TELECOMMUNICATIONS
Régulation - Réseaux téléphoniques mobiles - Portabilité des numéros - Coût d'établissement en cas de portage d'un numéro de téléphone mobile - Article 30 paragraphe 2 de la directive 2002/22/CE (directive “service universel”) - Notion de “tarification de l'interconnexion liée à la fourniture de la portabilité des numéros” - Orientation du prix en fonction des coûts - Compétences des autorités réglementaires nationales
La “tarification de l'interconnexion liée à la fourniture de la portabilité des numéros” visée à l'article 30 paragraphe 2 de la directive 2002/22/CE, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques, concerne les coûts de trafic des numéros portés et les coûts d'établissement encourus par les opérateurs de téléphonie mobile pour exécuter les demandes de portage de numéro.
Ledit article ne s'oppose pas à l'adoption d'une mesure nationale qui définit une méthode déterminée pour le calcul des coûts et qui fixe à l'avance et à l'aide d'un modèle théorique des coûts les prix maximaux pouvant être réclamés par l'opérateur donneur à l'opérateur receveur, au titre des coûts d'établissement, dès lors que les tarifs sont fixés en fonction des coûts, de telle manière que les consommateurs ne soient pas dissuadés de faire usage de la facilité de la portabilité.
TELECOMMUNICATIONS
Recours contre les décisions de l'autorité réglementaire nationale - Confidentialité - Article 4 paragraphe 1 de la directive 2002/21/CE (directive “cadre”) - Protection juridique effective - Protection des données confidentielles
L'article 4 de la directive 2002/21/CE relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques, doit être interprété en ce sens que l'organisme désigné pour connaître des recours contre les décisions des autorités réglementaires nationales doit disposer de l'ensemble des informations nécessaires pour examiner le bien-fondé d'un recours, y compris, le cas échéant, les informations confidentielles que lesdites autorités ont prises en considération pour adopter la décision qui fait l'objet du recours. Il appartient toutefois à cet organisme de garantir le traitement confidentiel des données en cause tout en respectant les exigences d'une protection juridique effective et en assurant le respect des droits de la défense des parties au litige.
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TELECOMMUNICATIE
Regulering - Mobiele telefoonnetwerken - Nummeroverdraagbaarheid - Opzetkosten in geval van overdracht van mobieletelefoonnummers - Artikel 30 lid 2 van richtlijn 2002/22/EG (universele “dienstrichtlijn”) - Notie van “prijsstelling voor interconnectie in verband met aanbieden van nummerportabiliteit” - Kostengeoriënteerde prijzen - Bevoegdheden van nationale regelgevende instanties
De “prijsstelling voor interconnectie in verband met aanbieden van nummerportabiliteit” zoals bedoeld in artikel 30 lid 2 van de richtlijn 2002/22/EG van het Europees Parlement en de Raad van 7 maart 2002 inzake de universele dienst en gebruikersrechten met betrekking tot elektronische communicatienetwerken en -diensten, heeft betrekking op de kosten van het verkeer naar de overgedragen nummers en op de opzetkosten die voor mobiele telefoonoperators voortvloeien uit de uitvoering van de aanvragen tot nummeroverdracht.
Voormeld artikel verzet zich niet tegen de vaststelling van een nationale maatregel die voorziet in een methode voor de kostenberekening en waarbij vooraf aan de hand van een theoretisch kostenmodel de maximumprijzen worden vastgesteld die de donoroperator als opzetkosten van de recipiëntoperator kan vragen, indien de tarieven dermate kosten georiënteerd zijn dat de consumenten niet worden ontmoedigd om gebruik te maken van de portabiliteitfaciliteit.
TELECOMMUNICATIE
Beroep tegen beslissingen van de nationale regelgevende instantie - Vertrouwelijkheid - Artikel 4 lid 1 van richtlijn 2002/21/EG (kaderrichtlijn) - Effectieve rechtsbescherming - Bescherming van vertrouwelijke gegevens
Artikel 4 van richtlijn 2002/21/EG van het Europees Parlement en de Raad van 7 maart 2002 inzake een gemeenschappelijk kader van regelgeving voor elektronische communicatienetwerken en diensten, moet aldus worden uitgelegd dat het lichaam dat is aangewezen om kennis te nemen van de beroepen tegen de beslissingen van de nationale regelgevende instanties, moet beschikken over alle informatie die noodzakelijk is om de gegrondheid van een beroep te onderzoeken, met inbegrip, in voorkomend geval, van de vertrouwelijke informatie die deze instanties in aanmerking hebben genomen bij de vaststelling van de beslissing waartegen beroep is ingesteld. Het staat echter aan dit lichaam om de vertrouwelijke behandeling van de betrokken gegevens te garanderen met inachtneming van de eisen van een effectieve rechtsbescherming en met eerbiediging van de rechten van verdediging van de procespartijen.
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dans le contentieux administratif économique
1.Dans son arrêt du 13 juillet 2006, la Cour de justice des Communautés européennes a réaffirmé l'existence d'un principe déjà consacré de longue date en droit communautaire, à savoir le droit des entreprises au respect de la confidentialité de leurs secrets d'affaires par les autorités publiques auxquelles elles les ont confiés [2].
Ce principe est intrinsèquement lié au droit à l'accès au dossier, “an area in which there has been remarkable progress in more recent times as far as making the earlier established principle of fair administrative proceedings more specific” [3], lui-même corollaire des principes du respect des droits de la défense [4] et de la transparence administrative [5].
2.En l'espèce, la Cour de justice impose à la cour d'appel de Bruxelles de protéger les informations confidentielles et les secrets d'affaires dont elle est amenée à prendre connaissance dans le cadre spécifique des recours contre les décisions de l'Institut belge des postes et télécommunications [6]. Cette obligation pose d'emblée la question de la nature du droit à la confidentialité des secrets d'affaires, tant en droit communautaire qu'en droit belge (infra 1.).
Mais l'originalité de cet arrêt provient surtout du fait qu'il impose le respect des secrets d'affaires à une instance nationale de recours, en l'espèce la cour d'appel de Bruxelles, et donc dans le cadre d'une procédure juridictionnelle. Même si le droit communautaire tendait à cette protection, elle n'avait encore jamais été consacrée aussi explicitement. Cet arrêt vient ainsi conforter la jurisprudence récente en droit belge des communications électroniques ainsi que les nouvelles législations belges en droit de la concurrence et en droit des marchés publics, qui consacrent expressément cette protection lors des procédures juridictionnelles de recours qu'elles organisent (infra 2.).
Pareille consécration procédurale ne manque cependant pas de poser des problèmes tant juridiques que pratiques. Le droit au respect des secrets d'affaires doit en effet trouver un équilibre avec le respect des droits de la défense. Surtout, c'est à la juridiction que la Cour de justice confie le rôle de trouver, au cas par cas, une solution aux problèmes de confidentialité qui sont soulevés devant elle, ce qui n'est pas sans laisser subsister diverses incertitudes (infra 3.).
1. L'existence d'un droit au respect des secrets d'affaires |
3.Si, certes, les secrets d'affaires sont protégés de longue date, l'irruption de plus en plus prononcée du droit dans la vie économique semble aujourd'hui conférer au respect de la confidentialité de ces secrets d'affaires la valeur d'un principe général, voire d'un droit fondamental des opérateurs économiques, et ce tant en droit européen qu'en droit belge.
1.1. | Un principe général de droit européen |
4.L'existence du droit au respect des secrets d'affaires est consacrée par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne [7] relatif au droit des citoyens de l'Union à une bonne administration. Selon le paragraphe 2 de cet article, “ce droit comporte notamment: […] - le droit d'accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel, et des affaires”.
L'article 287 du Traité CE, selon lequel “les membres des institutions de la Communauté, les membres des comités ainsi que les fonctionnaires et agents de la Communauté sont tenus, même après la cessation de leurs fonctions, de ne pas divulguer les informations qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel, et notamment les renseignements relatifs aux entreprises et concernant leurs relations commerciales ou les éléments de leur prix de revient”, est également considéré comme constituant l'expression d'un “principe général du droit des entreprises à la protection de leurs secrets d'affaires” [8].
Ce principe général interdit non seulement la divulgation d'informations recueillies dans le cadre d'une procédure administrative de contrôle, mais encore l'utilisation de ces informations dans un but autre que celui pour lequel elles ont été demandées. Cette obligation est absolue lorsque l'information concerne le secret des affaires. Celui-ci “bénéficie ainsi d'une protection toute spéciale” [9].
Sont ainsi protégés, notamment, les informations techniques et/ou financières relatives au savoir-faire, les méthodes de calcul des coûts, les secrets et procédés de fabrication, les sources d'approvisionnement, les quantités produites et vendues, les parts de marché, les fichiers de clients et de distributeurs, la stratégie commerciale, la structure de coûts et de prix ou encore la politique de vente d'une entreprise [10].
5.Ce principe général du droit au respect des secrets d'affaires est fondamental en droit économique; toute autorité publique communautaire ou nationale est tenue d'assurer la confidentialité de tels secrets qui lui seraient confiés par un opérateur économique.
Il est notamment protégé par la réglementation communautaire de la concurrence, selon laquelle “les informations, y compris les documents, ne sont pas communiquées ni rendues accessibles par la Commission dans la mesure où elles contiennent des secrets d'affaires ou d'autres informations confidentielles appartenant à une personne quelconque” [11]. La réglementation communautaire des marchés publics respecte également les secrets d'affaires: “Sans préjudice des dispositions de la présente directive, […] et conformément au droit national auquel est soumis le pouvoir adjudicateur, ce dernier ne divulgue pas les renseignements que les opérateurs économiques lui ont communiqués à titre confidentiel; ces renseignements comprennent notamment les secrets techniques ou commerciaux et les aspects confidentiels des offres” [12].
La directive-cadre en matière de communications électroniques, citée par la Cour de justice dans son arrêt, prévoit également que, lorsqu'elle statue sur un litige entre entreprises, “la décision de l'autorité réglementaire nationale est rendue publique, dans le respect du secret des affaires […]” [13]. En outre, les États membres “veillent à ce que des informations tenues à jour soient mises à la disposition du public de sorte que toutes les parties intéressées puissent y avoir facilement accès, à condition qu'il ne s'agisse pas d'informations confidentielles et, en particulier, qu'elles ne renferment pas de secrets commerciaux” [14].
6.Ce principe a en outre été consacré à diverses reprises par la Cour de justice et par le tribunal de première instance des Communautés européennes [15].
Leur jurisprudence se fonde sur un arrêt de principe Akzo/Commission du 24 juin 1986, par lequel la Cour a jugé que des plaignants ne peuvent jamais, en raison des dispositions de droit de la concurrence en vigueur à l'époque, obtenir la communication de secrets d'affaires de la partie défenderesse devant la Commission.
Si certes, au nom du droit d'accès au dossier, la Commission peut communiquer certaines informations en principe couvertes par le secret professionnel, “toutefois, cette faculté ne vaut pas pour toute espèce de documents qui, par leur nature, sont couverts par le secret professionnel. L'article 19 paragraphe 3, qui prévoit la publication de communications préalablement à l'octroi d'attestations négatives ou d'exemptions, et l'article 21 qui prévoit la publication de certaines décisions, imposent l'un et l'autre à la Commission l'obligation de tenir compte de l'intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d'affaires ne soient pas divulgués. Une protection toute spéciale est ainsi assurée aux secrets d'affaires. Ces dispositions, bien qu'ayant trait à des hypothèses particulières, doivent être considérées comme l'expression d'un principe général qui s'applique pendant le déroulement de la procédure administrative. Il en résulte que le tiers plaignant ne peut en aucun cas recevoir communication de documents qui contiennent des secrets d'affaires. Toute autre solution aboutirait au résultat inadmissible qu'une entreprise pourrait être incitée à déposer plainte auprès de la Commission uniquement en vue d'avoir accès aux secrets d'affaires de concurrents” [16].
1.2. | Un principe général consacré par la législation et la jurisprudence belge |
7.À l'instar du droit communautaire, la législation et la jurisprudence belge ont, à de nombreuses reprises, eu égard à ce droit au respect des secrets d'affaires par les autorités publiques. Les dispositions énoncées ci-après en matière de régulation économique et de marchés publics ne sont, à cet égard, pas exhaustives.
Ce droit est consacré, de manière générale, par l'article 6 § 1er, 7° de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l'administration, selon lequel “l'autorité administrative fédérale ou non fédérale rejette la demande de consultation, d'explication ou de communication sous forme de copie d'un document administratif si elle a constaté que l'intérêt de la publicité ne l'emporte pas sur la protection de l'un des intérêts suivants: […] 7° le caractère par nature confidentiel des informations d'entreprise ou de fabrication communiquées à l'autorité […]” [17].
Les informations d'entreprise, au sens de cet article, incluent les secrets d'affaires. Ces secrets couvrent de façon générale les données qui sont importantes pour l'entreprise et dont la publication est de nature à lui causer un préjudice [18]. Ils comprennent tout ce qu'une entreprise considère comme confidentiel, qu'elle ne souhaite pas exposer aux yeux du public et qu'elle n'est pas légalement contrainte de publier [19].
8.En droit des communications électroniques, comme le rappelle l'arrêt commenté, l'Institut belge des postes et télécommunications “veille à préserver la confidentialité des données fournies par les entreprises et qui sont considérées par l'entreprise comme des informations d'entreprise ou de fabrication confidentielles au sens de l'article 6 § 1er, 7° de la loi du 11 avril 1994” [20].
La même protection doit se déduire du secret professionnel auquel sont soumis les membres des autorités de régulation dans le secteur énergétique [21], audiovisuel [22] ou financier [23].
La nouvelle loi coordonnée sur la protection de la concurrence économique protège également les secrets d'affaires. Dans le cadre de l'instruction d'une procédure devant le Conseil de la concurrence, l'auditorat se prononce sur le caractère confidentiel de tous les documents et données réunis au cours de cette instruction, sous le contrôle des parties et du Conseil [24]. Lors de la communication des rapports de l'auditorat et lors de la publication des décisions du Conseil de la concurrence, il est également tenu compte de “l'intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d'affaires ne soient pas divulgués” [25].
9.La nouvelle réglementation relative aux marchés publics offre également aux soumissionnaires des garanties expresses quant à la protection de leurs secrets d'affaires, garanties notamment fondées sur le principe de la concurrence lequel est lui-même l'un des fondements de cette réglementation.
Ainsi, “le pouvoir adjudicateur et toute personne qui, en raison de ses fonctions ou des missions qui lui ont été confiées, a connaissance de renseignements confidentiels relatifs à un marché ou qui ont trait à la passation et à l'exécution du marché, communiqués par les candidats, soumissionnaires, entrepreneurs, fournisseurs ou prestataires de services, ne divulguent aucun de ces renseignements. Ces renseignements concernent notamment les secrets techniques ou commerciaux et les aspects confidentiels des offres” [26].
En outre, dans le cadre de l'information des candidats et soumissionnaires, “certains renseignements ne peuvent pas être communiqués lorsque leur divulgation ferait obstacle à l'application d'une loi, serait contraire à l'intérêt public, porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d'entreprises publiques ou privées ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre entreprises” [27]. Le tribunal de première instance de Gand a considéré, en ce sens, que: “Inzage in offertes van de concurrenten zou een aantasting zijn van hun nuttige commerciële belangen en schade toebrengen aan de loyale mededinging tussen ondernemingen. Het meedelen van deze documenten brengt per definitie het vertrouwelijk karakter van bedrijfs- of fabricagegevens in het gedrang. De inschrijvers dienen de vertrouwelijkheid van de commerciële en technische knowhow van hun offertes beschermd te zien” [28].
10.Cette énumération non exhaustive donne incontestablement corps à un principe général du respect des secrets d'affaires applicable au cours de toute procédure administrative. Ce principe semble cependant relever davantage, à ce stade de l'analyse, de la bonne administration.
L'arrêt commenté étend pourtant le traitement confidentiel de ces secrets d'affaires aux procédures juridictionnelles menées devant les instances nationales de recours en matière de communications électroniques (voy. infra). La portée du principe est par conséquent plus large que celle d'un “simple” principe de bonne administration. Le rattachement du respect des secrets d'affaires au respect de la vie privée va justifier la large portée qu'il convient de donner à ce principe général.
1.3. | Un droit fondamental |
11.Outre sa consécration par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, le droit au respect du secret d'affaires peut également trouver un fondement dans le droit au respect de la vie privée consacré par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et par l'article 22 de la Constitution.
La “vie privée” est une notion large, qui “peut s'étendre à des activités professionnelles ou commerciales” [29]. “Aucune raison de principe ne permet d'exclure les activités professionnelles ou commerciales de la notion de 'vie privée'” [30]. “Après tout, c'est dans leur travail que la majorité des gens ont beaucoup, voire le maximum d'occasions de resserrer leurs liens avec le monde extérieur” [31].
Sans s'appuyer sur cette jurisprudence, de nombreux auteurs ont considérés que “la personne morale peut (…) se prévaloir du droit au respect de la vie privée. Il va de soi que les personnes morales n'ont pas de vie privée au sens où on l'entend pour les personnes physiques, mais elles ont, en dehors des actes soumis à publicité légale, une activité intérieure que les tiers n'ont pas à connaître et elles bénéficient du secret des affaires” [32]. À notre estime, les secrets d'affaires peuvent donc être considérés comme des données développées dans un cadre privé, même si commercial. Ils ne comprennent cependant pas les éléments rendus publics, soit volontairement, soit sous une contrainte légale ou contractuelle, par l'opérateur économique.
Un arrêt récent de la cour d'appel de Bruxelles, statuant sur la demande d'une partie intervenante d'obtenir communication de données protégées par le droit au respect des secrets d'affaires d'un opérateur de télécommunications, a ainsi jugé que “lorsque ces informations contiennent des secrets d'affaires, le principe général de la protection à la vie privée s'oppose à ce que l'IBPT puisse, au cours de la procédure administrative de contrôle de l'offre de référence, les communiquer à des tiers” [33]. Cet arrêt lie ainsi explicitement la confidentialité des secrets d'affaires au droit au respect de la vie privée, et donne une assise constitutionnelle à ce principe général de droit [34].
2. | L'extension aux procédures juridictionnelles du droit au respect des secrets d'affaires |
12.Jusqu'il y a peu, le traitement confidentiel des secrets d'affaires au cours d'une procédure juridictionnelle était relativement peu pratiqué ou, à tout le moins, ne constituait pas la règle en Belgique, et ce ni devant les cours et tribunaux ordinaires ni devant le Conseil d'État [35].
L'arrêt commenté constitue à cet égard une étape importante, puisqu'il impose à la cour d'appel de Bruxelles de garantir ce traitement confidentiel, tout en respectant les exigences d'une protection juridictionnelle effective et les droits de la défense. Cette position de principe n'avait encore jamais été affirmée si clairement en droit communautaire. En droit belge, la frilosité de la jurisprudence semble avoir contraint le législateur à intervenir, pour consacrer le rôle des juridictions dans la protection des secrets d'affaires.
2.1. | En droit communautaire: respect des secrets d'affaires vs. protection juridique effective |
13.Même si l'affirmation est de principe, ce n'est qu'incidemment que l'arrêt de la Cour de justice du 13 juillet 2006 traite du respect des secrets d'affaires par les instances nationales de recours en matière de communications électroniques.
La question posée par la cour d'appel de Bruxelles se limite en effet à demander si elle est en droit ou non de prendre connaissance des informations confidentielles communiquées par un ou plusieurs opérateurs de télécommunications à l'autorité réglementaire nationale au cours de la procédure administrative préalable à sa décision.
L'arrêt répond par l'affirmative à cette question, au nom de l'efficacité du recours prévu à l'article 4 de la directive-cadre en matière de communications électroniques précitée [36], ainsi que d'une protection juridique effective. Il se fonde notamment, à cette fin, sur l'article 5 de la même directive, lequel prévoit l'échange d'informations confidentielles entre les autorités réglementaires nationales et la Commission européenne, “qui doit toutefois garantir cette confidentialité” [37].
Par analogie, et sans justifier davantage sa position, la Cour estime par conséquent qu'un échange identique doit exister entre l'autorité réglementaire nationale et l'instance nationale de recours, mais qu'“il appartient toutefois à cet organisme de garantir le traitement confidentiel des données en cause tout en respectant les exigences d'une protection juridique effective et en assurant le respect des droits de la défense des parties au litige” [38]. C'est ce dictum qui est au coeur du présent commentaire.
En réalité, l'extension du respect des secrets d'affaires à la procédure juridictionnelle devant la cour d'appel de Bruxelles résulte des positions adoptées par les parties: toutes estimaient que la cour d'appel pouvait prendre connaissance, voire imposer la production des données confidentielles en possession de l'IBPT, pour autant que le traitement confidentiel de ces informations soit garanti [39]. Madame l'avocat général Stix-Hackl souligne à leur suite qu'“il incombe à l'organisme de recours […], dans le cadre de la procédure dont il est saisi, de prendre les mesures appropriées pour établir un équilibre entre les exigences d'une protection juridique effective ou l'intérêt à un examen adéquat du bien-fondé d'un recours et le respect des secrets d'affaires” [40].
Et c'est par seule analogie avec la procédure administrative préalable que l'arrêt commenté étend le droit au respect des secrets d'affaires à la procédure juridictionnelle de recours.
Cette analogie est, à notre avis, justifiée à plusieurs titres.
14.Les juridictions communautaires, si elles n'en avaient jamais consacré formellement le principe, ont en effet déjà été confrontées au traitement confidentiel d'informations qui leur étaient soumises.
La Cour de justice et le tribunal de première instance des Communautés européennes procèdent alors de la manière suivante: la partie qui invoque la confidentialité de certaines pièces compose un dossier non confidentiel à communiquer aux autres parties; si celles-ci contestent la confidentialité de certaines pièces, le président de la chambre se prononce sur le caractère confidentiel des pièces litigieuses [41].
Ce seul procédé confirme déjà que la confidentialité des secrets d'affaires peut être garantie au cours d'une procédure juridictionnelle.
15.Un autre indice favorable à l'extension du droit au respect des secrets d'affaires aux procédures juridictionnelles, provient du droit de la concurrence. Le traitement confidentiel des informations contenant des secrets d'affaires y est en effet une condition nécessaire à la communication par la Commission européenne de ces informations à la juridiction nationale qui lui en ferait la demande [42].
Cette condition est venue confirmer la position adoptée auparavant par le tribunal de première instance dans son arrêt Postbank. Contestant l'interdiction de toute utilisation par un juge national des informations confidentielles recueillies par celui-ci auprès de la Commission européenne, le tribunal a en effet jugé que “cette interdiction n'est pas indispensable pour protéger les données confidentielles et les secrets d'affaires. En effet, lorsque ces documents de la procédure administrative sont produits dans une procédure nationale, les juges nationaux sont censés garantir la protection des informations confidentielles, notamment des secrets d'affaires, dans la mesure où, pour assurer le plein effet des normes de droit communautaire en vertu du principe de coopération énoncé à l'article 5 du traité, ces autorités sont tenues de protéger les droits que ces normes confèrent aux particuliers” [43].
Dès que le droit au respect des secrets d'affaires est consacré en droit communautaire, celui-ci s'impose donc aux juridictions nationales, tenues d'assurer le plein effet des normes de droit communautaires.
16.En filigrane des conclusions de l'avocat général, se dégage même une conception du respect des secrets d'affaires comme partie intégrante des notions de “protection juridique effective”, utilisée par la Cour de justice, et de “recours efficace”, énoncé à l'article 4 de la directive-cadre précitée, voire à l'article 1er de la directive “recours” en matière de marchés publics [44].
En effet, si le respect des secrets d'affaires n'était pas garanti au cours de la procédure administrative, aucun opérateur économique ne prendrait sans doute encore le risque de communiquer de telles informations à l'autorité publique avec laquelle il doit traiter. La garantie d'un traitement confidentiel de ces informations est en réalité essentielle pour permettre le déroulement d'un débat loyal, complet et transparent avec l'autorité de régulation d'un secteur économique, pour permettre la participation sans contrainte des soumissionnaires à un marché public, et de manière générale pour assurer une concurrence loyale entre les opérateurs économiques.
Or, ces considérations demeurent pertinentes dans le cadre d'une procédure juridictionnelle subséquente, par exemple pour le recours qu'un opérateur souhaiterait exercer contre la décision d'une autorité de régulation ou contre la décision d'attribution d'un marché public. Dans l'esprit de l'arrêt Akzo précité, la cour d'appel de Bruxelles a déjà jugé à cet égard qu'il serait inconcevable que la seule introduction d'un recours par un opérateur économique lui confère un droit dont il ne disposait pas durant la procédure administrative, à savoir un droit d'accès aux secrets d'affaires [45]. Un recours juridictionnel efficace et effectif suppose donc, comme le souligne l'arrêt commenté, que la juridiction peut connaître de données confidentielles, mais il implique également qu'un traitement confidentiel doit leur être réservé.
2.2. | En droit belge: un législateur entreprenant |
17.Dans le contentieux administratif économique belge, la jurisprudence traitant du respect des secrets d'affaires par les juridictions est, à l'exception des décisions du Conseil de la concurrence, fort rare. Les mesures appropriées qui pourraient être prises pour garantir un traitement confidentiel de ces secrets d'affaires n'ont pas davantage été développées par nos juridictions nationales.
La première juridiction concernée, en tant que juge de l'administration, est le Conseil d'État. Or, à ce jour, sa jurisprudence rudimentaire ne garantit pas avec certitude la confidentialité des secrets d'affaires [46]. Néanmoins, signe encourageant, l'auditeur Stevens a abordé la question dans un rapport dont le Conseil d'État n'a finalement pas dû faire usage. Selon lui, “evenwel mag een procedure ingesteld bij de Raad van State er niet toe leiden dat een derde inzage krijgt in stukken van een andere die vallen onder de bescherming van de industriële en commerciële eigendom. Hoewel het niet de bedoeling is dat in casu te insinueren, moet toch niet verheeld worden dat in het verleden in bepaalde materies reeds gebleken is dat het werkelijk doel van bepaalde vorderingen en verzoekschriften is geweest kennis te kunnen nemen van het neergelegd administratief dossier om daar dan op één of andere wijze voordeel mee te doen. Conclusie: de door verwerende partij als vertrouwelijk aangemerkte stukken van het administratief dossier mogen niet ingezien worden door verzoekster” [47]. Selon ce rapport, la protection des pièces confidentielles du dossier administratif doit donc être assurée par le Conseil d'État et, pour ce faire, l'accès de la partie requérante à ce dossier doit être limité aux pièces non confidentielles [48].
C'est la cour d'appel de Bruxelles, nouveau juge des autorités de régulation économique fédérales, qui a tranché le plus fermement cette question, dans le même cadre d'un recours exercé contre une décision administrative de l'IBPT. Dans son arrêt, la cour d'appel a jugé que “la protection des secrets d'affaires est un principe général de droit qui s'applique pendant le déroulement de la procédure devant la cour. La cour doit donc veiller, pour des raisons d'intérêt public, à ce que l'exercice du recours prévu par la loi du 17 janvier 2003 n'aboutisse pas à un échange d'informations sensibles sur le plan commercial entre les entreprises, parties à la procédure” [49].
18.À défaut d'une jurisprudence suffisamment développée et nuancée, le législateur a pour sa part entrepris de garantir la confidentialité des secrets d'affaires au stade de la procédure juridictionnelle, dans deux nouvelles lois déjà citées en matière de concurrence et de marchés publics.
Ainsi, le recours organisé devant la cour d'appel de Bruxelles contre les décisions du Conseil de la concurrence garantit expressément la protection des secrets d'affaires: “la cour d'appel veille à ce que la confidentialité du dossier transmis par le Conseil soit préservée tout au long de la procédure devant la Cour” [50]. En matière de marchés publics, la nouvelle loi prévoit également que, “dans le cas d'une procédure de recours, l'instance saisie et le pouvoir adjudicateur veillent au respect du caractère confidentiel des renseignements visés à l'alinéa précédent […]” [51].
Aucune de ces deux lois ne prévoit cependant les mesures appropriées que pourrait ou devrait adopter la juridiction saisie d'une question sur la confidentialité de pièces ou documents qui seraient déposés ou qu'elle imposerait de déposer. En outre, contrairement à l'arrêt commenté de la Cour de justice qui impose de respecter les exigences d'une protection juridique effective et d'assurer le respect des droits de la défense des parties au litige, les dispositions précitées sont muettes sur le nécessaire équilibre qu'il faudrait garantir entre les secrets d'affaires et le principe du contradictoire [52].
19.Cette direction nouvelle prise par le législateur confirme que le droit au respect des secrets d'affaires peut, et doit, être étendu aux procédures juridictionnelles dès que la juridiction saisie peut se faire communiquer des documents contenant des informations d'entreprise par nature confidentielles.
Cette conclusion est particulièrement justifiée dans le contentieux administratif économique. Le litige porte en effet en principe sur une décision adoptée par une autorité administrative, fût-elle indépendante, sur la base d'un dossier de pièces communiqué à, ou constitué par cette autorité. Dès lors que la publicité des données confidentielles de ce dossier n'est pas autorisée au cours de la procédure administrative, il n'y a pas de raisons objectives qu'elle le soit au cours de la procédure juridictionnelle subséquente. Cela ne doit pas pour autant porter atteinte à l'efficacité du recours contre la décision, qui implique que la juridiction saisie puisse prendre connaissance de l'intégralité dudit dossier. Tel est l'enseignement qui peut être tiré, en droit belge, de l'arrêt de la Cour de justice du 13 juillet 2006 [53].
3. | Le respect des secrets d'affaires et les droits de la défense |
20.L'extension du droit au respect des secrets d'affaires à la procédure juridictionnelle conduit ce droit à entrer en conflit avec les règles et/ou principes applicables aux procédures juridictionnelles, notamment ceux rappelés par l'arrêt commenté de protection juridique effective et de respect des droits de la défense des parties au litige.
Tant la Cour de justice que les nouvelles lois belges délaissent cependant à la juridiction saisie le rôle de définir, limiter et adopter les mesures appropriées pour résoudre les questions de confidentialité soulevées devant elle. Un large pouvoir d'appréciation est donc laissé au juge.
Une première question que pourrait se poser le juge est celle de la place à donner à ces règles a priori contradictoires dans la hiérarchie des normes. Lorsque la loi n'a pas expressément consacré l'un et l'autre des principes en cause, la question risque de soulever des controverses, notamment liées à la nature des principes généraux du droit, et auxquelles nous nous permettons de renvoyer [54]. En principe cependant, le respect tant des secrets d'affaires que des droits de la défense trouvent un appui dans un droit fondamental, et sont plus ou moins explicitement consacrés par des dispositions légales. Ce n'est donc que le conflit entre deux normes de valeur à première vue identique, et dont l'application simultanée paraît contradictoire, qui est ici étudié.
3.1. | La mise en balance des intérêts |
21.Confronté à l'obligation de respecter les secrets d'affaires et les droits de la défense, le juge ne peut que mettre ceux-ci en balance [55]. Il lui appartient “de prendre les mesures appropriées pour établir, le cas échéant, un équilibre entre les exigences d'une protection juridique effective ou l'intérêt à un examen adéquat du bien-fondé d'un recours et le respect des secrets d'affaires” [56].
Pour ce faire, le juge doit au préalable apprécier le caractère secret des informations commerciales produites devant lui, notamment en examinant les conséquences de l'éventuelle divulgation de ces informations. Une procédure administrative existe en droit de la concurrence, tant belge que communautaire, pour trancher préalablement la question de la confidentialité des pièces [57], mais aucune procédure spécifique n'est prévue devant la juridiction saisie ensuite du litige. Le juge pourrait s'inspirer, pour ce faire, de la pratique des juridictions européennes exposée ci-dessus [58].
Selon ces diverses procédures, lorsque la confidentialité est admise, la personne ayant fourni les données établit une version non confidentielle du document concerné. Les documents confidentiels sont alors retirés du dossier et remplacés par une version non confidentielle, ce qui permet de préserver les droits de la défense. Dans l'arrêt commenté cependant, la Cour de justice impose que l'instance nationale de recours puisse disposer de toutes les informations requises pour être à même de se prononcer sur le bien-fondé du recours, en ce compris les informations confidentielles.
22.Après avoir déterminé in concreto quelles informations sont couvertes par les secrets d'affaires, il faut alors, pour mettre en balance ce principe avec le respect des droits de la défense, juger de l'utilité de ces informations pour la défense [59].
Le principal élément d'appréciation, pour ce faire, est le lien qui unit les parties au litige [60]. La situation des parties est en effet fort différente lorsqu'un soumissionnaire évincé conteste l'attribution d'un marché public, lorsqu'un fournisseur de gaz conteste le prix fixé par son autorité de régulation, lorsqu'une entreprise fait un recours contre une amende qui lui a été imposée par la Commission bancaire, financière et des assurances ou encore lorsqu'une entreprise conteste avoir commis une infraction aux règles de la concurrence.
Lorsqu'une partie est directement concernée par la décision contestée, elle bénéficie pleinement du principe du contradictoire, et devrait être mise en mesure de consulter toutes les informations fournies au juge en vue d'influencer sa décision. Le respect des droits de la défense implique en effet que la juridiction saisie donne à la partie directement concernée la possibilité de procéder à un examen de la totalité des documents susceptibles d'être pertinents pour sa défense, et donc par exemple à tous les éléments de preuve d'une infraction aux règles de la concurrence reprochée à l'entreprise concernée [61]. Par contre, dans la mesure où certaines informations confidentielles ne seraient, selon une analyse in concreto du juge, pas utiles pour la défense, le traitement confidentiel de ces informations vis-à-vis de la partie concernée serait justifié. En ce sens, Christine Schurmans estime qu'une juridiction nationale peut, sans méconnaître le principe du contradictoire, limiter la divulgation des informations confidentielles qui lui ont été communiquées par la Commission, “aux seules parties qui peuvent puiser dans ces informations des éléments utiles à leur défense” [62].
Il arrive également que des personnes qui ne sont pas directement concernées par la décision interviennent devant la juridiction saisie. Il s'agit par exemple des tiers plaignants à l'origine d'une sanction, adoptée par le Conseil de la concurrence, de pratiques restrictives de concurrence. Lorsque ces interventions sont recevables, la jurisprudence ne leur reconnaît pas nécessairement des droits procéduraux aussi étendus que les autres parties, dès lors notamment que les droits de ces parties au cours de la procédure administrative préalable sont plus restreints. En droit européen de la concurrence, lorsqu'un opérateur économique a dû fournir des documents à la Commission, cette dernière ne peut pas automatiquement les communiquer à des tiers, y compris l'entreprise plaignante à l'origine de la procédure devant la Commission; elle doit au préalable s'assurer de ce qu'ils ne contiennent pas de secrets d'affaires. L'interdiction semble absolue: comme le précise la Cour de justice, “le tiers plaignant ne peut en aucun cas recevoir communication de documents qui contiennent des secrets d'affaires” [63]. En droit belge de la concurrence, la cour d'appel de Bruxelles, après avoir tranché la recevabilité des interventions, a également jugé que les parties intervenantes à un recours contre une décision du Conseil de la concurrence en matière de concentrations, devaient faire valoir une prétention particulière à la communication des pièces [64]. Il semble donc que, dans ce cas, l'intérêt du secret puisse l'emporter sur l'intérêt de ces tierces parties à faire valoir leurs observations devant la juridiction saisie.
D'autres éléments doivent également être pris en considération pour juger de l'utilité des informations confidentielles pour la défense: les griefs soulevés, les comportements répréhensibles visés, la nature du recours exercé,…
23.Après avoir établi l'existence de secrets d'affaire (supra, n° 21), et après avoir jugé de l'utilité de ces informations pour la défense (supra, n° 22), la mise en balance des intérêts ainsi déterminés doit enfin être réalisée.
Elle se heurte d'emblée aux conditions très étroites dans lesquelles, exceptionnellement, des restrictions au respect des droits de la défense sont permises. En matière pénale, la Cour européenne des droits de l'homme a admis que certaines preuves détenues par l'accusation ne soient pas divulguées au prévenu, au nom d'intérêts concurrents tels que la sécurité nationale, la nécessité de protéger des témoins ou de garder secrètes certaines méthodes policières de recherches [65]. Toutefois, souligne la Cour, “seules sont légitimes […] les mesures restreignant les droits de la défense qui sont absolument nécessaires. De surcroît, si l'on veut garantir un procès équitable à l'accusé, toutes difficultés causées à la défense par une limitation de ses droits doivent être suffisamment compensées par la procédure suivie devant les autorités judiciaires” [66]. Partant de l'idée que “les exigences du procès équitable sont plus rigoureuses en matière pénale” [67], les restrictions aux droits de la défense hors du champ pénal seraient-elles moins limitées? Cela n'est pas certain.
Pour justifier que l'intérêt au respect des secrets d'affaires l'emporte, à l'issue de l'examen, sur le respect des droits de la défense, il faudrait donc établir le caractère d'absolue nécessité de ce secret, en se référant par exemple à l'importance du préjudice subi par la partie concernée si ses informations confidentielles étaient divulguées, mais également, le cas échéant, aux circonstances dans lesquelles ces informations ont été transmises.
L'absolue nécessité du secret pourrait aussi provenir de l'importance accordée par la jurisprudence à ce que les parties ne disposent pas, par rapport à la procédure juridictionnelle, de plus de droit et donc d'un accès plus aisé aux pièces du dossier qu'au cours de la procédure administrative [68]. Pareille situation serait susceptible d'encourager l'introduction d'un recours uniquement en vue d'avoir accès aux secrets d'affaires de ses concurrents, ce que la Cour de justice a fermement condamné dans son arrêt Akzo précité [69]. En ce sens, “l'introduction d'un recours [contre une décision du Conseil de la concurrence] (…) n'a donc pas pour effet de rendre accessibles à une partie mise en cause devant la cour d'appel de Bruxelles, les documents qui ne lui ont pas été communiqués pendant la procédure administrative (…) en exécution d'une décision (…) de refuser de les communiquer parce qu'ils contiennent des secrets d'affaires” [70].
Outre la justification de l'absolue nécessité, selon la Cour européenne des droits de l'homme, il faut en outre que la procédure devant la juridiction saisie compense suffisamment la limitation des droits de la défense. Dans le cadre des contentieux ici analysés, cette compensation procédurale reste encore à imaginer. Une des exigences qui pourraient être émises concernera vraisemblablement l'instance appelée à trancher la question de la confidentialité des pièces: elle devrait pouvoir être dissociée de la juridiction saisie du fond du litige [71]. Aux Pays-Bas, l'accord des parties à la procédure est requis pour produire une version non-confidentielle de pièces contenant des secrets d'affaires [72]: cette procédure pourrait également compenser suffisamment la limitation des droits de la défense au sens de la jurisprudence de Strasbourg.
En sens contraire, parmi les éléments susceptibles de faire pencher la balance en faveur des droits de la défense, Jürgen Schwarze a souligné l'importance de ce que “the exception clauses for confidential documents and internal remarks may not result in a situation where the affected enterprise receives files which can no longer be fully understood as far as their key contents are concerned” [73].
3.2. | L'équilibre [74] |
24.La mise en balance des intérêts aura le plus souvent pour conséquence que la juridiction saisie donne, après son analyse et en cas de désaccord des parties, la priorité à l'un des deux principes, à l'exclusion de l'autre, soit qu'elle octroie soit qu'elle refuse l'accès des parties aux secrets d'affaires dont elle a connaissance. Dans l'état actuel du droit positif belge, c'est d'ailleurs la seule manière possible de procéder.
Peut-être une solution médiane pourrait-elle être recherchée, qui permette, par des mesures spécifiques, de concilier les deux principes, dans la mesure où il est impossible de donner la prédominance à un des principes sur l'autre. Il nous semble en effet que, in abstracto, l'intérêt de préserver les secrets d'affaires n'est ni plus ni moins légitime que celui de respecter les droits de la défense.
En matière pénale, lorsque des pièces du dossier répressif demeurent confidentielles à l'égard du prévenu, la Cour européenne des droits de l'homme a témoigné de son vif intérêt pour le procédé utilisé au Canada: “un juge de la Cour fédérale tient une audience à huis clos pour examiner tous les éléments et le réquerant reçoit un résumé du dossier à charge; il a le droit d'être représenté et de citer des témoins. Le caractère confidentiel des éléments concernant la sécurité est sauvegardé par l'obligation de procéder à leur examen en l'absence du requérant et de son représentant. Dans ce cas néanmoins, leur place est prise par un avocat bénéficiant d'une habilitation de sécurité et mandaté par le tribunal, qui contre-interroge les témoins et aide d'une manière générale le juge a mesurer la solidité des arguments présentés par l'État. Le requérant reçoit un résumé des éléments recueillis lors de cette procédure, avec les omissions nécessaires à la confidentialité” [75].
En droit de la concurrence, la doctrine a également imaginé, pour garantir que les juridictions nationales respectent le caractère confidentiel des informations qui lui seraient transmises par la Commission, que “there may be practical ways around this: for example, some jurisdictions may provide for limited disclosure for the purposes of the litigation to professional advisors only” [76].
La solution de l'avocat spécial est tentante, à la lecture des exigences posées par l'arrêt du 13 juillet 2006 de la Cour de justice, imposant tout à la fois à la juridiction de prendre connaissance des informations confidentielles nécessaires, de garantir ce faisant la confidentialité de ces informations et de respecter les droits de la défense. Une telle solution permet à la fois le respect d'une certaine confidentialité et la possibilité pour les parties de donner leur appréciation sur l'ensemble des informations communiquées au juge [77].
Il s'agit cependant d'une solution qui nécessite à tout le moins l'accord des parties au litige pour pouvoir être mise en oeuvre. Une intervention législative serait donc particulièrement souhaitable pour l'ensemble des acteurs économiques comme pour les autorités publiques concernées, en particulier dans un domaine, le contentieux administratif économique, qui ne cesse de croître et pour lequel la sécurité juridique peut s'avérer essentielle.
25.D'autres équilibres ont été aménagés par les praticiens du droit, notamment en matière d'arbitrage commercial international. Des sentences arbitrales ou des clauses contractuelles prévoient par exemple l'obligation de limiter l'usage par les parties des secrets d'affaires de leurs concurrents aux seuls besoins du litige, et/ou interdisent tout usage commercial des informations ainsi obtenues [78], ou encore limitent la consultation des pièces confidentielles aux avocats des parties, qui peuvent également les soumettre à des experts indépendants, tenus par leur secret professionnel notamment à l'égard des parties.
***
26.L'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 13 juillet 2006 est sans conteste un arrêt innovant, puisqu'il étend formellement, pour la première fois, le droit au respect des secrets d'affaires à la procédure de recours contre les décisions prises par les autorités réglementaires nationales en matière de communications électroniques. Cette position de principe nous paraît pouvoir être étendue, eu égard au droit en vigueur, à l'ensemble des procédures de recours organisées contre les décisions des autorités de régulation économique, ainsi qu'aux procédures de recours contre les décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs en matière de marchés publics.
Si cette extension semble raisonnablement justifiée, elle est cependant assortie d'une condition particulièrement difficile à mettre en oeuvre: le traitement confidentiel des secrets d'affaires doit respecter les droits de la défense. La mise en balance des intérêts qui s'impose ainsi à la juridiction rend délicate la protection de l'un et de l'autre droit: le juge ne parviendra le plus souvent qu'à protéger un droit au détriment de l'autre.
Des solutions plus conciliantes ont cependant déjà été imaginées, notamment le recours à la technique dite de “l'avocat spécial”. Le présent commentaire n'a d'autres ambitions que de les faire connaître pour lancer un débat sur ces procédés et, le cas échéant, permettre leur mise en oeuvre effective par le législateur.
[1] | Avocat au barreau de Bruxelles et assistant aux Facultés universitaires Saint-Louis. |
[2] | Le présent commentaire n'aborde donc pas le respect des secrets d'affaires dans le cadre de relations entre personnes privées, tel qu'il est notamment garanti par l'art. 309 du Code pénal, l'art. 17 de la loi du 3 juillet 1978 sur le contrat de travail ou les art. 93 et 95 de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques de commerce et sur l'information et la protection du consommateur. Voy. sur cette question l'étude approfondie de J.-P. Buyle, “Le secret des affaires: du droit à l'intimité au secret professionnel?”, in Liber Amicorum Guy Horsmans, Bruxelles, Bruylant, 2004, pp. 93-132; ainsi que M. Buydens, Droit des brevets d'invention, Bruxelles, Larcier, 1999, pp. 295-298; A. Puttemans, “La réglementation de la vente à perte”, J.T. 1991, pp. 225-238, spéc. 236. Il est cependant évident que la réflexion ici entamée est en grande partie transposable à cet autre aspect de la protection des secrets d'affaires. |
[3] | J. Schwarze, European Administrative Law, éd. révisée, Londres-Luxembourg, Sweet and Maxwell et Office des publications des Communautés européennes, 2006, p. cliii. |
[4] | N. Coutrelis et V. Giacobbo, “La pratique de l'accès au dossier en droit communautaire de la concurrence: entre droits de la défense et confidentialité”, Concurrences (France), 2006, pp. 66-78. |
[5] | Selon A.-L. Durviaux (“Le secret des affaires et la transparence administrative - l'exemple des marchés publics”, R.D.C. 1999, pp. 71-92), la transparence administrative n'a, en droit belge, pas été réfléchie dans la perspective du respect des secrets d'affaires. |
[6] | Ce recours est organisé par l'art. 2 de la loi du 17 janvier 2003 concernant les recours et le traitement des litiges à l'occasion de la loi du 17 janvier 2003 relative au statut du régulateur des secteurs des postes et télécommunications belges, Mon. b. 24 janvier 2003. Sur ce recours, voy. P. Boucquey et P.-O. de Broux, “Les recours juridictionnels contre les décisions des autorités de régulation”, in La protection juridictionnelle du citoyen face à l'administration, Bruxelles, la Charte, 2007 (à paraître); X. Taton, “Les recours objectifs de pleine juridiction et les pouvoirs limités du juge judiciaire”, R.D.C.-T.B.H. 2005, pp. 799 -809; R. Andersen, “La cour d'appel de Bruxelles, cour du contentieux économique”, Liber Amicorum Paul Martens, Bruxelles, Larcier, 2007, pp. 715-734. Sur le même recours, en ce qu'il est organisé par l'art. 4 de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques, J.O.C.E. 24 avril 2002, voy. A.-T. Ottow, Telecommunicatietoezicht. De invloed van het Europese en nationale bestuurs(proces)recht, La Haye, Sdu Uitgevers, 2006, pp. 321-325. Enfin, sur l'arrêt commenté, voy. A.-T. Ottow, note sous C.J.C.E. 13 juillet 2006, Mediaforum (Pays-Bas), 2006-10, pp. 312-314. |
[7] | Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne n° 2000/C 634/01 du 18 décembre 2000, J.O.C.E. 18 décembre 2000, C-364, p. 1. |
[8] | C.J.C.E. 19 mai 1994, aff. C-36/92, SEP/Commission, § 36. |
[9] | Voy. T.P.I.C.E. 18 septembre 1996, aff. T-353/94, Postbank/Commission, § 87; M. Fallon, Droit matériel général de l'Union européenne, Bruxelles, Bruylant, 2002, pp. 55-56. |
[10] | Art. 18 de la communication 2005/C 325/07 de la Commission relative aux règles d'accès au dossier de la Commission dans les affaires relevant des art. 81 et 82 du traité CE, des art. 53, 54 et 57 de l'Accord EEE et du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, publiée le 22 décembre 2005; C. Kerse et N. Khan, EC Antitrust Procedure, 5e éd., Londres, Sweet & Maxwell, 2005, pp. 115-116 et 231-232. |
[11] | Art. 16 du règlement 773/2004/CE du 7 avril 2004 de la Commission relatif aux procédures mises en oeuvre par la Commission en application des art. 81 et 82 du traité CE, J.O.C.E. 27 avril 2004. La suite de cette disposition prescrit une série de mesures permettant de protéger les informations confidentielles transmises à la Commission européenne. Voy. également l'art. 28 du règlement 1/2003/CE du 16 décembre 2002 du Conseil relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux art. 81 et 82 du Traité de Rome, J.O.C.E. 4 janvier 2003, qui impose le secret professionnel dans les procédures de concurrence. |
[12] | Art. 6 de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, J.O.C.E. 30 avril 2004. Voy. aussi les art. 35, 41 § 3 et 69 de la directive. |
[13] | Art. 20 § 4 de la directive 2002/21/CE du 7 mars 2002 précitée (voy. note 6). |
[14] | Art. 15 § 1er de la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu'à leur interconnexion, J.O.C.E. 24 avril 2002. |
[15] | Voy. notamment C.J.C.E. 19 mai 1994, aff. C-36/92, SEP/Commission, § 36; T.P.I.C.E. 20 mars 2002, aff. T-9/99, HFB et Isoplus/Commission, § 364; T.P.I.C.E. 29 juin 1995, aff. T-30/91, Solvay/Commission, § 88. |
[16] | C.J.C.E. 24 juin 1986, aff. C-53/85, Akzo/Commission, Rec. 1986, pp. 1965 et s., spéc. § 28. Voy. également B. Geneste, “La confidentialité des documents recueillis au cours de l'enquête: le cas British Gypsum” et Ch. Price, “L'affaire British Gypsum: le problème de la confidentialité”, in Droits de la défense et droits de la Commission dans le droit communautaire de la concurrence, actes du colloque organisé les 24 et 25 janvier 1994, Bruxelles, Bruylant, 1994, pp. 119-132. |
[17] | Une disposition similaire ou identique est prévue dans l'ensemble des législations belges, fédérales, régionales et communautaires, adoptées en matière de publicité de l'administration. |
[18] | Voy. à propos d'une disposition identique dans le décret flamand relatif à la publicité de l'administration: F. Schram, Een nieuw openbaarheidsdecreet voor Vlaanderen, Bruges, Vanden Broele, 2004, p. 173. |
[19] | B. Tilleman, Ondernemingsstrafrecht, Bruges, die Keure, 1999, p. 135. |
[20] | Art. 23 de la loi du 17 janvier 2003 relative au statut du régulateur des secteurs des postes et télécommunications belges, Mon. b. 24 janvier 2003. |
[21] | Voy. notamment l'art. 26 § 2 de la loi du 29 avril 1999 relative à l'organisation du marché de l'électricité, Mon. b. 11 mai 1999; l'art. 47 § 2 du décret wallon du 12 avril 2001 relatif à l'organisation du marché régional de l'électricité, Mon. b. 1er mai 2001; l'art. 15 du décret flamand du 30 avril 2004 portant création de l'agence autonomisée externe de droit public “Vlaamse Reguleringsinstantie voor de Elektriciteits- en Gasmarkt”, Mon. b. 27 mai 2004. |
[22] | Art. 147 du décret de la Communauté française du 27 février 2003 sur la radiodiffusion, Mon. b. 17 avril 2003; art. 108 du décret de la Communauté germanophone du 27 juin 2005 sur la radiodiffusion et les représentations cinématographiques, Mon. b. 6 septembre 2005, qui dispose que “la chambre décisionnelle doit traiter confidentiellement les secrets de fabrique et les secrets commerciaux dont elle a eu connaissance”; art. 176octies § 4 des décrets de la Communauté flamande relatifs à la radiodiffusion et à la télévision, coordonnés le 4 mars 2005, Mon. b. 8 avril 2005, tel qu'inséré par le décret du 16 décembre 2005 portant création de l'agence autonomisée externe de droit public “Vlaamse Regulator voor de Media”…, Mon. b. 30 décembre 2005 (entré en vigueur le 10 février 2006 en vertu de l'arrêté du Gouvernement flamand du 10 février 2006, Mon. b. 7 mars 2006). |
[23] | Art. 74 et 75 de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers, Mon. b. 4 septembre 2002. |
[24] | Art. 44 § 6 à 8 de la loi sur la protection de la concurrence économique coordonnée le 15 septembre 2006, Mon. b. 29 septembre 2006. |
[25] | Voy. les art. 48 § 2, 55 § 5, 67 al. 2 et 68 § 2 al. 5 de la loi coordonnée. Voy. également les art. 3, 4 et 15 de l'arrêté royal du 31 octobre 2006 relatif aux procédures en matière de protection de la concurrence économique (Mon. b. 22 novembre 2006), ainsi que le commentaire très fouillé de cette réglementation réalisé par C. Schurmans et X. Taton, “Questions actuelles de procédure en droit de la concurrence. À la recherche d'un système cohérent entre l'autorité de concurrence et l'Ordre judiciaire”, in Actualité du droit de la concurrence, coord. A. Puttemans, Bruxelles, Bruylant, 2007, nos 63-94 (Collection UB³ - n° 13). |
[26] | Art. 11 al. 1er de la loi du 15 juin 2006 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services, Mon. b. 15 février 2007. Nota bene: cette loi n'est pas encore entrée en vigueur, et est appelée à être coordonnée (voy. l'art. 79bis de la loi inséré par la loi du 12 janvier 2007, Mon. b. 15 février 2007). Voy. en ce sens, dans la réglementation actuellement en vigueur, les art. 47, 74 et 139 de l'arrêté royal du 8 janvier 1996 relatif aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services et aux concessions de travaux publics, Mon. b. 26 janvier 1996. |
[27] | Art. 2 § 2 al. 2 et 3 § 1er al. 2 de la loi du 16 juin 2006 relative à l'attribution, à l'information aux candidats et soumissionnaires et au délai d'attente concernant les marchés publics et certains marchés de travaux, de fournitures et de services, Mon. b. 15 février 2007. Nota bene: voir la note précédente. Voy. dans la réglementation actuelle, l'art. 21bis § 3 de la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés des travaux, de fournitures et de services, tel qu'inséré par la loi-programme du 9 juillet 2004, Mon. b. 15 juillet 2004, ainsi que les art. 25 § 4, 51 § 4 et 80 § 4 ou encore les art. 8, 34 et 60 de l'arrêté royal du 8 janvier 1996 précité. |
[28] | Civ. Gand 5 décembre 2005 (A.R. 05/574/C), inédit. |
[29] | Cour eur. D.H. 28 janvier 2003, Peck/Royaume-Uni, § 57. |
[30] | Cour eur. D.H. 16 février 2000, Amann/Suisse, § 65. |
[31] | Cour eur. D.H. 16 décembre 1992, Niemietz/Allemagne, § 29; voy. également Cour eur. D.H. 25 juin 1997, Halford/Royaume-Uni, § 42-46. |
[32] | H. De Page, Traité élémentaire de droit civil, T. II, vol. 1, 4e éd. complétée par J.-P. Masson, Bruxelles, Bruylant, 1990, p. 30, et repris par J.-P.Buyle, l.c. (voy. note 2), pp. 93 et 127-128; M. Buydens, o.c. (voy. note 2), p. 295; A. Puttemans, l.c. (voy. note 2), p. 236. |
[33] | Bruxelles 9 décembre 2005, R.G. 2004/AR/174, p. 15, www.juridat.be. |
[34] | La Cour d'arbitrage (devenue depuis la Cour constitutionelle) a été saisie par le Conseil d'État d'une question préjudicielle portant sur le respect, par les lois coordonnées sur le Conseil d'État, de la vie privée en tant qu'elle couvrirait le secret des affaires en matière de marchés publics. Voy. C.E. n° 164.028, 24 octobre 2006, Varec. |
[35] | À l'exception notable des procédures juridictionnelles menées devant le Conseil de la concurrence, au cours desquelles le traitement confidentiel des secrets d'affaires est organisé depuis de nombreuses années. |
[36] | Voy. supra, note 6. |
[37] | § 42 de l'arrêt. |
[38] | Voy. la réponse à la seconde question préjudicielle, ainsi que les § 40 et 43 de l'arrêt. |
[39] | § 77 des conclusions présentées par Madame l'avocat général Christine Stix-Hackl le 23 mars 2006, C-438/04, www.curia.europa.eu. |
[40] | § 88 des conclusions précitées. |
[41] | Art. 93 du règlement de procédure de la Cour et art. 116 du règlement de procédure de Tribunal. Voy. également K. Lenaerts et D. Arts, Europees Procesrecht, Anvers, Maklu, 2003, p. 460, note 290 in fine, et l'illustration de ces procédés dans T.P.I.C.E. (ord.) 15 juin 2006, aff. T-271/03, Deutsche Telekom/Commission; T.P.I.C.E. 6 juillet 2005, aff. T-148/04, TQ3 Travel Solutions Belgium SA/Commission; T.P.I.C.E. (ord.) 22 février 2005, aff. T-383/03, Hynix Semiconductor Inc./Conseil; T.P.I.C.E. 30 septembre 2003, aff. T-203/01, Michelin/Commission, § 30 à 33 et 125; T.P.I.C.E. 19 juin 1996, aff. T-134/94 et s., Stahlwerke et autres/Commission, § 74-78. |
[42] | Le par. 25 de la communication 2004/C 101/04 de la Commission sur la coopération entre la Commission et les juridictions nationales pour l'application des art. 81 et 82 du Traité CE, publiée le 27 avril 2004, prévoit en effet que, “avant de transmettre des informations couvertes par le secret professionnel à une juridiction nationale, la Commission rappellera à cette dernière l'obligation qui lui est faite par le droit communautaire de préserver les droits conférés par l'article 287 TaitéCE aux personnes physiques et morales et elle lui demandera si elle peut et veut garantir la protection des informations confidentielles et des secrets d'affaires. Si la juridiction nationale ne peut offrir une telle garantie, la Commission ne communique pas les informations couvertes par le secret professionnel. Ce n'est que lorsque la juridiction nationale a offert la garantie qu'elle protégerait les informations confidentielles et les secrets d'affaires que la Commission lui communiquera les informations requises, en indiquant quels en sont les éléments couverts par le secret professionnel et ceux qui ne le sont pas et qui peuvent par conséquent être divulgués”. |
[43] | T.P.I.C.E. 18 septembre 1996, aff. T-353/94, Postbank/Commission, § 69. |
[44] | Art. 1er § 1er de la directive 89/665/CEE du Conseil du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l'application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux, J.O.C.E. 30 décembre 1989. Voy. la question préjudicielle posée par C.E. n° 164.028, 24 octobre 2006, Varec, et la réponse qui y sera donnée par la Cour de justice dans l'affaire C-450/06. |
[45] | Bruxelles 30 juin 2003, Ann. prat. comm. conc. 2003, p. 886: “Het enkele instellen van hoger beroep kan immers niet tot gevolg hebben dat zij rechten zouden verkrijgen die zij voor de Raad niet hadden”; “toute autre solution aboutirait au résultat inadmissible qu'une entreprise pourrait être incitée à introduire un recours devant la cour ou à intervenir dans une procédure pendante devant la cour uniquement en vue d'avoir accès aux secrets d'affaires de concurrents”, ajoute Bruxelles 9 décembre 2005 précité (voy. note 33). |
[46] | En matière de marchés publics, la Cour de justice devrait cependant trancher prochainement la question. Voy. supra, note 44. |
[47] | Rapport inédit de l'auditeur Stevens du 22 octobre 2004 déposé dans le cadre de la procédure qui a donné lieu à l'arrêt du Conseil d'État n° 137.993 du 3 décembre 2004. |
[48] | Aucun autre arrêt du Conseil d'État n'a abordé la question sous cet angle (voy. cependant la note 44). Les rares arrêts intéressants traitent uniquement du dépôt ou non au Conseil d'État de pièces confidentielles (C.E. n° 119.018, 6 mai 2003; C.E. n° 86.150, 21 mars 2000; C.E. n° 83.593, 23 novembre 1999; C.E. n° 84.102, 14 décembre 1999). Dans le premier arrêt cité, le Conseil d'État a notamment jugé “que l'intégralité du dossier administratif n'a pas été transmise au greffe, et que la partie adverse n'établit pas que la production des soumissions porterait préjudice aux intérêts commerciaux des soumissionnaires par la divulgation de secrets techniques; qu'il y a lieu d'ordonner la production intégrale du dossier”. A contrario, la question de la confidentialité de documents aurait pu, à suivre cet arrêt, être posée. |
[49] | Bruxelles 9 décembre 2005 précité (voy. note 33). Voy. également la jurisprudence citée supra, note 45. |
[50] | Art. 76 § 5 de la loi coordonnée le 15 septembre 2006 précitée (voy. note 24). Cette disposition n'a pas fait l'objet du moindre commentaire dans les travaux préparatoires, si ce n'est qu'elle semble être corrélative au pouvoir du Conseil de la concurrence de s'immiscer de manière approfondie dans la structure du marché (Doc. parl. Ch. repr., sess. 2005-06, n° 2180/001, p. 69). Voy. également infra, note 71. Sur ce recours, P. Boucquey et P.-O. de Broux, l.c. (voy. note 6); R. Andersen, l.c. (voy. note 6). Sur l'obligation de la cour d'appel de Bruxelles de respecter la confidentialité du dossier transmis par le Conseil de la concurrence, C. Schurmans et X. Taton, l.c. (voy. note 25), nos 93-94. |
[51] | Art. 11 al. 2 de la loi du 15 juin 2006 précitée (voy. note 26 et la citation de l'art. 11 al. 1er,supra, n° 9). L'exposé des motifs (Doc. parl. Ch. repr., sess. 2005-06, n° 2237/001, pp. 29-30) souligne que “les alinéas 2 et 3 de l'article 11 contiennent une disposition nouvelle […] qui s'adresse tant au pouvoir adjudicateur qu'à l'autorité chargée de statuer lorsqu'une procédure de recours est intentée. […] Même après que le pouvoir adjudicateur a pris une décision, tant l'instance saisie dans le cadre d'une procédure de recours que le pouvoir adjudicateur devront veiller à la préservation des intérêts des candidats ou soumissionnaires”. |
[52] | Voy infra, nos 20 et s. |
[53] | Cet enseignement est déjà mis en oeuvre par la cour d'appel de Bruxelles, dans le cadre de recours contre des décisions de l'IBPT: Bruxelles 21 septembre 2006, R.G. 2004/AR/2962; Bruxelles 4 octobre 2006, R.G. 2005/AR/38; Bruxelles 4 octobre 2006, R.G. 2005/AR/63, tous disponibles sur www.ibpt.be, sous l'onglet “Litiges” (26 février 2007). |
[54] | Voy. pour ce faire: P. Popelier, “Beginselen van behoorlijk bestuur: begrip en plaats in de hiërarchie van de normen”, Beginselen van behoorlijk bestuur, Bruges, die Keure, 2006, pp. 27-33; A. Bossuyt, “Les principes généraux du droit dans la jurisprudence de la Cour de cassation”, J.T. 2005, pp. 735-736 ; I. Verougstraete, “L'application des principes généraux du droit communautaire par le juge belge”, rapport du colloque sur Les principes communs d'une justice des États de l'Union européenne organisé par la Cour de cassation de France les 4 et 5 décembre 2000, www.courdecassation.fr, sous l'onglet “Colloques et activités de formation” (26 février 2007); J. Jaumotte, “Les principes généraux du droit administratif à travers la jurisprudence administrative”, Le Conseil d'État de Belgique. Cinquante ans après sa création, Bruxelles, Bruylant, 1999, pp. 593 et s., spéc. pp. 603-605. |
[55] | T.P.I.C.E. (ord.) 15 juin 2006, aff. T-271/03, Deutsche Telekom AG/Commission, spéc. § 10; T.P.I.C.E. 29 juin 1995, aff. T-30/91, Solvay/Commission, § 88. Voy. également, pour d'autres données protégées par la confidentialité, T.P.I.C.E. (ord.) 19 juin 1996, aff. T-134/94 et autres, NMH Stahlwerke GmbH et autres/Commission, § 74; T.P.I.C.E. (ord.) 10 décembre 1997, aff. T-134/94 et autres, NMH Stahlwerke GmbH et autres/Commission, § 40. |
[56] | § 88 des conclusions précitées de l'avocat général précédant l'arrêt commenté (voy. note 39). |
[57] | Voy. la communication de la Commission du 22 décembre 2005 précitée (voy. note 10), commentée par N. Coutrelis et V. Giacobbo, l.c. (voy. note 4), pp. 71-72, et l'art. 44 § 6 à 8 de la loi coordonnée du 15 septembre 2006 précitée (voy. note 24), commenté par C. Schurmans et X. Taton (l.c., note 25). |
[58] | Voy. supra, n° 14, ainsi que la très claire ordonnance précitée T.P.I.C.E. (ord.) 15 juin 2006, aff. T-271/03, Deutsche Telekom AG/Commission. |
[59] | Ce critère nous paraît plus approprié que celui, parfois évoqué (voy. notamment Cour eur. D.H. 15 juillet 2003, Ernst et autres/Belgique, § 61) de l'influence exercée par les pièces litigieuses sur la décision à intervenir du juge. Il n'est pas toujours possible en effet, pour un juge, d'apprécier a priori l'influence d'une information réputée confidentielle sur son jugement futur. C'est pourtant ce critère qui est exigé pour constater, dans le cas de documents à charge, une violation des droits de la défense par la Commission européenne, par exemple (voy. C.J.C.E. 7 janvier 2004, aff. C-204/00, Aalborg Portland, Ciments français e.a./Commission, § 71 et s.). |
[60] | Comp. avec C. Schurmans et X. Taton, l.c. (voy. note 25), nos 72-79. |
[61] | C.J.C.E. 7 janvier 2004, aff. C-204/00, Aalborg Portland, Ciments français e.a./Commission, § 68; C. Schurmans, “Le rôle du juge dans la mise en oeuvre du droit européen de la concurrence”, in La décentralisation dans l'application du droit de la concurrence, Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant, 2004, p. 121; C. Schurmans et X. Taton, l.c. (voy. note 25), nos 73-75. |
[62] | C. Schurmans, l.c. (voy. note 61), p. 121. Comp. avec C. Schurmans et P.-Y. Andrau, “La Commission comme amicus curiae”, R.C.B.-T.B.M. 2006, pp. 249-250. Comp. avec l'exception prévue par l'art. 93 § 4 du règlement de procédure de la Cour de justice: “Ce n'est qu'à titre dérogatoire à ce principe que la deuxième phrase de l'article 93 paragraphe 4 précité, permet de réserver un traitement confidentiel à certaines pièces du dossier et, ainsi, de faire échapper ces pièces à l'obligation de communication aux parties intervenantes. Pour apprécier les conditions dans lesquelles il peut être fait usage de cette dérogation, il importe de déterminer, pour chaque pièce du dossier pour laquelle un traitement confidentiel est demandé, dans quelle mesure seront effectivement conciliés le souci légitime de la requérante d'éviter que ne soit portée une atteinte essentielle à ses intérêts commerciaux et le souci, tout aussi légitime, des parties intervenantes de disposer des informations nécessaires aux fins d'être pleinement en mesure de faire valoir leurs droits et d'exposer leur thèse devant le tribunal. Enfin, dans le cadre de cet examen, il convient également de prendre en compte certains principes généraux du droit ou certains principes essentiels, comme celui de la protection de la confidentialité de la correspondance entre avocats et clients” (T.P.I.C.E. (ord.) 4 avril 1990, aff. T-30/89, Hilti Aktiengesellschaft/Commission, § 9-10). |
[63] | Voy. C.J.C.E. 7 janvier 2004, aff. C-204/00, Aalborg Portland, Ciments français e.a./Commission, § 68; T.P.I.C.E. 20 mars 2002, aff. T-16/99, Lögstör Rör/Commission, § 141; C.J.C.E. 24 juin 1986, aff. C-53/85, Akzo/Commission, § 28. |
[64] | Bruxelles 30 juin 2003, Ann. prat. comm. conc. 2003, pp. 882 à 885. Or, l'ancienne loi coordonnée du 1er juillet 1999 sur la protection de la concurrence économique ne réglait pas la communication des pièces de procédure devant la cour d'appel de Bruxelles et, moyennant la réserve formulée par son art. 2, le Code judiciaire était d'application. Voy. également pour la procédure administrative préalable: Conseil de la concurrence 30 novembre 2005, aff. 2005-I/O-52, Distri-One/Coca-Cola Enterprises Belgium, § 66 et s., www.concurrence.be, sous l'onglet “Jurisprudence - Décisions” (26 février 2007). |
[65] | S. Van Drooghenbroeck, La Convention européenne des droits de l'homme. Trois années de jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme 2002-2004, vol. 1, Bruxelles, Larcier, 2006, p. 177. |
[66] | Cour eur. D.H. 22 juillet 2003, Edwards et Lewis/Royaume-Uni, § 53. Cette jurisprudence a été expressément invoquée lors des travaux préparatoires de la nouvelle loi coordonnée du 15 septembre 2006 (Doc. parl. Ch. repr., sess. 2005-06, n° 2180/001, p. 27) pour justifier les restrictions aux droits de la défense tant devant le Conseil de la concurrence que devant la cour d'appel de Bruxelles. |
[67] | Cour eur. D.H. 23 novembre 2006, Jussila/Finlande, § 43. |
[68] | Les droits des parties au cours de la procédure administrative sont fonction de la nature des décisions adoptées par les autorités de régulation ou les pouvoirs adjudicateurs: (i) l'accès au dossier d'un acte réglementaire est réglé par le principe de publicité de l'administration et ses limites (voy. supra, n° 7; F. Schram, Openbaarheid van bestuur, Bruges, die Keure, 2003); (ii) dans le cas d'une mesure individuelle, la gravité éventuelle de celle-ci implique pour le destinataire de la décision un droit d'être préalablement entendu, en ce compris un accès aux pièces qui soutiennent la décision (J. Jaumotte, l.c. (voy. note 54), pp. 657-662); (iii) lorsqu'il s'agit d'une sanction administrative, c'est l'art. 6 de la Convention européenne des droits de l'homme qui impose, le plus souvent, le respect du principe du contradictoire vis-à-vis de la personne sanctionnée (D. Renders, M. Joassart, G. Pijcke et F. Piret, “Le régime juridique de la sanction administrative” et S. van Drooghenbroeck, “Entre bénévolance et incertitudes: y a-t-il un juge pour dire clairement le droit des sanctions administratives?”, in Les sanctions administratives, Bruxelles, Bruylant, 2007, pp. 155-298, spéc. pp. 195-211); (iv) enfin, dans le cadre d'une décision juridictionnelle, ce sont les règles de procédure devant l'autorité de régulation qui, en principe, déterminent les droits des parties devant elle (voy. supra, note 24 pour le Conseil de la concurrence). |
[69] | La nécessité du secret ne sera cependant pas facile à démontrer sur ce seul fondement, eu égard à l'impassibilité avec laquelle la doctrine constate, au cours des procédures administratives, que “les demandes d'accès au dossier peuvent parfois servir des objectifs étrangers à l'exercice des droits de la défense”, notamment comme source d'information sur le marché et sur les concurrents de l'entreprise (N. Coutrelis et V. Giacobbo, l.c. (voy. note 4), p. 75). |
[70] | C. Schurmans, l.c. (voy. note 61), pp. 119-120. |
[71] | Tel est le cas du conseiller qui se prononce sur la confidentialité de documents devant le Conseil de la concurrence, qui ne siège pas dans la chambre qui rend la décision. Selon l'art. 44 § 8 de la loi coordonnée le 15 septembre 2006, le recours contre la décision de celui-ci ne peut être exercé devant la cour d'appel qu'en même temps que le recours contre la décision finale. Dans ce cas, la cour d'appel sera appelée à examiner directement, pour trancher le recours, les pièces considérées, à juste titre ou non, comme confidentielles. Il n'est pas certain que ce procédé soit toujours justifié: des pièces jugées confidentielles par le conseiller, et dont le caractère confidentiel serait confirmé par la cour d'appel, seraient néanmoins susceptibles d'influencer la décision de la cour. L'art. 3.7 des règles de l'International Bar Association relatives à l'administration de la preuve dans l'arbitrage international propose à cet égard que: “In exceptional circumstances, if the propriety of an objection can only be determined by review of the document, the Arbitral Tribunal may determine that it should not review the document. In that event, the Arbitral Tribunal may, after consultation with the Parties, appoint an independent and impartial expert, bound to confidentiality, to review any such document and to report on the objection. To the extent that the objection is upheld by the Arbitral Tribunal, the expert shall not disclose to the Arbitral Tribunal and to the other Parties the contents of the document reviewed” (www.ibanet.org, sous l'onglet “Publications” (26 février 2007 )). |
[72] | A.-T. Ottow, l.c. (voy. note 6), pp. 313-314. |
[73] | J. Schwarze, o.c. (voy. note 3), p. cliv et la jurisprudence européenne citée. |
[74] | Ce terme est ici utilisé par analogie avec l'un des modes de résolution de conflit prônés par Th. Léonard dans sa thèse, Conflits entre droits subjectifs, libertés civiles et intérêts légitimes. Un modèle de résolution basé sur l'opposabilité et la responsabilité civile, Bruxelles, Larcier, 2005, pp. 655-663. |
[75] | Cour eur. D.H. 25 octobre 1996, Chahal/Royaume-Uni, § 144. Suite à cet arrêt, le Royaume-Uni a mis en oeuvre ce procédé, dont l'essentiel est exposé dans Cour eur. D.H. 16 février 2000, Jasper/Royaume-Uni, § 36. |
[76] | C. Kerse et N. Khan, o.c. (voy. note 10), p. 304. |
[77] | Voy. cependant les observations formulées par la Commission judiciaire de la Chambre des Lords lors de la mise en place, en matière pénale, de ce système au Royaume-Uni (traduites dans Cour eur. D.H. 27 octobre 2004, Edwards et Lewis, § 45): “Pareille désignation soulève toutefois des problèmes d'ordre éthique, dans la mesure où un avocat qui ne peut prendre toutes les instructions nécessaires auprès de son client, qui ne peut faire rapport à son client, qui n'est pas responsable envers son client et dont la relation avec son client ne présente pas l'élément de confiance inhérent à toute relation avocat-client ordinaire, agit d'une manière jusqu'ici inconnue au sein de la profession juridique. S'ils ne sont pas insurmontables, ces problèmes ne doivent pas être ignorés, car ni l'accusé ni le public ne sauront parfaitement ce qui se passe. La désignation d'un avocat spécial est également de nature à causer des problèmes d'ordre pratique: d'allongement de la procédure, car l'avocat spécial doit se familiariser avec les détails de ce qui constitue vraisemblablement une affaire complexe; de dépenses, car le recours à un avocat supplémentaire hautement qualifié ne peut faire qu'ajouter de manière significative aux frais entraînés par la cause; et de continuité du contrôle, car il ne sera jamais facile pour un avocat spécial d'assister le tribunal dans son devoir permanent de contrôler le respect de l'obligation de divulgation des preuves, sauf à admettre que l'avocat spécial soit présent d'un bout à l'autre de la procédure ou qu'on lui communique de manière ponctuelle, lorsque le besoin s'en fait sentir, les informations nécessaires. Les accusés qui ont à répondre de lourdes charges sont souvent peu enclins à se montrer coopératifs dans une procédure qui risque d'aboutir à leur condamnation, et toute nouvelle procédure est susceptible de leur offrir des occasions de faire obstruction au cours normal de la justice et de se livrer à des manoeuvres dilatoires. Aucun de ces problèmes ne doit empêcher le tribunal de désigner un avocat spécial dans les cas où il est établi que les intérêts de la justice commandent pareille mesure. Encore faut-il que cela soit démontré. Semblable désignation sera toujours exceptionnelle, jamais automatique. Mesure de dernier et non de premier recours, elle ne doit pas être ordonnée tant que le juge n'est pas convaincu qu'il n'y a aucun autre moyen d'assurer de manière adéquate le respect de l'exigence essentielle d'équité de la procédure pour l'accusé.” |
[78] | Voy. les nombreux exemples donnés par V. Hamilton, “La production de documents dans l'arbitrage de la CCI”, Bulletin de la Cour internationale d'arbitrage, supplément spécial 2006 relatif à “la production de documents dans l'arbitrage international”, pp. 81-85. |