Article

Pratiques de commerce et protection du consommateur – Loi du 14 juillet 1991 – Reconduction tacite des contrats de service – Nouvel article 39 bis – Loi du 25 avril 2007, R.D.C.-T.B.H., 2007/6, p. 611-613

PRATIQUES DE COMMERCE ET PROTECTION DU CONSOMMATEUR

Loi du 14 juillet 1991 - Reconduction tacite des contrats de service - Nouvel article 39 bis - Loi du 25 avril 2007 [1]

Loi modifiant la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l'information et la protection du consommateur, en ce qui concerne la reconduction tacite de contrats à durée déterminée

1.En pratique, on constate un recours croissant aux contrats à exécution successive pour régir les relations entre professionnels et consommateurs.

Il s'agit généralement de contrats à durée déterminée assortis d'une clause de reconduction tacite en vertu de laquelle le contrat sera reconduit pour une nouvelle durée déterminée si le consommateur ne s'y oppose pas endéans un certain délai.

Le consommateur, de plus en plus sollicité, est amené à conclure un nombre exponentiel de contrats de ce type. Les clauses de reconduction tacite que ceux-ci renferment font alors peser sur lui, partie faible, “la responsabilité de la reconduction tacite” [2]. En effet, il lui appartient d'être particulièrement attentif à ne pas perdre de vue la date avant laquelle il doit faire connaître à son cocontractant sa volonté de ne pas reconduire le contrat s'il veut éviter un nouvel engagement. À défaut, il sera tenu pour une nouvelle durée déterminée ce qui signifie en principe qu'il sera confronté à l'impossibilité de rompre le contrat avant l'arrivée de l'échéance du nouveau terme.

Le législateur a souhaité réagir aux difficultés qu'engendrent ces contrats pour les consommateurs. C'est ce qui a motivé le Gouvernement à déposer, le 6 décembre 2006, un projet de loi modifiant la loi sur les pratiques du commerce et sur l'information et la protection du consommateur en ce qui concerne la reconduction tacite de contrats à durée déterminée.

2.Certes, notre arsenal législatif comportait déjà un moyen de protection mais très limité.

Au sens du point 17° de l'article 32 de la loi du 14 juillet 1991 sont en effet abusives - et donc nulles [3] - deux types de clauses de reconduction tacite. Il s'agit, d'une part, des clauses instaurant une durée déraisonnable de prorogation du contrat lorsque le consommateur ne manifeste pas sa volonté contraire en temps utile et, d'autre part, des clauses prévoyant comme date limite pour cette notification une date excessivement éloignée de la fin du contrat [4].

En l'état actuel, les clauses de prorogation tacite ne sont pas autrement réglementées.

La clause de reconduction tacite reste cependant susceptible d'être confrontée à la définition générale des clauses abusives inscrite à l'article 31 § 1er de la loi du 14 juillet 1991, laquelle est cependant soumise à l'entier pouvoir d'appréciation du juge.

3.La loi dont il est ici question prévoit l'introduction dans le chapitre V de la loi du 14 juillet 1991 d'une nouvelle section 5, intitulée “Reconduction du contrat de service” et comprenant un unique article 39bis.

La réaction législative concerne d'une part la forme de la clause et d'autre part les conséquences d'une reconduction tacite, qui se trouvent amoindries dans le chef du consommateur.

4.Le nouvel article 39bis § 1er impose des conditions de forme à l'insertion d'une clause de reconduction tacite lors de la conclusion du contrat et en réglemente le contenu.

Ainsi, la clause devra figurer “en caractère gras et dans un cadre distinct du texte au recto de la première page” (al. 1er) et “indiquer les conséquences de la reconduction tacite, et notamment la disposition du § 2 [5], ainsi que la date ultime à laquelle le consommateur peut s'opposer à la reconduction tacite du contrat et les modalités de cette notification” (al. 2) [6].

L'information du consommateur qui incombe au vendeur [7] a donc lieu par ce biais lors de la conclusion du contrat. Remarquons qu'elle n'est assortie d'aucune sanction civile spécifique. Si toutefois le formalisme requis devait être considéré comme un formalisme de validité, la sanction qui en découlerait serait la nullité de la clause ne répondant pas aux conditions de forme.

5.Le § 2 du nouvel article 39bis s'attache quant à lui au fond et octroie au consommateur le droit de résilier le contrat de service à durée déterminée à tout moment après sa reconduction tacite et ce, sans indemnité. Le délai de préavis devra être déterminé dans le contrat mais ne pourra excéder un mois.

Est-ce à dire que l'article 39bis § 2 aura pour effet de transformer après reconduction le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée? Sans aller jusque-là, force est de constater que le consommateur bénéficiera, après reconduction tacite, d'un droit de résiliation identique à celui dont il jouirait dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. En aucun cas, il ne pourra être à nouveau lié pour une nouvelle durée déterminée sans son consentement exprès. Il s'agit en fait d'une neutralisation au profit du consommateur du jeu de la clause de reconduction tacite.

6.Qu'en est-il de la situation du vendeur? La question mérite d'être soulevée mais n'est à aucun moment envisagée dans les travaux préparatoires. À la lecture du texte adopté, il semblerait qu'il demeure seul engagé pour la nouvelle durée déterminée car la loi ne lui confère pas la même prérogative de résiliation qu'au consommateur. Deux cas de figure peuvent se présenter. Soit la reconduction tacite s'opère en vertu de la clause et le vendeur supporte le risque de voir le consommateur résilier le contrat à tout moment en faisant usage du délai de préavis d'un mois au plus. Soit le vendeur préfère recourir à une reconduction expresse plutôt que tacite, ce qui débouche, le cas échéant, sur la conclusion d'un nouveau contrat à durée déterminée sans possibilité de résiliation, même pour le consommateur.

Rien ne paraît non plus faire obstacle à ce que le professionnel prévoie contractuellement que le contrat sera reconduit tacitement pour une durée indéterminée, ce qui impliquera la possibilité pour lui aussi, après la reconduction, de s'en dégager à tout moment sans indemnité moyennant un préavis raisonnable. L'on peut également envisager qu'il se réserve dans la clause insérée à cet effet un tel droit de résiliation après reconduction tacite.

7.Soulignons que la faculté de résiliation a lieu “sans préjudice de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre”, ce qui s'explique par le fait que celle-ci contient des règles spécifiques à la durée et à la résiliation des contrats d'assurance [8].

8.Le projet de loi a suscité le dépôt de quatre amendements. Le premier visait essentiellement à étendre le champ d'application du projet de loi aux produits [9]. Le deuxième allait moins loin en proposant de conférer au Roi le pouvoir de soumettre à la nouvelle législation, par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres, certaines catégories de produits [10]. Le troisième amendement tendait, quant à lui, à supprimer la possibilité donnée au Roi de dispenser certains services ou catégories de services des obligations contenues aux § 1 et 2 de l'article 39bis [11]. Enfin, le quatrième entendait prévoir une exception pour les contrats en matière de comptes à terme [12].

Seul l'amendement n° 2 fut adopté [13]. Un § 4 est donc inséré à l'article 39bis et dispose en conséquence: “Le champ d'application de la présente section peut être étendu par le Roi, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, à certaines catégories de produits qu'il désigne.” [14].

9.Il y a là encore matière à s'interroger. La loi concerne exclusivement les contrats de services, à l'exclusion des contrats portant sur des produits, cela, sous réserve du § 4 de l'article 39bis susmentionné.

Pour l'application de la loi du 14 juillet 1991, les produits s'entendent des “biens meubles corporels” et les services font référence à “toutes prestations qui constituent un acte de commerce ou une activité artisanale visée par la loi sur le registre de l'artisanat” [15].

La grande difficulté tiendra une fois de plus dans la délicate distinction à opérer entre les produits et les services et à la différence de régime qu'elle occasionne entre les contrats dont ils constituent l'objet. Cette difficulté avait déjà été soulevée lors du dépôt de l'amendement n° 1 dont l'auteur soulignait qu'il avait pour but de ne pas devoir qualifier l'objet du contrat de produit ou service pour déterminer si la nouvelle protection s'appliquait [16].

La ministre a considéré à cet égard que “la distinction entre les produits et les services figure dans la loi sur les pratiques du commerce”, que “la grande majorité des contrats à durée déterminée à reconduction tacite concernent des services” et que “dans le cas de produits, il s'agit de biens corporels, ce qui rend le consommateur un peu plus vigilant que pour les services” [17].

Il n'en demeure pas moins que tel qu'il a été adopté, le nouveau régime “donnera lieu à de nombreuses discussions et sera source d'insécurité juridique” [18].

[1] Moniteur Belge, 15 mai 2007, p. 26356.
[2] Voy. l'Exposé des Motifs, Doc. parl. Ch. repr., sess. ord. 2006-07, n° 51-2790/001, p. 4. L'Exposé des Motifs cite comme exemple de contrats les contrats d'abonnement téléphonique, de connexion internet, les abonnements à un club de sport, …
[3] Art. 33 § 1er LPC.
[4] L'art. 32, 17° LPC qualifie d'abusives les clauses qui ont pour objet de “proroger le contrat pour une durée déraisonnable si le consommateur ne résilie pas à temps ou de proroger automatiquement un contrat à durée déterminée, en l'absence d'une notification contraire du consommateur, alors qu'une date excessivement éloignée de la fin du contrat a été fixée comme date limite pour exprimer cette volonté de non-prorogation de la part du consommateur”.
[5] Voy. infra, n° 5.
[6] Une proposition de loi (proposition de loi favorisant la protection du consommateur en ce qui concerne la reconduction tacite des contrats à durée déterminée, Doc. parl. Ch. repr., sess. ord. 2006-07, n° 51-1803/001, p. 6), d'inspiration française (voy. art. 136-1 du Code de la consommation), envisageait de mettre à charge du vendeur une obligation de se manifester pendant l'exécution du contrat en vue d'attirer l'attention du consommateur sur l'imminence du moment d'une éventuelle “résiliation”. Cette option n'a pas été retenue ici. Il y avait fort à parier que le coût de telles formalités administratives imposées aux vendeurs aurait été intégré dans les prix payés par les consommateurs (voy. l'Exposé des Motifs du projet de loi ici commenté, Doc. parl. Ch. repr., sess. ord. 2006-07, n° 51-2790/001, p. 5).
[7] Le terme “vendeur” est ici utilisé au sens de l'art. 1er al. 1er, 6° de la LPC.
[8] Voy. la section 9 du chapitre II de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre (art. 30 et s.).
[9] Voy. amendements, Doc. parl. Ch. repr., sess. ord. 2006-07, n° 2790/002, p. 1.
[10] Idem, p. 2.
[11] Idem, p. 3.
[12] Voy. amendements, Doc. parl. Ch. repr., sess. ord. 2006-07, n° 2790/003, p. 1.
[13] Les amendements nos 1 et 3 furent retirés et l'amendement n° 4 rejeté.
[14] Voy. le texte adopté par la Commission de l'économie, de la politique scientifique, de l'éducation, des institutions scientifiques et culturelles nationales, des classes moyennes et de l'agriculture, Doc. parl. Ch. repr., sess. ord. 2006-07, n° 2790/005, p. 4.
[15] Art. 1er al. 1er, 1 et 2 L.P.C.
[16] Voy. amendements, Doc. parl. Ch. repr., sess. ord. 2006-07, n° 2790/002, p. 2.
[17] Voy. le rapport fait au nom de la Commission de l'économie, de la politique scientifique, de l'éducation, des institutions scientifiques et culturelles nationales, des classes moyennes et de l'agriculture par Mme Magda De Meyer, Doc. parl. Ch. repr., sess. ord. 2006-07, n° 2790/004, p. 10.
[18] Idem, p. 11. Voy. l'intervention de Mme Simonne Creyf y rapportée.