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Actualité, R.D.C.-T.B.H., 2007/1, p. 100-103

ACTUALITÉ

Actualité Concurrence (du 1er avril
jusqu'au 30 juin 2006)

TABLE DES MATIERES

Belgique - Législation

Loi du 10 juin 2006 sur la protection de la concurrence économique et loi du 10 juin 2006 instituant un Conseil de la concurrence, Mon. b. 29 juin 2006

Belgique - Cours et tribunaux

Arrêt de la Cour de cassation du 27 avril 2006,Belgische Staat/Vanden Avenne - Ooigem

Arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 28 juin 2006,Telenet NV/Ligue Professionnelle de Football (R.G. 2005/MR/2) et BeTV/Ligue Professionnelle de Football (R.G. 2005/MR/5)

CE - Commission européenne

Lignes directives pour le calcul des amendes infligées dans des procès relatifs à la concurrence ( 28 juin 2006)

CE - Jurisprudence

Arrêt du tribunal de première instance des Communautés européennes du 7 juin 2006, affaires jointes T-213/01 et T-214/01, Österreichische Postsparkasse e.a./Commission

Belgique - Législation
Loi du 10 juin 2006 sur la protection de la concurrence économique et loi du 10 juin 2006 instituant un Conseil de la concurrence, Mon. b. 29 juin 2006

En date du 10 juin 2006, la nouvelle loi sur la protection de la concurrence économique (“LPCE”) a été approuvée. Cette loi contient un nombre de modifications importantes vis-à-vis du système actuel.

En premier lieu, cette occasion est saisie afin de mettre un nombre de dispositions de la loi belge sur les accords interdits entre entreprises et l'interdiction d'abus de position dominante (désormais art. 3 et 4 LPCE) en concordance avec le cadre européen, comme modifié par le Règlement (CE) 1/2003. Ainsi, la possibilité d'obtenir une exonération individuelle est supprimée, il est décidé que les accords bénéficiant d'un règlement d'exemption par catégorie en vertu du traité CE, ne peuvent pas être interdits sur la base de la LPCE et la possibilité de clôturer l'instruction en imposant des engagements offerts par une entreprise est expressément prévue. Il est également possible, pour certaines catégories d'accords, qu'un arrêté royal exclue l'interdiction édictée à l'article 3 § 1 (conventions entre les entreprises). Un nombre de modifications importantes sont en outre apportées au niveau de la procédure. L'auditorat (le successeur du corps des rapporteurs actuel) dispose de la possibilité de classer une plainte; une pareille décision peut être contestée devant le Conseil de la concurrence.

En second lieu, un nombre de dispositions relatives au contrôle des concentrations est modifié. Le contrôle de contenu dans l'appréciation de l'admissibilité des concentrations est mis en concordance avec le règlement européen relatif au contrôle des concentrations. En plus, les délais d'examen sont portés à 40 jours ouvrables à compter de la réception de la notification (pour la première phase de l'instruction) et à 60 jours ouvrables à compter de la décision d'introduire la procédure (deuxième phase). Dans l'attente de la décision d'approbation du Conseil, la possibilité d'exécution provisoire d'un accord est supprimée. La procédure simplifiée de notification est en outre ancrée dans la loi; en application d'une telle procédure, l'auditeur dispose d'un délai de 20 jours ouvrables pour transmettre sa décision par lettre aux parties. Enfin, il faut que les notifications de concentrations soient déposées à l'auditorat (au lieu d'au Conseil de la concurrence).

La composition et les compétences du Conseil et de l'auditorat sont réglées par une loi distincte instituant un Conseil de la concurrence, contenant également les dispositions en matière des recours contre les décisions du Conseil. Un tel appel doit être introduit dans les 30 jours à compter de la notification de la décision; la possibilité pour les tiers d'exercer un recours dans les 30 jours à compter de la publication au Moniteur belge, est supprimée. Enfin, cette deuxième loi dispose que les questions préjudicielles relatives à l'interprétation de la LPCE doivent désormais être posées à la Cour de cassation, au lieu d'à la cour d'appel de Bruxelles.

Les deux lois entrent en vigueur le 1er octobre 2006.

Belgique - Cours et tribunaux
Arrêt de la Cour de cassation du 27 avril 2006,Belgische Staat/Vanden Avenne - Ooigem

Ce différend concerne une réglementation suite à laquelle les engraisseurs étaient obligés de payer des cotisations au Fonds de la santé et de la production des animaux, chargé de l'intervention dans le financement des indemnités et des subventions en ce qui concerne la lutte contre les maladies des animaux et l'amélioration de l'hygiène. Les aides financées par ces cotisations obligatoires, furent déclarées incompatibles avec le marché commun en 1991 par la Commission européenne dans la mesure où les cotisations obligatoires frappent également les produits importés d'autres États membres.

La réglementation a été modifiée en 1994, sans que cette modification ait été notifiée à la Commission. En 1997, la défenderesse assigna l'État belge en vue du remboursement des cotisations payées. Cette affaire est venue devant la cour d'appel laquelle a condamné l'État belge au remboursement à la défenderesse des cotisations et laquelle a condamné la défenderesse au remboursement des subventions perçues du Fonds précité par le fait que le système entier était invalide.

La Cour de cassation confirme que la modification apportée en 1994 aurait dû être notifiée à la Commission. La Cour estime qu'en omettant de notifier la modification, les aides deviennent à nouveau illégales, bien qu'avant, une partie du régime d'aides ait été déclarée compatible avec le marché commun, plus particulièrement en ce qui concerne les produits nationaux. La Cour rejette ainsi l'argument de l'État belge selon lequel la cour d'appel n'est pas compétente pour juger que le régime d'aides est illégal pour ce qui concerne les produits nationaux étant donné que ce point serait exclusivement réglé selon les dispositions de la décision de la Commission de 1991. En plus, la Cour de cassation rejette l'argument de l'État selon lequel la violation par l'État belge de la décision de la Commission de 1991, exigeant que l'État doive supprimer ou modifier l'aide et que la Commission en soit notifiée, ne pourrait être sanctionnée par la juridiction nationale, plus spécifiquement en déclarant le système illégal.

La Cour relève que la compétence de la Commission relative à l'évaluation de la compatibilité de l'aide avec le marché commun, est indépendante de la compétence des juridictions nationales pour veiller à la protection de droits des justiciables en cas de violation de l'obligation de notification.

Arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 28 juin 2006,Telenet NV/Ligue Professionnelle de Football (R.G. 2005/MR/2) et BeTV/Ligue Professionnelle de Football (R.G. 2005/MR/5)

Cet arrêt se prononce sur les recours introduits par Telenet et BeTV contre la décision prise par le Conseil de la concurrence relative à la vente par la Ligue Professionnelle de Football (“LPF”) des droits de retransmission des matchs du championnat national de football à Belgacom Skynet [1].

Préalablement à l'appréciation quant au fond, la cour instruit la requête des appelants visant à faire écarter des débats les observations écrites déposées par le Conseil de la concurrence, étant donné qu'elles avaient été déposées tardivement.

La cour constate que la LPCE ne prévoit pas de sanction pour le dépôt tardif des observations par le Conseil et que la sanction de l'article 747 § 2 alinéa 6 du Code judiciaire n'est pas d'application aux observations écrites du Conseil de la concurrence, étant donné que celui-ci n'est pas partie à la procédure devant la cour. D'ailleurs, les appelants ne démontrent pas dans quelle mesure les droits de la défense ou leurs intérêts auraient été violés par ce dépôt tardif.

En conséquence, la cour a rejeté les recours introduits. Les appelants ont entre autres demandé à la cour de constater que l'attribution à Belgacom Skynet des lots 1 et 3, comme repris dans le cahier des charges de la LPF, divisant les droits de retransmission en six paquets, était contraire au droit de la concurrence et ils ont demandé à la cour d'attribuer ces lots à Telenet/BeTV. La cour a refusé de faire droit à cette demande étant donné que le cahier des charges prévoyait que la LPF avait la possibilité de choisir une offre moins attractive sur le plan financier [2] et étant donné que Telenet avait demandé d'apporter plusieurs modifications au contenu des lots, qui avaient donné lieu à plusieurs objections formulées par la LPF et, selon la cour, ces modifications auront une répercussion substantielle sur le contenu des droits et obligations des parties. La cour conclut que la LPF peut rejeter en tant qu'irrecevable l'offre de Telenet et considérer l'offre formulée par Belgacom Skynet comme étant l'offre la plus élevée.

La cour et le Conseil n'ont pas d'objection à l'attribution de tous les droits de retransmission à un seul opérateur étant donné que Belgacom Skynet est un nouvel entrant sur le marché de la télévision payante qui a conclu des accords avec des chaînes gratuites de sorte que les consommateurs non payants pourront également suivre les matchs de football. Par ailleurs, Telenet et BeTV ont acquis les droits exclusifs de retransmission des compétitions étrangères de football. La cour confirme qu'en l'occurrence, l'intérêt du consommateur est servi.

La cour conclut par ailleurs que la vente en commun des droits de retransmission par la LPF en l'état actuel du droit de la concurrence, satisfait aux conditions de l'article 81 § 3 Traité CE et de l'article 2 § 3 LPCE étant donné qu'en l'espèce, la procédure d'attribution ouverte, transparente et non discriminatoire présente des effets proconcurrentiels qui font suffisamment bonne mesure par rapport aux effets anticoncurrentiels (entre autres 1 point de vente par club, organismes de radiodiffusion et spectateurs; les utilisateurs pourront suivre plus de matchs; égalité des chances pour les opérateurs intéressés, etc.). Selon la position de la cour, l'attribution à un seul opérateur n'y change rien, et ce, d'autant plus que les offres des deux autres opérateurs étaient justement rejetées.

Enfin, la cour s'est déclarée sans pouvoir de juridiction en ce qui concerne la demande formulée par les appelants de dire pour droit qu'une disposition contenue dans l'ancien contrat d'attribution des droits de retransmission de la compétition de football (qui prévoyait l'obligation pour la LPF d'entamer des négociations avec les prédécesseurs en droit de Telenet et BeTV pour le renouvellement de l'accord), ne viole pas le droit de la concurrence. En effet, c'était un point sur lequel le Conseil ne devait pas et n'a pas statué.

CE - Commission européenne
Lignes directives pour le calcul des amendes infligées dans des procès relatifs à la concurrence ( 28 juin 2006)

La Commission a approuvé des nouvelles lignes directives pour le calcul des amendes infligées à des entreprises ayant commis une infraction aux dispositions des articles 81 et 82 Traité CE, et ce en vue du caractère dissuasif des amendes. Compte tenu de la limite supérieure de 10% du chiffre d'affaires mondial des entreprises en cause réalisé au cours de l'exercice précédent, le montant de base des amendes est basé sur 30% du chiffre d'affaire annuel au maximum réalisé par l'entreprise dans la vente des biens ou services auxquelles l'infraction se réfère, multiplié par le nombre d'années de participation à l'infraction. En outre, une entreprise peut être exposée à un “entry fee”, ce qui implique qu'une entreprise est pénalisée par le seul fait qu'elle a participé à un cartel; cette partie de l'amende est indépendante de la durée de la participation à l'infraction.

Finalement, des amendes plus sévères que celles qui étaient infligées jusqu'à présent, seront infligées aux récidivistes: dans pareil cas, l'amende peut être augmentée de 100%. Dans ce cas, les décisions antérieures prises par les autorités nationales de concurrence, auxquelles sont appliqués les articles 81 et 82 TraitéCE et qui ont trait à une infraction identique ou similaire, seront prises en considération.

CE - Jurisprudence
Arrêt du tribunal de première instance des Communautés européennes du 7 juin 2006, affaires jointes T-213/01 et T-214/01, Österreichische Postsparkasse e.a./Commission

Dans cet arrêt, le tribunal traite le recours introduit à l'encontre de deux décisions prises par le conseiller-auditeur de la Commission qui closent la procédure spéciale relative à la transmission de la communication des griefs (une étape essentielle de la procédure d'enquête préalablement à une décision éventuelle, par laquelle la Commission constate une infraction aux dispositions de l'art. 81 traité CE). Cette affaire cadre dans la demande du parti politique autrichien, le FPÖ, d'introduire une procédure d'enquête contre les ententes entre un nombre de banques autrichiennes, parmi lesquelles les requérants. Les requérants s'opposent à la transmission des versions non confidentielles des communications des griefs au FPÖ.

En premier lieu, les requérants soulèvent que le FPÖ ne peut être qualifié comme “demandeur” (impliquant qu'il n'aurait pas droit à la transmission des communications des griefs en vertu du Règlement n° 17, qui est applicable ratione temporis) puisque la procédure d'infraction avait été engagée d'office par la Commission. Toutefois, le tribunal conclut qu'une personne physique ou morale faisant valoir un intérêt légitime peut présenter une plainte même une fois, d'office ou sur demande d'autrui, la procédure est ouverte. En plus, l'ouverture de la procédure est gardée secrète de façon que les tiers ne seront normalement pas en mesure de savoir si une enquête a déjà été ouverte.

Deuxièmement, le tribunal estime qu'un client final acheteur des biens ou des services peut satisfaire la notion “d'intérêt légitime” au sens du règlement nº 17 si ce client final justifie qu'il a été lésé ou qu'il est susceptible d'être lésé dans ses intérêts économiques du fait de la restriction de concurrence en cause.

Troisièmement, le tribunal conclut que la Commission n'a pas manqué aux obligations de vérification de l'existence d'un intérêt légitime pour le FPÖ. Le tribunal constate entre autres que, étant donné que les destinataires de la communication des griefs disposaient d'une part de marché de 99% du marché autrichien, que les accords passés entre les banques auraient nécessairement lésé du point de vue économique le FPÖ et lui auraient forcément porté préjudice. La circonstance que la banque dans laquelle le FPÖ avait disposé de ses comptes, n'avait pas reçu de communication des griefs, n'y porte pas atteinte, puisque cette banque avait habituellement participé aux réunions relatives aux ententes en cause.

Koen Baekelandt

Avocat au barreau de Bruxelles

[1] Pour une discussion relative à cette décision, voy. R.D.C. 2006, vol. 2, p. 263 .
[2] Pour les lots 1 et 3 Belgacom Skynet avait toujours fait la deuxième offre la plus haute.