Cour d'appel de Bruxelles 3 décembre 2004
INTERMÉDIAIRES COMMERCIAUX
Agence - Commettant espagnol et agent belge - Contrat d'agence pour la Belgique et les Pays-Bas - Juridiction des tribunaux belges - Application de la loi du 13 avril 1995 - Rupture pour manquement grave - Conditions - Indemnité d'éviction
Les tribunaux belges sont compétents pour connaître d'un litige opposant un agent belge et son commettant espagnol et portant sur le paiement d'une indemnité compensatoire de préavis, d'une indemnité d'éviction et d'arriérés de commissions.
Une rupture par le commettant pour motif grave ne peut être considérée comme valide lorsque la lettre énonçant les manquements n'est pas signifiée par voie recommandée ou exploit d'huissier et que ces manquements sont identiques à ceux reprochés six mois auparavant, dans une lettre antérieure.
Peut être fixée à trois mois l'indemnité d'éviction due à l'agent lorsque le chiffre d'affaires du commettant sur le territoire contractuel a sensiblement progressé, nonobstant le fait que cette progression est due moins à l 'apport de nouveaux clients qu'au développement de la clientèle existante.
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TUSSENPERSONEN (HANDEL)
Agentuur - Spaanse principaal en Belgische agent - Agentuurovereenkomst voor België en Nederland - Rechterlijke bevoegdheid van de Belgische rechtbanken - Toepassing van de wet van 13 april 1995 - Verbreking wegens ernstige tekortkoming - Voorwaarden - Uitwinningsvergoeding
De Belgische rechtbanken zijn bevoegd om uitspraak te doen in een geschil tussen de Belgische agent en zijn Spaanse principaal betreffende de betaling van een opzeggingsvergoeding, een uitwinningsvergoeding en achterstallige commissielonen.
Een verbreking door de concessiegever wegens zware fout kan niet als geldig worden beschouwd als de brief waarin de gebreken worden vermeld niet per aangetekende post of per gerechtsdeurwaardersexploot is betekend en als deze gebreken identiek zijn aan deze die zes maanden voordien in een vroegere brief werden opgeworpen.
De aan de agent verschuldigde uitwinningsvergoeding kan op drie maanden worden bepaald als het zakencijfer van de concessiegever in het contractgebied aanzienlijk toegenomen is, niettegenstaande het feit dat de vooruitgang minder te danken is aan de aanbreng van nieuwe klanten dan aan de ontwikkeling van het bestaande cliënteel.
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Comptoir d'Importation et d'Exportation de Textiles SA / Gonzalo Ferri SA
Siég.: Ch. Schurmans, H. Mackelbert et M. Van Brustem (conseillers) |
Pl.: Mes M. Willemart, S. Willemart et Szafran loco J.-Ch. Troussel |
I. | Décision attaquée |
L'appel est dirigé contre le jugement prononcé contradictoirement par le tribunal de commerce de Bruxelles, le 28 septembre 2000.
Les parties ne produisent aucun acte de signification de ce jugement.
II. | Procédure devant la cour |
L'appel principal est formé par deux requêtes, déposées par C.I.E.T. au greffe de la cour, les 29 novembre 2000 et 25 avril 2001.
Les deux appels étant dirigés contre le même jugement, il y a lieu de les joindre.
Par conclusions déposées au greffe de la cour le 18 avril 2001, Gonzalo Ferri introduit un appel incident.
Il est fait application de l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues.
III. | Faits et antécédents de la procédure |
1. Depuis le 27 mai 1993, C.I.E.T. est l'agent commercial pour la Belgique et la Hollande des tissus d'ameublement fabriqués en Espagne par Gonzalo Ferri.
C.I.E.T. reprend une clientèle de 11 sociétés préalablement démarchées par M. Gillard (cf. pièce 14 du dossier de Gonzalo Ferri).
Les relations contractuelles ne font l'objet d'aucun contrat écrit. C.I.E.T. perçoit une commission de 5% sur le chiffre d'affaires.
Le chiffre d'affaires réalisé est le suivant:
Année | Belgique | Hollande |
1993 | 6.681.580 FB | |
1994 | 14.396.380 FB | |
1995 | 19.850.830 FB | 7.658.690 FB |
1996 | 20.822.320 FB | 15.644.230 FB |
1997 | 22.494.070 FB | 10.143.710 FB |
2. Le 29 mai 1997, Gonzalo Ferri adresse une lettre recommandée à C.I.E.T. pour lui signaler qu'elle n'est plus satisfaite de la manière dont ses produits sont représentés. Elle reproche à C.I.E.T. de ne pas prospecter de nouveaux clients et de ne pas développer toute la gamme de ses tissus. Elle lui suggère d'augmenter les ventes et de lui envoyer un rapport hebdomadaire. Gonzalo Ferri termine sa lettre en indiquant qu'après une période de six mois elle appréciera comment il aura été donné suite à son courrier.
Le 26 septembre 1997, Gonzalo Ferri informe C.I.E.T. qu'elle a décidé de:
- la confirmer comme distributeur pour la Belgique, sauf pour le client Covertex;
- ne plus lui confier la représentation de ses produits pour la Hollande, étant entendu qu'une commission serait encore payée pour le client Silvester jusqu'au 31 octobre 1997;
- considérer l'année 1998 comme un nouveau départ pour leurs relations commerciales, sous réserve de conclure un accord sur des objectifs et des méthodes de travail;
- revoir, après une certaine période, sa décision de poursuivre leurs relations contractuelles pour la Belgique.
Le 10 octobre 1997, C.I.E.T. répond qu'en ce qui concerne le marché hollandais, la loi belge prévoit un préavis qu'elle évalue à 4 mois et que pour le client Silvester, une indemnité d'éviction doit lui être payée. Quant à la reprise du client Covertex, elle lui demande de reconsidérer sa position ou de lui offrir une compensation financière.
Gonzalo Ferri ne répond à cette lettre que le 7 janvier 1998. Elle rompt le contrat en invoquant comme manquement grave le fait que C.I.E.T. n'a pas pris les mesures nécessaires pour couvrir le marché belge. Elle refuse le paiement de toute indemnité et considère qu'il n'y a pas lieu de signifier un préavis, dès lors qu'elle a adressé une lettre d'avertissement en mai 1997, ce qui a permis à C.I.E.T. de disposer d'un délai suffisant pour remédier à son comportement fautif.
Par courrier du 6 avril 1998, C.I.E.T. réclame une indemnité compensatoire de préavis égale à 5 mois de commissions, une indemnité d'éviction de 12 mois, une indemnité complémentaire de 12 mois, 6.306.599,68 ESP d'arriérés de commissions pour la période du 4e trimestre 1996 au 3e trimestre 1997 ainsi que le relevé des commissions pour le 4e trimestre 1997.
3. Par exploit du 6 mai 1998, C.I.E.T. fait assigner Gonzalo Ferri devant le tribunal de commerce de Bruxelles. Aux termes de ses dernières conclusions, elle demande le paiement de:
- 500.000 FB à titre d'indemnité compensatoire de préavis (5 mois);
- 1.200.000 FB à titre d'indemnité d'éviction (12 mois);
- 1.200.000 FB à titre d'indemnité complémentaire;
- 7.740.844,78 ESP à titre d'arriérés de commission;
- la production du relevé des commissions dues pour le 4e trimestre 1997, sous peine d'une astreinte de 10.000 FB par jour de retard.
Gonzalo Ferri introduit une demande reconventionnelle qui tend au paiement de 300.000 FB de dommages et intérêts pour les manquements qu'aurait commis C.I.E.T. dans l'exécution de ses obligations contractuelles, sous réserve d'une expertise en vue de déterminer son préjudice réel.
Le premier juge se déclare “incompétent” pour connaître des deux demandes et les dit non recevables.
4. C.I.E.T. interjette appel de cette décision dont elle postule la réformation.
Elle réitère devant la cour sa demande originaire.
(...)
IV. | Discussion |
(...)
2. | Pouvoir de juridiction des tribunaux belges |
6. C.I.E.T. demande l'exécution de trois obligations qui découlent du même contrat, à savoir:
- l'octroi d'une indemnité compensatoire de préavis;
- le paiement d'indemnités de clientèle et de dommages et intérêts complémentaires;
- le versement d'arriérés de commissions.
L'article 5.1. de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dispose que le défendeur domicilié sur le territoire d'un État contractant peut être attrait, dans un autre État contractant, en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée.
Un litige relatif à la rupture abusive d'un contrat d'agence commerciale autonome et au paiement de commissions dues en exécution de ce contrat est un litige en matière contractuelle au sens de l'article 5.1 de la convention (C.J.C.E. 8 mars 1988, 9/87, Arcado/Haviland, Rec., p. 1539).
Le lieu où l'obligation a été ou doit être exécutée est déterminé conformément à la loi qui régit l'obligation litigieuse selon les règles de conflit de la juridiction saisie (C.J.C.E. 6 octobre 1976, 12/76, Industrie Tessili Italiana/Dunlop AG, Rec., p. 1473), soit en l'espèce le droit belge.
En principe, l'article 5.1. de la convention du 27 septembre 1968 doit être interprété en ce sens que le même juge n'est pas nécessairement compétent pour connaître de l'ensemble des demandes fondées sur des obligations équivalentes découlant d'un même contrat, lorsque, selon les règles de conflit de l'État de ce juge, ces obligations doivent être exécutées l'une dans cet État et l'autre dans un autre État contractant (C.J.C.E. 5 octobre 1999, C-420/97, Leathertex, Rec., p. I-6747).
Il convient cependant de rappeler que la convention du 27 septembre 1968 vise, notamment, à instaurer une procédure rapide ce qui implique la nécessité d'éviter, dans la mesure du possible, la multiplication des chefs de compétence judiciaire par rapport à un même contrat (C.J.C.E. 6 octobre 1976, points 8 à 10, 14/76, De Bloos, Rec., p. 1497). C'est pourquoi, s'il existe des particularités spécifiques à un contrat, il est parfois nécessaire d'identifier l'obligation qui caractérise le contrat et de centraliser à son lieu d'exécution la compétence judiciaire, au titre du lieu d'exécution, pour les litiges relatifs à toutes les obligations contractuelles. De même, en cas de complication, le juge s'orientera, pour déterminer sa compétence, sur le principe selon lequel l'accessoire suit le principal (C.J.C.E. 15 janvier 1987, Shenavai, 266/86, Rec., p. 239).
a. Indemnité de préavis |
7. L'obligation de payer une indemnité de préavis à un agent commercial dont le contrat est rompu n'est pas une obligation contractuelle autonome mais a pour but de compenser la perte des avantages qu'un préavis raisonnable eût assurés à la partie évincée (cf. par analogie avec le contrat de concession de vente exclusive, Cass. 19 janvier 1984, Pas., I, 540).
Cette obligation s'exécute sur le territoire dans lequel l'intermédiaire a exercé son activité. Un tribunal belge est donc compétent pour connaître de la demande d'indemnité de préavis introduite par un agent belge contre un commettant étranger (P. Crahay, “Le contrat d'agence commerciale: les aspects internationaux”, p. 15, in Séminaire. La nouvelle loi sur le contrat d'agence commerciale, 29 novembre 1995).
b. Indemnités d'éviction et complémentaire |
8. L'objet de l'indemnité d'éviction est distinct de celui de l'indemnité de préavis. L'indemnité d'éviction ne vise pas à la réparation du préjudice subi par l'agent en raison de l'irrégularité de la rupture du contrat sans préavis. Elle est destinée à réparer le préjudice que lui cause la perte de la clientèle qu'il a contribué à créer ou à augmenter pendant l'exécution du contrat et dont le commettant continue à retirer des avantages après sa dissolution (P. Crahay, “La loi relative au contrat d'agence commerciale: résiliation et indemnité d'éviction”, R.D.C. 1995, p. 858, n° 55).
L'indemnité complémentaire prévue à l'article 21 de la loi du 13 avril 1995 relative au contrat d'agence commerciale est intimement liée à l'indemnité d'éviction puisqu'elle contribue à réparer l'intégralité du préjudice subi par l'agent commercial si l'indemnité d'éviction devait se révéler insuffisante.
Les actions en paiement de ces indemnités sont cependant subordonnées à l'action relative à l'indemnité de préavis.
En effet, tant la directive 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants que la loi du 13 avril 1995 disposent que l'indemnité de clientèle (et partant l'indemnité complémentaire) n'est pas due si le contrat a été rompu pour un manquement imputable à l'agent, ou lorsque c'est l'agent qui a mis fin au contrat. En d'autres termes, l'agent ne peut revendiquer une indemnité de clientèle s'il ne se trouve pas dans les conditions pour réclamer un préavis (ou une indemnité compensatoire de préavis à défaut de notification d'un préavis raisonnable).
Il ne peut donc être soutenu que les obligations de payer une indemnité de préavis et une indemnité de clientèle soient équivalentes.
En outre, même si elles réparent un préjudice différent, ces indemnités trouvent toutes deux leur cause dans une seule et même rupture du contrat à l'initiative du commettant.
Il ne se conçoit donc pas, dans l'économie de la convention du 27 septembre 1986, qu'elles puissent être jugées par deux juges différents.
Comme il a été dit au point précédent que le juge belge était compétent pour statuer sur une demande d'indemnité de préavis qui est l'obligation principale en cas de rupture de contrat, les demandes d'indemnités de clientèle et de dommages et intérêts sont de la compétence du même juge.
c. Arriérés de commissions |
9. En revanche, les commissions dues à un agent commercial et les indemnités qui découlent de la rupture du contrat sont des obligations équivalentes. Elles sont donc, le cas échéant, de la compétence de deux juges différents si elles doivent être exécutées, l'une dans un État, et l'autre, dans un autre État contractant (C.J.C.E. 5 octobre 1999, Leathertex, l.c.).
Le défendeur qui a son domicile dans un État contractant peut être attrait dans un autre État contractant, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande doit être exécutée. Si l'obligation qui sert de base à la demande est une obligation de payer des factures et qu'il y a un accord tacite quant au paiement de ces factures en Belgique, ce sont les tribunaux belges qui sont compétents (Anvers 3 janvier 1995, R.D.C. 1995, p. 391).
Tel est le cas en l'espèce.
En effet, outre le fait que les commissions ont toujours été payées sur le compte bancaire de C.I.E.T., ouvert auprès de la Banque Bruxelles Lambert à Bruxelles, il se déduit des pièces déposées par C.I.E.T. que les parties avaient bien convenu d'un tel mode de paiement. Dans un fax du 6 octobre 1997, C.I.E.T. demande à Gonzalo Ferri de lui payer les commissions dues au 30 septembre 1997, soit par chèque, soit par un virement à son compte bancaire n° 310-0170825-94. Le même jour, Gonzalo Ferri répond qu'elle effectuera dans le mois, le paiement des commissions pour lesquelles les factures adressées aux clients ont été apurées. Le paiement a donc bien lieu en Belgique au moment où le créancier peut disposer des fonds (Cass. 6 janvier 1972, Pas., I, 438).
Dès lors, les tribunaux belges sont compétents pour connaître de l'ensemble de la demande et le jugement attaqué doit être réformé sur ce point.
3. | Au fond |
a. Indemnité compensatoire de préavis |
10. L'article 19 de la loi du 13 avril 1995 dispose que chacune des parties peut, sous réserve de tous dommages-intérêts, résilier le contrat sans préavis ou avant l'expiration du terme, lorsque des circonstances exceptionnelles rendent définitivement impossible toute collaboration professionnelle entre le commettant et l'agent ou en raison d'un manquement grave de l'autre partie à ses obligations. Le contrat ne peut plus être résilié sans préavis ou avant l'expiration du terme, lorsque le fait qui l'aurait justifié est connu de la partie qui l'invoque depuis sept jours ouvrables au moins. Peuvent seuls être invoqués pour justifier la résiliation sans préavis ou avant l'expiration du terme, les circonstances exceptionnelles ou manquements graves notifiés par exploit d'huissier de justice ou par lettre recommandée à la poste, expédiée dans les sept jours ouvrables qui suivent la résiliation.
Le manquement doit être d'une gravité telle que les relations contractuelles ne puissent plus se poursuivre, même temporairement jusqu'à l'expiration d'un préavis (P. Crahay, o.c., p. 875, n° 34).
11. Les manquements invoqués par Gonzalo Ferri dans sa lettre du 7 janvier 1998 sont les suivants (traduction libre):
“C.I.E.T. n'a pas pris les mesures nécessaires pour couvrir le marché belge. C'est ainsi qu'en aucun cas nos produits ont été promus sur ledit marché. Une illustration de ce manque de promotion est le fait que durant toutes les années où C.I.E.T. a été notre agent, un seul client a été apporté à Gonzalo Ferri. En ce qui concerne les autres firmes, il s'agit d'anciens clients d'avant nos relations commerciales avec vous.
Nous devons également mettre en avant le fait que Covertex, notre plus grand client sur le marché belge, n'a pas été convenablement approché, C.I.E.T. ne visitant Covertex que lorsque notre directeur d'exportation voyageait en Belgique. Ainsi, les actions et le travail de notre directeur d'exportation ont eu plus d'effets que ceux que vous avez accomplis.
Quant au marché hollandais, nous souhaitons acter que la couverture de ce marché n'a jamais été donnée à C.I.E.T. sur une base exclusive. Vous savez et vous êtes bien au courant que Gonzalo Ferri a toujours eu des clients directs ou des comptes internes dans ce territoire.
C.I.E.T. n'a eu qu'un seul client à son actif qui a été apporté le 13 mars 1995 et il n'a même pas été convenablement approché par vous. La direction de notre firme considère comme une faute très sérieuse le fait que vous ne nous avez jamais informé des plaintes que Silvester formulait. C'est pourquoi nous avons cru qu'il s'agissait d'un débiteur récalcitrant et nous ne connaissions rien de ses plaintes.
Une attention spéciale doit être donnée au cas Covertex. La dette de ce client est assez grande et C.I.E.T. n'a pris aucune mesure pour résoudre ce problème. De plus, il semble que vous avez un manque total d'information concernant ce cas. Selon vous Covertex a l'exclusivité dans le marché belge alors que la réalité est toute autre, il n'a d'exclusivité que pour un article. C'est pourquoi, C.I.E.T. ne peut, en aucun cas, prétendre que ses capacités de vendre sur le marché seraient réduites en raison de l'exclusivité de Covertex.
Quant à la période de préavis, nous souhaitons souligner que nous vous avons déjà donné six mois d'avertissement (mai 1997) afin de vous permettre de remédier à votre manquement. Maintenant cette période est passée et aucun résultat positif n'est venu de votre part.
C'est pourquoi, nous considérons que nos relations commerciales sont éteintes.”
En résumé, Gonzalo Ferri reproche à C.I.E.T. d'avoir négligé la prospection des marchés qui lui avaient été confiés et de ne pas avoir tenu compte d'un avertissement qui lui avait été donné six mois auparavant.
12. Il y a lieu de constater que:
- les manquements n'ont pas été signifiés par lettre recommandée ou par exploit d'huissier;
- entre 1993 et 1997, le chiffre d'affaires de Gonzalo Ferri dans les territoires concédés a augmenté de 488%;
- Gonzalo Ferri n'a formulé aucun reproche à l'encontre de C.I.E.T. avant le 29 mai 1997;
- la lettre du 29 mai 1997 ne constitue pas un préavis;
- aucune mise en demeure n'a été envoyée entre le 29 mai 1997 et le 7 janvier 1998;
- à l'exception du reproche relatif aux plaintes émises par le client Silvester, les fautes invoquées le 7 janvier 1998 sont les mêmes que celles dénoncées le 29 mai 1997 et qu'ainsi, plus de 7 jours se sont écoulés depuis que Gonzalo Ferri a eu connaissance des manquements sur lesquels elle s'est fondée pour rompre le contrat;
- Gonzalo Ferri ne dépose aucune pièce permettant de comparer l'état de la prospection du marché au 29 mai 1997 et celle au 7 janvier 1998, et ainsi de vérifier si C.I.E.T. a, ou non, mis à profit la période de probation qui lui avait été signifiée pour améliorer les ventes;
- Gonzalo Ferri ne dépose aucune pièce relative aux plaintes émises par le client Silvester.
Il s'en déduit que tant les conditions de forme que les conditions de fond auxquelles doit satisfaire une rupture de contrat pour manquement grave ne sont pas réunies.
C.I.E.T. peut, dès lors, prétendre à une indemnité compensatoire de préavis équivalente à cinq mois de commissions (un mois pendant la première année du contrat augmentée d'un mois par année supplémentaire commencée sans que ce délai puisse excéder six mois).
La moyenne mensuelle de 100.000 FB de commissions n'est pas contestée. L'indemnité est donc de 12.394,68 EUR (500.000 FB).
b. Indemnité d'éviction |
L'article 20 de la loi du 13 avril 1995 dispose qu'après la cessation du contrat, l'agent commercial a droit à une indemnité d'éviction lorsqu'il a apporté de nouveaux clients au commettant ou a développé sensiblement les affaires avec la clientèle existante, pour autant que cette activité doive encore procurer des avantages substantiels au commettant. Le montant de l'indemnité est fixé en tenant compte tant de l'importance du développement des affaires que de l'apport de clientèle. L'indemnité ne peut dépasser le montant d'une année de rémunération, calculé d'après la moyenne des cinq dernières années, ou, si la durée du contrat est inférieure à cinq ans, d'après la moyenne des années précédentes.
14. Gonzalo Ferri conteste que C.I.E.T. ait augmenté le nombre de clients. Elle reconnaît cependant que C.I.E.T. lui a apporté le plus gros client belge, la société Covertex.
Le droit à l'indemnité d'éviction n'est pas limité à l'apport de nouveaux clients. L'agent peut avoir développé les affaires avec la clientèle existante, ce qui est principalement le cas en l'espèce.
Le tableau repris au point 1 du présent arrêt démontre incontestablement une nette augmentation du volume d'affaires pendant la durée des relations contractuelles. Peu importe que la progression ne soit pas dans les mêmes proportions que celles constatées dans d'autres pays puisqu'il n'y a lieu de tenir compte que du seul territoire concédé.
Sauf pour le client Covertex pour lequel la commission de 5% a été réduite à 3%, eu égard aux actions directes de Gonzalo Ferri, celle-ci ne dépose aucune pièce tendant à prouver que l'accroissement du volume d'affaires des clients existants serait étranger au travail accompli par C.I.E.T. Cette preuve n'est pas rapportée par le fait que quelques clients se seraient directement adressés à Gonzalo Ferri pour obtenir des renseignements sur ses produits (cf. les pièces 8 à 12bis de son dossier). En outre, il y a lieu de tenir compte que Gonzalo Ferri a normalement pu bénéficier, après la rupture du contrat, d'un important volume d'affaires avec le client Covertex, apporté à l'origine par C.I.E.T.
Il s'en déduit qu'une indemnité d'éviction est due.
Compte tenu du fait que C.I.E.T. a pu bénéficier d'une clientèle existante, il y a lieu de fixer à trois mois de commissions le montant de l'indemnité d'éviction, soit 7.436,81 EUR (300.000 FB).
c. Indemnité complémentaire |
15. C.I.E.T. ne dépose aucune pièce qui tendrait à prouver que l'indemnité d'éviction ne couvrirait pas l'intégralité du préjudice réellement subi en raison de la rupture du contrat d'agence.
Ce chef de demande n'est donc pas fondé.
(...)
V. | Conclusion |
Pour ces motifs, la cour, statuant contradictoirement,
1. Joint les causes inscrites au rôle général sous les numéros 2000/AR/2970 et 2001/AR/1092.
2. Dit l'appel principal recevable et fondé dans la mesure précisée ci-après.
3. Met le jugement attaqué à néant, sauf en tant qu'il a liquidé les dépens.
Statuant à nouveau:
Dit que les tribunaux belges ont pouvoir de juridiction pour connaître des demandes;
Dit la demande originaire recevable et partiellement fondée;
Condamne Gonzalo Ferri à payer à C.I.E.T. 12.394,68 EUR (500.000 FB) + 7.436,81 EUR (300.000 FB) + 43.208,58 EUR (7.189.303 ESP), soit 63.040,07, EUR augmentés des intérêts moratoires au taux légal du 6 mai 1998 au 29 novembre 2000, et ensuite des intérêts moratoires, au même taux, sur le tout jusqu'au parfait paiement.
4. Dit l'appel incident recevable mais non fondé et en déboute Gonzalo Ferri.
5. Met les dépens des deux instances à charge de Gonzalo Ferri, à l'exception du coût de la requête d'appel dans la cause inscrite au rôle général 2001/AR/1092 qui doit être supportée par C.I.E.T. et liquidé à 53,30 EUR.
Les dépens d'appel s'élèvent à 185,92 + 53,30 + 466,04 EUR pour C.I.E.T. et à 466,04 EUR pour Gonzalo Ferri.
(...)