Cour d'arbitrage 1er mars 2005
CONTRAT D'AGENCE COMMERCIALE
Loi du 13 avril 1995 - Droit transitoire - Clause de non-concurrence - Distinction de régime entre validité et exécution du contrat - Non-discrimination
L'article 29 de la loi du 13 avril 1995 relative au contrat d'agence commerciale ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que, en application de cet article, la validité du contrat doit s'apprécier conformément à la législation applicable au moment de sa conclusion, tandis que son exécution, et plus précisément l'obligation de non-concurrence, doit s'apprécier conformément à la législation applicable au moment où elle se réalise. Il en résulte que les clauses de non-concurrence qui figurent dans des contrats conclus avant l'entrée en vigueur de la loi, le 12 juin 1995, ne sont pas nulles parce qu'elles ne répondraient pas aux exigences de l'article 24 de la loi. Les articles 10 et 11 de la Constitution ne requièrent pas qu'une modification législative soit toujours accompagnée d'un régime transitoire particulier, dérogeant au droit commun.
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HANDELSAGENTUUROVEREENKOMST
Wet van 13 april 1995 - Werking in de tijd - Beding van niet-mededinging - Onderscheid tussen geldigheid en uitvoering van de overeenkomst - Geen discriminatie
Artikel 29 van de wet van 13 april 1995 betreffende de handelsagentuurovereenkomst schendt de artikelen 10 en 11 van de Grondwet niet doordat, in toepassing van dit artikel, de geldigheid van de overeenkomst moet worden beoordeeld overeenkomstig de op het moment van het sluiten ervan toepasselijke wetgeving, terwijl de uitvoering ervan, meer bepaald de verbintenis van niet-concurrentie, dient te worden beoordeeld overeenkomstig de op het moment van de uitvoering toepasselijke wetgeving. Daaruit vloeit voort dat de concurrentiebedingen, die opgenomen zijn in overeenkomsten welke afgesloten zijn vóór de inwerkingtreding van de wet op 12 juli 1995, niet nietig zijn omdat zij niet zouden beantwoorden aan de eisen gesteld in artikel 24 van de wet. De artikelen 10 en 11 van de Grondwet vereisen niet dat een wijziging van wetgeving steeds met een bijzonder, van het gemeen recht afwijkend overgangsstelsel gepaard zou gaan.
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SA Dexia Banque Belgique / P. Lagrange e. a.
Siég.: A. Arts et M. Melchior (présidents), P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke et J. Spreutels (juges) |
Pl.: Mes D. Van Renne loco L. Balcaen et A. Erauw et E. Jacubowitz loco P. De Maeyer |
Arrêt 47/2005 |
En cause: les questions préjudicielles concernant l'article 4 de la loi du 4 mai 1999 modifiant la loi du 13 avril 1995 relative au contrat d'agence commerciale et les articles 3, 2° (avant son abrogation par la loi du 4 mai 1999), et 29 de la loi précitée du 13 avril 1995, posées par le tribunal de première instance de Gand.
(...)
I. | Objet des questions préjudicielles et procédure |
Par jugement du 24 mars 2004 en cause de la SA Dexia Banque Belgique contre P. Lagrange et autres, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 1er avril 2004, le tribunal de première instance de Gand a posé les questions préjudicielles suivantes:
(...)
3. “L'article 29 de la loi du 13 avril 1995 relative au contrat d'agence commerciale, interprété en ce sens que cet article n'a pas pour portée que la validité d'une clause de non-concurrence puisse être contrôlée en fonction de la loi entrée ultérieurement en vigueur, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution?”.
(...)
II. | Les faits et la procédure antérieure |
P. Lagrange était, jusqu'au 31 décembre 1991, agent mandataire du Crédit communal de Belgique et la gérance de l'agence d'Olsene lui était confiée. Par acte sous seing privé du 4 novembre 1991, P. Lagrange et K. De Volder ont constitué une société civile sous la forme d'une société en nom collectif. La société avait pour objet “l'exécution du mandat qui lui sera confié par le Crédit communal de Belgique”. Une clause de non-concurrence était prévue à charge des associés, pour une période d'un an à compter du terme du contrat de mandat conclu entre la société et le Crédit communal de Belgique.
Le 1er janvier 1992, un contrat de mandat à durée indéterminée fut conclu entre le Crédit communal de Belgique et la société en nom collectif Lagrange-De Volder. La société et ses associés s'engageaient à “ne s'entremettre ni conclure aucune opération pour quelqu'autre institution financière que ce soit”, ni directement ni à l'intervention d'un tiers, pendant l'exécution du mandat et durant une année à compter de la fin du mandat ou d'un éventuel transfert de parts.
Le 1er juillet 1994, le Crédit communal de Belgique et la société conclurent un nouveau contrat de mandat à durée indéterminée dans lequel figurait cette fois une clause de non-concurrence d'une durée de trois ans.
Par lettre du 19 décembre 1995, P. Lagrange et M. Van Acker, ce dernier ayant pris la place de K. De Volder en tant qu'associé à la suite d'une assemblée générale extraordinaire tenue le 31 mars 1995, communiquaient au Crédit communal de Belgique que l'assemblée générale de la société en nom collectif Lagrange-Van Acker avait décidé de dissoudre volontairement la société le 31 décembre 1995 et que le contrat de mandat prendrait fin à cette même date. Par lettre du 29 décembre 1995, le Crédit communal de Belgique marqua son accord. La clause de non-concurrence fut confirmée dans une convention séparée, conclue entre la société en nom collectif Lagrange-Van Acker en liquidation et M. Van Acker lui-même.
Les 21 février et 16 décembre 1996, des contrats de “collaboratrice indépendante” furent conclus entre M. De Bels (ancienne collaboratrice et épouse de P. Lagrange) et la SA Spaarkrediet. Par lettre du 29 mars 1996, le Crédit communal de Belgique communiquait à la SA Spaarkrediet qu'il avait appris que P. Lagrange ou M. De Bels représenterait la SA Spaarkrediet et contacterait en cette qualité son ancienne clientèle dans le secteur d'Olsene. L'attention était attirée sur la clause de non-concurrence.
Les 2 et 8 avril 1997, le Crédit communal de Belgique a cité P. Lagrange, M. De Bels, la SA Spaarkrediet et la société en nom collectif Lagrange-Van Acker (en liquidation) devant le tribunal de première instance de Gand afin d'obtenir réparation de tous les dommages subis à la suite de la violation alléguée de la clause de non-concurrence précitée.
Devant le tribunal de première instance, P. Lagrange a fait valoir que l'action était prescrite en vertu de l'article 26 de la loi du 13 avril 1995 relative au contrat d'agence commerciale. Le tribunal conclut qu'en vertu de l'article 3, 2°, de la loi du 13 avril 1995 relative au contrat d'agence commerciale - avant son abrogation par la loi du 4 mai 1999 qui ne serait pas applicable en l'espèce -, cette loi ne s'applique pas aux contrats conclus entre les établissements de crédit et leurs agents. Il constate toutefois que la Cour, dans son arrêt n° 161/2001, a dit pour droit que la disposition précitée était inconstitutionnelle en ce qu'elle disposait que la loi ne s'applique pas aux contrats conclus par les établissements de crédit avec leurs agents.
Compte tenu de l'arrêt précité ainsi que de l'arrêt n° 6/2004 et de l'arrêt de la Cour de cassation du 28 février 2003, le tribunal décide dès lors que les questions préjudicielles précitées doivent être posées à la Cour.
III. | En droit |
- A - |
(...)
A.2.3. À propos de la troisième question préjudicielle, la première partie défenderesse devant le juge a quo observe tout d'abord que la question est dénuée de pertinence dès lors que le tribunal de première instance donne une interprétation erronée à l'arrêt de la Cour de cassation qu'il cite. Dans cet arrêt, la Cour de cassation a seulement dit que l'article 29 ne dérogeait pas aux dispositions transitoires de droit commun. Conformément à ces dispositions, une nouvelle loi s'applique non seulement aux situations qui sont nées après son entrée en vigueur mais également aux effets futurs des situations nées sous l'empire de la loi antérieure, qui se produisent ou se prolongent sous l'empire de la loi nouvelle, pour autant que cette application ne porte pas atteinte à des droits déjà irrévocablement fixés. En matière de conventions, l'ancienne loi demeure applicable à une telle clause, à moins que la loi nouvelle soit impérative ou d'ordre public ou qu'elle impose expressément son application aux conventions en cours.
Selon la Cour de cassation, la validité d'une clause de non-concurrence ne peut donc pas, en vertu de l'article 29 de la loi du 13 avril 1995 relative au contrat d'agence commerciale, être contrôlée au regard d'une loi entrée ultérieurement en vigueur. Par contre, la Cour n'a pas dit que ce contrôle ne pourrait pas s'exercer au regard des principes généraux du droit transitoire. La troisième question préjudicielle est dès lors dénuée de pertinence.
À titre subsidiaire, la première partie défenderesse devant le juge a quo considère que, dans une autre interprétation, à savoir que la validité d'une clause de non-concurrence ne pourrait pas être contrôlée au regard de la nouvelle législation, le principe d'égalité est violé. Les conditions de validité et de mise en oeuvre d'une clause de non-concurrence sont en effet d'ordre public et l'interprétation précitée empêche l'application immédiate de dispositions d'ordre public sans qu'aucune justification raisonnable soit donnée pour ce faire.
(...)
A.3.3. Concernant la troisième question préjudicielle, le Conseil des ministres observe que le juge a quo, tenant compte de l'arrêt de la Cour de cassation du 28 février 2003, conclut qu'à supposer même qu'il puisse appliquer la loi du 13 avril 1995 relative au contrat d'agence commerciale, il ne pourrait néanmoins contrôler la validité de la clause de non-concurrence litigieuse au regard de l'article 24 § 1er de cette loi. Il demande dès lors à la Cour si l'interprétation retenue par la Cour de cassation viole ou non les articles 10 et 11 de la Constitution.
Le Conseil des ministres fait tout d'abord valoir que le juge a quo n'explique nullement de quelle manière ou pour quelle raison les articles 10 et 11 de la Constitution seraient violés. Le Conseil des ministres estime en outre que, compte tenu des motifs du jugement de renvoi, la question préjudicielle ne peut être comprise autrement que comme une question concernant l'inconstitutionnalité d'une différence d'application de la loi dans le temps. Le contenu de la troisième question préjudicielle ne diffère dès lors pas de celui de la première.
Pour les motifs exposés en A.3.1., le Conseil des ministres considère dès lors qu'il ne saurait être question d'une quelconque violation des articles 10 et 11 de la Constitution par l'article 29 de la loi du 13 avril 1995 relative au contrat d'agence commerciale.
(...)
- B - |
(...)
Quant à la troisième question préjudicielle |
B.15. Par la troisième question préjudicielle, le juge a quo demande à la Cour si l'article 29 de la loi du 13 avril 1995 relative au contrat d'agence commerciale viole les articles 10 et 11 de la Constitution s'il est interprété en ce sens que cet article n'a pas pour portée que la validité d'une clause de non-concurrence puisse être contrôlée en fonction de la loi entrée ultérieurement en vigueur.
B.16. L'article 29 de la loi du 13 avril 1995 relative au contrat d'agence commerciale dispose:
“La présente loi ne s'applique pas aux obligations dont l'exécution a été demandée en justice avant la date de son entrée en vigueur.”
B.17.1. L'article 29 de la loi du 13 avril 1995 confirme les principes généraux du droit transitoire en matière de conventions, en vertu desquels l'ancienne loi demeure applicable aux conventions conclues avant la date d'entrée en vigueur de la nouvelle loi, à moins que la nouvelle loi ne soit d'ordre public ou impérative ou ne prévoie expressément qu'elle s'applique aux conventions en cours.
B.17.2. L'effet immédiat de certaines dispositions de la nouvelle loi du 13 avril 1995 signifie, selon la jurisprudence de la Cour de cassation:
“Qu'il ne résulte pas de [l'article 29] que cette loi est applicable de manière illimitée aux obligations dont l'exécution est demandée en justice après la date de son entrée en vigueur;
Que […] l'article 29 ne déroge pas à la validité des clauses du contrat conclu sous l'empire de l'ancienne loi;
Que le législateur n'avait pas l'intention de faire apprécier la validité des anciens contrats d'agence commerciale à la lumière des nouvelles normes; que le législateur a uniquement voulu que la nouvelle norme régisse l'exécution des contrats existants;
[…] que la nouvelle loi n'a pas pour effet que la validité d'une clause de non-concurrence pourrait être appréciée à la lumière de la loi entrée postérieurement en vigueur; […]” (Cass. 28 février 2003, R.G. C.000603.N).
B.17.3. Il découle dès lors de l'article 29 de la loi précitée du 13 avril 1995 que la validité du contrat doit s'apprécier conformément à la législation applicable au moment de sa conclusion, tandis que son exécution, et plus précisément l'obligation de non-concurrence, doit s'apprécier conformément à la législation applicable au moment où elle se réalise.
B.18. Il résulte de ce qui précède que les clauses de non-concurrence qui figurent dans des contrats conclus avant l'entrée en vigueur de la loi, le 12 juin 1995, ne sont pas nulles parce qu'elles ne répondraient pas aux exigences de l'article 24 de la loi.
L'obligation, qui résulte d'une telle clause, de ne pas entrer en concurrence avec le commettant pendant une période déterminée doit toutefois, lorsque l'exécution n'en a pas été demandée avant la date d'entrée en vigueur de la loi, être appréciée quant à sa conformité à l'article 24, qui constitue une disposition de droit impératif. Le cas échéant, l'exécution de la clause de non-concurrence devra être réduite dans les limites fixées à l'article 24 précité.
B.19. Les articles 10 et 11 de la Constitution ne requièrent pas qu'une modification législative soit toujours accompagnée d'un régime transitoire particulier, dérogeant au droit commun. C'est en outre le propre d'une nouvelle règle d'établir une distinction entre les personnes qui sont concernées par des situations juridiques qui entraient dans le champ d'application de la règle antérieure et les personnes qui sont concernées par des situations juridiques qui entrent dans le champ d'application de la nouvelle règle. Semblable distinction ne viole pas en soi les articles 10 et 11 de la Constitution. À peine de rendre impossible toute modification de la loi, il ne peut être soutenu qu'une disposition nouvelle violerait les articles constitutionnels susdits par cela seul qu'elle modifie les conditions d'application de la législation ancienne.
B.20. Même si l'instauration du contrat d'agence commerciale est neuve et que les droits de certaines catégories d'agents commerciaux s'en trouvent mieux protégés, une telle modification n'est pas de nature à obliger le législateur à déroger aux règles normales du droit transitoire en matière de contrats.
B.21. La troisième question préjudicielle appelle une réponse négative.
Par ces motifs,
la Cour
dit pour droit:
(...)
3. L'article 29 de la loi du 13 avril 1995 relative au contrat d'agence commerciale ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.
(...)