Article

Cour d'appel Liège, 30/01/2006, R.D.C.-T.B.H., 2007/3, p. 278-279

Cour d'appel de Liège 30 janvier 2006

FACTURE
Force probante - Protêt - Novation
Quand il n'y a pas de contrat sous-jacent entre celui qui émet une facture et son destinataire, ce dernier n'est pas obligé de protester immédiatement cette facture. Par conséquent, quand un vendeur envoie une facture à l'acheteur, la société A, et puis, qu'après la faillite de cette société, elle refacture cette même vente à une société B qui a le même gérant, cette facture n'a pas la force probante visée à l'article 25 C. comm., lequel ne s'applique pas dans une telle situation. La charge de la preuve d'une éventuelle novation incombe au vendeur qui l'invoque, et celle-ci ne se déduit pas simplement de l'absence de réaction de la part du second destinataire de la facture.
FACTUUR
Bewijswaarde - Protest - Schuldvernieuwing
Wanneer er geen onderliggende overeenkomst bestaat tussen de opsteller van een factuur en de bestemmeling ervan, heeft die laatste niet de plicht die factuur onmiddellijk te betwisten. Bijgevolg, wanneer de verkoper een factuur stuurt aan vennootschap A, de koper, maar dezelfde verkoop na het faillissement van A herfactureert aan een andere vennootschap B met dezelfde zaakvoerder, heeft die factuur geen bewijswaarde overeenkomstig artikel 25 W. Kh., dat op deze situatie niet toepasselijk is. De bewijslast voor een eventuele schuldvernieuwing ligt bij de verkoper en schuldvernieuwing kan niet afgeleid worden louter uit het stilzwijgen van de tweede bestemmeling van de factuur (B).

SPRL Rouelle & Fils / SA Tecnovo

Siég.: R. de Francquen (président), M. Ligot et A. Jacquemin (conseillers)
Pl.: Mes R. Adam, J.-P. Revelart et N. Petit, P. Thomas

Par requête du 29 janvier 2004, la SPRL Rouelle & Fils interjette appel du jugement rendu le 16 décembre 2003 par le tribunal de commerce de Verviers.

Ce jugement rejetait l'opposition formée par l'intéressée à un jugement rendu par la même juridiction le 12 décembre 2002, décision qui condamnait l'actuelle appelante à payer à la SA Tecnovo un montant en principal de 6.061,57 euros majorés des intérêts au taux légal depuis la date d'échéance des factures, une clause pénale de 606,16 euros et les dépens liquidés à 570,78 euros.

La citation signifiée à la requête de la SA Tecnovo portait sur plusieurs factures qui n'ont pas fait l'objet de protestation de la part de la firme destinataire.

Lorsque le 11 septembre 2003 elle forme opposition au jugement rendu par défaut qui la condamne, l'appelante conteste être redevable d'une seule des factures fondant la demande: celle qui lui est adressée le 7 mars 2001 et dont les mentions portent “refacturation (des) factures 2466/3182 - 3891/4489 et solde 1763” pour un montant non détaillé de 146.301 BEF (€ 3.626,71).

Comme elle n'a pas comparu sur son opposition et que le premier jugement a été confirmé le 16 décembre 2003, l'appelante reproduit sa contestation dans la requête d'appel et soutient, ce que l'intimée reconnaît, que les factures “refacturées” avaient initialement été adressées à une société Transforever, tombée par la suite en faillite. L'intimée soutient avoir obtenu l'accord de l'appelante parce que son gérant était aussi intéressé au sein de la société en faillite et souhaitait poursuivre des relations commerciales avec elle.

Outre l'accord qu'elle invoque quant à cette “refacturation”, l'intimée souligne que cette facture du 7 mars 2001 n'a pas été protestée, ce qui ferait preuve d'un accord novatoire, l'appelante acceptant d'être substituée au destinataire initial des factures, encore qu'elle n'ait pas reçu ni profité des marchandises facturées. Et de soutenir que la facture litigieuse se trouve probablement inscrite dans la comptabilité de l'appelante.

Les autres factures mentionnées dans la citation n'étaient pas plus payées. Ce n'est que le 28 janvier 2004 que l'appelante paiera à l'intimée le montant nominal de ces factures, soit au total 2.434,86 euros, négligeant les intérêts et la clause pénale dont pourtant elle avait admis être redevable dans son exploit d'opposition du 11 septembre 2003.

Discussion

Entre commerçants, la facture remplit le rôle d'un moyen de preuve. Lorsqu'elle est acceptée par son destinataire elle fait preuve de la vente avenue entre parties.

Toutefois “le client peut prouver par toutes voies de droit que son silence ne peut être interprété comme une acceptation de la facture. S'il n'y a pas de convention entre la personne qui émet la facture et le destinataire de celle-ci, il n'y a pas d'obligation de contester la facture... La personne qui n'a rien commandé et n'a rien reçu ne pourra être tenue à payer en vertu d'une convention inexistante. Le destinataire pourra dans ce cas aussi prétendre que ce n'est pas lui qui est le destinataire de la facture, ce qui lui enlève toute force probante” (Dirix et Ballon, La facture, Kluwer, 1996, p. 137, n° 193).

En l'espèce, il n'est pas discuté que l'appelante n'était pas la destinataire des marchandises livrées à la société Transforever.

La “refacturation” à l'appelante après la faillite de cette société ne peut faire preuve d'une vente entre l'intimée et l'appelante, cette dernière n'étant pas tenue de protester immédiatement. La facture du 7 mars 2001 qu'elle a reçue ne fait pas preuve contre elle, la présomption attachée à la facture acceptée par l'article 25 du Code de commerce ne s'appliquant pas en pareille hypothèse.

Le silence de l'appelante à réception de cette facture pourrait néanmoins être interprété comme un accord de cette partie sur une modification du contrat initial, la facture ayant dans ce cas un effet novateur (Dirix et Ballon, o.c., p. 135, n° 192) mais la charge de la preuve de cet effet repose sur l'intimée. La novation n'est pas présumée (art. 1273 C. civ., o.c., p. 210, n° 313). Sa preuve ne peut découler uniquement du silence observé après la réception de cette facture et alors qu'il n'y a eu aucun rappel ni autre affirmation de l'intimée que l'appelante aurait dû contester à peine de se voir opposer la réalité de ce qui était affirmé.

La facture litigieuse n'est donc pas due.

L'appelante n'a jamais remis en question son obligation de payer les autres factures et a finalement effectué un paiement correspondant au principal de celles-ci mais avec un retard de quelque 3 années.

(...)