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Note, R.D.C.-T.B.H., 2007/7, p. 724-726

VERVOER
Vervoer over zee - Identiteit van de vervoerder - Materiële vergissing - Schijn - Gewettigd vertrouwen van de derdecognossementhouder
De in het cognossement als “eigenaar/bevrachter” vermelde firma kan haar hoedanigheid als vervoerder in de zin van artikel 91 van de Zeewet niet betwisten eenmaal de door het cognossement gewekte schijn voor de derdehouder bevestigd is bij de ontvangst zonder betwisting van het voorbehoud aangaande de goederen en de vermelding in haar hoedanigheid van bevrachter in een “statement of facts”.
VERVOER
Vervoer over zee - Averij bij het uitladen - Free in - free out-clausule
De vervoerder is aansprakelijk tegenover de derdecognossementhouder voor schade veroorzaakt tijdens het uitladen door de stuwadoor die door de derdecognossementhouder is aangesteld, met dien verstande dat de free in - free out-clausule enkel een clausule is voor de verdeling van de kosten.
VERVOER
Vervoer over zee - Overeenkomst tot stuwen
De stuwadoor, die gespecialiseerd is in het uitladen van het schip, is onderworpen aan een resultaatsverbintenis.
Zodra hij door de derdecognossementhouder is aangesteld, is de stuwadoor extracontractueel niet aansprakelijk voor de uitrusting, behalve als hij de algemene zorgvuldigheidsplicht heeft miskend en als de schade verschilt van de contractuele schade.
Het aandeel in de aansprakelijkheid tussen de zeevervoerder en de stuwadoor waartoe zij in solidum gehouden zijn, kan worden bepaald aan de hand van het verhaal tussen hen.
TRANSPORT
Transport maritime - Identité du transporteur - Erreur matérielle - Apparence - Croyance légitime du tiers porteur de connaissement
La firme mentionnée dans le connaissement comme le “propriétaire/affréteur” ne peut contester sa qualité de transporteur au sens de l'article 91 de la loi maritime lorsque l'apparence légitime créée par le connaissement aux yeux du tiers porteur est confirmée par la réception sans contestation des réserves concernant la marchandise et sa mention en qualité d'affréteur dans un “statement of facts”.
TRANSPORT
Transport maritime - Avaries en cours de déchargement - Clause free in - free out
Le transporteur est responsable envers le tiers porteur de connaissement des dommages causés lors du déchargement par l'arrimeur désigné par le tiers porteur du connaissement, la clause free in free out n'étant qu'une clause de répartition des frais.
TRANSPORT
Transport maritime - Contrat d'arrimage
L'arrimeur, manutentionnaire spécialisé en vue de décharger le navire, est tenu d'une obligation de résultat.
Lorsqu'il a été désigné par le tiers porteur du connaissement, l'arrimeur n'est responsable extracontractuellement envers l'armement que s'il a méconnu l'obligation générale de prudence et si le dommage est différent d'un dommage contractuel.
La part contributoire de responsabilité entre le transporteur maritime et l'arrimeur tenus in solidum peut êter déterminée en vue du recours entre eux.
J. Libouton

1.Rares sont les contestations concernant l'identité de l'émetteur d'un connaissement. Les éléments de fait relevés dans l'arrêt ne laissent pas de doute sur la justesse de la solution retenue par la cour d'appel de Gand.

Sur le plan des principes, l'on peut rappeler qu'un connaissement est un titre négociable et que, au même titre que, par exemple, un chèque ou une lettre de change, son émetteur peut invoquer, même envers le tiers porteur, notamment son absence de consentement [1] en tenant compte évidemment des règles de droit commun des obligations, telles celles en matière d'apparence, dont l'arrêt annoté a fait à juste titre application.

2.La clause “free in - free out” signifie que les opérations de chargement et de déchargement n'incombent pas au transporteur maritime mais respectivement au chargeur et au destinataire. Ceci implique normalement que ceux-ci désignent l'arrimeur qui sera chargé de ces opérations et qu'ils le rénumèrent.

Lorsque le transport est régi par l'article 91 de la loi maritime, qui a de longue date été considéré comme d'ordre public, même international et qui règle à tout le moins impérativement la responsabilité du transporteur, celui-ci est tenu à partir du début des opérations de chargement et jusqu'à la fin des opérations de déchargement, de sorte que selon la doctrine et la jurisprudence constantes, la clause “free in - free out”, en abrégé F.I.O., ne constitue en pareil cas qu'une clause de frais, le transporteur maritime restant responsable des opérations, même si elles sont effectuées par un arrimeur qui n'est ni désigné, ni rénuméré par le transporteur maritime [2].

L'arrêt annoté applique cette règle de façon traditionnelle, en évoquant toutefois un jugement inédit qui aurait décidé que lorsque le tiers porteur de connaissement désigne l'arrimeur, sans se contenter de payer celui désigné par l'armement, il est réputé renoncer à la protection de l'article 91 de la loi maritime; ce jugement inédit évoquait une clause FIO mentionnant expressément que les opérations de chargement et de déchargement étaient exécutées non seulement aux frais mais également aux risques du chargeur et du destinataire. Une tendance moderne semble considérer désormais que l'article 91 de la loi maritime ne serait plus d'ordre public et serait uniquement un texte impératif; même s'il ne devait s'agir que d'une législation impérative, le bénéficiaire de la protection légale ne peut valablement y renoncer ni lors de la naissance des relations contractuelles, ni pendant l'exécution du contrat mais, tout au plus, après que le contrat soit exécuté et que le dommage soit connu. Tel n'est évidemment pas le cas lorsque, à l'arrivée du navire, et avant d'avoir réceptionné la marchandise, le porteur du connaissement désigne un arrimeur en vue des opérations de déchargement. Cette objection semble avoir échappé aux auteurs de la chronique de jurisprudence évoquée dans l'arrêt annoté.

La rigueur de la règle selon laquelle la clause FIO concerne uniquement les frais, et non la responsabilité, dans le cadre de l'article 91 de la loi maritime, reste donc de mise même si la clause FIO indique expressément que le déchargement se fait aux risques du destinataire et lorsque celui-ci désigne l'arrimeur.

3.La combinaison de cette règle stricte et de la naissance d'un lien contractuel uniquement entre l'arrimeur et le porteur du connaissement aboutit à la conséquence, curieuse, que le transporteur maritime est responsable envers le tiers porteur du connaissement des fautes commises par un arrimeur avec lequel il n'a pas de lien contractuel.

Cette situation a peu retenu l'attention de la doctrine et de la jurisprudence. L'arrêt annoté décide, à juste titre, que le recours du transporteur maritime contre l'arrimeur fautif ne peut avoir qu'une base extracontractuelle; la cour met en oeuvre la règle édictée par la Cour de cassation depuis le fameux “stuwadoorarrest” du 7 décember 1973, qui requiert à l'égard de l'agent d'exécution la preuve d'une faute constituant un manquement à l'obligation générale de prudence et l'existence d'un dommage autre que purement contractuel.

L'on peut toutefois se demander si cette jurisprudence sévère de la Cour de cassation s'applique réellement dans les relations entre l'arrimeur et le transporteur maritime. L'arrêt annoté répond par l'affirmative au motif que l'arrimeur exécute une obligation contractuelle du porteur du connaissement envers l'armement et est dès lors un agent d'exécution du tiers porteur du connaissement envers le transporteur. Cette analyse est sans doute exacte s'il devait s'agir de dommages causés par l'arrimeur au navire pendant les opérations de déchargement puisque, dans pareil cas, le tiers porteur du connaissement contractuellement tenu de décharger sa marchandise sans causer de dommage au navire, fait appel à un arrimeur pour exécuter ses obligations. L'analyse n'est toutefois pas identique lorsqu'il s'agit de dommages causés par l'arrimeur à la marchandise car le destinataire n'a évidemment pas l'obligation, envers le transporteur maritime, de veiller à ne pas endommager la marchandise pendant le déchargement. Il pourrait donc être soutenu raisonnablement que le recours extracontractuel du transporteur contre l'arrimeur est soumis aux règles ordinaires de la responsabilité extra-contractuelle, sans alourdir celle-ci par les exigences devenues traditionnelles à l'égard de l'agent d'exécution.

4.L'arrêt annoté se prononce enfin, à juste titre, sur la contribution à la dette entre les coresponsables, tenus in solidum envers le tiers porteur du connaissement.

Celui-ci peut mettre, pour le dommage subi en cours de déchargement, en cause la responsabilité du transporteur maritime sur base de l'article 91 de la loi maritime et celle de l'arrimeur sur base de son contrat avec ce dernier; il s'agit incontestablement d'une responsabilité in solidum et celui des deux débiteurs qui procède effectivement à l'indemnisation peut dès lors envisager un recours subrogatoire, sur pied de l'article 1251, 3° du Code civil, contre le codébiteur [3].

L'on peut sans doute se demander ce qu'il en est lorsque le tiers porteur du connaissement assigne uniquement le transporteur maritime sur pied de l'article 91 de la loi maritime, sans diriger simultanément ses efforts contre l'arrimeur, tenu contractuellement. Cette situation constitue un frein à l'exercice par le transporteur maritime de sa subrogation légale, qui lui aurait été en principe favorable puisque l'auteur de la faute est nécessairement l'arrimeur et que la mise en cause de sa responsabilité contractuelle est évidemment plus aisée qu'un recours extracontractuel.

Les conditions générales pratiquées par les arrimeurs prévoient en effet généralement des délais de prescription abrégés et le transporteur maritime pourrait par conséquent difficilement introduire, après avoir été lui-même condamné, un recours subrogatoire contre l'arrimeur.

Il serait sans doute possible et opportun pour le transporteur maritime, dès qu'il est assigné par le tiers porteur du connaissement, d'appeler à la cause l'arrimeur en vue de la détermination de sa contribution à la dette. Il ne s'agit toutefois pas encore d'un recours exercé avant l'expiration de la prescription dès lors que, avant d'avoir indemnisé le tiers porteur, le transporteur maritime n'est pas subrogé dans ses droits et ne peut donc pas interrompre le délai de prescription.

Peut-être faudrait-il considérer que le tiers porteur de connaissement qui introduirait son recours uniquement contre le transporteur maritime, méconnaîtrait le principe de bonne foi en omettant d'introduire en temps utile son recours contre l'arrimeur. Le hasard des procédures donnera peut-être un jour à la jurisprudence l'occasion de se prononcer sur cette question.

[1] Voy. notamment J. Van Ryn et J. Heenen, Principes de droit, T. III, 2ème éd., Bruxelles, Bruylant, 1981, n° 120.
[2] Voy. notamment I. De Weerdt, in “Zeerecht - Grondbeginselen van het Belgisch Privaatrechterlijk zeerecht”, par. I. De Weerdt (red.), E.T.L., Anvers, 2003, deel 2, n° 661; F. Ponet, De overeenkomst van internationaal zeevervoer onder cognossement, Kluwer, 1991, n° 155 et références.
[3] L'on rappellera à cet égard l'intéressante étude de L. Cornelis, “L'obligation in solidum et le recours entre co-obligés”, R.C.J.B. 1986, 684.