La loi applicable à la compensation
TABLE DES MATIERES
II. La compensation légale a. La doctrine contemporaine
c. Les droits allemand et anglais
e. Les textes légaux et conventionnels
III. La compensation conventionnelle
IV. La compensation judiciaire
I. | Introduction |
1.La compensation ne fait généralement pas l'objet de longs développements dans la doctrine contemporaine de droit international privé. La solution consistant à appliquer, à la compensation légale, cumulativement la loi de chacune des créances fait l'objet d'un consensus général. La jurisprudence est toutefois très rare et les instruments législatifs et conventionnels sont souvent peu explicites, ce qui contraste avec l'utilisation abondante de la compensation dans la vie des affaires. Ce contraste amène à se demander si les solutions doctrinales sont à ce point adaptées qu'elles ne posent pas de difficultés concrètes ou si des pratiques se développent en marge des solutions doctrinales. En droit comparé, les solutions sont souvent différentes. Les propositions d'instruments communautaires sur la loi applicable aux obligations sont l'occasion de réexaminer cette question en droit international privé belge.
2.La compensation est un mécanisme de droit des obligations qui entraîne l'extinction des dettes et créances existant réciproquement entre deux personnes jusqu'à concurrence de la dette la moins élevée. Elle est donc un paiement mais, si elle est imposée à l'autre partie, elle est également une voie d'exécution et, si cette autre partie présente une solvabilité douteuse, une sûreté [1]. La compensation est, dans tous les cas, une facilité pour chacune des parties qui évite d'effectuer des paiements par décaissement. Il y a trois types de compensation selon la source de celle-ci. Lorsque la compensation résulte de la loi, il s'agit d'une compensation légale. Lorsqu'elle résulte d'un accord de volontés entre les parties, c'est une compensation conventionnelle. Lorsqu'elle est prononcée par un juge, c'est une compensation judiciaire.
3.En droit belge et dans les droits nationaux [2] qui ont hérité ou ont été inspirés du Code civil français, la compensation légale est automatique pour autant que certaines conditions soient réunies: “lorsque deux personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre, il s'opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes” (art. 1289 C. civ.). Les conditions tiennent à la liquidité des créances réciproques, leur exigibilité et leur certitude [3].
Lorsque ces conditions ne sont pas réunies, la compensation ne peut être que conventionnelle ou judiciaire. Dans d'autres systèmes continentaux, la compensation légale n'est pas automatique et requiert une déclaration de volonté exprimée par l'un des créanciers à l'autre. C'est le système en vigueur en droit allemand (§ 388 BGB) ainsi que dans plusieurs autres États-membres de l'Union européenne [4]. En droit anglais ainsi que, avec quelques nuances, en droit écossais et irlandais, la compensation légale n'existe pas et elle ne peut être que conventionnelle ou prononcée par le juge. La Commission Lando a toutefois relativisé les différences entre le système de la compensation légale automatique et celui de la compensation légale par déclaration [5]. Il est vrai qu'en pratique il est normal, même dans un système de compensation automatique où les créances s'éteignent le cas échéant à l'insu des débiteurs [6], que l'un des créanciers informe l'autre de la compensation intervenue. La différence se situe donc essentiellement dans la date de la compensation: au moment de l'exigibilité des deux créances dans le système de la compensation automatique et au moment de la déclaration dans l'autre système. On notera que le système de la compensation par déclaration amène à distinguer les deux créances d'un point de vue terminologique: la créance de la partie qui déclare la compensation est appelée la contre-créance et la créance à l'encontre de la personne qui déclare la compensation est qualifiée de créance principale (ou créance passive).
4.Il est clair que l'analyse de la compensation dans chaque système de droit national influence la qualification de cette institution dans chaque système de droit international privé. On examinera successivement le cas de la compensation légale, de la compensation conventionnelle et de la compensation judiciaire.
II. | La compensation légale |
a. | La doctrine contemporaine |
5.La loi applicable à la compensation légale fait l'objet d'un large consensus chez les auteurs belges et français. Il convient d'appliquer la loi de chacune des créances et c'est seulement en cas de réunion des conditions de la compensation posées par chacune de ces deux lois qu'il y aura compensation. La compensation est ainsi considérée comme un élément du domaine de la loi applicable à chacune des créances en tant que mode d'extinction de ces créances. Elle ne peut donner l'impression d'un rattachement propre que dans l'hypothèse où la loi applicable à chacune des créances est la même.
Ainsi Rigaux et Fallon enseignent que “si la compensation invoquée résulte directement de la loi (compensation légale), l'effet extinctif sur chacune des obligations concernées implique un rattachement cumulatif des conditions de la compensation aux lois qui régissent chacune des créances en cause” [7]. La même position est exprimée par MM. Van Hecke et Lenaerts [8]. En France, MM. Batiffol et Lagarde précisent qu'“entre plusieurs solutions possibles, la solution la plus satisfaisante paraît être de n'admettre la compensation que si elle est prévue dans le cas considéré par les deux lois gouvernant les obligations à compenser” [9]. Cette solution est partagée par la plupart des auteurs [10]. Seul M. Audit paraît hésiter entre cette solution et celle consistant à appliquer la loi applicable à la créance à laquelle la compensation est opposée [11]. On notera que la plupart des auteurs ne traitent de la compensation qu'à l'occasion de l'examen des obligations contractuelles [12]. En cas de procédure collective à charge d'une des deux parties, tous les auteurs admettent que l'opposabilité de la compensation aux autres créanciers dépend de la loi qui gouverne cette procédure [13].
6.Comme l'a écrit M. Sacerdotti il y a plus d'un siècle [14], la solution du cumul est “très logique” dans un système analysant la compensation comme un mode d'extinction de chacune des créances en cause. Il s'agit même, comme l'ont observé MM. Battiffol et Lagarde, d'une solution qui élimine le conflit de lois applicables à la compensation, en tant qu'institution autonome, puisque le domaine de la loi applicable à chacune des créances est conservé. Mais on peut lui reprocher de réduire la compensation à un mode d'extinction des obligations et d'ignorer sa dimension de voie d'exécution ou de sûreté. En outre, comme tout système recherchant un commun dénominateur, il aboutit à limiter sensiblement les possibilités de compensation aux seules créances gouvernées par une loi appliquant le système de la compensation légale et lorsque les conditions fixées par les deux lois en présence sont réunies. Enfin, comme le souligne Mme Watté, cette solution ne permet pas de déterminer la loi applicable à la compensation, qui n'est donc pas appréhendée en tant qu'institution, mais aboutit à combiner deux lois dont en définitive aucune ne sera entièrement respectée [15].
b. | La doctrine ancienne |
7.La question de la loi applicable à la compensation légale était davantage discutée dans la doctrine ancienne. A. Sacerdotti, aux termes d'une analyse des systèmes en présence, avait élaboré un système finalement assez proche de celui du cumul des conditions: il faut, selon lui, appliquer cumulativement les conditions prévues par chacune des lois en présence mais lorsque l'une de ces lois n'autorise que la compensation par la voie judiciaire, c'est la lex fori qui s'applique [16].
F. Despagnet estimait que la compensation n'entre pas dans les prévisions normales des contractants et ne peut donc être régie par la même loi que le contrat [17]. Il a plaidé pour l'application de la loi du pays où s'est accompli le fait qui a donné naissance à la compensation, c'est-à-dire le lieu de naissance de la deuxième créance. Même si on adaptait cette solution en appliquant la loi de l'obligation née de la seconde [18], elle ne tiendrait pas compte de la nature de la compensation qui suppose nécessairement deux créances pour exister et il n'y a pas de raison de n'appliquer que la loi applicable à la créance postérieure.
A. Rolin, qui a bâti son Traité sur l'ordre des dispositions du Code civil, a étudié la compensation de manière horizontale, quelle que soit la nature des obligations en cause [19]. Il estimait que la compensation devait être régie soit par la loi qui régit l'obligation dont l'exécution est réclamée soit par la loi en vigueur dans le pays où le créancier agit, c'est-à-dire la lex fori.
P. Arminjon a critiqué la solution de M. Rolin qui présuppose une action en justice alors que la compensation est automatique en droit français. Il a suggéré ce qui allait devenir la position de la doctrine contemporaine: “puisque la compensation a pour effet d'éteindre l'ancienne et la nouvelle obligation, il convient d'observer simultanément (les deux lois en présence) pour déterminer les conditions de ce mode d'extinction et ses effets, ce qui revient à dire que c'est la plus sévère et la plus restrictive des lois qui s'appliquera” [20].
c. | Les droits allemand et anglais |
8.Le droit allemand applique la loi de la créance principale à laquelle la compensation est opposée. Cette loi détermine les conditions de la compensation et ses conséquences. Cette solution est constante en doctrine [21]. La jurisprudence, qui n'est pas rare [22], est fixée dans le même sens depuis un arrêt de la Cour suprême de 1891 qui avait décidé que “les conditions de la compensation se déterminent d'après la loi qui régit la créance que l'on prétend avoir éteint par compensation” [23]. La position allemande a inspiré une solution législative similaire en Suisse [24].
9.En droit anglais, la solution traditionnelle est en faveur d'une qualification procédurale de la compensation et donc de l'application de la lex fori [25].
Cheshire et North, qui ne citent pas spécifiquement le cas de la compensation, expliquent à cet égard que si les droits substantiels peuvent être soumis à une loi étrangère en fonction des règles de conflits de lois, il n'en est pas de même pour l'action qui est nécessairement soumise à la lex fori.
Ces auteurs reconnaissent que la distinction entre droit et action est parfois délicate et guidée en définitive par des considérations d'opportunité: “les tribunaux, lorsqu'ils sont confrontés à un problème de conflit de lois et qu'ils sont alors tenus d'appliquer la loi étrangère, ne sont pas censés importer toutes les règles posées par cette loi étrangère”, en particulier celles de nature technique et procédurales [26].
d. | La jurisprudence |
10.La jurisprudence en droit belge et français est pratiquement inexistante. Cette situation pourrait signifier que la solution du cumul n'est pas remise en cause par les parties. Compte tenu de la pratique quotidienne de la compensation dans la vie des affaires, il est permis de penser que dans les faits, les parties s'écartent de la solution du cumul ou bien en privilégiant des compensations conventionnelles ou bien, en imposant une compensation automatique lorsqu'une seule des lois en présence l'autorise.
11.On signale, généralement [27] à l'appui de la solution du cumul, deux décisions françaises qui sont cependant d'interprétation délicate. Un arrêt de la cour d'appel de Paris de 1938 a appliqué à une compensation, entre un solde de compte courant régi par la loi anglaise et une créance résultant de diverses opérations régies par le droit français, une solution de cumul. La cour a en effet recherché l'exigibilité de la première créance selon le droit anglais et de la seconde selon le droit français sans préciser toutefois si le droit français a été appliqué comme loi du contrat ou comme lex fori [28].
Plus récemment, la cour d'appel de Grenoble [29] a appliqué la Convention d'Ottawa du 28 mai 1988 relative à l'affacturage international à titre de loi commune aux créances à compenser. L'article 9 § 2 de cette Convention [30], qui n'est pas en vigueur en Belgique, dispose que le débiteur peut exercer contre le cessionnaire de la créance “tout droit à compensation relatif à des droits ou actions existants contre le fournisseur en faveur duquel la créance est née et qu'il peut invoquer à l'époque où la notification par écrit de la cession a été donnée(…)”. La Convention d'Ottawa faisait partie de la loi italienne applicable aux créances mais également de la lex fori. Cet arrêt ne permet donc pas de déterminer le mode de raisonnement suivi par la cour.
12.Tout à fait explicite, encore qu'il ne statue pas uniquement sur du droit national, est l'arrêt rendu par la Cour de justice le 10 juillet 2003 dans l'affaire CCRE [31]. La Cour pose le principe selon lequel la compensation “requiert de s'assurer, en ce qui concerne chacune des créances concernées, que les conditions en matière de compensation que prévoit l'ordre juridique dont elles relèvent respectivement ne sont pas méconnues” [32]. Plutôt qu'un problème de conflit de lois, il s'agissait en l'occurrence, comme le précise la Cour, d'un conflit “d'ordres juridiques” puisque l'une des créances était régie par le droit belge et l'autre par le droit communautaire. La position de la Cour n'en reste pas moins clairement exprimée en faveur du cumul.
e. | Les textes légaux et conventionnels |
13.Le Code belge de droit international privé [33] ne comporte pas de disposition spécifique à la compensation, sauf en ce qui concerne la compensation à l'égard de débiteurs en état d'insolvabilité qui est régie par le droit applicable à la créance du débiteur insolvable (art. 119 § 2, 2°). S'agissant des obligations contractuelles, le Code renvoie à la Convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles (art. 98 § 1) et s'agissant des obligations extracontractuelles, la compensation n'est pas mentionnée parmi les matières relevant du domaine de la loi applicable (art. 103).
14.La Convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles ne contient pas davantage de précision sur la compensation. L'article 10 § 1er, d) de cette Convention soumet à la loi du contrat “les divers modes d'extinction des obligations”. Le rapport de MM. Giuliano et Lagarde [34] ne mentionne pas la compensation parmi ces modes d'extinction mais M. Lagarde s'est prononcé en ce sens [35]. Il reste que la Convention de Rome ne donne pas de réponse lorsque les deux créances sont soumises à des lois différentes. Il en résulte que chaque État-membre doit appliquer, sur ce point, la solution dégagée par son droit international privé [36].
15.Le règlement 1346/2000 relatif aux procédures d'insolvabilité [37] dispose que “l'ouverture de la procédure d'insolvabilité n'affecte pas le droit d'un créancier d'invoquer la compensation de sa créance avec la créance du débiteur lorsque cette compensation est permise par la loi applicable à la créance du débiteur insolvable” (art. 6 § 1). Il ne s'agit donc pas d'une détermination de la loi applicable à la compensation mais de la loi applicable à la possibilité de compenser la créance détenue par un débiteur faisant l'objet d'une procédure d'insolvabilité. Mais, même limitée à ce point précis, il s'agit de l'application de la loi de la créance passive. Cette solution a clairement inspiré la rédaction de l'article 119 § 2, 2° du Code de droit international privé belge (supra, n° 13).
L'article 6 § 2 précise classiquement que “les actions en nullité, en annulation ou en inopposabilité” sont régies par la loi de l'État-membre sur le territoire duquel la procédure d'insolvabilité est ouverte. L'article 4 § 2, d) confirme que les conditions d'opposabilité de la compensation sont régies par cette dernière loi [38].
Les directives concernant l'assainissement et la liquidation des entreprises d'assurance [39] et les établissements de crédit [40] ont renvoyé, à la loi de l'État-membre d'origine de l'entreprise concernée, la compétence pour déterminer les conditions d'opposabilité de la compensation. La loi de transposition de ces directives en droit belge [41] prévoit que lorsque l'entreprise de crédit [42] ou l'entreprise d'assurances [43] ont la Belgique pour État d'origine, la mise en oeuvre des mesures d'assainissement ou l'ouverture d'une procédure de faillite n'affectent pas le droit des créanciers d'invoquer la compensation de leurs créances avec une créance de l'établissement de crédit ou de l'entreprise d'assurances lorsque cette compensation est permise par la loi applicable à la créance de cet établissement ou de cette entreprise. Il s'agit donc également d'une application spécifique de la loi de la créance passive.
16.Dans son Livre vert sur la communautarisation de la Convention de Rome précitée [44], la Commission européenne a suggéré d'introduire une disposition sur la compensation dans l'instrument qui succédera à la Convention de Rome. Cette disposition pourrait, selon le Livre vert, consacrer l'un des deux systèmes: soit l'application cumulative des lois en présence, soit l'application de la loi qui régit la créance à laquelle la compensation est opposée. La Commission a souligné que la première solution est restrictive et la seconde est conforme à la solution retenue par le règlement 1346/2000 dans le cas particulier de l'insolvabilité du titulaire de la créance passive.
Les contributions à ce Livre vert ont été publiées [45]. Certaines contributions ont plaidé pour la solution du cumul en se référant notamment à l'arrêt CCRE de la Cour de justice. C'est le cas du groupe de droit international privé, composé d'experts universitaires, qui a suggéré une disposition spécifique de l'instrument communautaire qui succédera à la Convention de Rome selon lesquelles “l'extinction par compensation de deux ou plusieurs obligations dont l'une au moins est contractuelle est régie cumulativement par la loi applicable à chacune de ces obligations”. Le gouvernement britannique a déconseillé une règle de conflit sur la compensation et a souligné la nécessité d'appliquer à celle-ci la lex fori.
La plupart des autres contributions, émanant de praticiens, universitaires, représentants des milieux d'affaires et des consommateurs, se sont prononcées en faveur de la loi applicable à la créance passive pour des raisons pratiques et de cohérence avec le règlement 1346/2000.
C'est la solution que la Commission européenne a retenue dans sa proposition du 15 décembre 2005 [46]. Il y est proposé que le futur règlement comporte une disposition (art. 16) selon laquelle “la loi applicable à la compensation légale et celle de l'obligation contre laquelle la compensation est invoquée”. Cette disposition reste toutefois limitée à ces obligations puisque l'article 1er de la proposition de règlement limite le champ d'application de celui-ci aux obligations contractuelles et n'a pas explicitement vocation à régir des compensations entre obligations contractuelles et extracontractuelles. Les travaux législatifs sur cette proposition pourraient opportunément étendre l'article 16 pour en faire une disposition horizontale applicable à toute compensation, ce qui impliquerait, sur ce point, une modification du champ d'application du futur règlement.
17.Le futur règlement sur la loi applicable aux obligations non-contractuelles (“Rome II”) est sur le point d'être adopté mais il ne comportera vraisemblablement aucune disposition sur la compensation. Il se limite à prévoir, sur le modèle de l'article 10 de la Convention de Rome, que dans le domaine de la loi applicable aux obligations non-contractuelles figurent “les divers modes d'extinction des obligations” (art. 12, i)) [47].
Il faut regretter qu'il n'y ait pas au moins une disposition similaire à celle de la proposition de règlement sur la loi applicable aux obligations contractuelles.
18.On notera encore qu'aucune des Conventions de La Haye traitant de la loi applicable aux obligations contractuelles et non-contractuelles ne comporte de disposition explicite sur la loi applicable à la compensation [48].
III. | La compensation conventionnelle |
19.Il n'y a pas de controverses en qui concerne la loi applicable à la compensation conventionnelle. Cette convention, expresse ou tacite, est conclue entre deux ou plusieurs parties (convention de “netting”) [49] en vue d'éteindre tout ou partie de leurs créances réciproques au-delà des conditions de la compensation légale. C'est naturellement la loi choisie par les parties qui s'applique. Compte tenu de l'objet d'une telle convention, qui est précisément d'éteindre des créances réciproques, il est vraisemblable que ces conventions ne posent pas de difficultés en pratique. Qu'en est-il toutefois si les parties n'ont pas choisi la loi applicable à une telle convention? Si les deux créances sont soumises à la même loi, c'est cette loi qui s'applique également à la convention de compensation compte tenu de son lien avec les créances compensées. Lorsque ces deux créances ne sont pas soumises à la même loi, M. Batiffol a autrefois défendu la thèse selon laquelle une telle convention devrait être régie par la loi du lieu de sa conclusion [50]. M. Audit estime qu'il existe une présomption en faveur de la loi qui s'appliquait à la créance éteinte [51]. Cette solution peut être acceptée lorsque la convention a pour effet de n'éteindre que l'une des créances car elle introduirait une harmonie avec la solution envisagée dans la proposition de règlement sur la loi applicable aux obligations contractuelles. Mais, si la convention de compensation éteint les deux créances, il convient de revenir aux critères traditionnels de rattachement du contrat [52].
L'opposabilité de la compensation conventionnelle à un débiteur en état d'insolvabilité est réglée par le règlement 1346/2000 (supra, n° 15) [53].
IV. | La compensation judiciaire |
20.Il s'agit de la compensation prononcée par un juge lorsque les conditions de fond pour la compensation ne sont pas réunies pour la compensation légale. Il n'y a ici également aucune controverse: l'application de la lex fori est unanimement acceptée [54]. On signalera toutefois quelques nuances. Despagnet, bien qu'en faveur de la lex fori, ajoute, de façon paradoxale qu'il appartient au juge de suivre la loi de l'obligation compensée pour savoir si les conditions de la compensation judiciaire sont réunies [55]. Mme Jobard-Bachellier doute de l'existence d'un régime autonome de la compensation judiciaire mais ne remet pas en cause l'application de la lex fori [56]. Mme Watté observe que le juge ne prononce en réalité pas la compensation mais il rend possible une compensation légale en opérant la liquidation des créances en cause. Elle suggère en conséquence de n'admettre la compensation judiciaire que si la loi applicable aux créances en cause l'autorise dans son principe [57]. Cette solution reviendrait toutefois à appliquer à la compensation judiciaire un système de cumul qui, même limité au principe de la compensation, se heurte aux critiques formulées à l'encontre de ce système (supra, n° 6). Un arrêt de la Cour de cassation française du 22 avril 1986 a appliqué la lex fori française à propos de l'existence d'un lien de connexité entre des créances réciproques qui aurait pu permettre à un tiers saisi d'opposer à un saisissant la compensation à l'égard du saisi [58].
V. | Conclusion |
21.La solution actuellement donnée au problème de la loi applicable à la compensation légale est gouvernée par l'analyse de cette institution en droit interne. Le droit belge, connaissant le système de la compensation automatique, est logiquement dominé par la solution du cumul consistant à rechercher si les conditions de la compensation sont réunies dans la loi applicable à chaque créance.
Cette solution pourrait connaître prochainement une évolution importante dans le domaine des obligations contractuelles, sous l'influence du règlement “Rome I” qui succédera à la Convention de Rome. Ce règlement pourrait en effet retenir la solution des pays qui connaissent un système de compensation légale par déclaration, à savoir l'application de la loi qui régit la créance passive. Cette solution paraît mieux adaptée à la vie des affaires dès lors qu'elle favorise les cas de compensation. Elle apporte une véritable solution de conflits de lois à la détermination de loi applicable à la compensation. Elle permet également une solution en harmonie avec le règlement communautaire relatif aux procédures d'insolvabilité et avec la solution retenue par certains auteurs pour déterminer la loi applicable aux conventions de compensation lorsque les parties n'ont pas exprimé de choix. Il faut souhaiter que le futur règlement comporte une disposition horizontale sur la compensation, dépassant le cas des compensations entre obligations contractuelles mais s'appliquant à toute compensation quelle que soit la source des obligations compensées. Mais même si cette solution reste limitée aux obligations contractuelles, il est permis de penser qu'elle pourrait en pratique être appliquée aux autres obligations.
À signaler enfin que si la loi applicable à la compensation légale est à l'avenir celle de la loi applicable à la créance passive, il pourrait y avoir un glissement en droit interne vers un système de compensation par déclaration mieux adapté à la nouvelle solution en droit international privé.
[1] | Sur la distinction entre une exception de compensation et une demande reconventionnelle au sens de l'art. 6 § 3 de la Convention de Bruxelles sur la compétence et l'exécution des décisions judiciaires, voy. C.J.C.E. 13 juillet 1995, aff. C-341-93, Otterbeck, Rec., p. I-02053. |
[2] | Il s'agit, outre des droits belge et français, des droits espagnol, grec, italien, luxembourgeois et portugais. L'avocat général Léger a exposé de manière détaillée les différentes conceptions de la compensation en droit comparé dans ses conclusions précédant l'arret précité (points 27 à 31 des conclusions) et il a complété cette analyse sur les droits autrichien, grec, espagnol et luxembourgeois dans ses conclusions précédant l'arrêt de la C.J.C.E. 10 juillet 2003, aff. C-87/01 P, Commission/Conseil des Communes et régions d'Europe (CCRE), Rec. 2003, p. I-07617 (points 44 à 50). |
[3] | En droit belge, la condition de certitude de la créance s'interprète comme une créance non “sérieusement contestée”. Des contestations “purement dilatoires ou fantaisistes” ne sont pas suffisantes pour faire obstacle à la compensation et, en cas de discussion, le juge apprécie souverainement le caractère sérieux de la contestation. À l'instar des autres conditions de la compensation, la condition de certitude est soumise au contrôle du juge qui sera saisi par le créancier auquel la compensation a été opposée et si la créance n'est pas certaine, le juge condamnera le prétendu créancier au paiement de sa dette. En d'autres termes, et cette conclusion ne se limite pas au droit belge, une contestation n'est pas un obstacle à la compensation: elle signifie que le créancier qui oppose une compensation malgré une contestation s'expose à être condamné au paiement de sa dette et, le cas échéant selon les modalités prévues par le droit applicable, au paiement d'intérêts de retard. Comp. avec la définition des créances incontestées par le règlement 805/2004 du 21 avril 2004 portant création d'un titre exécutoire pour les créances incontestées (art. 3), J.O.U.E. L. 143, 30 avril 2004, p. 15. |
[4] | En Autriche, au Danemark, en Finlande, aux Pays-Bas et en Suède. Voy. les conclusions de l'avocat général Léger citées à la note n° 317. |
[5] | Les travaux de la Commission pour le droit européen des contrats ont donné lieu à des Principes du droit européen du contrat, publiés en français par G. Rouhette, qui comportent de très riches indications sur le droit comparé. L'art. 13.104 de ces principes dispose que “la compensation s'opère par notification à l'autre partie”. Sur les différents systèmes juridiques en présence, cons. également R. Zimmermann, Comparative foundations of a European law of set-off and prescription, pp. 18 à 61. |
[6] | H. De Page, Traité élémentaire de droit civil belge, t. III, 3ème éd., n° 618. |
[7] | F. Rigaux et M. Fallon, Droit international privé, 3ème éd., n° 14.59, p. 815. |
[8] | G. Van Hecke et K. Lenaerts, Internationaal privaatrecht, 2ème éd., A.P.R., p. 322, n° 687 et p. 364, n° 397. |
[9] | H. Batiffol et P. Lagarde, Droit international privé, 7ème éd., t. II, n° 614, p. 351. |
[10] | P. Mayer et V. Heuzé, Droit international privé, 7ème éd., t. II, p. 501, n° 749; Y. Loussouarn, “Les sûretés traditionnelles en droit international privé”, in A. Bruyneel et A.-M. Stranart (dir.), Les sûretés, Feduci, p. 429, spéc. 445; A. Dreyfus, L'acte juridique en droit international privé, p. 374; A. Sinay-Cytermann, Jurisclasseur, Droit international, v° obligations, n° 191 se référant également aux opinions de Niboyet et d'Audinet. |
[11] | B. Audit, Droit international privé, n° 832, p. 658. Voy. également M. Santa-Croce, Jurisclasseur, Droit international, v° Contrats internationaux, n° 66. |
[12] | À l'exception de G. Van Hecke et K. Lenaerts, l.c., en Belgique et de P. Mayer et V. Heuzé, l.c., en France. |
[13] | Voy. outre les auteurs cités aux notes précédentes, M.-N. Jobard-Bachellier, note sous Cass. fr. 6 juin 1990, R.C.D.I.P. 1993, p. 425. |
[14] | A. Sacerdotti, “Conflits de lois en matière de compensation dans les obligations”, Clunet, 1896, p. 57. |
[15] | N. Watté, “Questions de droit international privé des sûretés”, Le droit des sûretés, Éd. du Jeune Barreau, 1992, p. 305, spéc. p. 319, n° 49. |
[16] | A. Sacerdotti, o.c., Clunet, 1896, p. 60. |
[17] | F. Despagnet, Précis de droit international privé, 4ème éd., n° 316, p. 659. |
[18] | Voy. en ce sens A. Weiss, Traité théorique et pratique de droit international privé, 2ème éd., t. IV, p. 95. |
[19] | A. Rolin, Principes du droit international privé, t. II, n° 997 p. 580. Voy. également Valéry, Manuel de droit international privé, n° 700, p. 2018. |
[20] | P. Arminjon, Précis de droit international privé, t. II, n° 155, p. 341. |
[21] | Ch. Riethmann, Internationales Vertragsrecht, 3ème éd., notes 159 et 160; K. Bohlhoff et J. Budder, “The law of set-off in Germany”, Int. Fin. Law review 1984, p. 28, spéc. 32. |
[22] | BGH 22 novembre 1962, 38 B.G.H.Z., 254; Francfort 27 octobre 1966, NjW 1967, p. 501; Hambourg 16 novembre 1953, A.W.D. 1974, p. 420. |
[23] | Trib. Féd. d'Empire 1er juillet 1890, Clunet, 1891, p. 781. |
[24] | L'art. 148 de la loi fédérale suisse du 18 décembre 1987 sur le droit international privé se lit “en cas d'extinction (des créances) par compensation, le droit applicable est celui qui régit la créance à laquelle la compensation est opposée”. Voy. le texte à la R.C.D.I.P. 1988, p. 436. On notera qu'il s'agit d'un texte horizontal qui s'applique à toutes les obligations, quelle que soit leur source. |
[25] | A.V. Dicey et J.H.C. Morris, A digest of the laws of England with reference to the conflict of laws, 11ème éd., Lawrence Collins éd., p. 1194. Comp. toutefois Dicey et Morris, The Conflicts of Laws, 12ème éd., vol. 2, p. 1267 qui estiment qu'en matière contractuelle “il est vraisemblable” que la question de savoir si la compensation éteint une obligation est régie par la loi applicable au contrat qui lui a donné naissance. |
[26] | Cheshire et North, Private international law, 11ème éd. par P.M. North et J.J. Fawcett, p. 74. |
[27] | Y. Loussouarn, o.c. et l.c.; A. Sinay-Cytermann, o.c., Jurisclasseur, Droit international, nos 193 et 194. |
[28] | Paris 29 mars 1938, Clunet, 1938, p. 749 et note P. Tager, ibid., p. 1017. |
[29] | Grenoble 13 septembre 1995, R.C.D.I.P. 1996, p. 676, note D. Pardoel. |
[30] | Il s'agit d'une Convention Unidroit. Voy. J. Beghin, “La Convention d'Ottawa du 28 mai 1988 sur l'affacturage international”, Mélanges Y. Guyon, pp. 58 et s. |
[31] | C.J.C.E. 10 juillet 2003, aff. C-87/01 P, Commission/Conseil des communes et régions d'Europe (CCRE), Rec. 2003, p. I-07617, spéc. point 61. Sur cet arrêt, voy. M. Fallon, “Compensation légale de créances en d.i.p. et ses effets dans l'ordre juridique communautaire”, Revue@dipr.be 2003, n° 4, p. 68; S. Tonolo, “La legge applicabile alla compensazione legale dei crediti nell'ordinamento comunitario”, Riv. Dir. int. priv. e proc. 2004, p. 575 et, à la fois sur les aspects de droit international privé et de droit financier européen, M. Ekelmans, “L'arrêt CCRE et la compensation des créances communautaires”, C.D.E. 2003, p. 695. |
[32] | Point 61 de l'arrêt du 10 juillet 2003 cité à la note précédente. |
[33] | Loi du 16 juillet 2004, M.B. 27 juillet 2004, p. 57344. Sur ce code, voy. H. Boularbah e.a., “Le nouveau Code de droit international privé belge”, J.T. 2005, p. 73, spéc. p. 199 (insolvabilité par V. Marquette) et J. Erauw e.a., Le Code de droit international privé commenté. |
[34] | J.O.C.E. C. 282, 31 octobre 1980, p. 1. |
[35] | P. Lagarde, Enc. Dalloz, Droit communautaire, v° Convention de Rome (obligations contractuelles), n° 143. |
[36] | P. Lagarde, “Le nouveau droit international privé des contrats”, R.C.D.I.P. 1991, p. 334. |
[37] | Règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, J.O.C.E. L. 160, 30 juin 2000, p. 1. |
[38] | Sur l'articulation des art. 4 et 6 du règlement 1346/2000, voy. M. Virgos Soriano et F.J. Garcimartin Alferez, Comentario al reglemento europeo de insolvencia, p. 112, n° 177. |
[39] | Directive 2001/17/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mars 2001 concernant l'assainissement et la liquidation des entreprises d'assurance, J.O.C.E. L. 110, 20 avril 2001, p. 28, spéc. art. 9 § 2, c). |
[40] | Directive 2001/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 avril 2001 concernant l'assainissement et la liquidation des établissements de crédit, J.O.C.E. L. 125, 5 mai 2001, p. 15, spéc. art. 10 § 2, c). |
[41] | Loi du 6 décembre 2004 modifiant notamment en matière d'insolvabilité, la loi du 22 mars 1993 relative au statut et au contrôle des établissements de crédit et la loi du 9 juillet 1975 relative aux contrôle des entreprises d'assurance, M.B. 28 décembre 2004, p. 85856. |
[42] | Nouvel art. 109/222 introduit par la loi du 6 décembre 2004 précitée dans la loi du 22 mars 1993 relative au statut et au contrôle des établissements de crédit. |
[43] | Nouvel art. 48/22 introduit par la loi du 6 décembre 2004 précitée dans la loi du 9 juillet 1975 relative au contrôle des entreprises d'assurance. |
[44] | Livre vert de la Commission sur la transformation de la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles en instrument communautaire ainsi que sur sa modernisation, Com. (2002) 654 final, n° 3.3.15. |
[45] | http://ec.europa.eu/justice_home/news/consulting_public/rome_i/news_summary_rome1_en.htm . |
[46] | Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la loi applicable aux obligations contractuelles (“Rome I”), Com.(2005) 650 final, J.O.U.E. C. 70, 2005, p. 6. |
[47] | Proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (“Rome II”), Com. (2006) 83 final du 21 février 2006. |
[48] | Convention du 4 mai 1971 sur la loi applicable en matière d'accidents de la circulation routière, entrée en vigueur le 3 juin 1975 et ratifiée par la Belgique; Convention du 2 octobre 1973 sur la loi applicable à la responsabilité du fait des produits, entrée en vigueur le 1er octobre 1977, signée mais non ratifiée par la Belgique (voy. l'art. 8 sur le domaine de la loi applicable ne mentionnant pas les modes d'extinction parmi les matières couvertes); Convention du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes à caractère international d'objets mobiliers, entrée en vigueur le 1er septembre 1964 mais dénoncée par la Belgique; Convention du 22 décembre 1986 sur la loi applicable aux contrats de vente internationale de marchandises non en vigueur (voy. son art. 12 insérant “les divers modes d'extinction des obligations” dans le domaine de la loi applicable). |
[49] | Les conventions de netting sont des “conventions de novation ou de compensation bilatérales ou multilatérales” (art. 3, 4° et 4 § 2 de la loi du 15 décembre 2004 relative aux sûretés financières, M.B. 14 février 2005, 2ème éd., p. 2961). |
[50] | H. Batiffol, Les conflits de lois en matière de contrats, n° 563, p. 448, cité par Y. Loussouarn, l.c. |
[51] | B. Audit, Droit international privé, n° 832, p. 658. |
[52] | Sur ceux-ci, voy. l'art. 4 de la Convention de Rome et spécialement les “liens les plus étroits”. Voy. à ce propos, N. Watté, “Questions de droit international privé des sûretés”, o.c., 321, n° 53. |
[53] | L'art. 15 de la loi du 15 décembre 2004 relative aux sûretés financières (M.B. 1er février 2005, 2ème éd., p. 2961) reconnaît, en droit belge, l'opposabilité des conventions de compensation même en cas de procédure d'insolvabilité ce qui paradoxalement est plus généreux que pour la compensation légale. Voy. A. Zenner et I. Peeters, “Faillite et compensation, une révolution copernicienne”, J.T. 2005, p. 333 . En ce sens déjà, en ce qui concerne les établissements de crédit, voy. l'art. 109/19 de la loi du 22 mars 1993 relatif au statut et au contrôle des établissements de crédits, introduit par la loi du 6 décembre 2004, M.B. 28 décembre 2004, p. 85856, dont le point 5° prévoit que “(…) les conventions de compensation bilatérale ou multilatérale (…) sont exclusivement régies par la loi applicable à ces conventions”. |
[54] | H. Batiffol et P. Lagarde, Droit international privé, t. II, 7ème éd., n° 614, p. 350; F. Rigaux et M. Fallon, Droit international privé, 3ème éd., l.c.; A. Sinay-Cytermann, Jurisclasseur, Droit international, v° Obligations, n° 201. |
[55] | F. Despagnet, Droit international privé, 4ème éd., n° 316, p. 659. |
[56] | M.-N. Jobard-Bachellier, Rép. Dalloz international, v° Obligation, n° 83. |
[57] | N. Watté, “Questions de droit international privé des sûretés”, o.c., p. 320, n° 52. |
[58] | Cass. fr. 22 avril 1986, Clunet, 1987, p. 104 et note A. Lhermitte. |