Jean-François van Drooghenbroeck, Stan Brijs, Un titre exécutoire européen,
Bruxelles, Larcier, 2006, 360 p.
Si le droit international privé conserve, en dépit de sa récente codification, une part de sa réputation ésotérique, c'est peut-être dû à la prolifération d'instruments européens, connus des initiés tantôt sous un surnom abscons (“Rome I”, “Bruxelles IIbis”…), tantôt simplement par un aride numéro de référence.
Le Règlement (CE) n° 805/2004 portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées relève de cette seconde catégorie. Dans un des derniers Dossiers du Journal des Tribunaux, Messieurs Jean-François van Drooghenbroeck et Stan Brijs se sont attachés à nous en dévoiler tous les mystères.
Comme ils nous l'annoncent d'emblée, ce texte constitue une petite révolution dans le domaine de l'exécution forcée. Dans les limites de son champ d'application - à savoir les créances incontestées établies par jugement, acte authentique ou transaction judiciaire -, il a en effet pour objet de supprimer entièrement la formalité de l'exequatur dans les relations entre les États membres. Ainsi, moyennant la délivrance d'un certificat ad hoc par l'État d'origine, un jugement belge pourra être mis à exécution sans autre formalité en Allemagne ou au Royaume-Uni, et réciproquement, un jugement allemand ou anglais pourra donner lieu à une saisie par un huissier belge sans le moindre contrôle préalable des tribunaux belges.
On aperçoit immédiatement l'intérêt de ce nouveau régime, mais également, la nécessité de déterminer précisément les conditions et les limites de cet instrument pour l'heure encore assez méconnu.
À cet égard, les lecteurs de l'ouvrage de Messieurs van Drooghenbroeck et Brijs trouveront dans celui-ci un exposé systématique et détaillé de l'ensemble de ces questions.
Leur commentaire est d'autant plus appréciable qu'il se veut non seulement descriptif, mais également critique et constructif, privilégiant systématiquement l'interprétation de nature à donner un effet utile au règlement plutôt que celle qui le condamnerait à rester lettre morte. Un exemple parmi d'autres: quoique le règlement prévoie qu'un jugement soit certifié en tant que titre exécutoire européen par la “juridiction d'origine”, il requiert en pratique que la procédure de délivrance du certificat soit fixée par chaque État membre. En Belgique, cette “transposition” du règlement a été effectuée… par une circulaire, laquelle a confié cette mission au greffier. Tout en soulignant avec force la valeur normative “improbable” et “douteuse” de ce procédé (n° 5), les auteurs ont néanmoins examiné avec minutie, et au-delà des maigres indications fournies par la circulaire, les conséquences de ce choix (forme de la demande de certificat, rôle exact du greffier, voies de recours contre sa décision, etc.) (nos 97-136).
L'ouvrage est également remarquable en raison de la maîtrise parfaite du contexte dans lequel s'inscrit le règlement. Pour mieux cerner celui-ci, les auteurs n'hésitent pas, en effet, à effectuer de nombreuses incursions tant dans le domaine du droit international privé européen (rapprochements avec les règlements n° 1348/2000, 44/2001…) que dans celui du droit judiciaire belge. Sur ce dernier point, on ne pourra que souligner l'intérêt de l'examen du défaut (nos 64-66), de la décision exécutoire (nos 89-92) ou de la conformité du droit belge aux normes minimales de procédure fixées par le règlement (nos 137-206).
Enfin, nonobstant les analyses juridiques pointues qu'il comporte, l'ouvrage - et ce n'est pas le moindre de ses mérites - s'adresse directement au praticien. Son contenu est clair, offre des solutions concrètes et propose à plusieurs occasions de compléter les actes de procédure par certaines clauses de style de nature à faciliter la certification d'un jugement en tant que titre exécutoire européen (nos 151, 172, 177 et 206).
En conclusion, un ouvrage indispensable pour maîtriser toutes les facettes d'un règlement dont l'utilité ne doit pas être sous-estimée.