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Cour d'appel Liège, 21/02/2006, R.D.C.-T.B.H., 2007/3, p. 280-281

Cour d'appel de Liège 21 février 2006

FACTURE
Preuve - Novation
La novation n'est pas présumée et elle ne se déduit pas d'une délégation dans laquelle le créancier ne déclare pas expressément qu'il considère le débiteur qui a effectué la délégation comme libéré de ses obligations. Dès lors, quand un entrepreneur accepte que le maître de l'ouvrage désigne quelqu'un qui est chargé de payer les travaux, et l'entrepreneur envoie une facture à cette personne, on ne peut en déduire que l'entrepreneur a libéré le maître de l'ouvrage de ses obligations.
FACTUUR
Bewijs - Schuldvernieuwing
Schuldvernieuwing wordt niet vermoed en volgt niet uit delegatie waarbij de schuldeiser niet tevens uitdrukkelijk verklaart de schuldenaar die de delegatie heeft verricht, als bevrijd te beschouwen. Bijgevolg, wanneer een aannemer aanvaardt dat de opdrachtgever van werken iemand aanduidt die met de betaling van de werken belast is en aan die persoon een factuur zendt, kan daaruit niet afgeleid worden dat de aannemer de opdrachtgever van zijn verbintenissen bevrijd heeft.

SPRL Rosati & Russotto Fils / SA A.T.R. et SA Saga

Siég.: R. de Francquen (président), M. Ligot et A. Jacquemin (conseillers)
Pl.: Mes R. D'Amico et Ph. Levy

Par requête du 7 février 2003 la SPRL Rosati et Russotto Fils interjette appel du jugement rendu par le tribunal de commerce de Liège le 15 novembre 2002.

Un appel incident est formé par conclusions de la SA A.T.R. du 23 décembre 2003.

La SA Saga que les deux parties avaient appelée à la cause en intervention forcée le 27 mars 2001 est tombée en faillite. Le curateur a estimé ne pas devoir intervenir à l'instance d'appel mais la procédure est néanmoins contradictoire à l'encontre de la société faillie puisque la cause a été fixée sur pied de l'article 747 § 2 du Code judiciaire.

Par citation du 12 novembre 1999 A.T.R. assigne Rosati et Russotto en paiement de 4 factures, des pénalités figurant dans ses conditions générales et des intérêts conventionnels.

Rosati et Russotto reconnaît devoir les 3 petites factures d'entretien et un jugement provisionnel de 41.521 BEF est prononcé le 20 janvier 2000. La condamnation ne sera payée qu'après signification de ce jugement.

La contestation principale porte sur la facture portant en compte le coût d'une réparation effectuée par A.T.R. en juin 1999 sur un camion de Rosati et Russotto qui est tombé en panne après que celle-ci se soit approvisionnée en carburant défectueux dans une station de la firme Saga qui semble avoir admis sa responsabilité et a fait intervenir son assureur.

Cette facture de 128.060 BEF a été libellée au nom de la SA Saga. A.T.R. affirme que c'est à la demande de Rosati et Russotto qu'elle a procédé de la sorte parce qu'il lui était certifié que le sinistre était pris en charge par le fournisseur de carburant qui reconnaissait sa responsabilité. Dans sa thèse elle a suivi les instructions de sa cliente habituelle pour lui être agréable.

Rosati et Russotto soutient au contraire qu'un contact préalable a eu lieu entre A.T.R. et Saga et qu'ATR a reçu commande de réparer de la seule société Saga. Cette dernière serait donc la seule débitrice, ce que confirmerait l'établissement de la facture à son nom, un rappel à ce même destinataire, l'absence de note de crédit et de refacturation à Rosati et Russotto comme aussi la citation en intervention forcée et garantie lancée conjointement contre Saga.

Lors de la comparution personnelle des responsables de A.T.R. et de Rosati et Russotto ordonnée par le tribunal et tenue le 16 février 2001, il a été confirmé par monsieur Russotto qu'il a conduit le camion chez A.T.R., a demandé qu'il soit réparé et n'a “pas pensé à demander à Saga un accord préalable sur les réparations (mais) pour (lui) c'était à A.T.R. de s'arranger avec Saga”. Il ajoutait que s'il avait su que les réparations lui incombaient à charge de se retourner contre Saga il aurait demandé un devis avant de s'engager mais reconnaît que ce camion Volvo qui avait déjà 400.000 kilomètres est actuellement, soit 6 ans plus tard, toujours en service.

Le travail de réparation a été effectué sur le camion de Rosati et Russotto à la demande de la société propriétaire. Il n'est en tout cas pas démontré que ce serait Saga qui aurait passé commande ou qu'un contact préalable aurait eu lieu entre elle et A.T.R. dont le responsable affirmait n'avoir eu aucun contact avant d'établir sa facture, la réparation étant terminée.

Le débiteur du coût des travaux est donc la firme Rosati et Russotto, même si à sa demande la facture a été adressée à Saga.

A.T.R. est étrangère au litige existant entre Rosati et Russotto et Saga. Elle ne saurait avoir été le créancier de cette dernière pour le montant du dommage causé au véhicule d'une de ses clientes. Si elle a accepté de facturer à Saga, c'est uniquement pour satisfaire à la demande de cette cliente qui, déjà en difficulté financière, y voyait un moyen commode de voir régler l'incident survenu à cause de la mauvaise qualité du carburant fourni par Saga.

En facturant à Saga, A.T.R. n'a pas déchargé Rosati et Russotto de son obligation. Elle a accepté que Rosati et Russotto lui désigne quelqu'un chargé du paiement ou tout au plus, ce qui pourrait résulter de la citation conjointe en garantie, un second débiteur.

Rosati et Russotto qui est débitrice de la facture ne peut contraindre son créancier à accepter un autre débiteur en ses lieu et place, ce qui supposerait une novation par changement de débiteur. Mais une novation ne se présume pas et la volonté de l'opérer doit résulter clairement de l'acte (art. 1273 C. civ.), ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

En vertu de l'article 1275 du Code civil, la délégation par laquelle un débiteur donne au créancier un autre débiteur qui s'oblige envers le créancier n'opère point novation si le créancier n'a pas expressément déclaré qu'il déchargeait son débiteur qui a fait la délégation (Cass. 26 septembre 2003, C.020292.F).

Non seulement A.T.R. n'a pas manifesté clairement l'intention de décharger Rosati et Russotto mais Saga ne s'est pas engagée à payer A.T.R. L'expert envoyé par son assureur a trouvé “le montant très élevé au regard des dommages déclarés par d'autres clients lésés... (et s'est demandé) si (Rosati et Russotto) n'a pas essayé de profiter de l'événement pour procéder à un lifting de son moteur par ailleurs simplement endommagé par le temps” (conclusions Saga 22 février 2002, p. 3).

Conformément à ce que dit très logiquement ledit expert “il appartient à celui qui commande un travail de le régler et d'ensuite s'adresser à qui de droit pour être remboursé” (courrier 14 octobre 1999 à Me Lévy - pièce 7, dossier A.T.R.).

Monsieur Russotto a bien déclaré: “Je souhaitais que le camion soit en ordre. A.T.R. a fait ce qu'elle devait faire”. Il lui incombe de supporter la réparation et au besoin A.T.R. lui adressera une facture justificative conforme à la situation réelle.

Les premiers juges ont donc à bon droit décidé que Rosati et Russotto était débitrice du coût de la réparation mais le jugement contient une erreur matérielle, au demeurant relevée par Me D'Amico, lorsqu'il condamne à payer “trois mille cent septante-quatre centimes cinquante-deux centimes” au lieu de 3.174 euros et 52 centimes. De même il se justifiait de condamner Saga à garantir Rosati et Russotto de cette condamnation dont le principe n'est pas discutable dès lors que plusieurs clients de Saga ont subi le même genre de panne. La circonstance que le paiement attribue à Rosati et Russotto la qualité de défendeur en garantie alors que cette société, comme A.T.R., est demanderesse en intervention forcée contre Saga ne porte pas à conséquence dès lors que le dispositif détaillant des obligations respectives est correct.

Parce que A.T.R. n'a pas établi la facturation directement à Rosati et Russotto, elle ne peut réclamer la clause pénale.

Il n'est pas contradictoire, vu le courant d'affaires régulier, d'avoir par ailleurs appliqué celle-ci pour les autres factures reçues par Rosati et Russotto qui tout en reconnaissant être débitrice s'abstenait de payer les 3 petites factures “suite à des discussions engagées entre les parties par suite d'un malentendu survenu entre elles pour une intervention et un travail effectués le 5 juin 1999” (conclusions d'instance 7 avril 2000, p. 3), malentendu que l'on suppose être celui relatif à la réparation de l'avarie causée par le carburant laquelle ne pouvait justifier le retard de paiement.

Les dépens de la procédure d'instance ont été liquidés dans le jugement a quo. A.T.R. a droit à l'indemnité de procédure d'appel. Les autres frais qu'elle porte en compte relèvent le cas échéant de la procédure d'exécution et les frais d'une citation en faillite lancée contre Rosati et Russotto sont étrangers à la présente espèce.

Par ces motifs,

Vu l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire;

La cour, statuant contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris sous la seule rectification que la condamnation reprise sous le numéro 2 s'entend de 3.174,52 euros.

Condamne Rosati et Russotto aux dépens d'appel liquidés pour la première intimée à 456,12 euros suivant l'état produit.

(...)