Cour de cassation 5 juin 2008

La jurisprudence et la doctrine font usage depuis longtemps de la théorie de la perte d'une chance dans le cas où le lien causal avec le dommage ne peut être déterminé avec certitude. Cette théorie permet d'accorder malgré tout une indemnisation à la personne lésée, pas pour le dommage final mais pour la perte d'une chance, lorsqu'il est démontré que la faute du défendeur lui a fait perdre une chance réelle d'éviter un préjudice ou d'obtenir un résultat favorable. Vu que la Cour de cassation a cassé un certain nombre de décisions qui accordaient une indemnité pour la perte d'une chance, des doutes étaient apparus sur les “chances de survie” de cette théorie. C'est surtout l'arrêt du 1^er avril 2004 dans l'affaire de l'attaque au vitriol qui a retenu l'attention. Une grande partie de la doctrine estimait (ou craignait) que la Cour ne reconnaisse plus la perte d'une chance comme un dommage réparable au sens des articles 1382 et 1383 du Code Civil, du moins lorsqu'il s'agit d'une chance d'éviter un préjudice définitivement avéré. Cela rendrait problématique l'application de cette théorie dans le contexte médical (perte d'une chance de guérison ou de survie). Entre-temps, la Cour de cassation a pourtant accepté la perte d'une chance dans certains cas. Ainsi, la perte d'une chance pour les créanciers d'obtenir le paiement de leur créance a été expressément reconnue comme le dommage causé par la faute du coauteur d'un délit d'insolvabilité frauduleuse. L'arrêt du 5 juin 2008 enlève tout doute à ce sujet. Le juge peut accorder une indemnisation pour la perte d'une chance d'obtenir un avantage ou d'éviter un préjudice si la perte de cette chance doit être attribuée à la faute. Il en va également ainsi pour la perte d'une chance de guérison ou de survie.