Article

Cour d'appel Mons, 30/01/2006, R.D.C.-T.B.H., 2006/8, p. 851-853

Cour d'appel de Mons 30 janvier 2006

FAILLITE
Curateur - Honoraires du curateur - Demande de taxation d'honoraires extraordinaires - Régime applicable au moment de l'ouverture de la faillite - Rémunération des devoirs extraordinaires fixée en équité
Les honoraires et frais dus au curateur sont fixés conformément aux règles appliquées au moment de l'ouverture de la faillite par le tribunal de commerce qui a déclaré la faillite. Le curateur n'étant pas soumis à une obligation de résultat, la rémunération des devoirs extraordinaires ne peut dépendre du résultat obtenu ni de l'actif disponible. Elle doit être fixée en équité.

FAILLISSEMENT
Curator - Ereloon van de curator - Vordering tot begroting van een buitengewoon ereloon - Toepasselijk stelsel ten tijde van de opening van het faillissement - Beloning voor buitengewone taken vastgesteld naar billijkheid
Het ereloon en de vergoeding voor kosten verschuldigd aan de curator worden bepaald overeenkomstig de regels toepasselijk ten tijde van de opening van het faillissement door de rechtbank van koophandel die het faillissement heeft uitgesproken. Aangezien de curator niet onderworpen is aan een resultaatsverbintenis, mag de beloning voor buitengewone taken niet afhangen van het behaalde resultaat of van het beschikbare actief. Zij dient te worden vastgesteld naar billijkheid.

Me H. Born q.q.

Siég.: Y. Vanthuyne (conseiller ff. président)
Pl.: Me H. Born

La cour, après avoir délibéré, rend l'arrêt suivant:

I. La décision attaquée

L'appel est dirigé contre le jugement prononcé le 3 juin 2005 par la 4ème chambre du tribunal de commerce de Charleroi en la cause portant le numéro de rôle général F/2005/00870.

Produite en copie certifiée conforme, cette décision:

- déclare la demande de taxation d'honoraires extraordinaires partiellement fondée;

- taxe les honoraires de Maître H. Born, en sa qualité de curateur de la faillite de la SA Louis, à la somme de 2.000 euros.

II. La procédure devant la cour

Le 17 octobre 2005 Maître H. Born qualitate qua a déposé une requête d'appel au greffe de la cour, critiquant le jugement énoncé ci-avant en ce qu'il ne lui a accordé que la somme de 2.000 euros au titre d'honoraires extraordinaires.

Il demande à la cour de taxer ses honoraires extraordinaires, du chef des devoirs qu'il a prestés dans le litige qu'il a conduit à son terme contre l'ONPTS, d'abord devant le tribunal de première instance de Charleroi et ensuite devant la cour d'appel de Mons, à la somme de 6.000 euros ou, subsidiairement, à un montant que la cour fixera, plus en rapport que celui alloué avec le travail fourni, l'importance des enjeux initiaux et la complexité à tout le moins technique du litige ayant justifié la qualification de ces prestations comme des devoirs extraordinaires.

L'appel est recevable.

III. Discussion

Le curateur fait grief au premier juge d'avoir limité le montant des honoraires extraordinaires qu'il réclamait pour un procès qu'il a mené à l'encontre de l'ONPTS.

L'article 33 de la loi du 8 août 1957 sur les faillites dispose, d'une part, que les honoraires des curateurs sont fixés en fonction de l'importance et de la complexité de leur mission, et, d'autre part, que les honoraires ne peuvent être fixes exclusivement sous la forme d'une indemnité proportionnelle aux actifs réalisés.

Il prévoit, pour le surplus, que les règles et barèmes relatifs à la fixation des honoraires sont établis par le Roi.

L'arrêté royal du 10 août 1998 pris en exécution de l'article 33 alinéa 1er de la loi sur les faillites, met en oeuvre le système mixte consacré par l'article 33 susmentionné.

L'article 5 de cet arrêté royal précise que les honoraires couvrent les prestations ordinaires du curateur dans le cadre d'une liquidation normale de la faillite telles que: la procédure de fixation de la date de cessation de paiement, l'inventaire, les inscriptions hypothécaires prises au nom de la masse, la vérification des créances, la réalisation et la liquidation de l'actif, les contestations ou autres actions en justice, soit comme demandeur, soit comme défendeur, pour écarter les créances non justifiées ou exagérées, la recherche et le recouvrement de créances, les négociations du curateur avec les créanciers ou les tiers, l'examen de la comptabilité existante et des papiers du failli, les opérations de clôture, la correspondance, les plaidoiries.

L'article 9 de cet arrêté royal dispose néanmoins qu'en ce qui concerne les faillites ouvertes avant l'entrée en vigueur de la loi du 8 août 1997, ce qui est le cas en l'espèce, les honoraires et frais dus au curateur sont fixés conformément aux règles appliquées au moment de l'ouverture de la faillite par le tribunal de commerce qui a déclaré la faillite.

C'est donc uniquement à ces règles qu'il convient d'avoir égard dans le cas d'espèce.

Évoquant la notion d'honoraires extraordinaires, I. Veroug­straete écrivait à l'époque:

“La notion est ambiguë. Lorsque le curateur réclamera des honoraires, ce sera pour les actes qu'il a accomplis en tant que curateur, et il n'y a pas de raison a priori pour s'écarter d'un taux de rémunération forfaitaire qui est admis par le tribunal, sous peine de tomber dans l'arbitraire.

M. Born, dans son étude déjà citée, suggère de regrouper les devoirs extraordinaires en deux catégories. Il y aurait d'abord ceux qui, tout en ayant été accomplis par le curateur dans l'exercice de ses fonctions, n'en sont pas moins extraordinaires parce qu'ils excèdent quantitativement ceux que comportent les faillites moyennes. Il y aurait ensuite ceux, qui, excédant le cadre des fonctions spécifiques du curateur, sont en réalité accomplis par le curateur essentiellement en sa qualité de mandataire ad litem pour des procès compliqués, ou de conseil technique ou en général de fournisseur de services et qu'un curateur eut pu confier à un tiers en passant le prix de l'intervention en frais de gestion.

La deuxième catégorie pose le moins de problèmes. Des honoraires spéciaux pourront être dus à l'avocat curateur qui n'a pas fait appel à un avocat tiers pour plaider des litiges d'une grande complexité (dépassant la simple contestation de créance ou le procès classique en récupération d'actifs ou d'annulation d'actes accomplis avant faillite) ou encore, à un expert comptable pour instruire une réclamation fiscale complexe. On ne peut s'attendre de la part du curateur raisonnablement diligent et compétent, à ce qu'il domine sur le plan juridique et technique toutes les matières: s'il a cette compétence et l'exerce au profit de la faillite, il pourra recevoir des honoraires extraordinaires (...)

(...) Dans le devoir extraordinaire, ce qui sera surtout déterminant c'est l'effort raisonnable plutôt que la réussite. Car la réussite se matérialisera par une augmentation de l'actif... pour lequel le curateur est indemnisé. Mais le fait d'épargner à la masse des créances importantes, est un facteur de réussite qui peut entrer en ligne de compte.

Le tout exigera de la part du curateur un sens de l'équité. H. Born souligne avec raison la singulière modération dont doit faire preuve le curateur-avocat qui demande des honoraires pour les prestations accomplies comme avocat. Il doit sa nomination en partie au fait qu'il est avocat et peut donc, à bon compte, accomplir des prestations à ce titre. Le barème forfaitaire des devoirs ordinaires en tient compte.” (I. Verougstraete, Manuel du curateur de faillite, Éd. Swinnen, 1987, n° 752, pp. 417 et 418).

Il est indéniable que le procès mené par le curateur de la faillite de la SA Louis dépassait, de par le caractère technique des notions qu'il véhiculait à propos précisément de la réévaluation du prix de vente final du terrain litigieux acheté par la faillie par rapport à l'évolution du marché immobilier des terrains, le simple et classique procès en récupération d'actifs (voy. le dossier de Me Born et les diverses expertises et documents techniques qu'il contient).

Ce faisant, c'est à bon droit que le premier juge a considéré que l'appelant qualitate qua pouvait prétendre, s'agissant d'une faillite ouverte avant l'entrée en vigueur de la loi du 8 août 1997 sur les faillites, à des honoraires extraordinaires pour le procès ainsi mené, même si, comme l'a souligné à juste titre le premier juge, “(...) il ne s'agit pas d'une affaire pouvant être qualifiée de simple, elle n'apparaît pas non plus d'une complexité juridique relevant d'un niveau particulièrement élevé.”.

En poursuivant ledit procès, l'appelant qualitate qua contestait la révision du prix de vente établie par l'ONPTS et cherchait ainsi à récupérer au profit de la masse une somme d'un peu plus de 100.000 euros en principal,

Le juge commissaire, dans son avis, se dit favorable à l'octroi d'honoraires extraordinaires “pour essai très élaboré d'accroître l'actif”.

Eu égard aux éléments techniques qu'il présentait, notamment le rapport de l'architecte Novis, et aux arguments qu'il développait, rien n'indique que la décision prise par l'appelant qualitate qua de poursuivre le procès entamé par la SA Louis, au moment où elle a été prise, n'ait pas été raisonnable ni qu'il ait commis une faute professionnelle quant à la conduite et/ou la poursuite de ce procès.

Même si l'appelant qualitate qua a échoué dans ses efforts, c'est à bon droit qu'il revendique l'octroi d'honoraires extraordinaires et que, sur le principe, le premier juge a fait droit à sa requête.

Comme l'indique Me Born dans l'article qu'il a consacré à la problématique des honoraires extraordinaires, les tribunaux de commerce se sont eux-mêmes interdit de taxer ces honoraires selon des bases fixes (H. Born, “La notion de devoirs extraordinaires en matière de faillites et leur évaluation”, J.C.B. 1980, pp. 261 et s., spéc. n° 48, p. 281).

Il estime pour sa part que le litige pour lequel il revendique des honoraires extraordinaires a nécessité 84 heures de prestations qui, au vu du développement du procès, sont assurément justifiées.

Appliquant un taux horaire forfaitaire de 86 euros à ces heures prestées, il considère qu'un total d'honoraires de 7.224 euros est justifié. Cependant, vu le résultat négatif obtenu et, écrit-il, dans un souci de modération, il les réduit à la somme de 6.000 euros pour laquelle il réclame taxation.

Le premier juge a retenu en équité une somme de 2.000 euros après avoir constaté d'une part, que le procès n'avait pas augmenté l'actif de la masse faillie et d'autre part, que si les honoraires demandés étaient alloués, le total des honoraires de la curatelle (honoraires ordinaires et extraordinaires) représenterait plus de 40% de l'actif disponible.

L'appelant qualitate qua critique l'évaluation du premier juge à qui il fait grief d'avoir surpondéré, sans jamais mettre en cause les prestations détaillées du curateur, les critères qu'il prenait en compte pour justifier cette réduction.

Lorsqu'il prit la décision de poursuivre le procès entamé par la SA Louis, tenant compte des éléments techniques dont il disposait, rien n'indique que l'initiative du curateur était déraisonnable et vouée à l'échec.

Au contraire, comme l'indique le juge commissaire à la faillite de la SA Louis, “l'essai était élaboré”.

Rien n'indique que le curateur ait commis une faute quelconque qui ait pu affecter les chances de succès de ce procès.

Ce faisant, la rémunération de ces devoirs extraordinaires ne peut dépendre du résultat obtenu ni de l'actif disponible, sauf à imposer au curateur une obligation de résultat.

Cette rémunération doit néanmoins être fixée en équité tenant compte de “(...) la singulière modération dont doit faire preuve le curateur-avocat qui demande des honoraires pour les prestations accomplies comme avocat. Il doit sa nomination en partie au fait qu'il est avocat et peut donc, à bon compte accomplir des prestations à ce titre. Le barème forfaitaire des devoirs ordinaires en tient compte” (I. Verougstraete, Manuel du curateur de faillite, Éd. Swinnen, 1987, n° 752, pp. 417 et 418).

Opérant donc une pondération plus appropriée à l'équité, la cour estime devoir fixer à 4.200 euros les honoraires extraordinaires dus au curateur pour les prestations qu'il a accomplies dans le cadre du procès qu'il a poursuivi à l'encontre de l'ONPTS.

Par ces motifs,

La cour,

Statuant contradictoirement,

(...)

- Reçoit l'appel et le dit partiellement fondé,

* Confirme le jugement attaqué sous la seule émendation que la taxation de 2.000 euros est portée à la somme de 4.200 euros.

- Dit que les dépens d'appel seront à charge de la masse.

(...)