Cour d'appel de Liège 28 mars 2006
CONTRAT D'AGENCE COMMERCIALE
Résiliation de la concession à durée indéterminée - Indemnité compensatoire de préavis - Base de calcul - Toute la rémunération de l'agent - Indemnité d'éviction - Conditions d'octroi - Acquisition et conservation du bénéfice d'une clientèle durable par le commettant
Pour le calcul de l'indemnité compensatoire de préavis en matière de contrat d'agence au sens de la loi du 13 avril 1995, c'est toute la rémunération de l'agent qui doit être prise en considération, en ce compris les frais opérationnels, soit plus précisément le montant versé par le commettant chaque mois pour couvrir la location d'un bureau, les frais administratifs, de communication et de déplacement. La rémunération fixe “en cours” au moment de la cessation du contrat est celle du mois qui précède la rupture effective si elle est octroyée mensuellement.
L'octroi d'une indemnité d'éviction n'est pas justifié, dès lors que rien n'établit que le commettant a acquis et conservé le bénéfice d'une clientèle durable, d'autant que l'agent, en sa qualité de commerçant est appelé à courir les risques liés à la vie économique, et plus particulièrement le risque de pérennité de l'entreprise du commettant, ce qui le distingue du représentant de commerce salarié.
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HANDELSAGENTUUROVEREENKOMST
Verbreking van de concessie voor onbepaalde tijd - Opzeggingsvergoeding - Berekeningsbasis - Volledige bezoldiging van de agent - Uitwinningsvergoeding - Toekenningsvoorwaarden - Verwerving en behoud van het voordeel van een duurzaam cliënteel door de principaal
Voor de berekening van de opzeggingsvergoeding inzake de handelsagentuurovereenkomst in de zin van de wet van 13 april 1995, dient de volledige bezoldiging van de agent, operationele kosten inbegrepen, in aanmerking te worden genomen, zijnde meer bepaald het bedrag dat iedere maand door de principaal wordt gestort voor de huur van een kantoor, de administratieve kosten, aansluitingskosten en verplaatsingskosten. Het vaste loon op het moment van de beëindiging van de overeenkomst is datgene van de maand voorafgaand aan de daadwerkelijke verbreking indien dit loon maandelijks wordt uitbetaald.
De toekenning van een uitwinningsvergoeding is niet gerechtvaardigd indien niet kan worden aangetoond dat de principaal het voordeel van een duurzaam cliënteel heeft verworven en behouden, te meer daar de agent, in zijn hoedanigheid van handelaar, de risico's die verband houden met het economische leven, dient te lopen, en meer in het bijzonder het gevaar van het voortbestaan van de onderneming van de principaal, wat hem onderscheidt van de loontrekkende handelsvertegenwoordiger.
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Hello-Tech Technologies LTD / SPRL MCA Tronix
Siég.: R. de Francquen (président), M. Ligot et A. Jacquemin (conseillers) |
Pl.: Mes A. Janssens loco L. Bihain (partie appelante non représentée) |
(...)
Vu l'arrêt rendu céans le 12 février 2004.
La société de droit israélien Hello-Tech Technologies LTD, en abrégé HTT, n'a pas comparu ni été représentée à l'audience du 28 février 2006 à laquelle la cause a été fixée à plaider par ordonnance rendue le 11 mai 2004 sur pied de l'article 747 § 2 du Code judiciaire, son conseil ayant informé la cour par courrier du 20 juin 2005 qu'il était sans instruction de sa cliente qui paraît avoir mis un terme à ses activités après le prononcé du jugement entrepris (dossier MCA, farde VII).
Par conclusions du 21 février 2005, MCA Tronix interjette appel à son tour du jugement rendu le 30 octobre 2003 par le tribunal de commerce de Liège.
Antécédents |
L'exposé des antécédents de la cause peut être emprunté aux premiers juges.
Il suffit de rappeler que les parties ont entretenu des relations commerciales entre le 1er janvier 2000 et le 5 septembre 2002 à la fois dans le cadre d'un contrat d'agence signé le 15 février 2001 avec effet à partir du 1er janvier 2000 et d'un contrat ayant pour objet la recherche d'investisseurs, ce second contrat dont les deux exemplaires figurant au dossier de l'intimée portent des dates de signatures différentes (26 janvier 2001, 2 février 2001 et 3 juin 2001) ayant pris cours le 1er janvier 2001.
C'est l'appelante qui met fin à ces relations commerciales le 5 septembre 2002 sans émettre le moindre grief à l'égard de MCA Tronix et sans lui donner aucune raison, après que celle-ci lui ait fait remarquer par courrier électronique du 30 août 2002, que de nombreux projets de contrats initiés par elle risquaient d'échouer en raison de la délicate situation financière de HTT qui l'empêchait de terminer le développement et la mise au point des produits faisant l'objet du contrat d'agence, à savoir des solutions d'accès cellulaire et un système électronique permettant d'effectuer des paiements à distance sécurisés au moyen de téléphones portables.
Les demandes |
MCA Tronix demande la condamnation de HTT au paiement de
- € 156.113,13 à titre de factures impayées à majorer des intérêts calculés au taux de 11% à dater du 30 septembre 2002 jusqu'au complet paiement;
- € 71.075 à titre d'indemnité compensatoire de préavis à majorer des intérêts de retard calculés au taux légal depuis la citation du 18 octobre 2002 jusqu'au complet paiement;
- € 120.000 à titre d'indemnité d'éviction;
- d'une commission de 8% sur toutes commandes qui seront passées après la cessation du contrat par un certain nombre de sociétés présentées par elle;
-€ 5.000 de dommages et intérêts du chef d'appel téméraire et vexatoire (conclusions du 15 janvier 2004).
HTT qui se plaint de ce que MCA Tronix ne lui a pas réservé le bénéfice de l'exclusivité contractuellement prévue dans le contrat d'agence (art. 3 pt. b) introduit dans sa requête d'appel une demande nouvelle en vue d'obtenir le remboursement d'une partie des frais de location de bureau et des frais administratifs qu'elle a payés depuis le début des relations des parties, alors qu'il est apparu qu'en réalité, MCA Tronix représentait 7 sociétés. Elle réclame ainsi la condamnation de l'intimée au paiement de € 137.000 à majorer des intérêts judiciaires.
Discussion |
(...)
2. | L'indemnité compensatoire de préavis |
HTT n'a pas respecté les formes prévues par la loi du 13 avril 1995 lui permettant de se prévaloir d'un manquement grave; elle est donc tenue au paiement d'une indemnité compensatoire de préavis qui doit être calculée sur base d'une durée de cinq mois, ce dont les parties conviennent.
HTT soutient que les frais opérationnels, soit plus précisément le montant versé par elle chaque mois pour couvrir la location d'un bureau, les frais administratifs, de communication et de déplacement, doivent être exclus de la rémunération prise en compte pour le calcul de l'indemnité compensatoire.
Cette objection ne peut être accueillie. C'est en effet “toute la rémunération de l'agent” qui doit être prise en considération pour calculer l'indemnité de préavis (P. Crahay, “La loi relative au contrat d'agence commerciale: résiliation et indemnité d'éviction”, R.D.C. 1995, n° 25).
“La plupart des contrats d'agence prévoient que la rémunération est variable et dépend du résultat de l'agent. Il existe cependant des situations où l'octroi d'une somme fixe se justifie; par exemple, pour l'agent qui a pour mission d'ouvrir de nouveaux marchés, son travail ne pourra être rapidement rémunérateur et il est dès lors normal que le contrat prévoie, à tout le moins durant une certaine période, une rémunération fixe garantie. D'autre part, certaines fonctions complémentaires justifient une telle rémunération fixe: si, par exemple, l'agent participe à la promotion publicitaire, s'occupe de l'entreposage et de la livraison des biens du commettant, s'occupe de la facturation et de l'encaissement des sommes dues au commettant” (P. Demolin et Y. Brulard, La nouvelle loi sur le contrat d'agence, Lois actuelles, n° 270, pp. 52 et 53). Tel est exactement le cas en l'espèce.
“La rémunération fixe 'en cours' au moment de la cessation du contrat est celle du mois qui précède la rupture effective si elle est octroyée mensuellement” (A. de Theux, La fin du contrat d'agence commerciale, n° 20, p. 29). En l'espèce, elle s'élève à € 14.215 (facture n° 220023 du 24 juillet 2002).
Il importe peu “qu'à dater de la rupture, MCA n'a plus voyagé pour HTT, n'a plus communiqué pour HTT, n'a plus occupé de personnel administratif pour HTT...” (requête d'appel, p. 15). “La nature forfaitaire de la réparation dispense (en effet) la victime de la résiliation irrégulière de prouver l'étendue de son préjudice” (A. de Theux, n° 19, p. 28).
La réclamation de l'intimée est fondée à concurrence de € 71.075.
3. | L'indemnité d'éviction |
Le tribunal a ordonné la réouverture des débats afin de permettre à HTT de produire “son relevé de compte clients pour la période s'étalant du 1er septembre 2002 (au jour du prononcé du jugement entrepris) ainsi que la copie des contrats signés” afin de pouvoir vérifier si les contrats dont question dans le courrier électronique du 30 août 2002 de MCA Tronix dont il a été question plus haut, ont été finalisés.
HTT étant en liquidation et se désintéressant du litige, aucun renseignement ne peut être attendu de sa part.
En l'absence de clause de non-concurrence, c'est à l'agent qu'il incombe de prouver par toutes voies de droit, non seulement un apport de clientèle mais aussi le maintien des avantages qu'en retire le commettant (A. de Theux, o.c., n° 61, p. 81; Liège 23 décembre 2003, J.L.M.B. 2004, p. 952 ). En l'espèce, cette preuve n'est pas rapportée.
La cessation des relations entre parties trouve son origine dans le fait que, financièrement exsangue, HTT n'a pu mener à bonne fin le développement des produits dont MCA Tronix devait assurer la distribution. Rien n'établit que HTT a acquis et conservé le bénéfice d'une clientèle durable puisque celle-ci n'a pu être consolidée. En toute hypothèse, en admettant même, ce qui n'est pas démontré, qu'elle ait pu remettre ses activités à une autre entreprise susceptible de poursuivre et de terminer la mise au point des produits, il est certain qu'un travail de reconquête de la clientèle apportée par MCA Tronix aura été nécessaire.
L'octroi d'une indemnité d'éviction n'est donc pas justifié et ce d'autant que l'agent, en sa qualité de commerçant, “est appelé à courir les risques liés à la vie économique, et plus particulièrement le risque de la pérennité de l'entreprise du commettant, ce qui le distingue du représentant de commerce salarié” (J.-P. Renard, “La conclusion, la durée et la fin du contrat d'agence commerciale après la loi du 13 avril 1995”, DAOR, n° 37/1995, p. 24).
4. | Les commissions sur vente |
Se fondant sur l'article 10 b 2 du contrat d'agence, MCA Tronix réclame la condamnation de HTT au paiement d'une commission de 8% sur toutes commandes passées après la cessation du contrat par un certain nombre de sociétés présentées par elle.
À l'appelante qui invoquait en instance l'article 11, 1° de la loi du 13 avril 1995 relative au contrat d'agence commerciale, l'intimée, tout en reconnaissant que “si bon nombre d'affaires n'ont pu se conclure, cette situation est due au produit de la défenderesse, lequel n'est pas encore commercialisable”, répliquait que cette disposition ne pouvait être opposée par HTT dès lors que c'est par son propre fait ou sa propre faute qu'elle empêche la conclusion des contrats avec les différents prospects amenés par elle (conclusions additionnelles d'instance, p. 10).
Cela n'est pas établi. Il n'est pas démontré en effet que c'est en raison d'une gestion peu rigoureuse ou imprévoyante que HTT s'est trouvée dans l'impossibilité de poursuivre le développement des produits visés par le contrat litigieux.
Ce chef de demande doit dès lors être rejeté.
5. | La demande de remboursement introduite par HTT pour ce qui concerne les frais de location de bureau et administratifs payés à MCA Tronix |
C'est de manière gratuite que l'appelante soutient que MCA Tronix aurait mis ses locaux et son personnel à disposition d'autres entreprises. HTT ne produit aucun commencement de preuve à ce sujet. À aucun moment durant la collaboration entre les deux sociétés, elle ne s'est plainte de ce que MCA Tronix ne lui aurait pas réservé le monopole de ses locaux et services. Au contraire, elle n'a cessé, même dans les jours qui ont suivi la rupture du contrat, de se féliciter de la qualité du travail et des prestations assurées par MCA Tronix. Il ne se justifie dès lors pas d'ordonner la mesure d'instruction sollicitée par HTT.
6. | Caractère téméraire de l'appel interjeté par HTT et le sort des dépens |
L'appel de HTT est en partie fondé puisque les prétentions de MCA Tronix sont rejetées pour ce qui concerne l'indemnité d'éviction et les commissions sur vente. Il n'y a dès lors pas matière à octroi de dommages et intérêts du chef d'appel téméraire et vexatoire.
L'intimée échouant en partie dans ses prétentions, il lui sera alloué les deux tiers de ses dépens des deux instances, l'appelante conservant la charge de ses propres dépens. HTT devra supporter toutefois l'intégralité des frais relatifs à la saisie-arrêt conservatoire effectuée par MCA Tronix en vue d'assurer le paiement des factures impayées.
Décision |
La cour statuant contradictoirement,
Reçoit les appels et les demandes incidentes,
Émendant le jugement entrepris, condamne Hello-Tech Technologies LTD à payer à la SPRL MCA Tronix
- € 156.113,13 à majorer des intérêts au taux de 11% à dater du 30 septembre 2002 sur € 135.533,39 et des intérêts au taux légal sur € 20.579,74 depuis le 18 octobre 2002 et ce jusqu'au complet paiement;
- € 71.075 à majorer des intérêts de retard au taux légal depuis la citation du 18 octobre 2002 jusqu'au complet paiement.
Rejette les autres prétentions des parties.
Condamne l'appelante HTT aux dépens liquidés au profit de MCA Tronix à € 1.779,36 et lui délaisse ses propres dépens.
(...)