Article

Cour d'appel Mons, 20/06/2006, R.D.C.-T.B.H., 2007/8, p. 822-825

Cour d'appel de Mons 20 juin 2006

ASSURANCES
Généralités - Contrat d'assurance en général - Assurance incendie - Vente d'un immeuble - Transfert des risques - Intérêt d'assurance dans le chef du vendeur
En toute hypothèse, le transfert des risques, lors d'une promesse de vente, par le propriétaire d'un bien assuré n'entraîne pas nécessairement la disparition du risque au sens du contrat d'assurance. Le vendeur était donc fondé, suite à l'incendie litigieux, à obtenir exécution du contrat d'assurance.
ASSURANCES
Généralités - Contrat d'assurance en général - Assurance incendie - Subrogation de l'assureur - Occupants d'un immeuble - Base juridique
Lorsque la vente litigieuse n'a pas opéré le transfert des risques à charge des occupants, l'assureur incendie, subrogée à son assuré, ne pourrait obtenir réparation de son préjudice que pour autant qu'il soit démontré que les occupants ont engagé leur responsabilité sur le pied des articles 1382 ou 1383 du Code civil.
ASSURANCES
Généralités - Contrat d'assurance en général - Déclaration du risque - Application d'un questionnaire précis et limité - Intérêt présumé pour l'appréciation du risque
Lorsque la proposition d'assurance a été complétée par l'assuré sur un questionnaire préétabli par l'assureur, l'assuré peut légitimement présumer que les questions posées dans ce document présentent un intérêt pour l'appréciation du risque par l'assureur et présumer tout aussi légitimement, lorsque ce questionnaire est précis et limité, que ce qui est exclu de la question doit être considéré comme étant sans intérêt pour l'assureur.

VERZEKERINGEN
Algemeen - Verzekeringsovereenkomst in het algemeen - Brandverzekering - Verkoop van een onroerend goed - Overdracht van risico's - Belang bij het verzekerde in hoofde van de verkoper
Bij de verkoopbelofte door de eigenaar van een verzekerd goed heeft de overdracht van de risico's in elk geval niet de verdwijning van het risico tot gevolg in de zin van het verzekeringscontract. Ingevolge de kwestieuze brand had de verkoper bijgevolg recht op uitvoering van de verzekeringsovereenkomst.
VERZEKERINGEN
Algemeen - Verzekeringsovereenkomst in het algemeen - Brandverzekering - Indeplaatsstelling van de verzekeraar - Bewoners van een onroerend goed - Juridische basis
Wanneer de kwestieuze verkoop geen overdracht van de risico's op de bewoners tot stand heeft gebracht, zou de brandverzekeraar, gesubrogeerd in de rechten van de verzekeringnemer, enkel vergoed kunnen worden voor zijn schade voor zover bewezen is dat de bewoners krachtens de artikelen 1382 en 1383 B.W., aansprakelijk zijn.
VERZEKERINGEN
Algemeen - Verzekeringsovereenkomst in het algemeen - Mededelingsplicht - Toepassing van een duidelijke en beperkte vragenlijst - Vermoedelijk belang voor de beoordeling van het risico
Wanneer het verzekeringsvoorstel door de verzekerde werd ingevuld via een vragenlijst van de verzekeraar, kan de verzekerde redelijkerwijs aannemen dat de in dit document gestelde vragen van belang zijn bij de beoordeling van het risico door de verzekeraar en kan hij eveneens redelijkerwijs aannemen, indien deze vragenlijst duidelijk en beperkt is, dat wat niet gevraagd wordt in de vragenlijst, als onbelangrijk voor de verzekeraar dient te worden beschouwd.

AXA Belgium / M.A. e.a.

Siég.: M. Castin (président), J. Halbrecq (conseiller suppléant pour remplacer E. Bernis), L. Goethals (conseiller suppléant pour remplacer J.-L. Fagnart)
Pl.: Ph. Tassin et Dieudonne loco F. Godefroid et A. Demain loco R. Montjoye et Brkojewitsch loco H. de Stexhe
Antécédents
Les faits

M.A. et son épouse P.M. furent victimes en 1984 d'un grave accident de la circulation, ensuite duquel P.M., atteinte d'une incapacité permanente totale, sera placée dans un home, M.A. étant désigné en 1989 sur pied de l'article 220 du Code civil pour agir en son nom et Me Germeau étant désigné le 4 juin 1991 comme administrateur provisoire de celle-ci sur pied de l'article 584, 3° du Code judiciaire;

Au moyen des fonds provenant des indemnités perçues ensuite de l'accident en compensation de son préjudice personnel, M.A. a acheté le 28 août 1989 un terrain à Courcelles, sur lequel sera construit un immeuble;

Le 2 mars 1995, M.A. signe avec les consorts M.-H., agissant en leur qualité d'administrateurs légaux des biens de leur fils mineur A., un compromis de vente de cet immeuble, prévoyant que:

- “l'acheteur sera propriétaire du bien vendu à partir du jour de l'acte notarié de vente et la jouissance à dater de ce jour par la prise de possession réelle” (sic);

- le prix de vente, fixé à 4.000.000 FB et sur lequel un acompte de 80.000 FB fut versé à la signature du compromis, sera payable “lorsque M. M. touchera l'indemnité d'assurance auquel (sic) il a droit”;

Les acquéreurs prirent possession des lieux dès le 2 mars 1995 et versèrent successivement, outre l'acompte précité, 200.000 FB en 1997 et 1.000.000 FB en 1997 à valoir sur le prix d'achat de l'immeuble;

Les 2 et 9 août 1995, les consorts M.-H. furent invités, en nom personnel, par le notaire instrumentant à passer l'acte authentique de vente et furent mis en demeure le 14 octobre 1996 de justifier leur couverture d'assurance de l'immeuble et de prendre rendez-vous chez ce notaire en vue de la passation de l'acte authentique;

Le 5 mars 1997, M.A. cita les consorts M.-H. devant le juge de paix de Châtelet du chef d'occupation de l'immeuble sans titre ni droit et en paiement d'indemnités d'occupation; il fut renoncé de commun accord à cette procédure compte tenu de l'instance diligentée devant le premier juge;

Les consorts M.-H. diligentèrent ensuite l'obtention d'un emprunt bancaire pour le paiement du solde du prix de vente de l'immeuble, leur demande de prêt étant acceptée le 24 juin 1997;

Le 25 septembre 1997, l'immeuble fut entièrement détruit par un incendie d'origine criminelle dont les auteurs ne furent pas identifiés;

L'immeuble avait été assuré contre le risque d'incendie:

- par J.-P.M. auprès de la SA AGF Belgium Insurance avec effet au 15 septembre 1995;

- par M.A. auprès de la SA AXA Belgium, anciennement la SA Royale Belge;

Le 10 octobre 1997, la SPRL gérant le home où est hébergée l'épouse d'M.A. pratique saisie-arrêt conservatoire, du chef des arriérés de frais d'hébergement;

Le 20 novembre 1997, la SA AXA Belgium notifie à M.A. l'annulation de la police incendie pour disparition du risque en raison du sinistre;

Une ordonnance de référés du 30 octobre 1997 désigne l'expert Breesch, dont le rapport déposé le 18 avril 2000 conclut au caractère volontaire de l'incendie litigieux et procède à l'estimation des dégâts à l'immeuble et de ceux relatifs au contenu;

Les deux compagnies d'assurance se refusant à indemniser les suites de l'incendie, les procédures décrites ci-après seront entreprises;

La procédure

(...)

Les appels et les demandes nouvelles

(...)

Fondement

(...)

Devant la cour, il n'est plus contesté:

- que le compromis de vente signé par le seul M.A. est valable;

- que le transfert de propriété du bien litigieux fut conventionnellement retardé jusqu'à la passation de l'acte authentique.

Sur le transfert des risques

Il convient d'examiner en premier lieu la question de savoir s'il y a eu en l'espèce transfert des risques ensuite de la vente litigieuse;

Il est certain que les parties ont conventionnellement retardé le transfert de propriété de l'immeuble litigieux à la date de la passation de l'acte authentique, tout en autorisant les acquéreurs à occuper immédiatement le bien;

La jouissance immédiate du bien vendu, concédée en l'espèce aux acheteurs, n'a pas eu pour effet de leur transférer les risques dès lors que:

- la règle de l'article 1138 du Code civil, particulière au transfert de propriété d'un corps certain et qui met la chose vendue aux risques de l'acheteur, ne joue pas lorsque le transfert de propriété a, comme en l'espèce, été retardé par la convention des parties;

- lorsqu'un contrat de vente comporte une clause retardant le transfert de propriété, le vendeur supporte en principe le risque de perte de la chose; sauf clause contraire - inexistante en l'espèce - il ne peut alors plus, en cas de perte de la chose par cas fortuit, obtenir le paiement du prix et il est tenu de rembourser à l'acheteur ce qui a déjà été payé; il a toutefois droit à la contre-valeur de la jouissance de la chose par l'acheteur (Cass. 9 novembre 1995, www.juridat.be , n° JC95B91-1, De Page, Traité, T. IV, 41, n° 23-A);

- la mise en demeure envoyée le 14 octobre 1996 par M.A. aux consorts M.-H. n'a pas eu pour effet de transférer les risques aux acquéreurs, dès lors que la mise en demeure visée par les articles 1138, alinéa 2 et 1302 du Code civil est celle qui est adressée au débiteur de l'obligation de délivrance, soit le vendeur, quod non en l'espèce;

- si, en l'espèce, les parties ne se sont pas spécialement exprimées dans le compromis de vente quant au transfert des risques, leur volonté réelle de faire coïncider le transfert de propriété et le transfert des risques au jour de la passation de l'acte authentique résulte à suffisance de l'article 7 dudit compromis, lequel prévoit que les acquéreurs auront l'obligation d'assurer l'immeuble “à partir du jour de l'acte notarié de vente” (art. 7 du contrat); à cet égard, les termes de la mise en demeure du 14 octobre 1996 rappelant aux acquéreurs leur obligation d'assurer le bien ne peut se comprendre que comme le rappel du corollaire de l'obligation principale, objet de la mise en demeure, de passer l'acte authentique;

Des considérations qui précèdent, il découle qu'au jour de l'incendie litigieux le transfert des risques n'était pas réalisé en l'espèce et l'immeuble était toujours aux risques du vendeur.

Conséquences quant au contrat d'assurance liant M.A. et la SA AXA Belgium

Il convient de rappeler la distinction à faire quant à la notion de risque en droit des assurances et la théorie des risques;

En matière d'assurances de choses, telle l'assurance contre l'incendie, le risque est un événement incertain qui menace l'objet assuré;

En droit des obligations, la théorie des risques a pour objet de déterminer qui doit supporter les conséquences d'un cas fortuit;

En l'espèce, le transfert des risques n'était pas réalisé au jour de l'incendie litigieux, comme il a été exposé ci-avant;

En toute hypothèse, M.A. conservait un intérêt à l'assurance souscrite auprès de la SA AXA Belgium en sorte que celle-ci ne peut être suivie lorsqu'elle affirme que ce contrat était devenu sans objet par la suite de la disparition du risque;

En effet, le transfert des risques - par exemple lors d'une promesse de vente - par le propriétaire d'un bien assuré n'entraîne pas nécessairement la disparition du risque au sens du contrat d'assurance:

- d'une part, le bien demeure exposé aux périls pour lesquels l'assurance avait été contractée;

- d'autre part, le propriétaire du bien qui a transféré les risques ne perd pas son intérêt à l'assurance dans la mesure où rien ne garantit que l'acheteur, en cas de destruction du bien avant qu'il ait exécuté ses propres obligations, soit effectivement en mesure de payer une somme suffisante pour couvrir le dommage subi par le propriétaire;

M.A. était donc fondé, suite à l'incendie litigieux, à obtenir exécution du contrat d'assurance souscrit auprès de la SA AXA Belgium et l'appel principal n'est pas fondé de ce chef;

Il en découle que l'appel incident formé à titre subsidiaire par M.A. contre la SA AGF Belgium Insurance est sans objet;

L'immeuble n'ayant pas été reconstruit à ce jour, il convient, en application de l'article 14.B.2. des conditions générales du contrat d'assurance, de limiter provisionnellement à 80% de la valeur à neuf du bien le montant de l'indemnité revenant en principal à l'appelant sur incident;

Le procès-verbal d'expertise contradictoire fixe à 4.888.869 FB hors TVA cette valeur à neuf, en sorte que l'indemnité provisionnelle revenant à M.A. s'élève à 3.911.095 FB, soit € 96.953,51;

Il convient en outre d'allouer à M.A. les intérêts sur ce montant et à cet égard:

- s'agissant de l'exécution d'une obligation contractuelle, les intérêts ne sont dus que depuis la mise en demeure de l'assureur, opérée en l'espèce par la citation du 21 décembre 2000;

- les conditions d'application de l'article 1154 du Code civil étant réunies en l'espèce, il convient de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts dus à M.A. avec effet au 11 juillet 2005, date du dépôt des conclusions - valant sommation - réclamant cette capitalisation;

Il n'y a pas lieu, à ce stade de la procédure, d'allouer les frais de déblais, fût-ce à titre provisionnel dans la mesure où M.A. ne justifie pas que de tels frais aient été jusqu'à présent “encourus ou dus” conformément à l'article 30, A, 1., a) des conditions générales du contrat d'assurance;

Il convient de réserver à statuer sur ce poste du dommage, dans l'attente de la suite que l'appelant sur incident donnera ou non à la mise en demeure de démolir adressée le 18 octobre 2001 par la Ville de Châtelet et à défaut de précisions et de pièces quant aux initiatives que cette dernière aurait prises à cet égard depuis 2002.

(...)

Sur la demande en garantie dirigée formulée par la SA AXA Belgium contre les consorts M.-H. et contre la SA AGF Belgium

La SA AXA Belgium fonde son recours sur la responsabilité du locataire, consacrée par les articles 1732 et 1733 du Code civil;

S'il n'est pas contesté qu'aucun contrat de bail ne liait l'assuré de la SA AXA Belgium aux consorts M.-H., il demeure que ces derniers avaient qualité d'occupants de l'immeuble au moment du sinistre;

Cette occupation revêtait en l'espèce un caractère précaire dans la mesure où elle était destinée à se muer en un droit réel de propriété en exécution du contrat originaire liant les parties; cela n'empêche que les occupants étaient tenus d'une obligation de restitution du bien dans la mesure où, pour une raison quelconque, la vente originaire n'aurait pu aboutir;

Les obligations pesant sur le locataire d'un immeuble en vertu de l'article 1733 du Code civil, instaurant une présomption de responsabilité de l'incendie du bien loué, ne peuvent être étendues à l'occupant à titre précaire et l'action en garantie dirigée contre les consorts M.-H. ne pourrait être déclarée fondée sur cette base juridique;

Comme dit ci-avant, la vente litigieuse n'a pas opéré le transfert des risques à charge des occupants et la SA AXA Belgium, subrogée à son assuré, ne pourrait obtenir réparation de son préjudice que pour autant qu'il soit démontré que les occupants ont engagé leur responsabilité sur pied des articles 1382 ou 1383 du Code civil;

Par les motifs développés ci-après à propos de l'action opposant les consorts M.-H. à leur assureur, il n'est pas établi que l'incendie, dont l'origine criminelle n'est pas contestée, soit imputable d'une quelconque manière aux occupants de l'immeuble litigieux en sorte que la demande en garantie dirigée par la SA AXA Belgium doit être déclarée non fondée;

Par voie de conséquence, l'action en garantie dirigée par la SA AXA Belgium contre la SA AGF Belgium doit être déclarée non fondée également.

Sur les demandes originairement dirigées par J.-P.M. contre la SA AGF Insurance

Pour rappel:

- J.-P.M., agissant seul, avait formé une demande contre la SA AGF Insurance, en indemnisation de la perte du contenu de l'immeuble litigieux, portant sur un montant de € 96.825,85 outre les intérêts depuis le 24 février 2002 (cf. dispositif de ses conclusions additionnelles d'appel), le tribunal a déclaré cette demande non fondée au motif que J.-P.M. ne démontrait pas que le sinistre, dont le caractère intentionnel était avéré, soit étranger à son chef;

- les consorts M.-H., agissant en nom personnel et qualitate qua, sollicitent pour la première fois par conclusions du 15 mai 2003 la condamnation de la SA AGF Belgium Insurance à les garantir de toute condamnation qui serait prononcée contre eux au bénéfice d'M.A. et de la SA AXA Belgium.

a) Sur l'indemnisation du contenu

La SA AGF Belgium soulève la nullité du contrat d'assurance souscrit par J.-P.M., au motif qu'il aurait intentionnellement omis, lors de la souscription du contrat, de déclarer qu'il avait été précédemment victime d'autres sinistres dont le caractère intentionnel invoqué est dénié par ce dernier;

Force est de constater que:

- l'obligation faite à l'assuré de déclarer complètement et sincèrement le risque à assurer implique certes qu'il doive déclarer les éléments qui présentent un intérêt pour l'appréciation du risque;

- toutefois, lorsque la proposition d'assurance a été complétée par l'assuré sur un questionnaire préétabli par l'assureur, l'assuré peut légitimement présumer que les questions posées dans ce document présentent un intérêt pour l'appréciation du risque par l'assureur et présumer tout aussi légitimement, lorsque ce questionnaire est précis et limité, que ce qui est exclu de la question doit être considéré comme étant sans intérêt pour l'assureur;

- tel est le cas en l'espèce, où:

* sous la rubrique “antécédents et autres assurances” les seules questions à remplir par le candidat assuré avaient trait à des précédents dommages au bien à assurer (c'est la cour qui souligne) et au refus éventuel ou à la résiliation antérieure de l'assurance proposée par une autre compagnie;

* sous la rubrique “informations complémentaires” aucune indication n'est donnée à l'assuré quant au type de renseignements attendus par l'assureur;

Il ne peut en conséquence pas être tiré argument du fait que J.-P.M. n'aurait pas déclaré de précédents sinistres intentionnels - dont ce caractère est par ailleurs contesté par l'assuré J.-P.M. - dont il aurait été victime dans d'autres immeubles et aucune omission, intentionnelle ou non, n'est démontrée dans son chef en sorte qu'il n'y a pas lieu de prononcer la nullité du contrat d'assurance.

(...)