Cour d'appel de Liège 26 avril 2007
INTERMÉDIAIRES COMMERCIAUX
Agence - Agence commerciale - Résiliation de commun accord - N'exclut pas le droit de l'agent à une indemnité d'éviction
Les exceptions prévues à l'article 20 de la loi du 13 avril 1995 sont de stricte interprétation. Une résiliation de commun accord entre parties ne s'assimile pas à une résiliation unilatérale par l'agent.
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TUSSENPERSONEN (HANDEL)
Agentuur - Beëindiging in onderlinge overeenstemming - Sluit het recht van de agent op een uitwinningsvergoeding niet uit
De uitzonderingen voorzien in artikel 20 van de wet van 13 april 1995 moeten strikt worden geïnterpreteerd. Een ontbinding in onderlinge overeenstemming tussen partijen staat niet gelijk met een eenzijdige verbreking door de agent.
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SA Coppens / A. Manset
Siég.: R. de Francquen (président), X. Ghuysen et M.-C. Ernotte (conseillers) |
Pl.: Mes J.-Y. Marichal loco S. Van Nuffel et M. Gilson |
(...)
Après en avoir délibéré
Par requête du 6 novembre 2003, la SA Chassis Coppens interjette appel du jugement du tribunal de commerce de Verviers du 2 septembre 2003, qui la condamne à payer € 1.822,24 au titre d'arriérés de commission et € 5.000 à titre provisionnel pour indemnité d'éviction.
Les faits de la cause ont été présentés par les premiers juges. Il suffit de rappeler que les parties étaient liées depuis le 15 avril 1996 par un contrat d'agence auquel il a été mis fin, de commun accord et sans reconnaissance, le 30 avril 2001.
Discussion |
La rupture du contrat d'agence et le principe de l'indemnité d'éviction |
L'appelante prétend exclure le droit à une indemnité d'éviction au profit de l'intimé au motif que le contrat d'agence a été rompu de commun accord entre les parties et que, selon l'article 20 de la loi sur le contrat d'agence, l'indemnité n'est pas due “si l'agent a mis fin au contrat” hors le cas d'exceptions précises non rencontrées en l'espèce.
Une telle position méconnait la portée de l'article 20 précité, lequel érige en principe le droit à l'indemnité pour l'agent par le seul fait de la cessation du contrat, les exclusions prévues étant de stricte interprétation. La résiliation conventionnelle ne s'identifie pas à la résiliation unilatérale par l'agent, seul cas visé par la loi: “la résiliation conventionnelle du contrat ne peut pas non plus en soi priver l'agent de l'indemnité, mais les parties peuvent parfaitement régler dans leur convention de résiliation les modalités de son indemnisation (...)” (P. Crahay, “La loi relative au contrat d'agence commerciale: résiliation et indemnité d'éviction”, R.D.C. 1995, p. 869, n° 76). Aucune modalité particulière n'a été prévue par les parties lors de la résiliation conventionnelle.
L'exclusion de l'indemnité d'éviction au profit de l'agent lorsque le commettant a mis fin au contrat en raison d'un manquement grave de l'agent n'est pas davantage rencontrée: les allégations de l'appelante quant au désintérêt de l'agent pour son travail, l'agent ayant été en incapacité de travail reconnue de septembre à décembre 2000, ou au démarchage d'un concurrent direct alors que le contrat ne prévoit aucune clause de non-concurrence dans le chef de l'agent, ne sont pas objectivées. L'appelante n'établit pas davantage en quoi les griefs ainsi dénoncés s'identifieraient à un manquement grave de l'agent, c'est-à-dire revêtant une gravité telle qu'il empêcherait sur le champ et de façon définitive la poursuite des relations contractuelles (P. Crahay, o.c., p. 845). L'appelante a d'ailleurs implicitement admis le contraire puisqu'elle a poursuivi les relations, après avoir dénoncé le comportement tenant au démarchage le 8 février 2001, jusque fin avril 2001, date à laquelle la rupture de commun accord a été constatée.
L'appelante tente encore vainement d'écarter le droit à l'indemnité d'éviction au motif qu'elle serait à tout le moins en droit d'invoquer des circonstances exceptionnelles rendant définitivement impossible toute collaboration professionnelle entre le commettant et l'agent. Outre le fait que les prétendues circonstances exceptionnelles invoquées identiquement à celles du manquement grave ne sont pas établies, encore ne permettent-elles pas d'échapper, au regard de la formulation de l'article 20 de la loi sur le contrat d'agence, au paiement d'une indemnité d'éviction: l'article 20 prévoit au titre d'exception au principe général de la débition d'une telle indemnité, exception de stricte interprétation, le seul cas où le commettant met fin au contrat “en raison d'un manquement grave prévu à l'article 19 alinéa 1er, imputable à l'agent”. Il n'est en revanche pas question des “circonstances exceptionnelles (qui) rendent définitivement impossible toute collaboration professionnelle entre le commettant et l'agent”, lesquelles justifient la résiliation du contrat sans préavis au sens de l'article 19 de la loi sur le contrat d'agence commerciale. Il est ainsi admis que: “le droit a l'indemnité est, en revanche, maintenu en cas de résiliation par le commettant pour circonstances exceptionnelles. Le texte légal ne vise que le manquement grave. En l'absence de comportement fautif de l'agent, une telle sanction serait, en règle générale, injustifiée” (P. Crahay, o.c., p. 867, n° 73).
(...)
Par ces motifs,
LA COUR, statuant contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris sous la seule émendation que le montant de la condamnation à titre d'indemnité d'éviction est porté de € 5.000 provisionnels à € 11.360,20 à titre définitif, à majorer des intérêts judiciaires sur la somme de € 13.182,44 depuis le 5 février 2002, date de la citation, jusqu'au complet paiement,
Condamne l'appelant aux dépens d'instance et d'appel à € 1.141,18 selon décompte non contesté de l'intimé.
(...)