Article

Cour d'appel Liège, 27/04/2006, R.D.C.-T.B.H., 2007/2, p. 182-186

Cour d'appel de Liège 27 avril 2006

CONCESSION DE VENTE EXCLUSIVE
Champ d'application de la loi - Éléments constitutifs de la concession
En l'absence de la mise en place d'une relation permanente à caractère organique structuré ayant pour objectif de promouvoir la vente de produits du concédant dans l'intérêt des deux parties, l'application de la loi de 1961 doit être exclue. L'existence d'objectifs à atteindre ne suffit pas à donner aux relations entre parties le caractère organique structuré que requiert une concession.
CONCESSION DE VENTE EXCLUSIVE
Résiliation de la concession à durée indéterminée - Pacte commissoire - Mise en oeuvre de bonne foi - Réparation du dommage subi en cas d'inapplication de la loi de 1961 - Droit commun
Le pacte commissoire convenu entre concédant et concessionnaire doit être mis en oeuvre de bonne foi.
L'exclusion de l'application de la loi de 1961 ne prive pas l'acheteur de la possibilité de réclamer suivant le droit commun la réparation du dommage subi en raison de la rupture de l'approvisionnement en produits. Ce dommage doit être prouvé.
ALLEENVERKOOP
Toepassingsgebied van de wet - Bestanddelen van de concessie
Bij gebrek aan het bestaan van een permanente relatie met een gestructureerd organiek karakter met als doel de promotie van de verkoop van de goederen van de concessiegever in het belang van beide partijen, dient de toepassing van de wet van 1961 te worden uitgesloten. Het bestaan van te bereiken doelstellingen volstaat niet om aan de relaties tussen partijen een gestructureerd organiek karakter van een concessie te verlenen.
ALLEENVERKOOP
Verbreking van de concessie voor onbepaalde tijd - Ontbindend beding - Toepassing te goeder trouw - Schadevergoeding in geval van niet-toepassing van de wet van 1961 - Gemeen recht
Het ontbindend beding dient te goeder trouw te worden uitgevoerd.
De uitsluiting van de toepassing van de wet van 1961 weerhoudt de koper niet om overeenkomstig het gemeen recht schadevergoeding te eisen wegens de stopzetting van de bevoorrading van producten. Deze schade moet bewezen worden.

SPRL Herbalgem / SARL International Nutrition

Siég.: R. de Francquen (président), M. Ligot et A. Jacquemin (conseillers)
Pl.: Mes N. Evrard, J.-Y. Evrard et J.-M. Rigaux

[…]

Antécédents

La société H est active dans le domaine de la gemmothérapie.

Son gérant, Philippe Andrianne est le président de la Fédération Européenne d'Herboristerie.

“La gemmothérapie utilise les bourgeons et les jeunes pousses d'arbres et d'arbustes préparées, à l'état frais, par macération directe dans un mélange eau-alcool-glycérine” (Guide de gemmothérapie de P. Andrianne, édité par la F.E.H., édition 2004, p. 1, dossier H., pièce 52).

Le 7 août 1999, les parties ont conclu un contrat par lequel “(H) confi(ait) la distribution exclusive des produits Biogem (créés et développés par elle) à (I N) pour la France métropolitaine et les territoires d'Outre-Mer”.

La convention prévoit les dispositions suivantes:

“Eu égard à son statut de distributeur exclusif, (I N) s'interdit pendant la durée de la présente convention et pendant les 2 années qui suivent la fin de la présente convention, sans accord écrit express d'(H) et à quelque titre que ce soit, de concurrencer (H) dans les matières prévues ci-dessous:

sève de bouleau, extraits de bourgeons divers, baume à la consoude, collyre de bleuet, sirop des fumeurs, sirop pour la toux, propolis.

Il s'interdit de représenter directement ou indirectement, en qualité de concessionnaire, de franchisé, de représentant ou d'agent un tiers qui fabrique ou vend les mêmes produits ou des produits similaires...

(I N) s'engage à acheter une quantité annuelle minimum de produits conditionnés en 250 ml supérieure à 5.000 flacons et une quantité minimum de 2.000 flacons de 50 ml de macérat glycériné concentré de bourgeons (assortiment total). Ces quantités devront être atteintes au 30 décembre 2000.

Afin d'éviter les ruptures de stock, une estimation minimum des ventes sera transmise annuellement le 15 janvier par (I N).

Si les objectifs (quantités annuelles convenues) ne sont pas atteints chaque année, le présent contrat s'annulera.

En cas de litige, seul, le tribunal de Marche est compétent.”

Les relations entre parties ne seront jamais harmonieuses. H ne cessera de se plaindre des retards de paiement de I N mais également d'initiatives intempestives et maladroites en matière de publicités tandis que I N reprochera à de nombreuses reprises à H de pratiquer des prix trop élevés.

La lecture du nombreux courrier échangé entre parties révèle la déception de H quant au manque de dynamisme de I N dans la prospection du marché français.

Il reste que les quotas sont pratiquement atteints pour l'année 2000 puisque I N achète 2.650 flacons de 50 ml et 4.956 flacons de 250 ml (dossier H, pièce 51).

Les relations se détériorent en 2001. H développe en effet une gamme de produits de gemmothérapie sous la marque Gemmobase “créée spécialement” pour la société belge Equilor dont le siège se trouve à Arlon. Cette marque fait l'objet d'un dépôt le 22 février 2001 auprès de l'Institut National de la Propriété Industrielle à Paris.

C'est le 21 mai 2001 que I N se plaint pour la première fois auprès de H de ce que “depuis trois mois... la société belge Equilor distribu(e) en France les bourgeons de la société Biogem”, Biogem étant la dénomination commerciale sous laquelle H est connue.

Equilor également interpellée par I N répond le 30 mai qu'il est bien exact qu'elle “diffuse en France des produits gemmothérapiques sous la marque Gemmobase”. Le gérant d'Equilor ajoute ce qui suit: “Je n'ai pas à connaître de la teneur de vos accords avec la société Herbalux et je ne vois pas en quoi la société Equilor peut être concernée par ceux-ci.”

Le 12 juin 2001, H, qui à ce moment ne soutient pas que les produits distribués sous la marque Gemmobase seraient différents des produits Biogem, répond que:

“Rien ne m'empêche (…) de vendre des produits de gemmothérapie à des sociétés belges.

Vous aurez constaté que cette société vend des produits sous une autre marque que ceux que je vous livre, et que cette société est une société de droit belge à laquelle je ne peux interdire d'exporter le cas échéant, en France, des produits qu'elle m'achète en Belgique.

Il n'y a donc aucune intention de notre part de porter d'une quelconque façon atteinte à nos intérêts respectifs...”.

Une lettre adressée par le conseil de I N à H le 15 juin 2001 n'y change rien: Equilor s'installe bel et bien sur le marché français et il semble d'ailleurs qu'elle n'hésite pas à débaucher un agent commercial de I N (dossier H, pièces 43, 46, 47 et 48; dossier I N, pièce 19).

Les résultats ne se font pas attendre: les achats de I N tombent à 1.840 pour les flacons de 50 ml et à 3.100 pour les flacons de 250 ml (dossier H, pièce 51).

La sanction tombe le 31 décembre 2001; elle n'est précédée d'aucun avertissement. H constate que le nombre de flacons de 250 ml n'a pas atteint les 5.000 unités; elle annonce à I N la fin du contrat et que “plus aucune livraison de produits Biogem ne sera effectuée à votre société” à laquelle elle rappelle toutefois “la clause du contrat qui vous interdit la vente des extraits de bourgeons, baume consoude, collyre de bleuet, sirop des fumeurs, sirop pour la toux, propolis durant une période de deux ans à ce jour”.

I N proteste et fait valoir que si les quotas n'ont pas été atteints, c'est parce que “vous avez détourné le contrat d'exclusivité que vous nous aviez confiée en fournissant des produits de gemmothérapie à une société belge concurrente dénommée Equilor”. Elle invoque l'exception d'inexécution et indique que “dans la mesure où, vous n'avez pas respecté vos propres obligations contractuelles et êtes seul à l'origine de la rupture du contrat (...) nous ne sommes plus tenus de notre côté par la clause de non-concurrence dont vous vous prévalez” (lettre du 22 janvier 2002).

Effectivement, très rapidement I N qui visiblement s'attendait à la rupture du contrat qui la liait à H, annonce le lancement de sa propre gamme de gemmothérapie sous la dénomination Pythogem. H proteste le 22 mars 2002 par l'intermédiaire de son conseil mais rien n'y fait, I N commercialise sa propre gamme de produits de gemmothérapie tandis que Equilor devient le distributeur officiel de H pour la France le 18 novembre 2002 (dossier H., pièce 66).

H prend l'initiative de la procédure le 4 février 2003.

(...)

I N introduit quant à elle une demande reconventionnelle en vue d'obtenir la réparation du préjudice qu'elle a subi en raison de la rupture unilatérale et abusive du contrat en date du 31 décembre 2001. Cette demande est fondée sur la loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée. I N “réclam(e) un préjudice de € 60.000 ex æqueo et bono, à majorer des intérêts légaux et compensatoires depuis la date de rupture du contrat soit le 31 décembre 2001 (destiné à réparer) tant l'absence de préavis que le temps qu'il lui a fallu pour se retourner afin de relancer une nouvelle gamme de produits (ainsi que) la perte de clientèle et de bénéfices qui a résulté, pendant la durée du contrat de l'intervention d'Equilor” (conclusions du 22 octobre 2003, pp. 8 et 9).

Le tribunal rejette l'action principale aux motifs que “le contrat a été résilié le 31 décembre 2001, la clause de non-concurrence ne peut trouver application au-delà du 31 décembre 2003” et que “en n'interdisant pas à Equilor de distribuer en France les produits Gemmobase, (H) a donc violé l'exclusivité qu'elle s'était engagée à réserver à (I N) et en ne fournissant plus de produits à (I N) à partir du 1er janvier 2002, (H) a commis une seconde faute et ne peut en conséquence reprocher à (I N) d'avoir commercialisé un produit concurrent dans le délai durant lequel devait s'appliquer la clause de non-concurrence.”

Pour ce qui concerne l'action reconventionnelle, le tribunal décide au motif que “le contrat a été conclu entre parties à Bihain (Commune de Vielsalm, Province de Luxembourg) et porte qu'en cas de litige, seul le tribunal belge de Marche est compétent, que les parties ont implicitement mais certainement décidé de soumettre leur contrat au droit belge et que cette référence s'étend à la loi du 27 juillet 1961 à défaut de l'avoir exclue de manière expresse”. Il décide que “la convention en litige est bien une concession de vente exclusive à durée indéterminée”.

Toutefois avant de statuer sur l'indemnité qui revient à H en raison de la violation de son exclusivité pendant le cours de l'exécution du contrat et sur l'octroi d'une indemnité compensatoire de préavis, les premiers juges demandent à I N “de faire connaître pour les exercices 2000 et 2001, pièces justificatives à l'appui, (1) le chiffre d'affaires qu'elle a réalisé pour l'ensemble de ses activités, (2) le chiffre d'affaires qu'elle a réalisé dans le cadre de la concession des produits Biogem, (3) le bénéfice net réalisé, (4) les frais liés à la concession et qui auraient subsisté après la cessation de celle-ci” et à H “de faire connaître, pour l'exercice 2001, pièces justificatives à l'appui, le chiffre des ventes de produits Gemmobase qu'elle a réalisées avec la société Equilor”.

La demande d'indemnité complémentaire de I N relative aux frais de publicité par elle exposés est rejetée au motif que les documents produits ne permettent pas de vérifier qu'“il s'agit de publicités relatives aux produits Biogem”.

La position des parties en appel

H soutient que “c'est à bon droit que, faisant application de la clause résolutoire expresse (relative à la réalisation des quotas), (elle) a indiqué à (I N) que le contrat avait pris fin le 31 décembre 2001”.

Faisant application de l'article 807 du Code judiciaire, elle modifie sa demande et réclame en vue d'obtenir la réparation du préjudice qu'elle a subi

- € 25.000 provisionnels pour chacune des deux années durant lesquelles I N n'a pas respecté l'obligation de non-concurrence;

- € 10.000 provisionnels pour l'utilisation abusive des marques lui appartenant “au moins jusqu'octobre 2004” (conclusions d'appel, pp. 15 et 17).

I N qui n'a pas produit les documents sollicités par le tribunal réitère sa demande et interjette appel pour ce qui concerne les frais de publicité que le tribunal n'a pas retenus. Elle introduit une demande nouvelle et réclame un euro provisionnel “à titre de répétibilité des honoraires de son conseil”.

Discussion

La première condition qui doit être abordée et qui conditionne l'applicabilité au litige de la loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée, encore que celle-ci soit discutable dès lors que le contrat produit ses effets exclusivement à l'étranger (Kileste et Hollander, “Examen de jurisprudence (1997-2002), La loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée”, R.D.C. 2003, nos 131 et s., pp. 448 et s.; Liège 18 décembre 2003, R.D.C. 2005, p. 50; Bruxelles 30 janvier 2004, R.D.C., 2005, p. 55) est celle de la qualification du contrat.

“La concession de vente suppose l'existence entre les parties d'une convention-cadre, organisant leurs relations qui sont davantage et visent un autre objectif que de simples opérations d'achat-vente aussi nombreuses soient-elles. Elle exige la mise en place d'une relation permanente à caractère organique structuré ayant pour objectif de promouvoir la vente des produits du concédant dans l'intérêt des deux parties” (Fierens et Mottet Haugaard, “Chronique de jurisprudence (1987-1996)”, J.T. 1998, n° 3, p. 106 ). Il faut une relation commerciale “permanente et organisée” (Kileste et Hollander, déjà cités, n° 5, p. 412).

En l'espèce, cette structure fait défaut. La distribution par I N des produits Biogem sur le territoire visé par le contrat n'est en rien organisée et l'existence d'objectifs à atteindre ne suffit pas à donner aux relations entre parties le caractère organique structuré que requiert une concession. L'application de la loi du 27 juillet 1961 est donc exclue.

H se prévaut de l'existence d'un pacte commissoire exprès qu'elle a mis en oeuvre le 31 décembre 2001 (conclusions d'appel, p. 15).

“Sans doute, la stipulation d'une clause résolutoire expresse dépouille-t-elle (le juge) du pouvoir de prononcer la résolution. Le tribunal conserve cependant le pouvoir de contrôler, a posteriori et à la demande du débiteur, la manière dont la clause a été exercée. Il peut ainsi sanctionner une mise en oeuvre du pacte commissoire exprès qui serait intervenue de manière irrégulière ou dans des conditions contraires à la bonne foi” (P. Wéry, “La résolution unilatérale des contrats synallagmatiques, enfin admise?” (note sous Cass. 2 mai 2002), R.C.J.B. 2004, n° 7, p. 311).

“Avant de mettre en oeuvre la sanction qui frappera la défaillance de son débiteur, le créancier doit le mettre en demeure, c'est-à-dire lui signifier, d'une manière claire et non équivoque, sa volonté de voir exécuter l'obligation en souffrance. Cette formalité préalable a une portée générale; elle s'impose pour toute obligation, quelle qu'en soit la source (volontaire ou légale), sauf bien entendu, exceptions, comme par exemple en matière aquilienne.

(Ainsi), le créancier ne peut se prévaloir d'une clause contractuelle organisant la sanction de l'inexécution, s'il n'a préalablement mis en demeure son débiteur. Cela se vérifie tant à propos de l'invocation d'une clause pénale que de la mise en oeuvre d'une clause résolutoire expresse...” (Stijns, Van Gerven et Wéry, “Chronique de jurisprudence, Les obligations: Les sources”, J.T. 1996, n° 86, p. 718; P. Wéry, note sous Cass. 2 mai 2002, o.c., p. 310; V. Pirson, Les clauses relatives à la résolution des contrats, Les clauses applicables en cas d'inexécution des obligations contractuelles, la Charte, 2001, n° 29, p. 114).

En l'espèce, non seulement il n'y aura aucune mise en demeure mais encore, H par son attitude a rendu plus difficile le respect des quotas par I N.

À cet égard, c'est en vain qu'elle soutient, sans en rapporter la preuve, que les produits Gemmobase distribués par Equilor seraient fondamentalement différents des produits Biogem. Cela n'est en rien établi et encore existerait-il une différence quant au degré de concentration des macérations que cela n'y changerait rien tant il est clair qu'il s'agit de produits similaires et qu'il saute aux yeux que l'introduction sur le marché français des produits Gemmobase devait avoir une influence sur la vente des produits Biogem.

C'est toujours en vain que H souligne que dans le contrat du 7 août 1999, elle ne s'est pas engagée à imposer à ses autres distributeurs de ne pas vendre en dehors de leur secteur. Cela est certes exact; il reste qu'elle savait parfaitement que Equilor comptait s'attaquer au marché français (v. enregistrement de la marque Gemmobase auprès de l'I.N.P.I. le 22 février 2001) et qu'elle a même facilité cette pénétration puisqu'elle ne conteste pas avoir organisé un séminaire traitant de la gemmothérapie à Lyon avec Equilor (v. lettre du 12 juin 2001 de I N).

La mise en oeuvre du pacte commissoire intervient donc dans des conditions contraires à la bonne foi. La responsabilité de la résolution qui intervient le 31 décembre 2001 incombe donc à H qui ne peut a posteriori invoquer de nouveaux griefs tels “l'absence d'investissement et de développement” ou l'existence de “publications illégales” pour justifier sa décision de rompre.

La responsabilité contractuelle de H étant ainsi engagée pour ce qui concerne la rupture de la convention du 7 août 1999, elle ne peut dès lors se prévaloir de la clause de non-concurrence prévue par le contrat et sa demande d'indemnisation du préjudice qu'elle prétend avoir subi en raison de la poursuite par I N de ses activités dans le secteur de la gemmothérapie en 2002 et 2003 doit être rejetée.

S'il ne peut donc être reproché à I N d'avoir lancé sa propre gamme de produits après la fin des relations entre parties, par contre l'utilisation par elle des marques et dénominations de produits de H ne peut être admise et la circonstance que celle-ci ne lui ait jamais adressé par courrier recommandé “une demande de cessation d'utiliser telle ou telle marque” (v. lettre officielle du conseil de I N au conseil de H le 18 octobre 2004) n'y change rien. Il a été mis fin à cet usage illicite en octobre 2004. Il reste que H ne rapporte pas la preuve du dommage que cet usage lui a causé, ce qui ne signifie pas qu'il n'existe pas car il a nécessairement entraîné une confusion entre les produits distribués par les deux sociétés concurrentes à partir de 2002.

Dans ses conclusions du 16 janvier 2006, H reconnaît néanmoins que depuis qu'“(elle) distribue elle-même ses produits en France, (elle) vend beaucoup plus que (I N) à l'époque alors que la concurrence dans le secteur est beaucoup plus importante” (conclusions, p. 15, § 1). Cette question du dommage sera traitée plus loin.

La circonstance que l'on ne se trouve pas en présence d'un contrat de concession ne prive bien entendu pas I N de la possibilité de réclamer suivant le droit commun la réparation du dommage qu'elle a subi en raison de la rupture de l'approvisionnement en produits Biogem à partir du 1er janvier 2002.

Encore faut-il qu'elle fasse la preuve de celui-ci.

Les seules pièces qu'elle produit à titre de “preuve de la perte financière” qu'elle a subie sont un extrait de son “grand-livre des tiers” qui reprend le relevé des factures Biogem pour l'année 2000 et un document unilatéral et sommaire dans lequel elle indique que son bénéfice brut pour la vente d'un flacon de 250 ml est de € 6 tandis que le bénéfice brut pour la vente d'un flacon de 50 ml est de € 13,55 ce qui lui permet de revendiquer sur base des objectifs prévus par le contrat du 7 août 1999 un bénéfice brut annuel de l'ordre de € 57.100 (dossier I N, pièces 22 et 22bis).

I N prétend qu'“(elle) a dû cesser ses relations commerciales pendant une certaine durée sur ces produits, le temps qu'il lui a fallu pour se retourner afin de relancer une nouvelle gamme” et fait état d'une “perte de clientèle et de bénéfices qui en a résulté” (conclusions principales, p. 10).

Elle ne fournit toutefois absolument aucun renseignement quant à l'évolution de ses ventes en 2002 et 2003. Or il est certain qu'elle s'attendait à la rupture de la convention puisque H n'a rien fait pour s'opposer à la distribution de produits de gemmothérapie par Equilor sur le territoire français et d'Outre-Mer nonobstant la mise en demeure précise qui lui avait été adressée le 15 juin 2001. I N s'est très rapidement remplacée et a entrepris de distribuer sa propre gamme de produits dont elle a annoncé le lancement à ses clients dès le mois de mars 2002 (dossier H, pièce 80).

Il faut donc en conclure que I N ne démontre pas le dommage que lui aurait causé la rupture de l'approvisionnement en produits Biogem à partir du 1er janvier 2002.

Pour la même raison, I N n'est pas fondée à réclamer le remboursement des frais de publicité qu'elle a exposés en 2000 et 2001. Outre que les documents produits ne permettent pas de faire la part précise des frais de publicité exposés en faveur des produits Biogem, il est permis de penser à la lecture du numéro un du bulletin d'informations Nutrition Info de septembre 2001 (dossier I N, pièce 26) que la publicité avait pour but avant tout de faire la promotion de la gemmothérapie, ce qui a nécessairement continué à profiter à I N après le 1er janvier 2002.

Il reste qu'il est certain que I N a subi un préjudice en raison de la brusque survenance de Equilor sur le marché français en 2001. En témoigne la chute des commandes passées par I N auprès de H durant cette année qui a servi de prétexte à celle-ci pour mettre un terme au contrat.

Il n'en demeure pas moins qu'il n'est pas possible de déterminer avec précision le dommage subi par I N pour 2001 puisque aucune pièce n'est produite permettant de déterminer de manière objective le profit réalisé par elle sur base de la distribution des produits Biogem: le seul tarif produit par I N ne correspond d'ailleurs pas avec le relevé sommaire des “bénéfices réalisés dans une année” (dossier I N, comparaison des pièces 22bis et 26).

Aucune des parties ne souhaite qu'il soit recouru à une mesure d'instruction. Il faut donc statuer en équité afin de mettre un terme à un litige qui n'a duré que trop longtemps.

L'équité commande donc de compenser les deux dommages: celui subi par H en raison de l'utilisation illicite par I N de ses marques et appellations de janvier 2002 à octobre 2004 et celui subi par I N en raison de la distribution par Equilor en 2001 sur le marché français de produits similaires aux produits Biogem fabriqués par H.

Le même sort sera réservé aux dépens et aux honoraires d'avocat.

Décision

La cour statuant contradictoirement

Reçoit les appels et la demande incidente introduite par la SARL International Nutrition;

Émendant le jugement entrepris, rejette les demandes réciproques et compense les dépens et honoraires d'avocat.

(...)