal de commerce de Bruxelles.

Aux termes de leurs dernières conclusions, ils demandent au tribunal:

- de condamner la banque à payer à DMG 1.197.433 FB à titre de remboursement de sommes trop payées en application de l'article 1148 du Code civil;

- à titre subsidiaire de réduire à 4% l'intérêt moratoire grevant la créance de la banque concernant le solde des contrats de crédit de 2.157.188 FB;

- à titre encore plus subsidiaire de réduire à 7% l'intérêt moratoire grevant la créance de la banque concernant le solde des contrats de crédit de 4.673.154 FB;

- à titre infiniment subsidiaire de réduire aux intérêts conventionnels la créance de la banque, soit à la somme de 6.496.383 FB;

- d'ordonner la mainlevée de toutes les sûretés données par M. Driesen en faveur de la banque;

- de condamner la banque à leur payer la somme de 24.026.649 FB à titre de dommages et intérêts en réparation de la faute commise par elle lorsqu'elle a refusé la proposition du 27 juin 1996.

La banque introduit une demande reconventionnelle qui tend au paiement:

- par DMG de 8.049.559 FB, arrêtés au 7 juin 2000, augmentés d'un intérêt journalier de 217 FB par jour sur la somme de 732.846 FB et de 1.968 FB sur la somme de 7.316.713 FB;

- par M. Driesen de 6.748.125 FB, arrêtés au 7 juin 2000, en sa qualité de caution solidaire de DMG, augmentés d'un intérêt de 10,9% l'an ou 1.362 FB par jour.

Par son jugement du 30 novembre 2000, le premier juge dit la demande principale non fondée et en déboute DMG et M. Driesen. Statuant sur la demande reconventionnelle, il condamne DMG et M. Driesen à payer solidairement à la banque la somme de 6.496.383 FB et ordonne une réouverture des débats afin de permettre à la banque de justifier l'application des majorations, commissions et pénalités qu'elle réclame.

Par son jugement du 13 septembre 2001, le premier juge fait entièrement droit aux demandes originaires de la banque.

4. DMG et M. Driesen interjettent appel de cette décision.

Aux termes de leurs dernières conclusions, ils demandent à la cour de la mettre à néant et de:

- dire pour droit qu'en application des articles 1147 et 1148 du Code civil, DMG est libérée pour cause étrangère libératoire de tous dommages et intérêts réclamés par la banque et que, dès lors, aucun intérêt, commission ou frais de quelque sorte que ce soit ne sont dus depuis l'incendie du 12 novembre 1994 ou à une autre date à déterminer par la cour après avoir désigné un expert;

- en conséquence, condamner la banque à rembourser à DMG la somme de € 246.038,46 augmentée des intérêts légaux à dater des différents paiements intervenus, sous réserve d'une vérification à faire par un expert à désigner par la cour;

- subsidiairement, réduire à 4% l'intérêt dû par DMG depuis l'incendie du 12 novembre 1994, à compter uniquement sur le capital et pas sur les intérêts, et sans compter les moindres frais, provision ou indemnité d'aucune sorte et ordonner:

* qu'à partir du 12 novembre 1994, les intérêts et frais sur tous les crédits soient débités sur le compte spécial, qui ne porte pas d'intérêts, au lieu du compte courant, le remboursement de capital ne pouvant pas être débité sur le compte courant;

* que les remboursements soient imputés d'abord sur le solde du crédit de caisse après correction et ensuite sur les crédits d'investissement à 10,4%, puis sur ceux à 7,2%;

* que les intérêts contractuels sur la garantie bancaire de 720.000 FB soient limités à 0,5% par trimestre;

en conséquence de quoi, condamner la banque à rembourser à DMG la somme de € 153.700,50 augmentée des intérêts légaux à dater des différents paiements intervenus, sous réserve d'une vérification à faire par un expert à désigner par la cour;

- encore plus subsidiairement, réduire, dans les mêmes conditions d'imputation, l'intérêt à 7% l'an et condamner la banque à rembourser à DMG la somme de € 91.131,31 augmentée des intérêts légaux à dater des différents paiements intervenus, sous réserve d'une vérification à faire par un expert à désigner par la cour;

- à titre infiniment subsidiaire:

* condamner la banque à réduire les intérêts aux taux conventionnels;

* dire pour droit qu'il existait un accord pour ne pas augmenter le taux conventionnel sur les crédits d'investissement de 0,5% d'une part, et pour ne pas compter la moindre pénalité en général depuis le 12 novembre 1994, d'autre part;

* dire que les intérêts sur la garantie bancaire de 720.000 FB se limitent à 0,5% par trimestre;

* dire que la pénalité de 5% prise en compte sur le compte courant n'est pas fondée;

* dire que la commission de 1,5% prise en compte par la banque sur le crédit de caisse doit être ramenée à son taux conventionnel de 1%;

* dire qu'à partir du 12 novembre 1994 les intérêts et frais sur tous les crédits doivent être débités sur le compte spécial, qui ne porte pas d'intérêts, au lieu du compte courant, le remboursement de capital ne pouvant pas être débité sur le compte courant;

* ordonner d'imputer les remboursements d'abord sur le solde du crédit de caisse après correction et ensuite sur les crédits d'investissement à 10,4%; puis sur ceux à 7,2%;

* condamner la banque à rembourser à DMG la somme de € 46.430,98 augmentée des intérêts légaux à dater des différents paiements intervenus, sous réserve d'une vérification à faire par un expert à désigner par la cour;

- condamner la banque à leur payer € 125.000 en réparation des dommages moraux qu'ils ont subis, augmentés des intérêts compensatoires depuis le 1er juillet 1996;

- condamner la banque à payer à DMG, à titre de réparation du préjudice matériel subi à la suite du refus de la proposition de juin 1996, € 11.240 par mois depuis le 1er juillet 1996 jusqu'au 12 mai 1998, augmentés des intérêts compensatoires;

- condamner la banque à payer à M. Driesen, pour les mêmes motifs, € 11.240 par mois depuis le 13 mai 1998 jusqu'au 6 novembre 2002, augmentés des intérêts compensatoires.

IV. Discussion
1. Sur la force majeure invoquée par DMG

5. DMG soutient que l'incendie, dont elle a été la victime - dont il n'est pas contesté qu'il a détruit tout l'atelier de carrosserie qu'elle exploitait - constitue une cause étrangère ou un cas de force majeure, au sens des articles 1147 et 1148 du Code civil, l'ayant empêchée d'exécuter, temporairement, ses obligations de remboursement envers la banque. Elle en déduit que le contrat de crédit était suspendu entre la date de l'incendie et celle du paiement des indemnités par les assureurs, avec la conséquence que la BBL ne pouvait lui réclamer les intérêts, commissions, majorations et pénalités pendant cette période. Elle ajoute que si elle n'a pu honorer ses engagements par d'autres voies, c'est en raison de l'attitude dilatoire des assureurs et de la banque, filiales du même groupe financier, qui ont tout fait pour la mettre dans une situation financière catastrophique en retardant le paiement des indemnités et la libération des garanties qui avait été consenties.

6. En matière d'exécution de conventions, la force majeure suppose un obstacle insurmontable; ne constitue pas, dès lors, la force majeure la circonstance qui ne rend pas l'exécution du contrat absolument impossible, mais la rend seulement plus difficile ou plus onéreuse (Cass. 23 février 1967, Pas. 1967, I, 782). L'impossibilité d'exécution d'une convention n'existe point lorsque l'obligation a pour objet le paiement d'une somme d'argent (Cass. 13 mars 1947, Pas. 1947, I, 108). Par ailleurs, il ne doit pas être tenu compte de circonstances postérieures à la survenance de l'événement, celles-ci étant sans influence sur l'existence de la cause étrangère et sur les conséquences juridiques qu'elle a engendrées (Cass. 10 novembre 1976, Pas. 1997, I, 285).

En l'espèce, l'obligation qui pesait sur DMG consistait dans le remboursement des échéances des différents crédits d'investissement qu'elle avait souscrits et dans le paiement des intérêts et des commissions dus sur les avances en caisse consenties par la banque. Cette obligation est étrangère aux immeubles qui ont péri par le feu.

Certes, l'arrêt accidentel des activités de DMG a eu pour conséquence qu'elle n'a plus pu réaliser dans l'immédiat un chiffre d'affaires suffisant pour lui permettre de faire face à ses obligations financières. Il s'agit là d'une circonstance imprévue sur le plan économique qui ne peut entraîner la dissolution ou la suspension des obligations contractuelles. En effet, admettre l'imprévision au nom de l'équité serait compromettre la sécurité que le droit a voulu assurer par le principe de la convention-loi (Liège 27 juin 1995, J.M.L.B. 1996, p. 100).

Rien n'empêchait DMG d'entreprendre une nouvelle activité - comme elle l'a d'ailleurs fait depuis lors - et de trouver ainsi d'autres sources de revenus ou encore de solliciter un crédit temporaire auprès d'un autre organisme financier ou, à défaut, de son administrateur-délégué, M. Driesen. DMG ne produit aucune pièce démontrant qu'elle aurait entrepris pareilles démarches ou qu'elle aurait rencontré des difficultés insurmontables trouvant leur cause dans une attitude de la banque.

Par ailleurs, il résulte des comptes annuels de DMG de 1994 que les dettes financières à moins d'un an (compte 42300), c'est-à-dire le total des engagements financiers à supporter en 1995, étaient de 2.922.949 FB. Il ne peut donc être soutenu qu'il était absolument insurmontable de réunir cette somme. Si tel avait été le cas, DMG aurait dû prononcer sa dissolution, ce qu'elle n'a pas fait. En outre, DMG n'a émis aucune protestation lors de la dénonciation du crédit et n'a contesté la débition des intérêts pour cause de force majeure que quatre ans et demi après l'incendie.

Au contraire, quatre mois après l'incendie, elle a obtenu de la banque une augmentation de son crédit de caisse, à concurrence de 1.500.000 FB et son administrateur-délégué a accepté d'augmenter sa caution personnelle de 2.000.000 FB, ce qui démontre que DMG considérait elle-même qu'il existait des possibilités de relancer la société. Contrairement à ce que soutient DMG, il ne se déduit d'aucune pièce du dossier que cette restructuration du crédit lui aurait été “imposée” par la banque.

En toute hypothèse, l'insolvabilité, quelle que soit sa cause, ne donne lieu qu'à application de l'article 1244 du Code civil. Elle ne peut être considérée comme un cas de force majeure, sous peine de porter un coup mortel aux relations d'affaires. C'est en ce sens qu'il faut maintenir, en ce qui concerne les sommes d'argent, la règle Genera non pereunt ( De Page, T. II, 1964, p. 606, n° 605, note de bas de page (3)).

7. Il ne peut être reproché aux assureurs de s'être constitués partie civile contre M. Driesen dès lors que des charges pesaient sur lui, ce qui a été confirmé par son renvoi devant le tribunal correctionnel par la chambre du conseil et, partant, d'avoir suspendu le paiement des indemnités de sinistre dans l'attente du jugement à intervenir.

En toute hypothèse, si les assureurs avaient commis des fautes, le dommage qui en serait résulté ne pourrait être réclamé à la banque au seul motif qu'elle fait partie du même groupe financier. Les assureurs ont une personnalité juridique distincte de celle de la banque.

Quant aux reproches imputés à la banque d'avoir réclamé des montants indus et d'avoir adopté une attitude dilatoire, ils ne peuvent constituer une cause étrangère libératoire et seront examinés dans le cadre de la demande distincte de dommages et intérêts.

La demande principale de DMG de suspension des intérêts, commissions et majorations prévus contractuellement pour cause de force majeure n'est donc pas fondée et l'appel sur ce point ne l'est pas non plus.

2. Sur le décompte de la banque et les divers taux d'intérêt, majorations et imputations

8. DMG formule à l'encontre des décomptes dressés par la banque les griefs suivants:

- alors qu'elle devait savoir que DMG était dans l'incapacité d'honorer ses engagements, la banque a continué à débiter le crédit de caisse des remboursements en capital, intérêts et frais portant sur les crédits d'investissement, permettant ainsi la prise en compte d'un taux d'intérêt plus coûteux (voir conclusions de synthèse, n° 75);

- les intérêts dus sur le solde du crédit, après dénonciation de celui-ci ne peuvent plus être capitalisés (n° 80);

- l'octroi d'une garantie de 720.000 FB en faveur du CPAS de Bruxelles ne pouvait donner lieu qu'à un intérêt de 0,5% par trimestre et ce montant ne pouvait être débité du compte courant ordinaire (n° 83);

- la banque a renoncé à appliquer la majoration conventionnelle de 0,5% sur les crédits d'investissement et celle-ci ne peut donc plus être prise en compte (n° 91);

- le taux à appliquer pour le solde débiteur du crédit de caisse doit être le taux de base, majoré de 1,25% et d'une commission de 1% au lieu de 1,5% (n° 92);

- la banque a renoncé à appliquer toute pénalité, ce qui inclut la majoration conventionnelle de 5%, laquelle, en toute hypothèse, est abusive (nos 98 et 99), ne peut lui être réclamée à défaut pour elle d'avoir marqué son accord sur cette majoration (n° 100) et ne lui est en tout cas pas opposable puisqu'elle n'a pas reçu le règlement général des opérations (n° 103);

- un accord a été conclu entre les parties pour imputer les paiements effectués par les assureurs en priorité sur le capital et pas sur les intérêts (n° 105);

- subsidiairement, les paiements doivent être imputés d'abord sur le crédit de caisse, ensuite sur les crédits d'investissement à 10,4% et enfin sur les crédits d'investissement à 7,2% (n° 114);

- en tout état de cause, les différents taux d'intérêts sont prohibitifs et doivent être réduits par la cour à 4% l'an ou, subsidiairement, au taux légal (n° 119);

- le cantonnement opéré par l'huissier de justice Sonck de 8.317.668 FB, le 10 novembre 2000, doit être considéré comme un paiement, avec la conséquence que la banque n'est plus autorisée à compter des intérêts sur cette somme depuis cette date (n° 122);

- les intérêts doivent se calculer sur 365 jours par an et pas sur 360 jours (n° 133).

9. C'est à tort que la banque soutient qu'il n'y a plus lieu de procéder à un décompte d'intérêts au motif que DMG n'aurait pas protesté à la réception des extraits de compte.

La banque invoque l'article 41 du règlement général des opérations qui prévoit que le solde du compte mentionné sur l'extrait de compte est considéré comme exact si le client n'a émis aucune protestation dans les 30 jours de sa réception.

Cette disposition ne concerne que les extraits de compte envoyés pendant les relations contractuelles et pas les décomptes dressés après dénonciation des crédits dans le cadre d'une procédure. Or, les pièces B.9 et B.10 sur lesquelles la banque s'appuie (cf. ses conclusions n° 38) ne constituent pas des extraits de compte mais des décomptes établis le 10 juillet 2000, soit après l'introduction de la présente instance. Par ailleurs, il n'est pas contesté que la banque a établi plusieurs décomptes dont certains étaient entachés d'erreurs ou d'omissions (cf. notamment l'inclusion dans ces décomptes pendant plusieurs mois de la majoration de 2% à laquelle la banque avait renoncé le 5 juillet 1996).

En outre, la renonciation du client à contester les sommes portées au débit de son compte doit s'interpréter restrictivement et ne concerne que les montants qui y sont expressément mentionnés. Or, en l'espèce, il y a lieu de constater que lorsque la banque a débité des intérêts trimestriellement sur le compte courant, elle n'a donné aucun détail de son calcul et n'a précisé ni le capital sur lequel les intérêts étaient comptés ni le taux qu'elle entendait appliquer (cf. l'extrait de compte au 9 octobre 1995 en annexe de la pièce B.5 du dossier de la banque). Il s'en déduit qu'une absence de protestation du client à la réception d'un tel extrait n'emporte pas d'accord tacite sur des modifications de taux qui ne lui ont pas été communiquées.

10. DMG ne peut reprocher à la banque d'avoir prélevé sur le crédit de caisse les échéances impayées des crédits d'investissement entre l'incendie et la dénonciation des crédits.

Elle n'a émis aucune protestation à l'époque et a même prélevé sur le crédit de caisse des montants excédant la limite autorisée puisque, le 30 novembre 1995, le solde débiteur du crédit de caisse était de 6.249.304 FB, alors que la limite de prélèvement était de 4.000.000 FB.

Il convient en outre de rappeler que DMG a expressément demandé à la banque d'augmenter son crédit de caisse pour lui permettre de faire face à ses obligations. Il a même été convenu que 4.835.473 FB pouvaient encore être affectés en plus du crédit de caisse et des crédits d'investissement. Elle est donc malvenue aujourd'hui de prétendre que la banque aurait commis une faute en lui accordant des facilités de caisse complémentaires.

11. S'il est communément admis par la doctrine et la jurisprudence depuis l'arrêt de la Cour de cassation du 27 février 1930 (Pas. 1930, I, 129) que l'article 1154 du Code civil qui réglemente l'anatocisme ne s'applique pas aux comptes courants tels les comptes bancaires ordinaires, cette règle ne s'applique pas au solde du compte bancaire arrêté à la date de la clôture qui devient immédiatement exigible. Les intérêts échus sur ce solde ne peuvent être capitalisés qu'aux conditions de l'article 1154 du Code civil.

Mais, contrairement à ce que soutient DMG, il n'apparaît nullement des décomptes qui ont servi de base à l'imputation des différents paiements que la banque aurait capitalisé les intérêts échus à l'issue de chaque période.

Conformément à l'article 1254 du Code civil, la banque a imputé les différents paiements d'abord sur les intérêts et ensuite sur le capital. Ainsi, à titre d'exemple, le 5 décembre 1995, le paiement de 278.066 FB effectué par Locadif est imputé à concurrence de 11.039 FB sur les intérêts dus sur 6.418.347 FB durant 5 jours et à concurrence de 267.027 FB sur ce capital, le réduisant ainsi à 6.151.320 FB, sur lequel les intérêts subséquents seront calculés.

12. Il est exact qu'il était prévu que l'octroi par la banque d'une garantie de 720.000 FB au profit du CPAS de Bruxelles donnerait lieu à une commission de 0,5% par trimestre (cf. pièce II, G, 10 du dossier de DMG).

Cette commission n'est exigible que tant que la banque n'est pas contrainte d'honorer sa garantie. Dès qu'elle exécute celle-ci et verse la somme correspondante au bénéficiaire, la commission n'est plus due mais, en revanche, le montant versé porte intérêt au taux du crédit de caisse s'il est prélevé sur celui-ci. C'est ce qui s'est passé le 12 mai 2000 (cf. pièce B.9 du dossier de la banque et l'inscription uitvoering GW (traduction: exécution GW)). Avant cette date, seule une commission de 3.600 FB était débitée.

Il était d'ailleurs expressément prévu dans la lettre de garantie du 30 décembre 1991 que le montant de celle-ci venait en déduction des facilités de caisse, qui étaient à l'époque de 2.500.000 FB, réduisant ainsi le crédit de caisse à 1.780.000 FB, démontrant ainsi que le montant pouvait, en cas d'exécution, être prélevé sur celui-ci.

Aucun reproche ne peut donc être formulé à l'encontre de la banque sur ce point.

13. L'article 7 du cahier des clauses et conditions spéciales applicables aux crédits d'investissement ne bénéficiant pas d'une intervention de l'État ou de la Région (version 1988) ainsi que l'article 6 de la version 1990 stipulent que:

À défaut de paiement à l'échéance de toute somme exigible en principal, les intérêts conventionnels continuent à courir jusqu'au paiement effectif et ce de plein droit et sans mise en demeure et sous réserve de tous droits et actions de la banque.

En outre, la banque peut exiger un supplément d'intérêts d'un 1/2% l'an calculé depuis l'échéance non honorée jusqu'au paiement effectif:

- s'il s'agit d'intérêts impayés sur le montant de la créance en principal qui a servi de base au calcul des intérêts;

- s'il s'agit d'une échéance en principal sur le montant en souffrance.

Cette majoration est de plein droit applicable au montant restant dû en cas d'exigibilité immédiate, à partir de celle-ci jusqu'au remboursement complet.

Ces conditions sont applicables aux crédits d'investissement accordés à DMG (cf. notamment pièces II, G, 9 et 13 du dossier de DMG).

Dans sa lettre du 27 juin 1996, DMG soutenait que la banque aurait renoncé à l'application de la majoration des intérêts conventionnels de 2,5% dont il est question dans sa lettre de dénonciation des crédits du 30 novembre 1995 (cf. § n° 1).

Il résulte cependant de la lettre de la banque du 5 juillet 1996 qu'elle n'a renoncé qu'à la majoration de 2%. La lettre est muette quant à la majoration de 0,5% appliquée spécifiquement aux crédits d'investissement.

Comme une renonciation ne se présume pas, il appartient à DMG de prouver que la banque aurait bien renoncé à cette majoration ou que la lettre du 5 juillet 1996 contenait une erreur matérielle, ce qu'elle ne fait pas. DMG n'a d'ailleurs pas réagi à la réception du dernier courrier de la banque.

Il s'en déduit que la banque est en droit de majorer de 1/2% le taux des intérêts conventionnels des crédits d'investissement.

14. Lorsque la banque a porté le crédit à 26.500.000 FB par sa lettre du 15 juillet 1991 (pièce II, G, 8 du dossier de DMG), il a été précisé que le taux d'intérêt applicable au crédit de caisse était de 1,25% au-dessus du taux de base majoré d'une commission de 0,25% par trimestre sur le débit le plus élevé avec pour minimum le montant du crédit accordé.

C'est donc à tort que la banque entend appliquer les anciennes conditions qui résultaient de la lettre de crédit du 19 décembre 1990 dans laquelle le taux de la commission trimestrielle était de 0,375%.

Il s'en déduit que la commission trimestrielle ne peut dépasser 1% par an.

C'est en vain que la banque invoque que DMG aurait tacitement accepté que la commission soit néanmoins portée à 1,5% pour n'avoir pas protesté à la réception des extraits de compte. Ainsi que cela a été rappelé au § 9, il est impossible de vérifier sur les extraits de compte quel est le taux d'intérêt qui est appliqué. Le détail du calcul de ceux-ci qui est actuellement produit fait effectivement apparaître une commission de 1,5% par an, mais il y a lieu de constater qu'il n'a jamais été joint aux extraits de compte et qu'il n'a été établi et produit qu'en cours d'instance (cf. pièces B.5 et B.6 du dossier de la banque montrant une date d'impression au 15 décembre 2000 et impression d'un logo BBL qui n'existait pas à l'époque).

DMG est donc en droit de contester la débition d'une commission manifestement indue et il y a lieu de rectifier le décompte en ce sens.

15. Ainsi que cela a été rappelé au § 13, la banque n'a renoncé qu'à la majoration de 2% du taux d'intérêt qu'elle avait exigé dans sa lettre du 30 novembre 1995.

Contrairement à ce que DMG soutient, il ne peut être déduit de cette lettre que la banque aurait renoncé à toutes les majorations qu'elle était en droit d'appliquer et notamment à la majoration du taux d'intérêt sur le dépassement non autorisé qu'il n'y a pas lieu de confondre avec celle qui est due en cas de non-paiement du solde dû dans les trente jours de la cessation du crédit.

La majoration de 5% l'an du taux d'intérêt du crédit de caisse est appliquée en exécution des articles 5 et 15 du règlement général des crédits (édition 1985).

C'est à tort que DMG et M. Driesen soutiennent que ce règlement ne leur est pas opposable. Il résulte en effet de la lettre de caution du 31 mars 1995 (cf. § 1) que M. Driesen a accepté ledit règlement. Il en est de même de DMG (cf. première lettre d'ouverture de crédit de 500.000 FB du 12 mars 1987, pièce A.3 du dossier de la banque).

Les dispositions contractuelles invoquées par la banque sont les suivantes:

Art. 5. La banque peut, à tout moment, au cours du crédit ou postérieurement à sa cessation, par l'envoi d'un simple avis au crédité, modifier les conditions d'intérêts et de commissions ainsi que les modalités relatives à ces intérêts et commissions, telles notamment la périodicité des arrêtés de compte et le mode de comptabilisation.

Art. 15. Les crédits accordés ne peuvent en principe donner lieu à dépassement et, d'autre part, le compte du crédité ne peut présenter de solde débiteur, en capital ou en valeur, que si la convention de crédit ou une disposition particulière le prévoit.

Toute tolérance en ces matières ne pourra jamais être invoquée comme constitutive d'un droit au maintien du solde débiteur ou dépassement ou à une répétition de la tolérance; au contraire, la banque pourra à tout moment exiger remise immédiate pour apurer le solde débiteur ou le ramener dans les limites autorisées; sur le montant du solde débiteur non autorisé sera appliqué d'office un intérêt dont le taux ne dépassera pas 2% par mois et dont le client sera informé par les extraits de compte qui lui sont envoyés à l'occasion de chaque clôture périodique de son compte.

(...)

Il résulte du décompte produit par la banque que la majoration de 5% n'a été appliquée que sur le montant du dépassement. C'est ainsi que pour la période du 1er au 5 décembre 1995, la banque comptabilise un intérêt de 10,5% sur 6.418.347 FB et un intérêt de 5% sur 2.418.347 FB, soit le montant qui dépasse la limite de 4.000.000 FB autorisée. C'est donc à tort qu'il est soutenu que la pénalité de 5% grèverait la totalité des sommes dues.

Cette majoration s'applique d'office. Elle ne requiert donc pas l'accord préalable du client pour être applicable.

Le taux de 5% n'est pas abusif dès lors qu'il ne s'applique que sur le dépassement du crédit qui n'avait pas été prévu par la banque et qui comporte donc plus de risques d'absence de recouvrement et de charges.

En outre, alors que la banque pouvait, contractuellement, réclamer 24% l'an, le taux appliqué au dépassement n'est que de 9% (taux de base + 1.25) + 1% (commission) + 5% (pénalité) soit 15%, ce qui est raisonnable et conforme aux pratiques bancaires.

Le grief n'est donc pas fondé.

16. En décembre 1998, les parties ont convenu qu'eu égard à la contestation émise par DMG quant au montant des intérêts, une partie des sommes payées par les assureurs serait provisoirement consignée sur un compte bancaire commun ouvert par leurs avocats respectifs dans l'attente d'une solution négociée.

Il ne s'en déduit pas que la banque aurait renoncé au bénéfice de l'article 1254 du Code civil et que, partant, les paiements effectués par les assureurs devaient prioritairement s'imputer sur le capital.

17. Conformément à l'article 1256 du Code civil, les imputations doivent se faire sur les dettes que le débiteur avait le plus d'intérêt d'acquitter, c'est-à-dire sur celles qui sont les plus onéreuses, soit en l'espèce le crédit de caisse, puis les crédits d'investissement à 10,4% et enfin ceux à 7,2%.

Il n'apparaît pas du décompte produit par la banque qu'elle n'aurait pas respecté une telle imputation.

Il serait abusif dans son chef d'opérer une imputation inverse sur la base de l'article 21 du règlement général des crédits qui l'autorise à imputer à son gré la dette qu'elle entendrait éteindre, dès lors que la banque ne peut faire valoir un quelconque intérêt légitime à procéder de la sorte puisqu'il s'agit d'un crédit unique couvert par les mêmes garanties, quelles que soient les modes d'utilisation et les différents taux convenus.

Comme le décompte doit être refait (cf. § 14), il conviendra que la règle contenue dans l'article 1256 du Code civil soit respectée.

18. Il n'y a pas lieu de réduire les intérêts conventionnels à un taux de 4% ou subsidiairement au taux légal.

En effet, les taux convenus par les parties n'excèdent manifestement pas le dommage subi par la banque à la suite du retard de paiement de DMG. Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue qu'un taux d'intérêt tient compte non seulement du taux du marché des capitaux mais également du bénéfice escompté par l'organisme financier, des frais et charges à supporter pour gérer le compte et récupérer le capital, ainsi que du risque d'insolvabilité.

19. Par son arrêt du 25 avril 2000, la cour a condamné les assureurs à payer à DMG, dans le cadre d'un référé-provision, une somme de 10.000.000 FB.

DMG a tenté d'exécuter cet arrêt contre les assureurs, mais, arguant de ses droits de créancier hypothécaire, la banque a soutenu que les sommes dues devaient lui revenir, ce que DMG contestait, au motif que les intérêts que la banque lui réclamait encore n'étaient pas dus, selon elle.

Saisis par les assureurs, le juge des saisies près le tribunal de première instance de Bruxelles a, par son jugement du 10 octobre 2000, suspendu l'exécution de l'arrêt du 25 avril 2000 dans l'attente du prononcé du jugement à intervenir dans la cause opposant DMG à la banque [à savoir le jugement attaqué] et a autorisé les assureurs à consigner à la Caisse des dépôts et consignations la somme de 8.317.668 FB, ce qui fut fait le 10 novembre 2000.

C'est à tort que DMG considère que ce cantonnement vaut paiement dans son chef à l'égard de la banque et qu'il n'y a pas lieu de comptabiliser des intérêts aux taux conventionnels entre le 10 novembre 2000 et le 21 mars 2001 lorsque ces fonds furent libérés au profit de la banque, majorés des intérêts versés par la Caisse des dépôts et consignations.

En effet, le cantonnement ne vaut paiement que dans le chef du saisi, soit en l'espèce les assureurs. Si la somme de 8.317.668 FB est restée bloquée pendant près de quatre mois, la responsabilité en incombe à DMG qui s'est opposée à ce qu'elle soit versée par les assureurs à la banque. Par ailleurs, il ne se déduit d'aucune pièce du dossier que la banque aurait accepté de se satisfaire des intérêts versés par la Caisse des dépôts et consignations.

Le moyen n'est donc pas fondé.

20. Les différents décomptes établis par la banque sont établis sur une base de 360 jours par an.

La banque invoque à ce sujet l'existence d'un usage au sein des banques.

Le règlement général des crédits et les documents contractuels, pourtant fort complets, ne précisent pas l'existence de cet usage.

Il s'agit, en réalité, d'une majoration substantielle des intérêts journaliers au profit de la banque. Ainsi, une somme de 1.000.000 FB à 10% l'an génère un intérêt journalier de 273,97 FB sur une base de 365 jours et de 277,78 FB sur une base de 360 jours, soit 1,39% de plus.

Si cet usage pouvait se concevoir il y a quinze ou vingt ans pour faire aisément des calculs d'intérêts par mois, semestre ou trimestre, dès lors que le nombre 360 est divisible par 12, 2 et 4, il ne se conçoit plus aujourd'hui à l'ère de l'informatique.

Il se conçoit d'autant moins que, dans le cas d'espèce, les décomptes produits par la banque démontrent qu'elle a la possibilité informatique de faire un calcul en 365/360e ou en 365/365e. Pour DMG, l'opérateur a choisi la première option (cf. pièce B.9 du dossier de la banque) alors que celle-ci n'a pas été convenue entre les parties.

L'usage n'est donc pas constant et la méthode de calcul dépend de l'arbitraire de la personne qui effectue le calcul, ce qui ne peut être admis.

Le décompte devra donc tenir compte d'un intérêt journalier calculé en 365e.

3. Sur les fautes imputées à la banque

21. DMG reproche à la banque d'avoir:

- refusé d'accepter sa proposition du 19 juin 1996 (cf. ses conclusions de synthèse n° 143);

- fait procéder à une saisie-arrêt conservatoire sur la somme de 10.000.000 FB, objet de la condamnation de la cour d'appel dans son arrêt du 25 avril 2000 (n° 145);

- fait établir par son huissier de justice un décompte erroné dans le but de maintenir ses garanties (n° 146);

- résilié le contrat (n° 163).

22. La banque n'a pas commis de faute ni abusé de son droit en n'acceptant pas la proposition de M. Driesen du 19 juin 1996.

Celle-ci exigeait en effet une importante concession de sa part qu'elle n'était pas obligée d'accepter, dans la mesure où les taux d'intérêts qui se situaient à 15% pour le dépassement du crédit de caisse, 10% pour le crédit de caisse, 10,4% pour les crédits d'investissement et 7% pour les autres crédits auraient dû être réduits à 6%. En outre, l'engagement de verser 100.000 FB par an ne permettait même pas de payer ces intérêts réduits.

Par ailleurs, la proposition de reconstruction de l'immeuble ne constitue pas une offre de supplément d'hypothèque telle qu'elle est visée par l'article 79, alinéa 2 de la loi hypothécaire qui permet au débiteur d'éviter le remboursement de la créance lorsque l'immeuble affecté à l'hypothèque a péri. C'est un autre bien que M. Driesen aurait dû offrir en hypothèque à la banque s'il voulait bénéficier de cette disposition.

23. Même en prenant en considération les rectifications du décompte telles qu'elles devront être faites en exécution du présent arrêt, il n'est pas contestable que la banque restait créancière d'une somme très importante lorsque les assureurs se sont exécutés.

La banque n'a donc pas commis de faute en signifiant une saisie-arrêt conservatoire entre les mains des assureurs.

En toute hypothèse, cette saisie n'a pu causer un quelconque dommage à DMG puisque, d'une part, cette saisie a été levée par le juge des saisies qui a considéré qu'il n'y avait pas péril en la demeure eu égard aux droits hypothécaires que la banque avait conservés et que, d'autre part, ce même juge a permis que le montant de la dette DMG soit cantonné. Il y a d'autant moins de dommage dans la mesure où, en définitive, DMG a marqué son accord, quatre mois plus tard, pour libérer le cantonnement au profit de la banque.

24. Il n'est pas contesté par la banque que le décompte de son huissier de justice du 7 décembre 2001 aux termes duquel DMG restait encore devoir 796.238 FB était erroné.

Il ne résulte cependant d'aucun élément du dossier que l'établissement de ce décompte procédait d'une intention délibérée de retarder la libération des sûretés garantissant le crédit.

Tout au plus cet incident a-t-il retardé d'un mois ou deux la libération des sûretés que DMG a néanmoins obtenue du tribunal de commerce de Bruxelles par jugement du 7 février 2002, confirmé par la cour dans son arrêt du 6 novembre 2002. DMG et M. Driesen - qui avait acquis l'immeuble depuis le 12 mai 1998 - ne produisent aucune pièce tendant à démontrer que ce léger retard les aurait empêchés de procéder à la reconstruction des bâtiments ou qu'ils auraient, de ce fait, dû supporter un complément d'intérêts.

25. Le crédit a été dénoncé en exécution de l'article 8, a), f), j) et k) du règlement général des crédits qui stipule que la banque a le droit de mettre fin au crédit, sans préavis, dans les cas où:

- le crédité ne respecte pas ses obligations, ce qui était le cas puisque le crédit de caisse était en dépassement;

- le crédité est en cessation totale ou partielle d'activité, ce qui s'était produit suite à l'incendie et à l'absence de reconstruction;

- l'immeuble hypothéqué est déprécié ou indisponible;

- la débition d'intérêts entraîne un dépassement de la limite d'utilisation, ce qui se présentait de manière récurrente puisque le crédit de caisse n'enregistrait plus aucune entrée et était en constant dépassement.

Aucune faute ne peut être reprochée à la banque. DMG n'a d'ailleurs pas protesté à la réception de la lettre du 30 novembre 1995.

La demande de dommages et intérêts n'est donc pas fondée.

V. Conclusion

Pour ces motifs, la cour,

1. Dit l'appel recevable et partiellement fondé;

2. Réforme les jugements attaqués, sauf en ce qui concerne la liquidation des dépens;

Ordonne à la banque de dresser un nouveau décompte des sommes dues par DMG en exécution des différents contrats de crédit sur les bases suivantes:

- le taux d'intérêt du crédit de caisse doit être égal aux différents taux de base pratiqués par la banque, majorés de 1,25% et d'une commission de 1% par an;

- le taux d'intérêt appliqué aux seuls montants excédant la somme de 4.000.000 FB est le taux du crédit de caisse défini à l'alinéa précédent, augmenté de 5%;

- le calcul des intérêts journaliers doit se faire en 365e;

- les paiements enregistrés doivent être imputés dans l'ordre suivant:

* dépassement du crédit de caisse;

* crédit de caisse;

* crédits d'investissement à 10,4%;

* crédits d'investissement à 7,2%;

* frais et dépens.

3. Ordonne la réouverture des débats afin de permettre à la banque de déposer ce nouveau décompte.

Fixe la date de la réouverture des débats à l'audience du 9 mars 2006 à 9 heures (date relais) au cours de laquelle un calendrier d'échange de conclusions sera établi à défaut d'accord des parties sur ce décompte et où l'affaire pourra être fixée pour être plaidée sur ce point.

(…)