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L'arrêt de la Cour de cassation du 8 mai 2008: “ce qui se conçoit bien s'énonce clairement…”, R.D.C.-T.B.H., 2008/10, p. 877-878

INSOLVENTIE
Gerechtelijk akkoord - Geen aangifte van schuldvordering - Goedkeuring van het plan - Plan bindend voor alle schuldeisers - Draagwijdte en gevolg
Een schuldeiser kan zich niet aan de gevolgen van het gerechtelijk akkoord van zijn schuldenaar onttrekken door geen aangifte te doen van zijn schuldvordering of door niet aan de stemming tot goedkeuring van het akkoord deel te nemen; de goedkeuring van het plan bindt alle schuldeisers ongeacht of zij aangifte hebben gedaan, zodat de uitvoering van het plan ook de bevrijding van de schuldenaar, in overeenstemming met de bepalingen ervan, tot gevolg heeft van de schulden waarvoor geen aangifte van schuldvordering werd gedaan.
INSOLVABILITÉ
Concordat - Absence de déclaration de créance - Approbation du plan - Plan obligatoire pour tous les créanciers - Portée et effet du principe
Un créancier ne peut se soustraire aux effets du concordat consenti à son débiteur en s'abstenant d'introduire sa déclaration de créance ou de participer au vote d'approbation du sursis de paiement; l'approbation du plan lie tous les créanciers, qu'ils aient ou non introduit une déclaration, de sorte que l'exécution du plan libère le débiteur conformément aux dispositions du plan, même pour les créances qui n'ont pas fait l'objet d'une déclaration.
L'arrêt de la Cour de cassation du 8 mai 2008: “ce qui se conçoit bien s'énonce clairement…”
Amélie Meulder [1]

L'arrêt de la Cour de cassation du 8 mai 2008 consacre, en matière de déclaration de créances dans le cadre d'un concordat, une solution que la logique de la procédure concordataire, telle qu'elle existe encore actuellement, aurait dû voir triompher depuis longtemps, et que nous appelions déjà de nos voeux dans une précédente annotation [2].

L'équivoque n'est pas de mise, la sanction est sans appel: un créancier qui, sciemment ou par inertie [3], s'abstient de déclarer sa créance ou ne prend pas part au vote des créanciers en vue de l'octroi du sursis définitif ne peut pour autant se soustraire aux effets du concordat consenti à son débiteur. L'approbation du plan lie tous les créanciers, qu'ils aient ou non introduit une déclaration, de sorte que l'exécution du plan libère le débiteur conformément aux dispositions du plan, même pour les créances qui n'ont pas fait l'objet d'une déclaration.

Certains créanciers - d'aucuns simplement négligents, d'autres malheureusement peu scrupuleux - soutenaient, à l'instar d'une partie de la doctrine [4], que le plan concordataire ne concernait que les créanciers y ayant pris part, de sorte que ceux qui y étaient restés étrangers étaient certes astreints à la suspension des voies d'exécution pendant la durée du sursis, mais retrouvaient, à l'issue du concordat, l'intégralité de leurs droits à l'égard du débiteur [5]. Ils voyaient alors leur patience - quelque peu forcée par les circonstances - récompensée: leur position était de loin plus avantageuse que celle des autres créanciers qui avaient joué le jeu du concordat, puisque ceux-ci, d'une part, n'étaient désintéressés que partiellement, selon les modalités du plan, et d'autre part, n'avaient, sauf stipulation contraire, aucun espoir de recouvrer le solde subsistant le cas échéant. Selon l'article 35 de la loi du 17 juillet 1997, en effet, “l'exécution complète du plan libère totalement et définitivement le débiteur pour toutes les créances y figurant” [6].

Ces créanciers se fondaient sur une lecture littérale de l'article 16 de la loi, relatif à la déclaration des créances [7], pour considérer que celle-ci n'était qu'une faculté offerte aux créanciers, et non pas une obligation qui leur serait imposée, de sorte qu'ils pouvaient, sans devoir encourir de sanction, s'abstenir de déclarer leur créance et rester ainsi volontairement en marge de la procédure concordataire [8]. Ils estimaient par suite, à l'instar du requérant malheureux dans l'arrêt commenté [9], n'être pas concernés par l'article 35 précité, dès lors que celui-ci, tel qu'il est libellé, viserait uniquement les créanciers dont la créance figure au plan.

Cette interprétation méconnaissait toutefois, ainsi que le souligne la Cour de cassation dans l'arrêt commenté, la ratio legis de la loi, qui vise à offrir aux entreprises connaissant des difficultés passagères un cadre juridique adéquat pour leur permettre de se redresser durablement et d'éviter la faillite. La déclaration des créances est, dans cette optique, une formalité essentielle, permettant de “déterminer précisément l'état du passif et de l'actif grevé du débiteur, ce qui permet de poser un jugement correct sur le sérieux et la faisabilité des mesures de redressement et de réorganisation” [10]. L'article 35, alinéa 2 de la loi précise d'ailleurs qu'une déclaration tardive de créance ne pourra être prise en compte que pour autant qu'elle ne porte pas atteinte au plan tel qu'approuvé.

Il aurait dès lors été inadmissible que l'absence totale de déclaration confère plus de droits au créancier non déclarant, qui se serait ainsi vu octroyer un avantage exorbitant, au mépris de l'esprit de la procédure concordataire. L'utilité de celle-ci aurait été largement compromise, s'il avait fallu admettre que puissent demeurer exigibles des créances, le cas échéant importantes, qui, de facto, n'auraient pas été prévues au plan. On ne peut donc qu'approuver la décision de la Cour de cassation.

De lege ferenda, cette discussion devrait toutefois s'envisager différemment. La proposition de loi relative à la continuité des entreprises, qui vise à remplacer le concordat actuel, supprime en effet la formalité de la déclaration des créances. Désormais, il devrait incomber au seul débiteur d'établir la liste de tous ses créanciers, à joindre à sa requête; il lui appartiendrait également, une fois sa requête acceptée, d'avertir individuellement ses créanciers dans les 14 jours, du montant des créances pour lesquelles ils sont inscrits ainsi que, le cas échéant, des biens grevés d'une sûreté à leur profit [11]. En cas de désaccord sur le montant ou la qualité de la créance, ou lorsqu'un tiers prétend être créancier alors qu'il a été omis de la liste établie par le débiteur, la contestation devrait être portée devant le tribunal qui a ouvert la procédure [12]. L'essentiel des démarches incomberait donc au débiteur, qui devrait être particulièrement attentif, d'une part lorsqu'il établira la liste de ses créanciers, et d'autre part lorsqu'il s'agira d'informer ceux-ci [13].

Dans ce contexte, l'article 47 de la proposition de loi dispose que : “Le paiement des créances sursitaires qui n'ont pas été portées dans la liste visée à l'article 14, alinéa 2, 3°, telle que modifiée le cas échéant par application de l'article 36 § 3, ni donné lieu à contestation, est suspendu jusqu'à l'exécution intégrale du plan. À moins que le plan n'en dispose autrement de manière expresse, l'exécution complète de celui-ci libère totalement et définitivement le débiteur pour toutes les créances y figurant.” Dans un premier commentaire de cette proposition, M. Zenner donne, à titre d'exemple d'application de cette disposition, le cas d'une “créance omise par le débiteur et dont le titulaire n'a pas été assez vigilant” [14].

La formulation de cette disposition laisse néanmoins perplexe. Si l'on peut comprendre que le législateur souhaite inciter les débiteurs à la plus grande vigilance et à la bonne foi lorsqu'ils établissent la liste de leurs créanciers, et sanctionne ainsi les omissions en permettant aux créanciers oubliés de faire valoir leurs droits à l'encontre du débiteur, dès la clôture de la période de réorganisation, on s'explique mal qu'il ne réserve pas également une sanction aux créanciers peu diligents ou carrément mal intentionnés. Certes, il ressort du commentaire de l'article 47 qui précède la proposition de loi que la suspension du paiement des créances visées à cet article est envisagée comme une forme de sanction, ou à tout le moins “un incitant à la vigilance des créanciers, qui ne peuvent ignorer la situation de leur débiteur” [15]. Ce n'est toutefois que consacrer dans la loi la pratique existante.

Mais, si l'initiative de la “déclaration” - ou plutôt de la notification - des créances repose en effet désormais sur le débiteur, les créanciers n'en ont pas moins un rôle à jouer, particulièrement lorsque leurs créances n'ont pas été prises en compte. La problématique illustrée - et résolue - par l'arrêt commenté du 8 mai 2008 continuera donc à se présenter, quoique, certes, de manière différée et sans doute atténuée: le risque existera toujours de voir des créanciers préférer taire leur contestation, et encourir ainsi la suspension de leurs créances pendant la durée du plan, pour espérer bénéficier du droit de récupérer ces mêmes créances, dans leur intégralité, une fois le plan exécuté à l'égard des autres créanciers qui s'y seraient quant à eux soumis. Alain Zenner, dans son commentaire précité, note dès lors justement à cet égard que “si le paiement était intégral, il y aurait évidemment risque de voir certains créanciers omettre volontairement de déclarer leur créance […]. Dès lors qu'il ne peut être admis que des créanciers spéculent sur l'absence de déclaration ou de contestation de créance pour espérer percevoir plus qu'ils ne l'auraient pu en participant à la procédure, la solution de l'alinéa 2 doit s'appliquer aux créances non déclarées comme aux créances contestées” [16]. L'article 47, alinéa 2 concerne les créances contestées et reconnues judiciairement après l'homologation du plan: elles sont, en vertu de cet alinéa, payées conformément aux modalités prévues pour les créances de même nature. À suivre M. Zenner, la même solution devrait prévaloir pour les créances non prévues au plan et non contestées; leur paiement ne s'effectuerait donc pas en totalité, mais subirait les mêmes abattements que les créances reprises au plan. En l'absence de précisions dans le texte de la proposition et dans son commentaire, on retiendra cette application par analogie, raisonnable et raisonnée, des dispositions de la future loi. On regrettera toutefois que le législateur n'ait, jusqu'à présent, pas saisi l'occasion de cette réforme en cours pour clarifier complètement cette question délicate. Peut-être l'arrêt de la Cour de cassation du 8 mai 2008 aura-t-il vocation à entrer en compte dans les débats à venir?

[1] Avocat, Assistante à l'ULB
[2] “La déclaration de créance par le créancier concordataire: obligation ou faculté? L'ONSS ou la force de l'inertie”, R.D.C. 2006, pp. 857 et s.
[3] La situation serait différente si le créancier n'a pas été régulièrement informé de la procédure concordataire, et donc a fortiori n'a pas été invité à déclarer sa créance, comme le suggérait d'ailleurs a contrario la cour d'appel dans l'arrêt dont pourvoi: “Niets duidt erop dat de wettelijke publicatiemaatregelen niet zouden zijn nageleefd. Uit stuk nr. 11 van het dossier van (de verweerster) blijkt trouwens dat de raadsman van (de eiseres) op de hoogte was van het bestaan van de procedure tot gerechtelijk akkoord.” Dans ce cas, en l'absence d'une disposition spécifique dans la loi, il semblerait que l'on puisse retenir la responsabilité du commissaire au sursis, si ce dernier a, sans motif, omis d'avertir un créancier dont il connaissait l'existence et dont il avait les coordonnées; il n'appartient toutefois pas au commissaire au sursis d'entreprendre des recherches dans la comptabilité de la société pour identifier les créanciers qui auraient été oubliés, le cas échéant (P. Demolin et J. Materne, “Le concordat judiciaire”, in Le créancier face à l'insolvabilité du débiteur, Anthemis, 2008, pp. 97 et s., spéc. p. 114).
[4] M. Tison, “Schuldeisers en het gerechtelijk akkoord”, in Gandaius Actueel, IV, Anvers, Kluwer, 1999, p. 179; J.-M. Verschelden, “Schuldeisers en de insolventie van hun schuldenaar in het kader van de wet gerechtelijk akkoord en faillissement”, in Het faillissement geactualiseerd, deel 2, Bruges, die Keure, 1998, pp. 71-72.
[5] Voy. en jurisprudence Comm. Nivelles 25 mai 2005, R.D.C. 2006, p. 855 .
[6] Art. 35 § 3.
[7] Cet article dispose que “le jugement accordant un sursis provisoire invite les créanciers à faire la déclaration de leurs créances dans le délai qui leur est fixé”.
[8] Voy. le jugement du tribunal de commerce de Nivelles précité à la note 195.
[9] “Uit artikel 35, derde lid Wet Gerechtelijk Akkoord volgt dat de schuldenaar door de volledige uitvoering van het plan echter alleen definitief bevrijd is van alle in het plan opgenomen schuldvorderingen, en dus niet van de schuldvorderingen die niet in het plan zijn opgenomen, zoals de schuldvorderingen waarvoor geen aangifte is gedaan.”
[10] Doc. parl. Sénat S.E. 1996-97, n° 1406/01, p. 23.
[11] Art. 35 de la proposition de loi, Doc. parl. Chambre 2007, 0160/001, p. 57.
[12] Art. 36 de la proposition de loi, ibid.
[13] Les créanciers sont toutefois avertis de l'existence de la procédure par les mesures de publicité, conservées du régime actuel (art. 17), et reprises à l'art. 19 de la proposition de loi: publication par extrait du jugement acceptant la requête aux annexes du Moniteur belge, ainsi que dans deux journaux ou périodiques ayant une diffusion régionale.
[14] A. Zenner, “Passé, présent et avenir de la réorganisation judiciaire. Premier commentaire de la proposition de loi relative à la continuité des entreprises”, in Le créancier face à l'insolvabilité du débiteur, Anthemis, 2008, pp. 11 et s. spéc. p. 79.
[15] Commentaire précédant la proposition de loi, o.c., p. 32.
[16] A. Zenner, o.c., p. 79.